Source : http://ns228794.ovh.net/notre-opinion/notre-opinion/l’illusion-vivace-communisme20120627.html

Comme l’a montré la campagne présidentielle de M. Mélenchon, l’utopie communiste et sa rhétorique de guerre civile résistent, même s’ils ne séduisent plus les classes populaires mais une minorité de “bobolcheviques” en retard d’une révolution.
Comment expliquer cet étrange déni de réalité, ce refus des enseignements de l’Histoire, sinon par le fait que la politique est irréductible à la rationalité ? « L’idée communiste, en tant qu’idée désincarnée, n’est effectivement pas morte avec la disparition de l’Union soviétique. Dans la mesure où elle naît des frustrations inséparables de la société capitaliste, et de la haine d’un monde dominé par l’argent, elle est indépendante de sa “réalisation”. Il lui suffit de meubler l’espérance abstraite d’un univers postcapitaliste. Mais pourtant, elle a désormais aussi une histoire qu’il est impossible de passer par profits et pertes, comme on le tente déjà ici ou là à gauche […]. »
Ainsi s’étonnait l’historien François Furet, dans un entretien, resté inédit, avec le philosophe Paul Ricoeur en 1996, un an avant sa brutale disparition. Publié par les Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, ce texte bref, réduit aux seuls propos de l’historien de la Révolution française, méritait de sortir des limbes, tant l’analyse de François Furet reste d’actualité. Entré au Parti communiste en 1949, François Furet devait le quitter en 1956, après la répression de l’insurrection hongroise. Pour avoir cédé lui-même au chant des sirènes staliniennes, il était bien placé pour dresser, longtemps après, dans le Passé d’une illusion, publié en 1995, l’inventaire de la sanglante utopie communiste. Entre-temps, il était devenu le plus éminent spécialiste français de la Révolution, contre l’interprétation de l’historiographie marxisante et, par le biais de Tocqueville, s’était converti au libéralisme. Dans les pas de l’auteur de De la Démocratie en Amérique ainsi que de Hannah Arendt, il avait bien vu que l’idée de démocratie et son corollaire, l’égalité des individus, ouvraient à la fois sur la liberté et le despotisme. Les deux grands totalitarismes du XXe siècle, le communisme et le fascisme, sont donc des produits monstrueux de la démocratie moderne.
