De Jeanne Smits sur Réinformation TV :
Victor Manuel Fernandez et la « passion mystique »
On connaissait l’opuscule de Victor Manuel (dit « Tucho ») Fernandez sur le baiser : Sáname con tu boca : el arte de besar, « Guéris-moi avec ta bouche, l’art du baiser », publié en 1995. Voilà qu’on découvre un autre ouvrage de celui qui est aujourd’hui cardinal et préfet du Dicastère pour la Doctrine de la foi, publié en 1999 au Mexique par les éditions Dabar, et introuvable aujourd’hui même en occasion, en aurait-on honte ? Sous le titre évocateur La Pasión Mística, espiritualidad y sensualidad (« La Passion mystique, spiritualité et sensualité »), Tucho décrit le côté physique des expériences mystiques de nombreux saints, d’après leurs dires. Puis sombre dans une description pornographique de l’acte sexuel, curieusement présenté comme un chemin vers Dieu quand il est vécu dans l’altérité. Voilà un ouvrage qui rend moins surprenante sa récente Déclaration Fiducia supplicans, contresignée par le pape François, sur la bénédiction des « couples irréguliers » et « de même sexe ».
Ni l’un ni l’autre livre ne sont inclus dans la bibliographie officielle du nouveau préfet chargé – on croit rêver – de la « doctrine de la foi ». Du premier, Sáname con tu boca, « Tucho » a refusé la réédition, expliquant qu’il l’avait écrit avec des adolescents sur le mode « catéchétique », non sans enquêter autour de lui sur l’expérience du baiser chez les jeunes.
La passion mystique vue à travers les yeux du pornographe
La lecture de La Pasión Mística, dont une version numérique a été diffusée par des laïcs qui ont réussi à obtenir un exemplaire du l’ouvrage, et que j’ai pu consulter, est profondément dérangeante. Car s’il est acquis que de grands mystiques ont décrit l’amour dont Dieu les remplit touche l’unité de leur âme et de leur corps, emplissant tout leur être de délices ineffables, ce que montre l’analyse par Victor Manuel Fernandez des citations de ces saints qu’il a soigneusement collationnées, non sans une certaine obsession, est qu’il les considère de la manière la plus physiologique qui soit. Manière qui aboutit à troubler le regard et à salir l’expérience.
Pour certains, celui qui était alors curé de paroisse dans la petite ville de Rio Cuarto en Argentine, il s’empare d’expressions d’amour et de désir pour y ajouter une interprétation sensuelle, voire lascive. Ainsi pour saint Augustin, dont il cite les élans amoureux envers Dieu – « Je t’ai humé, et je soupire après toi. Je t’ai goûté, j’ai faim et soif de toi… » – pour y lire des preuves d’une sorte de désir charnel. S’il note le grand désordre des sens chez Augustin dans sa jeunesse, il salue sa vie de concubinage : « Il a aussi une vie d’amour et de plaisir plus sereine, quand il a décidé de cohabiter avec une femme, sans s’unir à elle par le mariage, mais en lui étant fidèle. » (Et en la répudiant quand elle ne répondait plus à ses ambitions, mais cela n’est pas dit…) Les mots « chasteté » et « continence » – à quoi saint Augustin aspirait en se convertissant – pas plus que la « pureté » n’apparaissent jamais sous la plume de Victor Manuel dans cet ouvrage qui s’attarde sur tout ce qui peut être de près ou de loin assimilé à une intrusion de volupté charnelle dans le rapport avec Dieu. Ainsi de l’extase au moment de communier, ou des dernières paroles de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, les yeux fixés sur son crucifix : « Oh je l’aime… Mon Dieu… Je vous aime ! »