Dans la veine moderniste des deux derniers siècles illustrée par de grands ancêtres comme Lamennais, Renan et autres Loisy, j’avais pensé qu’on inscrirait peut-être un jour, dans une note érudite, le nom d’un lointain épigone belge, dont « le Soir » a encore recueilli dévotement les oracles, ce 18 juillet. Ses propos sont aujourd’hui (71 ans) dédiés à la mémoire et au souvenir. A leur lecture, je me ravise : il ne suffit pas d’avoir le goût de la transgression, de forcer le trait et de jouer les provocateurs pour atteindre le niveau de ces maîtres d’hier qui inspirèrent la figure de l’abbé Donissan à Bernanos ou celle de l’abbé Bourret à Joseph Malègue. Nous sommes finalement ici dans un registre léger, dont la postérité me semble bien moins assurée, comme le suggère d'ailleurs malicieusement le titre ambigu de l’article du « Soir »: "je n'ai jamais tenu la femme à distance". Quelques extraits de cette entrevue, commentés par nos soins, le montrent mieux qu'une longue plaidoirie:
Malèves Sainte-Marie ce n’est pas la Colline inspirée , ni la Roche de Solutré mais, tout de même, l’abbé y tient sa petite cour. « Le soleil matinal est délicieux et le cadre idyllique », note le journaliste : « Gabriel Ringlet nous reçoit chez lui, dans la bâtisse de style fermette dont il a fait son havre de paix, à quelques enjambées du prieuré de Malèves-Saintes-Marie, véritable Q.G. de la communauté qu’il anime depuis trente ans. Un lieu qui lui a redonné le lien à la terre, vital pour ce prêtre, théologien, écrivain, ancien directeur de l’école de journalisme de Louvain-la-Neuve et vice-recteur émérite de la même université. » .
Voilà pour le décor et voici pour les références : « Opposé dès son entrée au séminaire au célibat des prêtres, fervent défenseur de l’euthanasie, de la procréation médicalement assistée, très critique sur la façon dont les instances catholiques belges ont géré la crise de la pédophilie, Gabriel Ringlet n’a jamais cessé de dire ses quatre vérités à une Eglise qu’il n’a pourtant jamais songé à quitter. Et c’est sans doute ce qui donne à sa critique de l’institution une telle légitimité ».
Où commence son histoire ? « Tout commence à Pair-clavier, dans le Condroz. Mon papa, François, est maçon, il a une toute petite entreprise de maçonnerie avec son frère. A l’époque, on fait encore le métier à pied : on part à 4 heures du matin pour être sur le chantier. Quand je traverse le Condroz aujourd’hui, je peux encore dire quelles sont les maisons construites par mon papa. Mon père est donc maçon, puis clerc de notaire, puis chantre grégorien, dans les petites églises où il m’emmenait petit garçon. Cela ne paraît plus possible aujourd’hui ! Mon père a uniquement fait l’école primaire, mais il écrivait admirablement, sans une faute d’orthographe, et s’exprimait comme un intellectuel. Ma mère, Germaine, était mathématicienne : elle avait fait ses études à l’université à Liège. Si je refuse tellement le clivage entre le monde intellectuel et le monde manuel, c’est que je ne l’ai jamais vécu à la maison. J’ai toujours trouvé un dialogue extraordinaire entre mes parents venant de deux horizons différents ».