Du "Forum catholique" (Jean Kinzler) :
Les confidences du cardinal Barbarin
Jugé pour ne pas avoir dénoncé le père Preynat pour agressions sexuelles sur mineurs, l'archevêque a été relaxé par la cour d'appel. Il s'explique pour la première fois.
Propos recueillis par Jérôme Cordelier, sur lepoint.fr
C'est un document de 37 pages qui reprend, de façon très détaillée, l'affaire communément désignée Preynat-Barbarin pour, au final, dédouaner le cardinal Philippe Barbarin de toute responsabilité pénale. Le 30 janvier, la cour d'appel de Lyon a relaxé le prélat : Philippe Barbarin n'a pas commis, comme on l'en accuse depuis quatre ans, l'infraction de non-dénonciation du père Preynat pour agressions sexuelles sur mineurs. C'était l'avis du parquet, en seconde comme en première instance, réquisitions que le tribunal correctionnel de Lyon n'avait pas suivies, condamnant, le 7 mars 2019, le prélat à six mois de prison avec sursis. La cour d'appel vient d'infirmer ce jugement, relevant notamment que « l'élément intentionnel du délit apparaît clairement manquant alors que Philippe Barbarin n'avait pas dissuadé Alexandre Hezez de porter plainte ». Les parties civiles ont décidé de se pourvoir en cassation. Le lendemain de l'arrêt de la cour d'appel, le cardinal Barbarin, qui n'a pas donné d'entretien depuis 2017 - hormis une intervention sur la chaîne catholique KTO, après sa condamnation en 2019 -, nous a reçu dans son bureau de la maison Saint-Irénée, sur la colline de Fourvière, pour nous confier sa part de vérité.
Une affaire de six ans
2014
Un ancien scout de Lyon, Alexandre Hezez, saisit l'archevêque de Lyon des agressions sexuelles du père Preynat.
19 décembre 2014
Le cardinal Barbarin transmet au Vatican une note sur « la situation du père Bernard Preynat ». Rome demande à l'archevêque de « prendre les mesures disciplinaires adéquates » et souligne qu'« il ne peut lui être confié un autre ministère pastoral impliquant le possible contact avec des mineurs ».
15 juillet 2015
Le parquet de Lyon ouvre une enquête préliminaire contre Bernard Preynat pour agressions sexuelles sur mineur de 15 ans.
26 février 2016
Le procureur de Lyon ouvre une enquête préliminaire pour « non-dénonciation d'agressions sexuelles sur mineurs ». Au terme des investigations et auditions, le parquet décide de ne pas donner suite. Les victimes conviennent de saisir directement le tribunal.
7 mars 2019
Philippe Barbarin est condamné à six mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Lyon.
30 janvier 2020
La cour d'appel de Lyon infirme le jugement du tribunal correctionnel et relaxe Philippe Barbarin.
Le Point : Comment interprétez-vous cet arrêt de relaxe ?
Philippe Barbarin : Avant toute chose, je voudrais dire combien ces quatre années m'ont changé. Des victimes sont venues vers moi de partout, et m'ont aidé à comprendre la gravité et la persistance de cette blessure si profonde qui a bouleversé leur vie. Lors du procès de janvier 2019, la phrase qui m'a le plus touché est celle d'une victime qui a déclaré à mon sujet : « Oui, il est traîné dans la boue depuis trois ou quatre ans. Mais est-ce que l'on se rend compte que nous, nous souffrons depuis trente ou quarante ans ? » Il avait tout dit. Pour ce qui est de l'arrêt de la cour d'appel, il m'a réconforté, évidemment ! Mais, n'étant pas juriste, je n'ai ni la compétence ni la distance suffisantes pour savoir l'interpréter. Je comprends aussi à quel point il doit être difficile de juger. Ce qui nous étonne, c'est que les mêmes textes du Code pénal peuvent être interprétés dans des sens contraires. L'acte de juger est vraiment une mission délicate.







