De François Miclo sur tak.fr :
Trente-deux ans durant, Karol Wojtyla et Anna-Teresa Tymieniecka ont vécu une « amitié intense ». Un sentiment forcément suspect pour l’AFP.
Lundi soir, la BBC consacrait son émission « Panorama » à un sacré sujet : « Les lettres secrètes de Jean Paul II ». Le lendemain, Arte diffusait à son tour le documentaire. Entre temps, la presse faisait ses gorges chaudes – à défaut d’être profondes – de ce que l’on nous présentait comme une incroyable révélation.
Pensez donc : trente-deux ans durant, le pape Jean-Paul II et la philosophe Anna-Teresa Tymieniecka ont vécu une amitié qu’on nous dit « intense ». Il sont allés – tenez vous bien ! – jusqu’à entretenir une correspondance : ainsi l’ancien pape aura-t-il écrit à son amie « plus de 350 lettres ».
Les petites touches allusives de l’AFP
L’AFP fait son travail et publie une dépêche aussitôt reprise par l’ensemble de la presse. Comme il n’y a rien de salace, de graveleux ou de franchement dégueulasse – grosse déception –, on procède par petites touches allusives. On écrit :« Les lettres semblent suggérer que l’universitaire avait des sentiments amoureux pour Karol Wojtyla. » On fait parler Edward Stourton, l’auteur du documentaire : « “Ils étaient plus que des amis, mais moins que des amants », qui ajoute : « Il n’y avait dans ces lettres aucune preuve de rupture du vœu de chasteté de Jean Paul II. »
Comme on n’a « aucune preuve » sur la nature charnelle de cette « amitié intense », on va quand même interroger le père Boniecki sur la vie sexuelle des curés : « Des femmes tombent assez souvent amoureuses de prêtres, cela cause toujours pas mal d’ennuis… » Puis, on conclut la dépêche par un rappel : en 1979, le Vatican démentait officiellement la rumeur selon laquelle Karol Wojtyla avait eu, dans sa jeunesse cracovienne, une « fiancée ». Mû par ce qui lui restait de déontologie ou par une soudaine envie de pisser, le journaliste de l’AFP s’est arrêté juste à temps : encore un peu, il nous faisait passer, ni vu ni connu, notre bon Wojtyla pour un nouveau Borgia.