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littérature - Page 2

  • Pour Amin Maalouf, nous marchons comme des somnambules vers un affrontement planétaire

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    D'Alexandre Devecchio sur le site du Figaro via artofuss.blog :

    Amin Maalouf: «Nous marchons comme des somnambules vers un affrontement planétaire»

    4 octobre 2023

    EXCLUSIF – Dans son dernier livre, Le Labyrinthe des égarés (Grasset), dont Le Figaro publie en exclusivité les bonnes feuilles, le nouveau secrétaire perpétuel de l’Académie française livre une méditation puissante et angoissée sur le devenir du monde en même temps qu’une magistrale leçon d’histoire.

    La guerre entre la Russie et l’Ukraine témoigne du déclin relatif de l’Occident et n’est peut-être que le premier chapitre d’un affrontemententre les États-Unis et la Chine , analyse Amin Maalouf. L’écrivain remonte aux sources de ce nouveau conflit en retraçant l’histoire de trois pays qui ont chacun tenté de remettre en cause la suprématie globale de l’Occident: le Japon impérial, la Russie soviétique et enfin la Chine qui constitue aujourd’hui le principal «challenger» de la superpuissance planétaire américaine. En revisitant ces deux derniers siècles, Maalouf met en lumière les causes profondes des conflits en cours et alerte quant au risque d’une troisième guerre mondiale potentiellement beaucoup plus dévastatrice que les deux précédentes. Il appelle l’Europe et les États-Unis à construire enfin un système international dans lequel l’humanité entière pourrait se reconnaître.


    Le déclin de l’Occident ?

    Est-ce vraiment le déclin de l’Occident que nous avons aujourd’hui sous les yeux ? Cette interrogation n’est évidemment pas neuve, elle revient de façon récurrente depuis la Première Guerre mondiale ; le plus souvent, d’ailleurs, sous la plume des Européens eux-mêmes. Ce qui n’a rien de surprenant, puisque les puissances du Vieux Continent ont effectivement connu un « déclassement » par rapport au rang qu’elles tenaient dans le monde au temps des grands empires coloniaux. Cependant, une bonne partie de leur prépondérance perdue a été « récupérée » par cette autre puissance occidentale que sont les États-Unis d’Amérique.

    La grande nation d’outre-Atlantique s’est hissée à la première place il y a plus de cent ans ; c’est elle qui s’est chargée de barrer la route à tous les ennemis de son camp ; et à l’heure où j’écris ces lignes, elle conserve sa primauté – par sa puissance militaire, par ses capacités scientifiques et industrielles, comme par son influence politique, culturelle et médiatique dans l’ensemble de la planète. Serait-elle aujourd’hui sur le point de tomber, elle aussi, de son piédestal ? Serions-nous en train d’assister au déclassement de l’Occident tout entier, et à l’émergence d’autres civilisations, d’autres puissances dominantes ? À ces questions, qui reviendront forcément hanter nos congénères tout au long de ce siècle, j’apporterai, pour ma part, une réponse nuancée : oui, le déclin est réel, et il prend parfois les allures d’une véritable faillite politique et morale ; mais tous ceux qui combattent l’Occident et contestent sa suprématie, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, connaissent une faillite encore plus grave que la sienne.

    Si aucune nation, aucune communauté humaine, aucune aire de civilisation ne possède toutes les vertus ni ne détient toutes les réponses ; si aucune n’a la capacité ni le droit d’exercer sa domination sur les autres […] ne devrions-nous pas repenser en profondeur la manière dont notre monde est gouverné, afin de préparer, pour les générations futures, un avenir plus sereinAmin Maalouf

    Ma conviction, en la matière, c’est que ni les Occidentaux, ni leurs nombreux adversaires ne sont aujourd’hui capables de conduire l’humanité hors du labyrinthe où elle s’est fourvoyée. On ne peut que s’angoisser de cet égarement généralisé, de cet épuisement du monde, de cette incapacité de nos différentes civilisations à résoudre les problèmes si épineux auxquels notre planète doit faire face. J’aime à croire, néanmoins, que cette appréhension que j’éprouve, et que beaucoup d’autres ressentent, sous tous les cieux, finira par susciter une prise de conscience salutaire. Si aucune nation, aucune communauté humaine, aucune aire de civilisation ne possède toutes les vertus ni ne détient toutes les réponses ; si aucune n’a la capacité ni le droit d’exercer sa domination sur les autres, et qu’aucune, non plus, ne veut être soumise, rabaissée ni marginalisée ; ne devrions-nous pas repenser en profondeur la manière dont notre monde est gouverné, afin de préparer, pour les générations futures, un avenir plus serein, qui ne soit pas fait de guerres froides ou chaudes, ni de luttes interminables pour la suprématie ?

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  • Déboulonner Albert Camus ?

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    D'Eugénie Bastié sur Le Figaro (via artofuss.blog) :

    Eugénie Bastié: «Et maintenant, ils veulent déboulonner Albert Camus»

    27 septembre 2023

    Telle est la loi de l’intersectionnalité: le mâle blanc hétérosexuel est un monstre protéiforme. Voilà ce qui ressort du dernier essai de l’universitaire américain Olivier Gloag, Oublier Camus.  Le Figaro

    CHRONIQUE- Dans Oublier Camus (La Fabrique), Olivier Gloag prétend démythifier l’auteur de L’Étranger. Il serait colonialiste, raciste, machiste et munichois. Un livre purement à charge où la littérature est absente et l’idéologie omniprésente.

    Déboulonneur de statues : voilà un métier en tension dont on parle peu. Pourtant, dans les facs anglo-saxonnes, il n’est pas de situation plus enviable. Faire chuter les DWEMs («Dead White European Males», pour «Mâles européens blanc et morts») de leurs piédestaux est devenu un département à part entière de la recherche occidentale. La littérature y est enseignée comme une branche des «postcolonial studies» . Olivier Gloag, professeur à l’université de Caroline du Nord, fait partie de cette espèce qui a de commun avec les virologues de se faire spécialistes d’un sujet qu’on a pour ambition de détruire. «Oublier Camus» : tel est son programme. Et on ne parle pas de Renaud, mais bien d’Albert.

    On ouvrait cependant ce livre, sinon avec bienveillance, du moins avec curiosité. Il y a en effet quelque chose d’agaçant dans le consensus mou autour d’Albert Camus, une sorte de confort intellectuel, de culte du juste milieu, où l’injonction à la nuance masque parfois une tentation de la dérobade. Mais l’auteur ne se livre pas, dans un esprit de libre examen, à une mise à l’épreuve des contradictions de Camus. Il mêle procès d’intention, citations tronquées, malhonnêteté intellectuelle la plus crasse pour dénaturer sa vie et son œuvre.

    À lire aussi : Eugénie Bastié : «Il était une fois au Wokistan, quand l’idéologie envahit la fiction»

    Il ne reproche pas à Camus de ne pas avoir été anticolonialiste. C’est vrai, Camus a cru et plaidé jusqu’à la fin de sa vie contre l’indépendance de l’Algérie qu’il jugeait insupportable. Il lui reproche d’avoir été un colonialiste forcené. Ses reportages sur la misère en Kabylie ? Habillage humanitaire destiné à montrer qu’il pourrait exister un «colonialisme à visage humain». L’Étranger ? Un chef-d’œuvre de racisme qui nie l’existence même des Arabes. La Peste ? Un roman dont la métaphore n’est pas l’Occupation allemande mais la peur du basculement démographique en Algérie. L’Homme révolté ? Un texte «fondamentalement réactionnaire» parce qu’il cible principalement le communisme. La Chute ? Un plagiat hanté par le ressentiment envers Sartre. Le Premier Homme ? Un livre de propagande, «le roman d’un écrivain colonial».

    Substitution de pensée

    Prenons un exemple parmi d’autres de la malhonnêteté intellectuelle de l’auteur. P 87 de son livre, il met en exergue de son chapitre cette phrase de Jean Grenier, très proche ami de Camus qui rapporte une conversation qu’il a eue avec lui : «Pourquoi ne choisissez-vous pas d’habiter une belle maison à la campagne ou au bord de la mer en Algérie, puisque vous êtes maintenant à même d’acheter une résidence de votre choix et que vous êtes si attaché à votre pays. Il me répondit, d’un air contraint : c’est parce qu’il y a les Arabes».

    Olivier Gloag coupe sciemment la phrase après «Arabes». Il ne cite pas la suite : «ne voulant pas dire que les Arabes le gênaient par leur présence, mais par le fait qu’ils avaient été dépossédés.» Il substitue donc sciemment à la délicatesse de Camus sa propre interprétation raciste. Il ose écrire, sans doute pour vanter la largesse d’esprit de la dictature algérienne, que «Camus est enseigné en Algérie» alors que la propagande algérienne l’a banni des mémoires.

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  • Mort il y a cinquante ans (le 2 septembre 1973), J.R.R. Tolkien représente un casse-tête pour notre culture diversifiée et divisée

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    De Holly Ordway sur le Catholic World Report :

    La foi magnanime de J.R.R. Tolkien

    L'auteur du Seigneur des Anneaux n'était pas fanatique, il avait un grand cœur. Notre culture pourrait tirer de lui une leçon sur la façon de conserver des convictions fermes tout en ayant de larges sympathies.

    1er septembre 2023

    "La foi de Tolkien : Holly Ordway explore la foi catholique souvent négligée du célèbre auteur. A droite : L'édition de 1988 du "Seigneur des Anneaux", publiée par William Morrow. (Image : Amazon)

    J.R.R. Tolkien, qui est mort il y a cinquante ans (le 2 septembre 1973), représente un casse-tête pour notre culture diversifiée et divisée.

    Le Seigneur des anneaux est un best-seller mondial. Il a été traduit en plus de cinquante langues, de l'arabe au chinois en passant par le thaï et le turc. Les adaptations cinématographiques sont appréciées par des millions de personnes qui n'ont jamais lu le livre. La série télévisée "Les anneaux du pouvoir" d'Amazon a été la plus chère jamais réalisée, et une deuxième saison est en cours de préparation.

    Pourtant, le contraste entre l'auteur et le public est saisissant. Catholique fervent et traditionaliste, Tolkien priait Dieu en latin, vouait une dévotion à la Vierge Marie et qualifiait l'eucharistie de "seule grande chose à aimer sur terre". La plupart de ses lecteurs ne croient pas en ces choses et n'en ont même pas une connaissance élémentaire.

    C'est un paradoxe qui mérite d'être étudié. Un homme profondément chrétien a produit une œuvre imaginative qui est fantastiquement populaire auprès des lecteurs de toutes les confessions et d'aucune.

    Les biographes ont été réticents à explorer sa foi. Humphrey Carpenter, auteur de la biographie officielle, reconnaît l'importance "totale" du christianisme pour Tolkien, mais le présente surtout comme un attachement affectif à sa mère, Mabel, décédée lorsqu'il avait douze ans. Un autre biographe, Raymond Edwards, relègue la foi de Tolkien à une annexe. Jusqu'à récemment, le groupe Facebook Tolkien Society interdisait toute discussion sur la religion.

    Pourquoi cette réticence ? Les gens craignent-ils que leur auteur préféré se révèle étroit d'esprit, voire se montre bigot à l'égard de ceux qui n'appartiennent pas à sa propre communauté religieuse ?

    Ce sont des questions que j'ai abordées dans mon nouveau livre, Tolkien's Faith : A Spiritual Biography. Ce que j'ai découvert montre que Tolkien avait effectivement des convictions fermes, mais qu'il avait aussi de larges sympathies.

    Le Seigneur des Anneaux contient un échange célèbre entre Gandalf et Frodon, au cours duquel le magicien dit au hobbit : "Ne sois pas trop pressé de distribuer la mort en jugement". Cette phrase illustre l'approche de Tolkien à l'égard de ceux qui ne partageaient pas ses convictions religieuses. Il croyait que tous les hommes étaient faits à l'image et à la ressemblance de Dieu et qu'ils avaient reçu le don de conscience. Oui, il considère que certains "rejettent leurs chances de noblesse ou de salut, et semblent 'damnables'". Mais il choisit le mot avec soin : "damnable" plutôt que "damné". Comme il le fait remarquer, "nous qui sommes tous 'dans le même bateau' ne devons pas usurper la place du Juge".

    Lorsque Tolkien s'est lié d'amitié avec C.S. Lewis, ce dernier n'était pas encore le célèbre auteur de classiques chrétiens tels que Mere Christianity et les Chroniques de Narnia, mais un athée. Leur amitié n'a jamais été subordonnée à la conversion de Lewis.

    Les convictions de Tolkien étaient claires : il était convaincu que l'Église catholique avait été fondée par Jésus-Christ et que saint Pierre avait été autorisé par Jésus à gouverner l'Église, cette autorité ayant été héritée par ses successeurs, les papes. Mais il admettait aussi avoir connu des prêtres "ignorants, hypocrites, paresseux, pompiers, au cœur dur, cyniques, méchants, cupides, vulgaires, snobs, et même (à vue de nez) immoraux".

    Deux choses peuvent être vraies à la fois. L'Église, selon Tolkien, était "mourante mais vivante, corrompue mais sainte, autoréformatrice et réformatrice". Elle n'était pas un foyer pour les personnes déjà parfaites, mais un lieu où les pécheurs pouvaient, par la grâce de Dieu, s'améliorer. Tolkien se confessait fréquemment parce qu'il se considérait comme quelqu'un ayant besoin de cette grâce.

    S'il savait où se situait sa propre loyauté spirituelle, il ne tirait pas de conclusions négatives définitives sur le statut moral, et encore moins sur la destinée éternelle, des autres. Pourquoi ? Parce que, comme le fait remarquer Gandalf, "même les très sages ne peuvent pas voir toutes les extrémités".

    Dans une lettre, Tolkien explique que les catholiques doivent s'imposer des normes élevées, mais que tout jugement sur autrui doit être "tempéré par la miséricorde". Il utilisait la "double échelle" de la rigueur pour soi-même et de la miséricorde pour les autres.

    En résumé, il n'y a rien à craindre de l'étude de la foi de Tolkien. Il n'était pas fanatique, il avait un grand cœur.

    Notre culture pourrait tirer de lui une leçon sur la façon d'entretenir des convictions fermes tout en ayant de larges sympathies. Je pense d'ailleurs que sa capacité à trouver cet équilibre délicat est l'une des raisons pour lesquelles ses œuvres sont devenues si populaires.

    Les lecteurs ont-ils l'impression que la Terre du Milieu a été produite par un homme au caractère magnanime ? Son esprit généreux est-il le ressort secret de son succès ? Je pense que ce n'est pas impossible.

  • J.K. Rowling victime du terrorisme wokiste

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    De Marie Delarue sur Boulevard Voltaire :

    Bannie de son œuvre ! J.K. Rowling, martyre de la grande purge wokiste

    11 août 2023

    C’est la nouvelle « culturelle » du jour : le musée de la Pop-culture de Seattle qui consacre une exposition à Harry Potter, a décidé d’en bannir l’auteur, J.K. Rowling, supprimant dorénavant toute mention de son nom dans ses murs. Désormais, lady Rowling sera désignée par la périphrase « Vous-Savez-Qui »… Histoire de l’assimiler au méchant de ses romans, l’affreux Voldemort.

    Honnêtement, on se fout du musée de la pop-culture de Seattle, ville de cette côte ouest des Etats-Unis envahie – comme San Francisco, Portland ou, plus haut, Vancouver – de toxicos défoncés au crack, OxyContin et autres opioïdes. Seattle, la ville des géants Microsoft, Amazon et Starbucks qui ont tous trois conquis la planète… Rien de surprenant à ce que le musée de la Pop-culture local contribue à l’universel pourrissement des esprits.

    Mais le sort fait à un écrivain de statut mondial a de quoi surprendre. Depuis que le wokisme lui est tombé dessus, nous avons relaté ici les épisodes du martyre de J.K. Rowling. Son péché originel est, rappelons-le, d’avoir osé sous-entendre que « les personnes qui ont leurs règles » – référence à un article du site Devex du 6 juin 2020 – sont tout simplement des femmes. Ce crime de transphobie depuis dénoncé sans relâche lui vaut de nombreuses menaces de viol et de mort, puis l’interdiction de paraître dans tout événement, émission ou reportage consacrés à la saga Harry Potter. Il permet même de l’évincer des fêtes du 20e anniversaire de l’apparition de son héros.

    J. K. Rowling est même dénigrée par les jeunes acteurs connus grâce à la saga : on a vu Daniel Radcliffe, LE Harry Potter du cinéma, tweeter des excuses en son nom, affirmant : « Les femmes transgenres sont des femmes ».

    Chris Moore, le directeur de l’exposition Harry Potter au musée de la pop culture de Seattle, lui-même trans, faut-il le préciser, accuse donc J.K. Rowling de propos « extrêmement haineux et controversés ». Il écrit : « Nous aimerions bien suivre la théorie d’Internet selon laquelle ces livres ont été écrits sans auteur, mais cette personne est un peu trop bruyante avec ses opinions haineuses et discriminantes pour que nous puissions l’ignorer. Oui, nous parlons de J.K. Rowling, et non, nous ne voulons pas lui faire de publicité. Donc, c’est la dernière fois que vous verrez son nom dans ce post. Nous l’appellerons désormais Vous-Savez-Qui parce qu’ils ont des caractères assez proches. »

    Le crime de transphobie risquant sans doute de paraître insuffisant au commun des mortels, Chris Moore en a listé d’autres : « soutien à des créateurs antisémites, les stéréotypes raciaux qu’elle a utilisés lors de la création de personnages, d’un monde des sorciers incroyablement blanc, et le manque de représentation LGBTQIA+ ».

    On pourrait glisser sur ce tissu d’âneries, se contentant d’observer que la bêtise hargneuse nous permet au moins d’avoir une idée de l’infini. On pourrait tenter de se rassurer, ou du moins essayer : les contempteurs de l’écrivain sont ultra-minoritaires et leur vacarme s’éteindra faute de porte-voix.

    Pas sûr, hélas. On en veut pour preuve une anecdote rapportée jeudi soir sur CNews par le grand reporter Régis le Sommier. Elle remonte aux années 1990. Cela se passait, disait-il, à l’université UCLA, en Californie. Dans ce laboratoire du terrorisme féministe, une armée de harpies réclamait que soit interdite l’étude de Moby-Dick, le roman d’Herman Melville, au motif que, dans cette histoire – comme dans la réalité ! –, les équipages de baleiniers n’étaient constitués que d’hommes. Moby-Dick est paru en 1851, son auteur est mort en 1891. Un siècle plus tard il se voyait donc frappé d’infâmie.

    La grande purge initiée alors par une poignée d’hystériques s’est depuis répandue dans tout l’Occident, entraînant la mise au ban de dizaines d’auteurs, acteurs, comédiens, politiques, on en passe et de plus anonymes.

    Le wokisme n’est qu’un terrorisme de plus, avec tous les corollaires qu’on leur connaît.

  • Le pape et Blaise Pascal : une "étrange récupération" ?

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    Du site du Figaro via Il Sismografo :

    L’étrange récupération de Blaise Pascal par le pape François

    (Le Figaro) TRIBUNE - Trois universitaires spécialistes de l’œuvre de Blaise Pascal ont lu la lettre apostolique qu’a consacrée le pape François à l’auteur des Pensées. S’ils saluent la reconnaissance du souverain pontife pour un immense génie, ils critiquent une lecture orientée selon les options théologiques et la sensibilité d’un pape jésuite. Ils restituent avec brio son œuvre dans le contexte de la querelle entre augustinisme et jésuitisme.

    Constance Cagnat-Debœuf est professeur à Sorbonne université et membre de la Société des amis de Port-Royal ; Tony Gheeraert est professeur à l’université de Rouen Normandie et vice-président de la Société des amis de Port-Royal ; Laurence Plazenet est professeur à l’université Clermont-Auvergne, directrice du Centre international Blaise Pascal et présidente de la Société des amis de Port-Royal.
    ***
    Le pape François est malicieux. Il aime étonner, et même prendre à contre-pied les opinions les mieux admises. Ainsi a-t-il jeté un franc embarras parmi les lecteurs de Blaise Pascal le jour de son quatrième centenaire, le 19 juin 2023, en décidant de lui consacrer une lettre apostolique. L’honneur est immense: le Clermontois rejoint ainsi au panthéon personnel du souverain pontife Dante et saint François de Sales, précédents bénéficiaires de semblables missives. Mais cette nouvelle publication a plongé de nombreux catholiques français dans une stupéfaction gênée. Pascal n’était-il pas connu pour ses positions «jansénistes», à la limite de l’orthodoxie?

    L’un de ses ouvrages majeurs, Les Provinciales, n’est-il pas constitué d’une série de lettres brillantes, ironiques, cruelles, qui discréditèrent le laxisme qu’elles dénonçaient chez les Jésuites, ordre dont le Saint-Père est précisément issu? Ces sulfureuses «petites lettres», prisées par Voltaire, n’ont-elles pas longtemps figuré à l’index des livres interdits? Malaise de l’Église. Embarras parmi ceux qui veulent voir en Pascal un «philosophe» seulement équipé d’une foi surnuméraire - ce débat autorise peu à ignorer Pascal, croyant «de feu» (le terme qui irradie l’éblouissant Mémorial).

    Les spécialistes sont, depuis le XVIIe siècle, partagés sur la catholicité de Pascal. Aujourd’hui, tandis que certains militent au sein d’associations spécialement créées pour favoriser la canonisation de l’auteur (par exemple, la récente Société des amis de Blaise Pascal qui reprend de la sorte la suggestion de La Vie de M. Pascal écrite par sa sœur aînée, Gilberte Périer), d’autres, comme Simon Icard, chercheur au CNRS, voient dans l’intention présumée sanctificatrice du pape une simple «blague jésuite» qu’on ne saurait prendre vraiment au sérieux, tant elle contredit les positions traditionnelles de l’Église sur l’œuvre de Blaise Pascal.

    Alors, saint Pascal hérétique? Pascal simplement catholique? Pourquoi François a-t-il cru bon de rouvrir ce vieux dossier recouvert par trois siècles de poussière vaticane? Au-delà des questions techniques de conformité à l’orthodoxie théologique, en quoi Pascal représente-t-il un enjeu politique aujourd’hui pour l’Église romaine - voire une figure majeure à ne pas laisser échapper?

    La nouvelle éthique du XVIe siècle

    Si Pascal a jadis pu être considéré comme dangereux par l’Église, c’est pour avoir continué à professer une foi héritée de la pensée de saint Augustin, qui avait dominé la chrétienté pendant un millénaire. Ce christianisme né en Afrique au Ve siècle, consolidé à l’époque médiévale, est celui que Jean Delumeau a si bien décrit dans La Peur en Occident: une vision fulgurante de l’homme déchu, misérable créature dépouillée de toute force et de toute bonté, torturé par la toute-puissance du péché, rongé par le désir d’une pureté interdite, abandonné à un sentiment de déréliction dont seul peut le libérer ce don gratuit et immérité d’un Dieu omnipotent: la grâce.

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  • Les confidences de Martin Mosebach, écrivain allemand catholique et réactionnaire

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    De Thomas Ribi et Benoît Neff  sur Neue Zürcher Zeitung :

    Martin Mosebach : "Je refuse de participer à l'hystérie de l'opinion publique allemande".

    Conservateur, catholique fervent et rétif à toutes les tendances à la mode : Martin Mosebach est tout ce qu'un écrivain allemand n'est pas aujourd'hui. Un entretien sur la patrie, l'Eglise et l'étrange travail d'écriture.

    20.07.2023

    "L'existence d'un écrivain est risquée. Si l'on devient un mauvais écrivain, on a raté sa vie" : Martin Mosebach.

    Le quartier de Westend à Francfort. Entre des bâtiments commerciaux sans visage et d'élégantes villas de l'époque des fondateurs, un immeuble d'habitation sans charme. Sur les balcons, des boulettes de nourriture sont accrochées pour les mésanges. Au troisième étage, un appartement étroit, encombré de meubles anciens, des bibliothèques, des tableaux du XIXe siècle sur les murs peints en sombre. Martin Mosebach, 71 ans, invite à entrer dans le salon, sert du café dans une cafetière en argent. "Nous sommes dans l'arche rescapée", dit-il. L'appartement dans lequel lui et sa femme ont longtemps vécu a brûlé il y a quatre ans. 

    Le jour de l'Épiphanie, l'arbre de Noël a pris feu et la moitié du mobilier a été détruite. Avec ce qui restait, Mosebach s'est retiré ici. Il s'assoit sur un élégant canapé Empire. Le vent souffle à travers les fenêtres ouvertes, par-dessus la rue, on aperçoit le parc Rothschild.

    Monsieur Mosebach, vous revenez tout juste de Rome, où vous avez travaillé sur votre prochain roman. Comment doit-on s'imaginer cela ? Vous vous asseyez à votre bureau à huit heures du matin et vous écrivez toute la journée ?

    Non, certainement pas à huit heures. Le début de matinée est consacré à la lecture. J'aime lire longtemps au lit. Ce qui est bien quand on travaille à l'étranger, c'est qu'il n'y a alors pas d'obligations, pas de repas en commun et ainsi de suite. Je ne dois tenir compte de rien. Je peux me glisser lentement dans l'écriture. Et ensuite y rester aussi longtemps que je le souhaite.

    Comment arrivez-vous malgré tout à une activité disciplinée ? Vous pourriez bien sûr avoir envie de rester au lit.

    Mais j'ai un objectif : le nouveau livre. Et c'est lié à une certaine inquiétude, surtout tant que j'en suis encore à un stade très précoce, où beaucoup de choses ne sont pas fixées. J'espère qu'il y aura des surprises, ce qui ne peut arriver que si l'on ne sait pas trop tôt où tout cela va aller.

    Ne craignez-vous pas que dans trois mois, vous ne sachiez toujours pas où vous en êtes ?

    C'est tout à fait possible. Mais c'est mon quatorzième roman. Il y a donc une certaine confiance. Même si, à chaque nouveau livre, j'ai l'impression d'avoir déjà écrit : C'est mon premier roman, je n'en ai jamais écrit et je ne peux pas m'appuyer sur une expérience. A un moment donné, une voix intérieure me dit : "Allez, ne fais pas semblant. Tu sais bien que même les situations les plus désespérées finissent par s'éclaircir."

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  • Quand Kundera rappelait aux Européens l’importance de leur héritage culturel

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    D'Eugénie Bastié sur le Figaro via artofuss.blog :

    Quand Milan Kundera rappelait aux Européens l’importance de leur héritage culturel

    12 juillet 2023

    DISPARITION – Alors qu’on vient d’apprendre la mort de l’écrivain tchèque, nous republions cette recension de deux textes majeurs où Kundera abordait sans complexe la nécessité de l’identité nationale.

    Cette chronique a été initialement publiée dans le Figaro Histoire de décembre 2021.

    "La Pologne n’a pas encore péri" : tel est le bouleversant premier vers de l’hymne national polonais. Loin des marches martiales des nations cossues de l’Ouest, cet appel à la résistance face à une disparition perpétuellement imminente est, pour Milan Kundera, exemplaire de la mentalité même des petites nations d’Europe de l’Est. Alors qu’un gouffre d’incompréhension ne cesse de se creuser entre une Europe de l’Ouest libérale, ouverte à tous vents, et une Europe de l’Est illibérale, désireuse de protéger farouchement ses frontières, la lecture de deux textes de l’écrivain tchèque, opportunément réédités par les éditions Gallimard, est précieuse.

    À lire aussi : Milan Kundera et le pouvoir subversif de l’ironie

    Toutes les petites nations valent-elles d’être sauvées? C’est la question que se posait Kundera dans un discours prononcé au Congrès des écrivains tchécoslovaques en 1967, dans un contexte de brève libération culturelle qui allait être brutalement brisée l’année suivante lors du printemps de Prague. Il rappelait le dilemme posé aux intellectuels praguois du XIXe siècle, qui s’étaient interrogés sur l’opportunité de la survie de la langue et de la nation tchèques: cela en valait-il la peine? Ne valait-il pas mieux accepter la germanisation, l’intégration dans l’ensemble culturel plus vaste de la Grande Allemagne?

    «Les leaders du renouveau tchèque ont lié la survie de la nation aux valeurs culturelles que cette dernière devrait produire», affirme Kundera. Parce que l’existence d’une production culturelle unique, irremplaçable, leur était apparue comme la seule raison de sauvegarder, en définitive, la nation. Face à la volonté d’acculturation soviétique, il était dès lors vain de prétendre sauver l’indépendance de la nation, si l’on ne maintenait pas, d’abord, vivante la culture qui en est la justification. Son effacement produirait au contraire nécessairement celui de la nation, avertissait Kundera, qui allait le vérifier lors de son exil en France en 1975, où il constaterait, amer, qu’à «Paris, même dans le milieu tout à fait cultivé, on discute pendant les dîners des émissions de télévision et non pas des revues».

    « La petite nation est celle dont l’existence peut être à n’importe quel moment mise en question, qui peut disparaître, et qui le sait – Milan Kundera

    Le second texte, Un Occident kidnappé, a été publié en 1983 dans la revue Le Débat. L’auteur de L’Insoutenable légèreté de l’être entendait rappeler que l’Europe centrale n’appartenait pas au bloc soviétique mais à l’Occident, historiquement et culturellement. Pour ces petites nations – la Pologne, la Hongrie, la Bohême-Moravie (future République tchèque) -, l’Europe n’est pas un ensemble géographique, encore moins un système de valeurs abstraites, mais une réalité culturelle.

    Au moment même où les intellectuels de Saint-Germain-des-Prés entendaient noyer sans regret une France ringarde dans le grand bain multiculturaliste, abolissaient toute référence aux racines chrétiennes et célébraient une Europe du marché (1983 est l’année du tournant libéral et européiste de Mitterrand), l’écrivain abordait sans complexes la nécessité de l’identité nationale. Écrasés entre l’Allemagne et la Russie, ces petits pays, qui ont donné au XIXe siècle une effervescence culturelle prodigieuse (songeons à la musique européenne qui serait peu de chose sans elles), se sont toujours posé la question de leur survie.

    À lire aussi Milan Kundera fait don de sa bibliothèque personnelle à Brno, sa ville natale

    «La petite nation est celle dont l’existence peut être à n’importe quel moment mise en question, qui peut disparaître, et qui le sait», écrit Kundera. «Toutes les nations européennes risquent de devenir bientôt petites nations et de subir leur sort», prédisait-il.

    Nous y sommes. Coincés entre les mastodontes chinois et américain, hantés par le vide spirituel, le déclassement économique et la submersion migratoire, nous sommes tous devenus tchèques, hongrois et polonais. Le patriotisme de conquête d’un Bonaparte a laissé place au «patriotisme de compassion» prôné par Simone Weil, le «sentiment de tendresse poignante pour une chose belle, précieuse, fragile et périssable». 

    Pour le pire comme pour le meilleur. Car, ce que nous enseigne également l’Est, c’est que l’adversité est aussi l’aiguillon du génie culturel et de la résistance politique.

    Dans deux textes opportunément réédités, Milan Kundera liait la survie des petites nations d’Europe centrale à leur capacité à maintenir leur culture vivante. Elles ont pour nous, aujourd’hui, valeur d’exemple.

    *********************************

    Un Occident kidnappé. Ou la tragédie de l’Europe centrale, Milan Kundera, Gallimard  Gallimard

  • Un Soljenitsyne italien

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    De Caterina Maniaci sur ACI Stampa:

    Cent'anni di Eugenio Corti, che trovò un senso al male disumano nel mondo

    Lectures : le cas Eugenio Corti

    Cette année marque le 40e anniversaire de la première édition du "Cheval rouge", le chef-d'œuvre de Corti, publié en 1983.

    30 juin 2023

    Le "cas" Eugenio Corti peut se résumer en quelques mots : un grand écrivain, selon certains spécialistes internationaux le plus grand écrivain italien depuis les années 50, avec un lectorat en constante augmentation, mais presque ignoré par les critiques italiens. Un écrivain à contre-courant, à l'écriture tranchante et classique, ancré dans la réalité, dans la terre (en particulier sa Brianza) et le regard tourné vers le haut. Quoi de plus désuet et démodé ? Si peu adaptable, diffusable, réductible, et pourtant toujours capable d'attirer, de donner des réponses à cet inépuisable désir de sens. Cette année marque le 40e anniversaire de la première édition du "Cheval rouge", le chef-d'œuvre de Corti, publié en 1983. 

    La maison d'édition Ares, qui a toujours édité et publié ses œuvres, a voulu commémorer cet anniversaire et, pour l'occasion, Elena Rondena, professeur à l'Université catholique de Milan, a illustré l'exposition avec laquelle les Rencontres de Rimini (20-25 août) rendront hommage à l'écrivain et à son chef-d'œuvre littéraire. Corti est né à Besana en Brianza en 1921 et y est décédé en 2014 ; la Brianza, disions-nous, comme lieu de vie, de formation, d'inspiration, la terre d'où a jailli l'épopée du Cheval rouge, un roman qui a démontré, entre autres, que la littérature italienne peut atteindre la "longue foulée" d'un Tolstoï ou d'un Dostoïevski. Ses œuvres de fiction sont, outre "Il cavallo rosso", "I più non ritornano", "Gli ultimi soldati del re", "Il Medioevo e altri racconti" et les "Racconti per immagini", "Catone l'antico", "La terra dell'indio" et "L'isola del paradiso". À l'époque, il a écrit le drame "Procès et mort de Staline", qui a été très bien accueilli. En 2015, le volume "Je reviendrai" rassemble sa correspondance de la campagne de Russie ; en 2019, "Je veux ton amour" rassemble ses épîtres avec sa future femme Vanda, qui est également l'éditrice du volume ; en 2021, "Chacun est pressé par sa Providence" rassemble ses journaux intimes de 1940 à 1949.

    Préjugés idéologiques pendant longtemps, non-appartenance aux bons cercles, puis inattention, Corti semblait, et semble encore, dans l'ombre. Et pourtant... Ainsi, comme le rappelle Alessandro Zaccuri dans un article de l'Avvenire, "ses funérailles, célébrées dans la basilique à côté de laquelle se dresse le monument inspiré du Cheval rouge, avaient été un événement populaire bien plus qu'un événement de foule : la convocation d'une communauté de lecteurs qui avaient reconnu dans les pages d'Eugenio Corti leur propre vision du monde et leur propre expérience de la vie. En un mot, leur propre foi, qui était alors la foi inébranlable et obstinée des "paolotti", comme l'écrivain continuait à les appeler avec fierté, faisant justice au préjugé qui confinait le christianisme des "simples" aux marges de l'histoire.

    Oui, la foi, au centre de tout, la reconnaissance d'une communauté puis d'un peuple, dans la manière de vivre et donc d'écrire de ce Briançonnais sobre et vif, réservé mais plein d'élans et de fulgurances, premier des dix enfants d'une famille qui avait créé une solide entreprise industrielle.

    Formation religieuse et culturelle rigoureuse, université catholique, participation à la tragique campagne de Russie... Ses débuts d'écrivain avec I più non ritornano, mémoire de la retraite du Don, datent de 1947. Corti se fait connaître et apprécier dans le climat littéraire effervescent, et pas seulement, de l'après-guerre, mais se heurte ensuite aux idéologies dominantes, notamment lorsqu'il écrit et publie en 1962 le presque prophétique Procès et mort de Staline. La marginalisation est décrétée et promulguée. Mais Corti ne s'inquiète pas, il se met à l'écart pour préparer son chef-d'œuvre, ce "Cavallo rosso" (Cheval rouge) qui paraît en 1983, méticuleusement sédimenté, distillé entre souvenirs personnels et "lecture" d'événements historiques dans sa maison de Besana, avec sa femme Vanda toujours à ses côtés.

    Une épopée, une œuvre épique, rare dans notre panorama littéraire, d'une grande ampleur et surtout largement ouverte à une dimension spirituelle, de l'Histoire et des histoires de chaque personnage, le long d'un cycle historique si exigeant de 1940 à 1974. Foi, cohérence, guerre, violence, mort, amour, désillusion, désespoir : les grands thèmes éternels ne sont pas banalisés, éludés, réduits à des formules, mais joués à fond, dans la tension d'une écriture élaborée mais directe, comme de l'argile travaillée et modelée sur une longue période. Ce n'est pas un hasard si des auteurs comme Tolstoï et Dostoïevski ont été cités, avec des pierres angulaires de la littérature mondiale comme Guerre et Paix et Les Frères Karamazov. Mais aussi, bien sûr, les Promessi Sposi (Les Fiancés) de Manzoni, même si les différences sont nombreuses, y compris sur le plan théologique, si l'on peut dire, entre les deux auteurs. Plus de mille pages pour plonger dans une vision du monde, une lecture qui pénètre, interroge. Plus qu'une lecture, une expérience.

    Presque ignoré des circuits officiels en Italie, en France, en revanche, il devient rapidement un roman culte, traduit, diffusé, étudié, aimé. Mais là aussi, il s'est peut-être produit quelque chose d'inattendu : grâce à un bouche-à-oreille actif, sa notoriété s'est consolidée au fil du temps, ses lecteurs se sont multipliés et se sont attachés avec ténacité à l'écrivain, comme s'il était une présence concrète et réelle dans leur vie. Les centaines de lettres reçues au fil du temps en témoignent. On sort des pages de Il Cavallo Rosso comme d'un long voyage, même à l'intérieur de soi, illuminé par la certitude d'un sens authentique de ce qui se passe et nous entoure.

  • Benoît XVI : C'est le temps de l'Antéchrist

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    De Rod Dreher sur The American Conservative :

    Benoît XVI : C'est le temps de l'Antéchrist

    En 2015, Benoît XVI a écrit une lettre à l'homme d'État catholique Vladimir Palko, l'exhortant à prier contre "l'expansion du pouvoir de l'Antéchrist".

    10 janvier 2023

    En novembre, j'étais en visite à Bratislava, et j'ai dîné avec mes amis Vladimir Palko, mathématicien et homme d'État à la retraite, et Jaroslav Daniška, rédacteur en chef du magazine conservateur Standard. Vlado était l'une de mes sources pour Live Not By Lies. Nous parlions du pape Benoît XVI, malade. Vlado a mentionné qu'en 2015, il avait reçu une lettre de Benoît XVI, en tant que pape émérite. Ah bon ? Vlado, un membre de l'Église catholique clandestine qui a ensuite été ministre de l'Intérieur dans l'un des gouvernements post-communistes du pays, avait écrit un livre intitulé The Lions Are Coming : Why Europe And America Are Heading for a New Tyranny, sur la nature anti-chrétienne croissante de la vie et de la politique occidentales. Le livre avait été traduit en allemand, et un évêque autrichien en avait fait parvenir un exemplaire à Benoît XVI.

    Vlado était grave lorsqu'il a parlé de la lettre. Elle était très courte, a-t-il dit, et appréciait le livre. Et à la fin, le pape émérite parlait de l'Antéchrist. Vlado n'a pas voulu dire précisément ce que Benoît XVI avait dit. Il nous a dit qu'il ne publierait la lettre qu'après la mort de Benoît.

    La semaine dernière, j'ai rencontré Jaroslav pour dîner à Rome. Nous étions tous les deux là pour les funérailles de Benoît. Je lui ai demandé si Vlado se préparait à publier la lettre. Il m'a répondu qu'il n'en était pas sûr, parce que Vlado avait des doutes. Vlado est un catholique de la vieille école et il avait peur d'être une pierre d'achoppement pour la foi des autres. J'ai exhorté Jaro à encourager Vlado à dire la vérité, car il est important que le monde sache comment le saint pape qui vient de nous quitter lisait les signes des temps.

    Aujourd'hui, le Standard a publié une courte interview que Jaro a réalisée avec Vlado, dans laquelle il a révélé le contenu de la lettre de Benoît XVI. Voici un extrait de l'interview, que j'ai traduit en anglais via Google :

    Lorsque vous avez rapporté la lettre pour la première fois, vous avez décidé de ne pas publier une partie du texte, en faisant remarquer que ce n'était pas le bon moment pour le faire. La raison en était le contenu sensible et les préoccupations que le défunt pape exprimait sur l'état de l'Église catholique. Pourriez-vous préciser de quoi il s'agissait exactement ?

    Oui, c'est comme ça. La lettre n'est pas longue, elle comporte douze lignes. Dans la deuxième moitié de la lettre, il y a une phrase, d'environ trois lignes, dans laquelle le pape émérite fait des affirmations frappantes.

    La phrase se lit comme suit : "Nous voyons comment le pouvoir de l'Antéchrist s'étend, et nous ne pouvons que prier pour que le Seigneur nous donne des bergers forts qui défendront son Eglise en cette heure de nécessité contre le pouvoir du mal."

    En allemand, cela se lit comme suit : "Man sieht, wie die Macht des Antichrist sich ausbreitet, und kann nur beten, dass der Herr uns kraftvolle Hirten schenkt, die seine Kirche in dieser Stunde der Not gegen die Macht des Bösen verteidigen."

    Qu'avez-vous pensé alors ? Et qu'en pensez-vous aujourd'hui ?

    Des concepts tels que l'expansion du pouvoir de l'Antéchrist, l'Eglise à l'heure du besoin, et la nécessité de défendre l'Eglise contre la puissance du mal sont sérieux et lourds de sens. D'autant plus qu'ils ont été prononcés par une personne dont l'expression, tout au long de sa vie, alliait la justesse à l'adéquation des termes utilisés. Il a délivré des messages publics sérieux même en tant que pape, mais ces formulations sont plusieurs degrés plus urgentes. La situation du monde et de l'Eglise a beaucoup troublé le Pape émérite. Il en souffrait visiblement.

    J'y pense très souvent, mais je n'ose pas interpréter ses déclarations. Je trouverais cela présomptueux à ce stade. Je ne suis qu'un ancien politicien chrétien et je ne me sens pas compétent. En tant que politicien, j'ai adhéré au magistère de l'Église catholique et je n'ai reculé devant aucun combat. Cependant, je commente rarement l'Eglise et seulement sur des détails. Pour exprimer des jugements fondamentaux sur son état en général, il faut à la fois une personne qui soit un meilleur exemple des vertus chrétiennes et une personne plus compétente sur le plan théologique. C'est un travail pour les saints.

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  • Les 150 ans de la naissance de Péguy

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    Une dépêche de l'Agence Fides :

    Péguy, sur le seuil

    7 janvier 2023

    par Gianni Valente

    "Un enfant chrétien", écrivait Charles Péguy, "n'est rien d'autre qu'un enfant à qui l'enfance de Jésus a été mille fois présentée devant ses yeux". Lui, le grand poète français qui a su raconter et confesser avec une intimité sans pareille la survenance du mystère chrétien au cœur de la modernité "non chrétienne", est venu au monde à Orléans il y a exactement 150 ans, le 7 janvier 1873. Il ouvre les yeux sur un monde où les œuvres et les jours des hommes et des femmes de l'époque apparaissent encore irrigués des traces et des humeurs de la chrétienté française, faite de pauvres gens " qui bourraient les chaises avec le même esprit que celui avec lequel ils sculptaient leurs cathédrales ". Mais sa vie courte et intense se déroule en grande partie au milieu de personnes et de contextes qui semblent avoir rejeté l'Église et la doctrine chrétienne comme des vestiges d'un passé révolu, des fossiles de l'Ancien Régime. Il vit parmi les générations de ceux qu'il décrirait lui-même comme "les premiers, après Jésus, sans Jésus".

    Jeune militant républicain et socialiste, après s'être libéré à l'adolescence des héritages de sa première éducation chrétienne, il passe sa saison d'engagement volcanique parmi les athées, les agnostiques et les libres penseurs, ceux qui fréquentent la coterie intellectuelle des Cahiers de la Quinzaine, la revue qu'il a fondée. C'est là, immergé dans ce monde, qu'il a redécouvert la foi chrétienne comme un pur don de la grâce. Un nouveau départ qu'il ne vivra jamais lui-même comme une abjuration et un reniement de sa vie passée jusqu'alors "in partibus infidelium". C'est aussi pour cette raison que, 150 ans exactement après sa naissance, les traits inégalés de son aventure existentielle peuvent offrir de précieux indices de réconfort à tous ceux qui se soucient de la mission de confesser le nom du Christ à l'heure actuelle, surtout dans les pays où - comme l'a dit le Pape Benoît XVI - "la foi court le danger de s'éteindre comme une flamme qui ne trouve plus de nourriture".

    De la terre non chrétienne

    A dix-sept ans, Péguy n'est plus chrétien. Il écrivait à l'époque : "Tous mes compagnons se sont débarrassés du christianisme comme moi. Les treize ou quatorze siècles de christianisme implantés chez mes ancêtres, les onze ou douze années d'enseignement et parfois d'éducation catholique sincèrement et fidèlement reçues sont passés sur moi sans laisser de trace". Son tempérament généreux s'enflamme des mythes de la foi républicaine révolutionnaire, pour aboutir à un socialisme mystique. Jeune universitaire, il épouse civilement Charlotte Beaudin, 18 ans, membre d'un clan familial vivant dans le mythe de la Commune de Paris.

    C'est à cette terre non chrétienne, qui considère le christianisme comme un passé qui ne la concerne pas, qu'appartient Péguy lorsque, dix ans plus tard, il retrouve par grâce le fil d'or qui unit sa vie à Jésus et à son Salut.

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  • Bernanos, lueurs d’espoir et vertu d’espérance

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    « Heureusement, l’espérance » deux mots laissés par le père du réalisateur Yves Bernanos, sur un bout de papier, retrouvé quelques semaines après sa mort. Comment faire exister et transmettre l’espérance, dans un monde où elle semble s’être retirée ? Cette question est au centre de la vie et de l’oeuvre de de ce grand-père écrivain Georges Bernanos. Véritable quête, ce documentaire s’incarnera à travers les souvenirs biographiques de son père qui fut le témoin direct mais aussi, à son tour, le passeur de cette espérance. Une histoire de famille diffusée par KTO :

    Une coproduction Crescendo Media Films/KTO 2022 - Réalisée par Yves Bernanos

  • Le Dieu Pan est de retour. Rites, morale et doctrine de la nouvelle religion de la nature

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    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso, en traduction française sur Diakonos.be :

    Le Dieu Pan est de retour. Rites, morale et doctrine de la nouvelle religion de la nature

    Que l’Église catholique subisse, voire soutienne l’avènement d’une nouvelle religion de la nature, avec comme symbole le dieu Pan, n’a rien d’une théorie bizarre. C’est au contraire la thèse, soutenue par des arguments convaincants, de la philosophe française Chantal Delsol dans son dernier essai : « La fin de la Chrétienté », disponible depuis quelques jours en librairie y compris en Italie, aux éditions Cantagalli.

    Delsol ne craint pas une islamisation de l’Europe. Les musulmans européens eux-mêmes sont chamboulés par le changement culturel en cours. « Certainement – écrit-elle dans ‘Le Figaro’ où elle est éditorialiste – les fondements du judéo-christianisme se sont effondrés. Le premier étant la foi en l’existence de la vérité, qui nous vient des Grecs. Puis l’idée du temps linéaire, qui historiquement nous a donné l’idée du progrès, c’est pourquoi on revient au temps cyclique avec l’annonce de catastrophes apocalyptiques. Enfin, c’est la foi dans la dignité substantielle de l’être humain qui est effacée pour faire place à une dignité conférée depuis l’extérieur, sociale et non plus substantielle, comme c’était le cas avant le christianisme. »

    La religion qui émerge est une nouvelle forme de paganisme, avec la nature au centre, sacralisée. Dans le bref extrait de son livre que nous reproduisons ci-dessous, Delsol explique cette mutation, qui n’a plus l’Église mais l’État comme officiant. Les seuls qui pourront encore conserver ce qui reste de la véritable foi chrétienne ne pourront être que des minorités, espérons-le créatives, faites de témoins, d’« agents secrets » de Dieu.

    Delsol n’est pas la seule voix qui s’élève en France pour analyser la mutation culturelle qui traverse et bouleverse le christianisme aujourd’hui. Il est surprenant que dans un pays dans lequel les baptisés ne représentent déjà plus que moins de la moitié de la population et où la pratique catholique s’est effondrée, il y ait un intérêt à ce point extraordinaire pour de telles questions chez des intellectuels et des écrivains, y compris non-croyants.

    Fin octobre dernier, « Le Figaro » organisait à Paris un dialogue de haut vol entre le philosophe catholique Pierre Manent et l’écrivain Alain Finkielkraut, membre de l’Académie française, republié dans son intégralité en Italie par le journal « Il Foglio » du 2 novembre sous le titre : « È morto il tuo Dio, Europa ? Una religione civile ha soppiantato di Dio di Pascal ». Dans ce dialogue, les deux érudits s’accordent avec Delsol pour situer la mutation actuelle du christianisme dans une religion simplement naturelle, humanitaire, dont l’Église s’est rendue complice par sa reddition.

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