De Philippe de Saint-Germain sur son blog :
Le pape et l’immigration : à chacun ses responsabilités
Pourquoi les propos du pape sur le phénomène migratoire sont toujours compris de travers. La responsabilité de l’Église ne se substitue pas à celle des États.
LE GAGNANT de la petite phrase provocation de l’été est à nouveau le pape François. Mais la provocation est moins dans ses propos, constants dans leur appel à l’accueil généreux des migrants, que dans l’indignation qu’elle suscite sur la foi d’une erreur tout aussi constante sur la nature de son autorité.
Le propos qui fâche est extrait du message pontifical pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié 2018, rendu public le 21 août. « Le principe de centralité de la personne humaine, dit-il, nous oblige à toujours faire passer la sécurité personnelle avant la sécurité nationale. » Considérer que le pape méprise le droit des nations à se protéger est absurde.
Tout d’abord, il n’entre pas dans la confusion malheureuse chez de nombreux chrétiens entre l’universel religieux (eschatologique) et l’universel politique. Tout simplement parce que son message n’est pas politique : il est pastoral, comme il l’indique, et relève du devoir de charité de l’Église, même s’il invoque la nécessité d’une « contribution » de la communauté politique et de la société civile.
Une question éthique pas religieuse
Le message du pape n’est pas eschatologique au sens où le religieux aurait autorité sur le politique. L’Église n’a pas pour mission d’organiser le monde politique, et la politique n’est pas appelée à réaliser le Royaume de Dieu. Ce serait dans les deux cas du totalitarisme obtus, païen et mythologique. Son message est d’ordre spirituel pour les chrétiens et moral pour tous. Or la morale procède de la raison.
« Le royaume de Dieu n’est pas une norme ‘politique’ de l’action politique, mais une règle ‘morale’ de cette action, expliquait le théologien Ratzinger [1]. Le politique est soumis à des règles morales, même si la morale comme telle n’est pas la politique, ni inversement si le politique comme telle n’est pas la morale. Autrement dit : le message du royaume de Dieu a une signification pour le politique, non sur le plan de l’eschatologie, mais sur le plan de l’éthique politique. »
Or par définition, la morale ne remet pas en cause la souveraineté du politique qui a ses contraintes propres et elle appelle la prudence.