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Après la violente charge de Sandro Magister contre les récentes réflexions de Mgr Carlo Maria Viganò à propos de « l'herméneutique de la continuité » (qu'il rejette) appliquée à Vatican II, il est intéressant de prendre connaissance de l'échange de lettres entre Mgr Luigi Negri, archevêque émérite de Ferrara, et Mgr Viganò qui eut lieu à la mi-juin, où Mgr Negri disait son soutien à l'appel du 5 mai. Cet échange ne concerne pas les propos de Mgr Viganò sur le Concile, a précisé Mgr Negri. Mais la charge de Magister s'applique aussi explicitement à cet appel du 5 mai, d'où le lien. De manière générale, on peut se demander si nous assistons à l'alignement de camps adverses en pleine crise doctrinale alimentée par nombre d'actes et d'écrits du pape François – comme la signature du funeste Document d'Abu Dhabi ? Il me semble que les choses ne sont pas si simples. La liberté de ton des discussions à un moment où l'on assiste à de nombreuses aberrations dans l'Eglise n'est pas en soi une rupture. Je note d'ailleurs dans le texte de Sandro Magister – pour qui j'ai par ailleurs un grand respect – une manière d'exacerber la tension lorsqu'il accuse Mgr Viganò d'être « au bord du schisme » parce qu'il propose de rejeter en bloc Vatican II, concile pastoral, plutôt que de rectifier fermement certaines de ses propositions comme le souhaite Mgr Schneider. A l'heure où un vent de folie moderniste et pire souffle dans l'Eglise (pensez aux Jésuites hispanophones qui publient l'article d'un confrère regrettant l'absence de Gay Prides cette année…), on assiste une nouvelle fois à la marginalisation de ceux qui ont pour souci l'intégrité doctrinale, dans leur amour pour l'Eglise. L'article de Magister contient d'ailleurs une fâcheuse phrase floue, puisqu'il affirme que Mgr Viganò propose, pour ceux qui s'attachent à de « vaines tentatives » de récupérer ce qui peut l'être de Vatican II, de « “bouter hors du Temple” dans le même temps toutes les autorités de l’Église qui, reconnues coupables de cette tromperie et “invitées à s’amender” ne se raviseraient pas ». D'après le contexte de l'article de Magister, on comprend que Mgr Viganò voudrait même voir Benoît XVI « bouté hors du Temple ». Or ce qu'écrivait Viganò s'appliquait à ceux qui « par mauvaise foi ou même par malice » ont « trahi l'Eglise », et il précisait clairement que d'autres ont pu tromper ou être trompés pour d'autres motifs, y compris de bonne foi. On peut lire un commentaire intéressant sur le texte de Sandro Magister sur le site benoit-et-moi. Voici donc l'échange de lettres entre Mgr Viganò et Mgr Negri, publié sur le site de ce dernier. Ma traduction a été révisée et autorisée par Mgr Viganò. – J.S.
De Sandro Magister (Settimo Cielo) en traduction française sur Diakonos.be :
L’archevêque Viganò au bord du schisme. La leçon non entendue de Benoît XVI
En 2019, Benoît XVI l’avait promu nonce apostolique aux États-Unis. Mais il y a neuf ans, le doux pape théologien ne pouvait certainement pas s’imaginer que l’archevêque Carlo Maria Viganò – retourné à la vie privée depuis 2016 mais certes pas au silence – l’aurait aujourd’hui accusé d’avoir « trompé » l’Église toute entière en faisant croire que le Concile Vatican II était exempt d’hérésies et qu’il fallait donc le lire en continuité parfaite avec la vraie doctrine de toujours.
Car voilà jusqu’où Viganò n’a pas hésité à aller dernièrement en décochant une volée ininterrompue de dénonciation des hérésies de l’Église de ces dernières décennies, avec à la racine de tous les maux le Concile, encore dernièrement dans un question-réponse avec Phil Lawler, le directeur de CatholicCulture.org
Attention : non pas le Concile mal interprété mais le Concile en tant que tel et en bloc. Lors de ses dernières interventions publiques, en effet, Viganò a même rejeté, en les qualifiant de trop timorées et même de vaines, les tentatives de certains d’apporter quelques « corriger » le Concile Vatican II ça et là, au niveau des textes qui sont à ses yeux les plus ouvertement hérétiques, tels que la déclaration « Dignitatis humanae » sur la liberté religieuse. Parce ce qu’il faut faire une fois pour toutes – a-t-il enjoint – c’est « de le laisser tomber ‘en bloc’ et de l’oublier ».
Naturellement, non sans « bouter hors du Temple » dans le même temps toutes les autorités de l’Église qui, reconnues coupables de cette tromperie et « invitées à s’amender » ne se raviseraient pas.
Selon Viganò´, ce qui a dénaturé l’Église depuis le Concile, c’est une sorte de « religion universelle que la Maçonnerie a été la première à concevoir ». Et dont le bras politique serait ce « gouvernement mondial au-dessus de tout contrôle » que cherchent à obtenir des puissances « sans nom ni visage » qui manipulent aujourd’hui même la pandémie du coronavirus pour servir leurs propres intérêts.
Le 8 mai dernier, une pétition de Viganó à lutter contre ce « Nouvel Ordre Mondial » menaçant a même été signée imprudemment par les cardinaux Gerhard Müller et Joseph Zen Zekiun.
De plus, la lettre ouverte ultérieure adressée par Viganó à Donald Trump – qu’il considère comme un guerrier de la lumière contre le pouvoir des ténèbres à l’œuvre aussi bien au sein du « deep state » que dans la « deep Church » – a reçu un accueil enthousiaste du président des États-Unis en personne, dans un tweet devenu viral.
Mais pour en revenir à l’acte d’accusation téméraire de Viganò contre Benoît XVI pour ses « tentatives infructueuses de corriger des excès conciliaires en invoquant l’herméneutique de la continuité », il convient de donner la parole à l’accusé lui-même.
L’herméneutique de la continuité – ou plus exactement : « l’herméneutique de la réforme, du renouvellement dans la continuité de l’unique sujet-Église » – est en effet la clé de voûte de l’interprétation que Benoît XVI a donnée du Concile Vatican II, dans son mémorable discours à la Curie vaticane la veille de Noël de l’année 2005, la première année de son pontificat.
C’est un discours qu’il faut absolument relire dans son entièreté :
De l'abbé Claude Barthe sur Res Novae (juin 2020) :
Un schisme par démission de l’autorité
Si on suppose que le schisme latent dans lequel se trouve l’Église risque de devenir un schisme ouvert par le fait d’une séparation de telle partie de l’Église, on se trompe : l’Allemagne ne fera pas plus sécession d’elle-même que ne l’avait fait la Hollande de la fin des années soixante. Pour qu’un schisme advienne, il faut, comme cela s’est produit presque toujours, que ceux qui ont fait naufrage dans la foi soient déclarés exclus de la communion par l’autorité ecclésiastique, celle des évêques, du pape. Or, et c’est tout le drame, ils ne sont plus jamais condamnés. En cela réside le schisme d’aujourd’hui.
Un schisme créé par l’abstention de condamnation
Cette abstention dans la condamnation conduit à un schisme d’une autre forme que les schismes du passé. Dans l’affaire du Synode d’Allemagne (...) on peut malheureusement présumer que l’on cherchera des solutions assez semblables à celle qu’on a trouvées en 2018 concernant les époux de mariages confessionnels mixtes. Des représentants d’évêques favorables et hostiles à la permission pour eux de participer ensemble à l’eucharistie ont été réunis par la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, pour s’entendre dire que Rome ne décidait rien et leur demandait de trouver entre eux « un accord aussi unanime que possible ». Cette abstention relève d’une sorte de démission de l’autorité ecclésiastique qui se refuse de trancher : positivement par des énoncés se référant directement ou indirectement au charisme de l’infaillibilité dans les cas où la conduite du peuple chrétien le réclame ; négativement – ce qui est en fait la même chose – en se dispensant de condamner ceux qui s’écartent de la confession de foi.
Or, la matière sur laquelle agit l’autorité apostolique est en quelque sorte la confession de foi de tous et chacun des baptisés, en paroles et en actes. Aujourd’hui, de facto, l’autorité s’abstient de jouer le rôle d’instrument d’unité (du moins d’unité au sens classique), et se présente au contraire comme gestionnaire d’une certaine diversité. Elle semble entendre son rôle comme étant de fédérer et non plus d’unir.
Il faudrait des volumes et des bibliothèques pour passer en revue les errances doctrinales publiques, avérées, confirmées, de pasteurs, de théologiens, de professeurs, de groupes chrétiens de tous ordres. Le plus grave est que l’expression libre de son sentiment en matière de foi et de morale est devenue comme une liberté fondamentale de chaque catholique. En fait, ce ne sont pas tant des hérésies que des relativisations du dogme, à la manière moderniste. Et la relativisation redouble du fait que ces contestations du Credo sont exprimées paisiblement et librement. Depuis un demi-siècle, sauf cas rares ou marginaux, plus aucune sentence d’exclusion de l’Église pour hérésie n’a été prononcée de la part des instances hiérarchiques épiscopales ou romaines. Au mieux, en certains cas, et c’est déjà heureux, il y a eu une « notification » des erreurs, comme dans le cas célèbre du P. Dupuis, jésuite, à propos d’hérésies concernant le Christ et l’Église, unique voie de salut (notification du 24 janvier 2001), auquel par ailleurs l’instruction Dominus Jesus, sur l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus-Christ et de l’Église, du 6 septembre 2000, était une réponse.
À force de diluer leur foi, les catholiques ont-ils vidé leurs églises?
28-06-20
Une carte blanche de Jean-François Nandrin, directeur d'école s'exprimant ici à titre personnel.
Dans une opinion récente, un moine partageait son opinion que l’avenir proche de l’Église catholique consistera moins dans son rappel des dogmes que dans une humble et commune solidarité humaine. Je ne partage pas cet avis : non que j’en rejette quoi que ce soit, mais il est insuffisant. Il nous incombe de préserver la foi d’une double réduction : à un discours moralisateur, si édifiant soit-il ; à un discours humanitaire, si généreux soit-il. Morale et humanisme trouvent leurs racines dans la foi en Jésus-Christ, vraiment homme et vraiment Dieu, mort, ressuscité et retourné vers le Père qu’il n’avait jamais quitté, nous envoyant l’Esprit Saint. Laisser tomber une de ces notions consiste à vider la foi de son contenu, et comme le disait saint Paul : "Si le Christ n'est pas ressuscité, (…) si c'est pour cette vie seulement que nous avons mis notre espoir dans le Christ, nous sommes les plus malheureux des hommes" (1 Co 15). N’y a-t-il pas à interroger un rapport entre une foi humanitaire et généreuse – mais sans contenu dogmatique, et le vide des églises ? Qu’aller chercher le dimanche matin s’il n’y a qu’un discours humain ?
Les affres de la déculturation
Une des misères du christianisme en Europe occidentale est le manque de connaissances de la foi. Là où l’on invite les enfants, lors de la confirmation, à inventer leur propre "credo", on ne peut pas s’étonner que le contenu de la foi, cohérent, serré, affiné, se dilue. Ni dans ces conditions que l’on ne voit plus bien les raisons de croire ni d’ailleurs ses conséquences dans une morale (vue alors comme un ensemble à part, sans racines, "dépassé"), et qu’on aille chercher ailleurs ce qu’on possède mais sans le savoir. Amusant accrochage sur le mur Facebook d’un ami avec une personne qui citait un sage oriental pour dire ce qui se trouve dans la Bible ; et l’ami m’envoie un message avec un clin d’œil : "c’est le sacristain".
Il y a une désinformation, une déculturation : on ne sait tout simplement plus, au rythme de cours, de sermons (pour celles et ceux qui pratiquent encore – parfois), de lectures qui ont trop souvent versé dans une assistance sociale ou psychologique certes généreuse (et nécessaire), mais coupée de son cœur théologique. Peut-être est-ce un biais de la part d’un moine de croire cette connaissance acquise ?
Ce qui donne sens à la morale
Dans une enquête de 2005 (1), on apprenait que 26% des sondés se disaient croyants et pratiquants. Mais parmi ces pratiquants, 27,8 % ne croyaient pas à une résurrection (mais bien 8,5% des "sans religion") ; 11,8 % d’entre eux ne croyaient pas en l’existence d’une âme (mais bien 38,8% des "sans religion") ; et 21,9% ne croyaient pas à l’au-delà. Ces résultats sont profondément étonnants. Qu’un croyant sociologique (la catégorie existait dans le sondage) ne croit ni en l’âme ni à la résurrection, soit. Mais que vont faire ces pratiquants lorsqu’ils pratiquent, s’il n’y a ni résurrection, ni âme, ni au-delà ? Et éventuellement, que disent la liturgie et le célébrant pour laisser croire cela ?
Ce savoir juste (cette ortho-doxie) est d’autant plus important que les informations erronées, les sources non scientifiques et/ou orientées, le manque de connaissances génèrent une culture du mépris. "Le contraire de la connaissance, ce n'est pas l'ignorance mais les certitudes" (R. Benzine) : c’est bien dans ce sens que la certitude de savoir bien des choses alors qu’elles sont trop souvent erronées favorise une critique ignare qui transforme les nécessaires questionnement ou controverse documentés en réquisitoires haineux contre l’Eglise et la foi.
(1) Avec l'appui de l'institut de sondages Sonecom et d’Olivier Servais (UCL), des journaux La Libre Belgique et Dimanche : « Enquête sur le bénévolat et les attitudes à l’égard de la religion ».
L'“esprit du Concile” est-il le résultat d'une interprétation biaisée des actes du concile Vatican II ou au contraire l'essence même de cet évènement dont on fait une frontière entre l'« avant » et l'« après » de l'Eglise catholique ? Mgr Carlo Maria Viganò répond à ce sujet aux questions de Phil Lawler, fondateur du plus ancien site d'informations catholiques américain, Catholic Culture. Vous trouverez ci-dessous une traduction complète de l'entretien, révisée par mes soins d'après le texte original en italien à la demande de Mgr Viganò qui me l'a communiquée, puis autorisée par lui. C'est une nouvelle pièce dans ce qu'on pourrait appeler les « discussions doctrinales » publiques à propos de Vatican II qui ont surgi sur internet à la faveur de prises de position de diverses personnalités : Mgr Schneider, le cardinal Brandmüller, Mgr Viganò, et dont plusieurs ont été traduites sur ce blog. (Voir ici ou ici.) Mgr Viganò y explique pourquoi il pense que « ceux qui ont affirmé que “l’esprit du Concile” représentait une interprétation peu orthodoxe de Vatican II se sont livrés à une opération inutile et nuisible, même si, ce faisant, ils étaient mus par la bonne foi ». – J.S.
*
Philip Lawler : D’abord, quelle est opinion de votre Excellence sur Vatican II ? Que les choses se soient détériorées rapidement depuis lors est certainement vrai. Mais si l’ensemble du Concile pose problème, comment cela a-t-il pu se produire ? Comment concilier cela avec ce que nous croyons de l’inerrance du Magistère ? Comment les Pères du Concile ont-ils tous pu être ainsi trompés ? Même si seules certaines parties du Concile posent problème (par exemple Nostra Ætate, Dignitatis Humanæ), nous sommes toujours confrontés aux mêmes questions. Beaucoup d’entre nous disent depuis des années que « l’esprit de Vatican II » est erroné. Votre Excellence affirme-t-elle à présent que ce faux « esprit » libéral reflète fidèlement le Concile en tant que tel ?
Nouveau Directoire pour la catéchèse : rendre l'Évangile toujours actuel
Le conseil pontifical pour la Promotion de la Nouvelle Évangélisation a rendu public ce jeudi le nouveau Directoire pour la catéchèse. Il succède au Directoire catéchétique général de 1971 et au Directoire général pour la catéchèse de 1997. Ce long document a été approuvé par le Pape François le 23 mars dernier.
Présenté ce jeudi 25 juin en salle de presse du Saint-Siège par Mgr Rino Fisichella, le président du conseil pontifical pour la Promotion de la Nouvelle Évangélisation, ce nouveau Directoire pour la catéchèse est un long document de 300 pages, divisé en trois parties et douze chapitres. Le lien étroit entre l'évangélisation et la catéchèse est la particularité du nouveau Directoire qui souligne l'union entre la première annonce et la maturation de la foi, à la lumière de la culture de la rencontre. Cette particularité - explique-t-on - est d'autant plus nécessaire face à deux défis de l'Église à l'époque contemporaine : la culture numérique et la mondialisation de la culture.
Le baptisé est un missionnaire
Approuvé par le Pape François le 23 mars 2020, mémoire liturgique de saint Turibe de Mogrovejo qui, au XVIe siècle, a donné une forte impulsion à l'évangélisation et à la catéchèse, ce document rappelle que tout baptisé est un disciple missionnaire et que l'engagement et la responsabilité sont nécessaires pour trouver de nouveaux langages avec lesquels communiquer la foi.
On peut agir selon trois principes de base : le témoignage, car «l'Église ne naît pas du prosélytisme, mais de l'attraction» ; la miséricorde, catéchèse authentique qui rend crédible l'annonce de la foi ; et le dialogue, libre et gratuit, qui n'oblige pas mais qui, à partir de l'amour, contribue à la paix. Ainsi, explique le Directoire, la catéchèse aide les chrétiens à donner un plein sens à leur vie.
Dans sa première partie, intitulée «La catéchèse dans la mission évangélisatrice de l’Église», le texte s'attarde en particulier sur la formation des catéchistes : pour être des témoins crédibles de la foi, ils devront «être catéchistes avant de faire les catéchistes» et donc travailler avec gratuité, dévouement, cohérence, selon une spiritualité missionnaire qui les éloigne de la «fatigue pastorale stérile» et de l'individualisme.
Les enseignants, éducateurs, témoins, catéchistes devront accompagner avec humilité et respecter la liberté des autres. En même temps, il faudra «être vigilant avec détermination afin que toute personne, en particulier les mineurs et les personnes vulnérables, puisse se voir garantir une protection absolue contre toute forme d'abus». Les catéchistes sont également invités à adopter un «style de communion» et à faire preuve de créativité dans l'utilisation des outils et des langues.
La famille, premier lieu de la catéchèse
Dans la deuxième partie du Directoire, intitulée «Le processus de la catéchèse», l'importance de la famille apparaît clairement : sujet actif d'évangélisation et lieu naturel pour vivre la foi de manière simple et spontanée, elle offre une éducation chrétienne «plus témoignée qu'enseignée», à travers un style humble et compatissant. Face aux situations irrégulières et aux nouveaux scénarios familiaux présents dans la société contemporaine, l'Église nous appelle donc à accompagner dans la foi avec proximité, écoute et compréhension, pour redonner confiance et espoir à tous.
«Non, Madame Soupa, les femmes ne sont pas exclues de l’Église!»
FIGAROVOX/TRIBUNE - La théologienne Anne Soupa avait suscité l’intérêt médiatique en se portant candidate pour devenir archevêque de Lyon - poste traditionnellement réservé aux hommes. Une autre théologienne catholique, Sandra Bureau, lui répond, estimant que la différenciation des rôles au sein de l’Église n’est pas synonyme pour autant d’une infériorisation des femmes.
24 juin 2020
Giovanni di Paolo - Les noces mystiques de sainte Catherine de Sienne Wikimedia Commons - CC
Sandra Bureau est une vierge consacrée du Diocèse de Lyon, diplômée de l’Institut Catholique de Paris où elle a soutenu en 2011 une thèse en théologie dogmatique sur «L’inversion trinitaire chez H.U. von Balthasar». Elle enseigne actuellement au Séminaire Provincial Saint Irénée de Lyon après avoir été en charge de la formation des laïcs dans le Diocèse de Lyon. Elle est engagée dans la Communauté Aïn Karem.
Le 25 mai dernier, Madame Anne Soupa, féministe convaincue, constatant que dans l’Église catholique aucune femme n’avait encore été placée à la tête d’un Diocèse, ni même n’avait été admise à l’ordination, a voulu dénoncer cette situation jugée profondément injuste à ses yeux. Elle a donc profité de la vacance du siège épiscopal de Lyon pour proposer, par le biais des réseaux sociaux, sa candidature comme Archevêque de Lyon. Et cela en s’appuyant sur sa notoriété d’écrivain, de bibliste, de théologienne...
Comme catholique j’ai d’abord accueilli la publication Twitter de Madame Soupa, en tout contraire à la Tradition de l’Église, comme un de ces pamphlets qui offrent si peu de sérieux qu’à peine lus on les jette à la poubelle. Pourtant, même chiffonnée, écartée de ma vue, cette publication laissait en moi une interrogation profonde: comment une femme, partageant la même foi que moi, se disant, comme moi, théologienne, pouvait-elle dire cela? Comment pouvait-elle prétendre par-là défendre la place des femmes dans l’Église? Mystère. C’est donc en femme, et en théologienne que je voudrais réagir.
Mgr Athanasius Schneider publie ce jour un texte intitulé « Quelques réflexions sur le concile Vatican II et la crise actuelle de l'Eglise », afin de clarifier sa position sur le Concile. Il y insiste respectueusement sur le fait qu’il n’est pas favorable au rejet radical de Vatican II, une position récemment exprimée ouvertement par certains membres du clergé. Les présentes réflexions de Mgr Schneider, tirées pour partie du chapitre correspondant de son livre d’entretiens avec Diane Montagna, Christus Vincit, Christ’s Triumph Over the Darkness of the Age, développent certains points de sa discussion à propos de Vatican II, à la lumière des débats récents. D’abord publié en anglais par Angelico Press en octobre 2019, Christus Vincit doit paraître cette semaine en allemand et en portugais. La version française, Christus vincit, Le triomphe du Christ sur les ténèbres de notre temps paraîtra à la rentrée et sera disponible via ce blog.
[Pour recevoir l’annonce de la parution de ce livre qui propose une vaste réflexion sur la situation présente de l’Eglise et ses rapports avec le monde, mais aussi des propos plus personnels de Mgr Schneider sur son enfance, sa vocation, l’islam, la perte du sens du surnaturel, Fatima, les anges et bien d’autres sujets, je vous invite à m’envoyer une courriel à jeanne.smits.blog@gmail.com et je vous avertirai le moment venu.] Son Excellence Mgr Schneider a donné le texte officiel de ces réflexions en exclusivité à The Remnant pour l’anglais, à Corrispondenza Romana pour l’italien et l’espagnol, et au Blog de Jeanne Smits pour le français.
Le développement de la doctrine est la fidélité dans la nouveauté
Certaines critiques de l'actuel pontificat remettent en cause le Concile Vatican II, finissant par faire oublier le Magistère de Saint Jean-Paul II et Benoît XVI
Certaines critiques doctrinales du pontificat actuel montrent une distance progressive mais de plus en plus nette par rapport au Concile Vatican II. Non pas à partir d'une certaine interprétation de quelques textes, mais à partir des textes du Concile eux-mêmes. Certaines lectures qui insistent pour opposer le Pape François à ses prédécesseurs immédiats finissent donc même par critiquer ouvertement saint Jean-Paul II et Benoît XVI, ou en tout cas par faire taire certains aspects fondamentaux de leur ministère, qui représentent des développements évidents du dernier Concile.
La prophétie du dialogue
Un exemple en est le 25e anniversaire de l'encyclique "Ut Unum sint", dans laquelle saint Jean-Paul II déclare que l'engagement œcuménique et le dialogue avec les non-catholiques sont une priorité de l'Église. Cet anniversaire a été ignoré par ceux qui proposent aujourd'hui une interprétation réductrice de la Tradition, fermée à ce «dialogue d'amour», au-delà du dialogue doctrinal, promu par le Pape polonais en obéissance à l'ardent désir d'unité de notre Seigneur.
La prophétie du pardon
Un autre anniversaire important a également été négligé, le 12 mars dernier: la demande de pardon jubilaire fortement souhaitée par Jean-Paul II, il y a vingt ans. Le pouvoir prophétique d'un Pontife qui demande pardon pour les péchés commis par les enfants de l'Église est éclatant. Et quand on parle de «fils», les Papes sont également inclus.
C'est connu: ceux qui demandent pardon pour les erreurs commises se mettent dans une situation risquée de révision. Karol Wojtyla a choisi prophétiquement le chemin de la vérité. L'Église ne peut et ne doit pas avoir peur de la vérité. Le cardinal Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a souligné la «nouveauté de ce geste», un «acte public de repentance de l'Église pour les péchés du passé et d'aujourd'hui»: un «mea culpa du Pape au nom de l'Église», un geste vraiment «nouveau, mais néanmoins en profonde continuité avec l'histoire de l'Église, avec sa propre conscience».
Lu sur le site web de la revue « France Catholique » :
« La première chose à dire, et qui surprendra peut-être, c’est que Luther n’a jamais nié la présence réelle du Christ dans l’hostie au moment de la consécration. Il l’a même affirmée avec l’emportement et la brutalité argumentative qui sont sa marque de fabrique. Contre ceux qui prétendaient qu’en disant « Ceci est mon corps », le Christ avait seulement voulu faire une métaphore, il tonnait : « Qui, sinon le Diable, peut s’autoriser à triturer ainsi les mots de la sainte Écriture ? A-t-on jamais vu dans les Écritures que “mon corps” soit équivalent à “signe de mon corps” ? Ou bien que “est” soit la même chose que “signifie” ? ». Là-dessus, donc, Luther n’a pas dévié. Ce sont ses épigones – Calvin et Zwingli – qui abandonnèrent la Présence réelle pour lui substituer une présence spirituelle pour le premier, et seulement symbolique et commémorative pour le second. Au point d’en arriver à ce qui était écrit sur les fameux « placards » cloués jusque sur la porte de François Ier le 18 octobre 1534 : « Il ne peut se faire qu’un homme de vingt ou trente ans soit caché dans un morceau de pâte. »
Luther a en revanche refusé la doctrine catholique de la « transsubstantiation » pour lui préférer la « consubstantiation ». Quelle différence, me direz-vous ? Selon la première, adoptée par le quatrième concile du Latran (1215), la substance du corps du Christ remplace totalement la substance du pain lors de la consécration, alors que selon la seconde théorie, elle vient seulement s’y ajouter… Hérésie bien vénielle diront certains : l’essentiel n’est-il pas que le Christ soit réellement présent sous les apparences du pain et du vin ?
Une chose est sûre : là n’est pas le plus grave. Le véritable problème, c’est le sens même de la messe. Dans son ouvrage intitulé De la captivité babylonienne de l’Église, Luther présente la « messe papiste » comme un véritable « scandale » car, selon lui, les prêtres ont fait de l’eucharistie une sorte de rite sacrificiel païen, par lequel nous serions censés fléchir Dieu en notre faveur et acquérir à ses yeux un certain mérite. Or, dit Luther, il n’y a qu’un seul sacrifice – celui du Christ –, qu’il est impossible de répéter, et aucun homme n’a le pouvoir de mériter quoi que ce soit par des œuvres sacrificielles, qui appartiennent à l’Ancienne Alliance. Seule compte la foi dans le Salut.
Unique sacrifice
À vrai dire, si la doctrine catholique disait le contraire, il faudrait se faire luthérien. Mais quand l’Église dit que la messe est un « sacrifice propitiatoire », elle ne veut pas dire que le prêtre réalise, par lui-même, un sacrifice censé amadouer le Bon Dieu ; elle signifie que le prêtre rend présent sur l’autel l’unique sacrifice du Christ, seule source de sanctification. Le sacrifice du Christ n’est pas « recommencé » par la Messe, il est « présentifié » miraculeusement, comme si nous nous retrouvions au pied du Golgotha. Ce que le Christ a demandé à ses disciples de faire en mémoire de lui, ce n’est pas partager du pain, ni même donner son corps sans plus de précision, comme semble le penser Luther, mais offrir son « corps livré », son « sang répandu » (Lc 22, 19). Autrement dit, ce que le Christ a demandé à ses apôtres de rendre présent, c’est bel et bien son sacrifice. En offrant l’hostie à Dieu, ce que le prêtre offre, c’est le Christ lui-même en train de s’offrir à son Père. En toute rigueur, ce n’est donc pas le prêtre qui offre quelque chose, c’est le Christ qui s’offre lui-même par l’intermédiaire du prêtre qui agit in persona Christi. En un sens, Luther a raison : la messe n’est pas un sacrifice ; mais il a tort, car elle est le sacrifice.
Continuité avec l’Ancienne Alliance
Ce que Luther, par ailleurs, ne voit pas, dans sa détestation de l’Offertoire et de tout ce qui rappelle les sacrifices anciens dans la liturgie, c’est la continuité dynamique entre les sacrifices du Temple et l’Unique sacrifice. J’y reviens toujours, car c’est la clé de tout : le Christ n’est pas venu abolir, mais accomplir. On ne peut pas comprendre pourquoi le Christ nous donne son corps à manger – demande étrange quand on y pense – si on ne le relie pas à la manducation des victimes des sacrifices anciens. Pourquoi, en effet, le Christ nous aurait-il demandé de « manger son corps », s’il n’avait pas voulu montrer que son sacrifice était l’accomplissement – c’est-à-dire à la fois la réalisation et le dépassement – des sacrifices du Temple ? Et s’il nous l’a demandé, c’est pour que nous puissions nous unir et participer, comme membres du corps mystique, à son propre sacrifice – en reconnaissant la nullité absolue de nos mérites. S’il avait compris cela, au lieu de vouloir « faire tomber la messe pour que la papauté s’écroule » (sic), Luther fût peut-être devenu le plus fervent des papistes. À moins qu’il n’eût cherché, et c’est le plus probable, un autre prétexte pour provoquer la rupture avec Rome. »
Père Michel Gitton Fondateur de la Communauté Aïn Karem
Non, elle ne modifie pas ses positions sur la foi et la morale, même si elle les enrichit et les précise sans cesse. Au total, l’Église nous offre sur vingt siècles un spectacle étonnant de fidélité.
1. Ce qui vient du Christ ne peut pas bouger : c’est la pierre solide de fondation, « le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas » (Marc 13,31). La stabilité, la solidité et la constance de l’enseignement de l’Église est même l’une des preuves qu’elle est inspirée par Dieu. En savoir +
2. Cette certitude ne veut pas dire que tout ce qui se dit dans l’Église soit assuré de ne pas bouger, car il y a diverses instances qui ne sont pas toutes assurées du même niveau de crédibilité ; même le Pape n’est pas toujours en état d’enseigner en engageant le Magistère de l’Église. Il est important de percevoir aussi ce qui est vraiment la matière de cette stabilité : elle concerne la foi et les mœurs, non le reste. En savoir +
3. Cette certitude ne veut pas dire non plus qu’il ne peut pas y avoir un progrès, que ce serait le fixisme absolu, et qu’on serait obligés de continuer à répéter les mêmes choses indéfiniment. Au contraire, c’est une fois que l’on a une base sûre que l’on peut intégrer éventuellement d’autres choses qui n’avaient pas été tout de suite mises en valeur, mais dans une homogénéité avec ce qui précède. Il y a forcément des vérités qui sont mises à jour progressivement : « l’Esprit Saint nous conduira à la vérité toute entière » (Jean 16,13), car tout n’a pas été aperçu en même temps. Il y a aussi eu des approches qui ont pu légèrement varier mais qui ont enrichi, finalement, le patrimoine de l’Église, sans qu’il y ait contradiction. En savoir +
4. Il faut dire un mot des quelques cas difficiles qui sont évoqués parfois pour remettre en cause la stabilité, la solidité et la constance de l’enseignement de l’Église : la question du prêt à intérêt, la question de la liberté de conscience, nos attitudes face aux Lumières et à la Révolution française, l’esclavage, le péché originel, Adam et Ève, etc. En savoir +
5. L’infaillibilité est en réalité plus nécessaire que jamais et tout le monde nous l’envie : le fait qu’on ait une autorité claire et sûre, qui fait qu’on n’est pas tout le temps dans des débats qui n’en finissent pas et que personne ne serait à même de trancher est un cadeau énorme. Il y a à la fois une autorité et une fidélité sans faille. Tout le monde en a besoin mais ce Magistère n’existe que dans l’Église catholique. En savoir +
N'ayant pas eu moi-même le temps de faire la traduction du texte ci-dessous je signale que c'est la version française publiée par le site benoit-et-moi qui a été utilisée en vue de la révision par Mgr Viganò. Je remercie « benoit-et-moi » par la même occasion.
Voilà que les « discussions doctrinales » sur la liberté religieuse prennent le devant de la scène, là où on ne les attendait peut-être pas… Plus que jamais d'actualité ! – J.S.
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J’ai lu avec grand intérêt le texte de S.E. Athanasius Schneider publié dans LifeSiteNews le 1er juin dernier et intitulé There is no divine positive will or natural right to the diversity of religions [la diversité des religions n'est pas le résultat d'un vouloir divin positif ni l'objet d'un droit naturel, NdT]. L’étude de Son Excellence résume, avec la clarté qui distingue les paroles de celui qui parle selon le Christ, les objections sur la prétendue légitimité de l’exercice de la liberté religieuse que le Concile Vatican II a théorisée, contredisant le témoignage de la Sainte Écriture, la voix de la Tradition et le Magistère catholique qui est le fidèle gardien de l’une et de l’autre.
Le mérite de ce texte réside tout d’abord dans le fait d’avoir su saisir le lien de causalité entre les principes énoncés ou sous-entendus par Vatican II et l’effet logique qui en résulte dans les déviations doctrinales, morales, liturgiques et disciplinaires qui sont apparues et se sont progressivement développées jusqu’à ce jour. Le monstrum engendré dans les cercles modernistes pouvait d’abord être trompeur, mais en se développant et en se renforçant, il se montre aujourd’hui pour ce qu’il est vraiment, dans sa nature subversive et rebelle. La créature, alors conçue, est toujours la même et il serait naïf de penser que sa nature perverse puisse changer. Les tentatives visant à corriger les excès du Concile – en invoquant l’herméneutique de la continuité – ont abouti à une faillite : Naturam espellas furca, tamen usque recurret (Épître d’Horace. I,10,24) [Chassez le naturel, il revient au galop]. La Déclaration d’Abou Dhabi et, comme le fait remarquer à juste titre Mgr Schneider, ses prodromes du panthéon d’Assise, « a été conçue dans l’esprit du Concile Vatican II » comme le confirme fièrement Bergoglio.
Cet « esprit du Concile » est le certificat de légitimité que les novateurs opposent aux critiques, sans se rendre compte que c’est précisément en confessant cet héritage, que se confirme non seulement le caractère erroné des déclarations actuelles, mais aussi la matrice hérétique qui les justifierait. À y regarder de plus près, jamais dans la vie de l’Église il n’y a eu un Concile qui ait représenté un événement historique au point de le rendre différent des autres : il n’y a jamais eu « l’esprit du Concile de Nicée », ni « l’esprit du Concile de Ferrare-Florence », et encore moins « l’esprit du Concile de Trente », tout comme il n’y a jamais eu de « post-Concile » après Latran IV ou Vatican I.