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Eglise - Page 79

  • Vincent de Paul (27 septembre)

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    stvincent.JPG_1301592635.jpgSaint Vincent de Paul (source)

    Né en 1581 dans une famille modeste à  Pouy  dans les Landes rebaptisé aujourd'hui Saint-Vincent-de-Paul, ce petit paysan manifeste très jeune une vive intelligence. Son père vend deux bœufs pour payer ses études d'abord chez les Cordeliers de Dax puis à la faculté de théologie de Toulouse. En 1600, il est ordonné prêtre à Château-l'Évêque et devient en 1604 bachelier en théologie.

    Au cours d'un voyage de Marseille à Narbonne par mer, Vincent de Paul est capturé par des pirates, emmené à Tunis et vendu comme esclave à un alchimiste qui se convertit après deux années en sa présence. Vincent réussit finalement à s'enfuir et se rend à Paris en 1608. Il devient aumônier de la reine Margot puis curé de Clichy en 1612 où il restaure l'église et crée une école cléricale. 

    En 1613, Vincent entre comme précepteur dans la maison d'Emmanuel de Gondi, général des galères de France.  Il se confronte à la puissance de la noblesse et à la misère des paysans. Cette prise de conscience qu'il appelle sa " conversion " lui fait renoncer à ses privilèges pour consacrer sa vie au service des plus démunis : les mendiants, les forçats, les enfants martyrs, les vieillards et les malades abandonnés. Pour lutter contre cette pauvreté et organiser la charité, il fonde en 1617 avec des dames de diverses conditions sociales, la première " confrérie de la Charité ". Il est alors curé de Châtillon-sur-Chalaronne. De retour chez le comte de Gondi, il se fait missionnaire sur ses terres et est nommé aumônier général des galères en 1619.

    En 1632 afin de poursuivre l'évangélisation du monde rural, Madame de Gondi met à disposition de Vincent, les moyens financiers pour fonder une congrégation de prêtres missionnaires qui prend le nom de " Lazaristes ". Ces prêtres seront rassemblés et formés dans des écoles appelées " séminaires ".

    La France entière se couvre alors d'un vaste réseau de "Charité". D'humbles filles de villages venues spontanément servir les pauvres aux côtés des "Dames" de la Charité, sont dispersées dans une multitude de confréries.  Louise de Marillac une veuve pieuse appartenant à la haute noblesse, collaboratrice de Vincent, perçut la nécessité de les regrouper afin d'améliorer leur formation et leur accompagnement dans leur service tant corporel que spirituel. En novembre 1633, elle reçoit chez elle les six premières "Filles", ce seront les "Filles de la Charité". 

    En 1734, Vincent fonde avec Louise l'Institution des Filles de la Charité" appelées aussi "Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul". Ces religieuses sans uniformes oeuvrent sans voiles, c'était une nouveauté pour l'Église, qui n'admettait pas les religieuses hors des cloîtres.

    A partir de 1632, les guerres dévastent les provinces, Vincent y organise inlassablement les secours. L'année 1633 voit l'institution de la "Fondation de la confrérie de l'Hôtel-Dieu" à Paris où interviennent les Filles de la Charité. On lui doit la création des hôpitaux de Bicêtre pour les aliénés, de la Pitié et de la Salpétrière pour les pauvres ainsi que l'Hôpital du Saint Nom-de-Jésus à Paris pour les vieillards. Dès 1638 débute l'oeuvre des "Enfants Trouvés", Vincent créa pour cela un établissement pour ces enfants.

    Le corps épuisé, mais l'esprit et le cœur toujours vifs et inventifs («l'amour est inventif jusqu'à l'infini» disait-il), Vincent mourut à Saint-Lazare le 27 septembre 1660. Il sera canonisé par le pape Clément XII, le 16 juin 1737. 

    Saint Vincent est considéré comme le grand apôtre de la charité et le précurseur de l'action sociale dont on trouvera ici un beau témoignage.

  • L'offensive des opposants au Synode commence à inquiéter

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    De Juliette Vienot de Vaublanc sur le site du journal La Croix :

    Synode sur l’avenir de l’Église : les opposants passent à l’offensive

    Analyse 

    À l’approche de l’ouverture du Synode sur l’avenir de l’Église, le 4 octobre, les voix plus critiques du processus synodal s’activent pour le discréditer. Ces discours aux accents complotistes restent marginaux, mais pourraient avoir un impact sur la perception du Synode.

    27/09/2023

    Premier tir de barrage public contre le Synode. Un « congrès international » est organisé à Rome, le 3 octobre, à la veille de l’ouverture de l’assemblée convoquée par le pape pour réfléchir à l’avenir de l’Église, sur un thème évocateur : « La Babel synodale ».

    Parmi les intervenants figure le cardinal américain Raymond Burke. Il s’est illustré ces dernières années par son opposition affichée à François. Que ce soit à travers ses « dubia » (doutes) mettant en cause l’exhortation apostolique Amoris laetitia en 2016, après le Synode sur la famille, ou encore ses critiques virulentes, en 2019, du document de travail du Synode sur l’Amazonie, qu’il accusait de contenir « erreurs » et « hérésies ».

    Plus récemment, le cardinal Burke a signé la préface d’un essai au titre très explicite, Le Processus synodal. Une boîte de Pandore, rédigé sous forme de questions-réponses par deux activistes conservateurs, le Chilien José Antonio Ureta et le Péruvien Julio Loredo de Izcue. « La synodalité et son adjectif, synodal, sont devenus des slogans derrière lesquels une révolution est à l’œuvre pour changer radicalement la compréhension que l’Église a d’elle-même, en accord avec une idéologie contemporaine qui nie une grande partie de ce que l’Église a toujours enseigné et pratiqué », condamne ainsi le cardinal américain, qui voit le chemin synodal allemand comme un épouvantail. L’ouvrage, largement diffusé, s’inscrit dans une opération de lobbying pour décrédibiliser le Synode lancé par le pape.

    Le chemin synodal allemand comme épouvantail

    « Le livre explique que le processus synodal est en train de démolir la mère Église, résume Blandine Chelini-Pont, professeure d’histoire contemporaine à l’université d’Aix-Marseille, spécialiste de l’Église catholique américaine. D’après les auteurs, les néomodernistes et les forces gauchistes seraient en train de triompher dans l’Église actuelle, accusée d’être sous la coupe des théologiens de la libération. »

    Un discours aux accents de guerre froide, fidèle aux origines de l’organisation qui a autoédité l’ouvrage, le puissant lobby « Tradition, famille et propriété », déjà mis en cause pour des dérives sectaires. « Ce réseau a été fondé au Brésil au début des années 1960, comme un bouclier contre les influences supposées du communisme sur l’Église. À ses débuts, il s’est opposé au concile Vatican II, et aujourd’hui il se mobilise contre le Synode », relève la chercheuse.

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  • "Laudate Deum" : la prochaine exhortation apostolique

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    De Vatican News (Johan Pacheco) :

    Laudate Deum, titre de la prochaine exhortation apostolique

    Le titre de la prochaine exhortation apostolique de François sera "Laudate Deum". La Pape en a fait l’annonce en s'adressant aux participants à une réunion de recteurs d'universités latino-américaines, jeudi 21 septembre, avec lesquels il a abordé divers sujets tels que les migrations, le changement climatique et l'exclusion.

    Le Pape François a reçu en audience, jeudi 21 septembre, dans la Salle Clémentine, au Vatican, quelque 200 participants à la rencontre des recteurs des universités publiques et privées d'Amérique latine et des Caraïbes, promue par le Red de Universidades para el Cuidado de la Casa Común (Ruc) et la Commission pontificale pour l’Amérique latine, les 20 et 21 septembre, sur le thème "Organiser l'espérance", avec la participation de plusieurs préfets et secrétaires de dicastères du Saint-Siège.

    Réfléchissant sur les diverses questions soulevées par les éducateurs, y compris le changement climatique, la migration, la culture du déchet, le Saint-Père les a exhortés à être créatifs dans la formation des jeunes en partant des réalités et des défis d'aujourd'hui. Les recteurs ont posé au Pape des questions sur l'environnement et le climat, auxquelles il a répondu en mettant l'accent sur la déplorable «culture du déchet ou culture de l'abandon». Il a expliqué qu'il s'agit d'une «culture de mauvaise utilisation des ressources naturelles, qui n'accompagne pas la nature vers son plein développement et ne la laisse pas vivre. Cette culture de l'abandon, a-t-il affirmé, nous nuit à tous».

    Le bon usage de la nature

    «Il y a une culture du déchet qui est toujours en cours, un manque d'éducation pour utiliser les choses qui restent, pour les refaire, pour les remplacer dans l'ordre de l'usage commun des choses. Et cette culture du déchet a des répercussions sur la nature». Le Souverain pontife a insisté sur l'urgence de revenir à un usage correct de la nature: «Aujourd'hui, l'humanité est fatiguée de ce mauvais usage de la nature et doit retrouver le chemin d'un bon usage. Et comment utiliser la nature? je dirais un mot qui peut sembler étrange: en dialogue; en dialogue avec la nature».

    À cette fin, le Pape a exhorté les universités à créer des réseaux de sensibilisation: «À ce stade, vous utilisez un mot très beau, qui est “organiser l'espérance”. Récupérer et organiser l'espérance», a déclaré François, «j'aime cette phrase que vous m'avez dite et on ne peut que la considérer dans le contexte de l'écologie intégrale, dans cette dimension selon laquelle les jeunes d'aujourd'hui ont droit à un cosmos équilibré et ils ont droit à l'espérance, et nous devons les aider à organiser cette espérance, à prendre des décisions très sérieuses dès maintenant».

    La nature est pour tous

    Le Pape François a également fait allusion à une "culture régénératrice", l'identifiant comme le fruit «d'une crise économique qui n'est pas toujours au service du développement des plus nécessiteux. Je dirais que parfois, ou souvent, elle n'est pas au service du développement de tous et crée davantage de personnes dans le besoin. C'est une culture de l’expropriation, nous avons tous le droit d'utiliser la nature, de dominer la nature pour la faire grandir et l'utiliser au service du bien commun».

    François  a exprimé sa préoccupation concernant «certaines universités scientifiques abstraites» qui «n'utilisent pas la réalité mais la science, une science abstraite, pas réelle, et qui procèdent donc en fonction de théories économiques, de théories sociales, tout est théorie, mais elles n'arrivent jamais» à la réalité des plus nécessiteux. «Les laissés-pour-compte, les exclus, sont des hommes et des femmes, des peuples entiers que nous laissons dans la rue comme des déchets, n'est-ce pas? Nous devons prendre conscience que nous n'utilisons les richesses de la nature que pour de petits groupes, à travers des théories socio-économiques qui n'intègrent pas la nature, ni les laissés-pour-compte».

    "Laudate Deum", titre de la prochaine exhortation apostolique

    François a appelé à des alternatives pour aider à surmonter la crise environnementale et a cité en exemple l'utilisation de panneaux solaires pour fournir de l'électricité dans plusieurs bâtiments du Vatican dont la salle Paul VI. «Nous devons être très créatifs dans ces domaines pour protéger la nature», car l'électricité est évidemment produite à partir de charbon ou d'autres éléments, qui créent toujours des problèmes dans la nature elle-même, et «les jeunes que nous formons doivent devenir des chefs de file convaincus s sur ce point».

    Dans sa réflexion, le Pape a également annoncé le nom de sa prochaine exhortation apostolique: “Laudate Deum”, qui sera publiée le jour de la fête de saint François d'Assise, le 4 octobre: «un regard sur ce qu’il s'est passé et dire ce qu'il faut faire», a-t-il déclaré.

    La dégradation de l'homme et de l'environnement vont de pair

    Le Saint-Père a également dénoncé le processus de dégradation que subit l'humanité: «Il y a un processus de dégradation de l'environnement, nous pouvons le dire en général. Mais cela mène vers le bas, vers le fond du ravin. Dégradation des conditions de vie, dégradation des valeurs qui justifient ces conditions de vie, parce qu'elles vont ensemble». Et d’expliquer que «l'inégalité» est également «évidente dans le manque d'accès aux biens de première nécessité, et de là découlent toutes ces visions qui sociologiquement, en fait, sans les nommer, font des femmes, des peuples indigènes, des Africains, des personnes avec moins de capacités».

    L'une des formes de dégradation et d'inégalité dénoncées par le Pape François est «l'extractivisme», c'est-à-dire l'accaparement des ressources naturelles. «Lorsque ce modèle “extractiviste” progresse et pénètre dans les personnes», a-t-il souligné, «j'extrais la dignité des personnes, et cela se produit. Un modèle “extractiviste” géologique, pour ainsi dire, n’est jamais isolé, il est toujours accompagné du modèle “extractiviste” humain. La dignité de la personne est extraite, la réduisant en escalve»«Faites entrer cela dans la tête des enfants, dans l'éducation aux valeurs, afin qu'ils sachent comment évaluer ces situations et qu'ils puissent dire clairement que cela s'appelle de l'esclavage».

    La politique comme vocation la plus noble

    Face à cette situation, le Pape a appelé les recteurs d'université à promouvoir l'éducation aux valeurs humanistes et au dialogue fraternel, en aidant les étudiants à «entrer en politique» comme une «noble vocation». «N'oublions pas que la vocation la plus noble de la personne humaine est la politique. Formons nos jeunes à être des hommes politiques, au sens le plus large du terme. Pas seulement pour agir dans un parti politique, qui est un petit groupe, mais pour avoir une ouverture politique et être capable de dialoguer avec des groupes politiques avec maturité. La politique n'est pas une maladie. À mon avis, c'est la vocation la plus noble d'une société, parce que c'est elle qui fait avancer les processus de développement».

    Une réponse humaine et chrétienne à la crise migratoire

    Le Successeur de Pierre a également évoqué la crise migratoire actuelle: «Le drame migratoire que connaît l'Europe aujourd'hui est extrêmement grave. Et il ne peut pas être résolu par une société d'entraide. Il y a là une question humaniste et chrétienne; une question humaniste et une décision politique, il y a des décisions qui sont humaines et chrétiennes».

    «Je vous demande, a dit le Pape aux recteurs, par respect pour l'humanité qui souffre, d'affronter ce problème dans vos universités, mais avec sa densité humaine». «En résumé, je vous dis que les migrants doivent être accueillis, accompagnés, promus et intégrés. Si nous ne parvenons pas à intégrer le migrant, nous échouons», a-t-il ajouté. «Je veux dire tout cela à propos des migrants parce que le problème des migrants me tient très à cœur», a encore dit François affirmant ensuite que «ce qui se fait aujourd'hui, ici en Europe, en les renvoyant, est criminel. Et je ne veux pas utiliser d'euphémismes, je dis les choses telles qu'elles sont».

    Les trois langages humains: la tête, le cœur et les mains

    Après avoir passé en revue toutes ces situations, le Pape a rappelé que la tâche des universités ne devait pas se limiter à «enseigner des choses», mais à «former les garçons et les filles aux trois langages humains, celui de la tête, celui du cœur et celui des mains. Pour qu'ils apprennent à penser ce qu'ils ressentent et ce qu'ils font, à ressentir ce qu'ils font et ce qu'ils pensent, et à faire ce qu'ils ressentent et ce qu'ils pensent». En conclusion, en remerciant l’assistance, François a résumé son propos en invitant les universités à être «créatives face à la réalité et aux défis, éducatrices et pas seulement distributrices d'informations».

  • Quelle stratégie politique le Vatican poursuit-il avec la visite du pape à Marseille ?

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    Visite du pape à Marseille : quels enjeux géopolitiques ?

    Interview
    25 septembre 2023

    Le Pape François vient de réaliser une visite de deux jours à Marseille, les 22 et 23 septembre, dédiée au sort des migrants. Quelle stratégie politique le Vatican poursuit-il avec cette visite ? La prise de position du Pape s’inscrit-elle dans la tradition de la diplomatie humanitaire du Vatican ? Dans quelle mesure le Vatican est-il un acteur majeur des relations internationale ? Le point de vue de François Mabille, chercheur associé à l’IRIS, directeur de l’Observatoire géopolitique du religieux.

    Les Rencontres méditerranéennes auxquelles a participé le Pape François ont été l’occasion d’aborder quatre problématiques : économie et social, environnement, migrations et tensions géopolitico-religieuses. Quelle stratégie politique le Vatican poursuit-il en y ayant fait participer le Pape qui n’était pas venu en France depuis 10 ans ? Quels étaient les enjeux de ces rencontres ?

    Le pape a une stratégie pastorale précise, qui a des implications politiques et géopolitiques. D’une certaine manière, il dit « ma carte n’est pas ‘votre’ territoire ! », autrement dit, je substitue ma perception du monde à vos attentes et à votre carte. Notre carte, c’est celle de l’hexagone ; la sienne, c’est celle de la Méditerranée, symbole selon lui des enjeux de la mondialisation, avec son défi : le dialogue entre les cultures, et ses problèmes économiques et sociaux qui provoquent des replis identitaires. Dès lors, il vient à Marseille qui, par son histoire et sa situation géographique, reflète bien les enjeux du pourtour méditerranéen. Ce faisant, le pape évite des thèmes qui lui auraient été imposés par une visite en France, tant de la part de l’Église catholique en France que par les autorités publiques. On aurait alors évoqué la « fille aînée de l’Église », la laïcité, la crise morale du catholicisme français, etc. Et le pontife romain impose au contraire sa parole souveraine sur les migrants, la défense des plus vulnérables, et celle de la vie sous toutes ses formes, en choisissant de surcroît, à Marseille même, des lieux particuliers. C’est une leçon de géopolitique qui est donnée !

    Alors que l’Europe est divisée sur la question de la crise migratoire, le pape François a consacré une partie de sa visite au sort des migrants et a plus globalement placé la question migratoire au cœur de son pontificat. Avec quels effets ? Cette prise de position s’inscrit-elle dans la tradition de la diplomatie humanitaire du Vatican ?

    Contrairement à ce que l’extrême droite voudrait accréditer, cette thématique est ancienne, tant au niveau du Saint-Siège que de l’Église catholique en France. En 1954, par exemple, trois organisations catholiques, le mouvement Pax Christi, l’Action catholique et le Secours catholique avaient lancé une campagne nationale intitulée « mon frère l’Étranger », qui portait spécifiquement sur les migrants et leur accueil au sein de la société française. Le cas du Secours catholique mérite qu’on s’y attarde, car son responsable était à l’époque Mr Rodhain, son fondateur, qui fut maréchaliste et vichyssois pendant la Seconde Guerre mondiale, ce qui ne l’empêcha pas ultérieurement de travailler pour les migrants, allant même jusqu’à nommer l’une de ses cités d’accueil la cité Myriam par respect des convictions religieuses des personnes accueillies, majoritairement musulmanes. Ce pour rappeler l’une des matrices de l’extrême droite identitaire qui se dit catholique par ailleurs. En 1961, la création du comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD) s’inscrit dans un travail des catholiques français qui lient accueil et aide au développement. On retrouverait dans de nombreux autres pays ce type de mobilisation catholique, qui fait de l’Église catholique un acteur important, au niveau international, travaillant sur les migrations. Le pape inscrit son action dans ce sillage, mais il est vrai que sa parole dérange davantage pour plusieurs raisons. D’une part, il projette son regard sur l’Europe – il est latino-américain-, et oblige ainsi les Européens à se décentrer. D’une certaine manière, son regard est celui d’un catholique décolonial, avec également ses propres biais intellectuels. Sa division entre pays opulents et pays pauvres ne rend pas suffisamment compte de la complexité de nos sociétés ; de même, la carte qu’il impose, juste à propos de la Méditerranée, l’est moins quand il s’adresse à l’Europe soumise à des migrations qui proviennent également d’autres régions du monde. Cela étant, pour comprendre l’approche de l’Église catholique, on ne peut s’en tenir à la seule approche pontificale et il faut y associer celle de la Secrétaire d’État et également des Églises locales, réunies à Marseille pour les Rencontres méditerranéennes pour faire droit à une pratique et une pensée catholique plurielle et plus complexe.

    Plus globalement, peut-on dire que le Vatican est devenu un acteur majeur des relations internationales ?

    Le Vatican est indéniablement un acteur des relations internationales, et ce de longue date, mais dont l’importance dépend du type de sujet, de configuration politique et historique. Le pape réussit une médiation entre Cuba et les États-Unis, car le conflit est devenu mineur en période d’après guerre froide et que les acteurs eux-mêmes cherchent une sortie de crise honorable. La parole du pape n’est pas entendue, et même contestée lorsqu’il s’adresse aux Russes et aux Ukrainiens. Concernant les migrants, le porte-parole de l’Office des migrations internationales déclarait il y a quelques mois que la parole du pape à Lampedusa avait été la bienvenue, mais qu’elle n’avait eu aucun effet sur les politiques publiques puisque depuis la dénonciation pontificale, plus de 30.000 personnes ont trouvé la mort en Méditerranée… Voilà qui aide à relativiser l’impact de la mobilisation du pape.

  • Tous les chemins mènent à Rome : deux évêques chinois "officiels" participeront au Synode catholique

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    De Massimo Introvigne sur Bitter Winter :

    Tous les chemins mènent à Rome : Deux évêques chinois "officiels" participeront au Synode catholique

    25/09/2023

    C'est par un chemin tortueux que les évêques Yang Yongqiang, de Zhouchun, et Yao Shun, de Jining, ont été inclus dans la (deuxième) liste des membres du Synode.

    À partir du 4 octobre, l'Église catholique célébrera ce que beaucoup considèrent comme le plus important Synode des évêques de son histoire, au cours duquel des prélats du monde entier discuteront de la nature synodale de l'Église et des relations entre les Églises locales et le Vatican.

    Alors que deux délégués chinois avaient participé au précédent synode en 2018, aucun évêque de Chine continentale ne figurait sur la liste des participants publiée début juillet. Cependant, quelques jours avant l'ouverture du Synode, une deuxième liste a été publiée. Cette fois, elle inclut les évêques Yang Yongqiang de Zhouchun, Shandong, et Yao Shun de Jining, Mongolie intérieure.

    Tous deux sont des évêques "patriotiques" loyaux. Yao était le directeur spirituel du séminaire national de l'Église catholique patriotique contrôlée par le gouvernement lorsque celle-ci était clairement séparée du Vatican, dans les années 1990, et était alors largement considéré comme le membre clé de la commission liturgique de l'Église patriotique. En 2019, il est devenu le premier évêque ordonné après l'accord conclu entre le Vatican et la Chine en 2018. Au moment de la signature de cet accord, Mgr Yang était vice-président de l'Association catholique patriotique chinoise depuis 2016, après avoir occupé des postes de direction au sein de l'Église patriotique au niveau provincial.

    Par ailleurs, il faut reconnaître que le choix de Yang et Yao, émanant probablement du PCC, qui autorise de tels voyages, est quelque peu conciliant à l'égard du Vatican. Leurs nominations épiscopales avaient été parmi celles approuvées secrètement par Rome sous le pape Benoît XVI, en 2010. Bien qu'il ne s'agisse en aucun cas d'un dissident, M. Yao s'est vu refuser l'autorisation de visiter la Mongolie indépendante depuis la Mongolie intérieure chinoise lors du récent voyage du pape en République mongole.

    Pourquoi les évêques de Chine continentale ont-ils été inclus dans la deuxième liste des participants au synode en septembre, mais pas dans la première en juillet ? La réponse est que le PCC, en violation de l'accord conclu entre le Vatican et la Chine en 2018, avait installé Mgr Shen Bin, jusqu'alors évêque de Haimen, comme nouvel évêque de Shanghai sans l'approbation de Rome. Le Vatican avait protesté, ce qui a probablement conduit le PCC à refuser l'autorisation à tout évêque chinois de se rendre à Rome pour le synode. Ce n'est qu'après que le pape François a accepté la nomination de Shen Bin à Shanghai que le PCC a changé d'avis et a autorisé la participation de deux évêques au synode, en choisissant deux évêques qui ne devraient pas faire sourciller Rome - ou moins que d'autres.

    Comme d'habitude, c'est le jeu de la carotte et du bâton. Ceux qui apprécient la carotte devraient considérer que le bâton n'est jamais loin.

  • Pouvoir au peuple ou autoritarisme pontifical ? Les contradictions du pape François

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    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso (traduction de diakonos.be) :

    Pouvoir au peuple ou monarchie absolue ? Les contradictions du Pape François

    Il se passe beaucoup de choses contradictoires dans l’Église catholique. D’un côté on acclame un Synode sur la synodalité qui étend la participation au gouvernement de l’Église bien au-delà du pape et des évêques, même à des prêtres, à des religieux et à des laïcs, hommes et femmes. Mais d’un autre, on assiste de la part de François à un exercice des pouvoirs pontificaux autoritaire et monocratique comme jamais.

    Avec une nouveauté impromptue de plus, énoncée le 11 septembre par le nouveau préfet du Dicastère pour la Doctrine de la foi, l’Argentin Victor Manuel Fernández, qui dans une réponse écrite aux questions d’Edward Pentin pour le « National Catholic Register » a assigné à François « un charisme particulier pour la sauvegarde du dépôt de la foi, un charisme unique, que le Seigneur n’a donné qu’à Pierre et à ses successeurs », mais dont personne n’avait jamais entendu parler jusqu’à aujourd’hui.

    D’après Fernández, il s’agit d’un « don vivant et actif qui est à l’œuvre dans la personne du Saint-Père. Moi je n’ai pas ce charisme, vous ne l’avez pas, pas plus que le cardinal Burke ne l’a. Aujourd’hui, il n’y a que le Pape François qui l’ait. Donc, si vous me dites qu’un évêque a un don spécial de l’Esprit Saint pour juger la doctrine du Saint-Père, on entre dans un cercle vicieux (dans lequel chacun peut prétendre posséder la vraie doctrine) et ce serait une hérésie et un schisme. Rappelez-vous que les hérétiques pensent toujours connaître la vraie doctrine de l’Église. Malheureusement, aujourd’hui ce sont non seulement certains progressistes mais également, paradoxalement, certains traditionalistes qui tombent dans cette erreur ».

    Il est difficile d’imaginer une extension plus démesurée de l’infaillibilité du pape en matière de foi, une infaillibilité certes affirmée par le Concile Vatican I mais dans des limites extrêmement strictes. Et en effet, le nouveau dogme qui vient d’être promulgué par Fernández a immédiatement attiré le feu nourri des critiques.

    La plus argumentée et le plus cinglante est issue du camp conservateur, sur le blog « Caminante Wanderer », sous la plume d’un spécialiste argentin érudit et anonyme.

    Mais dans le camp opposé, celui des progressistes, le très singulier « charisme » dont, aux dires de Fernández, seul François serait doté, a été recalé sans appel, justement parce qu’il est incompatible avec les limites de l’infaillibilité pontificale réaffirmée par le Concile Vatican II dans la constitution dogmatique « Lumen gentium ». Massimo Faggioli, professeur de théologie à la Villanova University, a d’ailleurs publié un article sur le sujet dans le journal « Commonweal ».

    Mais ce qui reste encore plus incompréhensible, c’est la contradiction entre les pouvoirs monocratiques sans limite dont François se considère toujours plus investi d’en haut par la voix de son théologien de cour, et dans le même temps la « démocratisation » de l’Église qu’il veut mettre en place avec la nouvelle synodalité.

    Et même sur cette nouvelle forme de Synode, on a assisté à un changement de rythme au cours de son pontificat.

    Pour en revenir au Concile Vatican II, dans « Lumen gentium », la constitution dogmatique de Vatican II expressément consacrée à l’Église, on ne retrouve le mot « Synode » qu’une seule fois et il est synonyme du mot « Concile », qui réunit exclusivement le pape et les évêques.

    Tandis que dans les rares documents pontificaux des décennies suivantes dans lesquelles le mot « synode » apparaît, il se réfère à la manière dont il est pratiqué dans les Églises orthodoxes, c’est-à-dire au collège des évêques réuni avec leur patriarche ou archevêque majeur pour exercer l’autorité hiérarchique sur leur Église respective.

    Peter Anderson, le chercheur de Seattle qui est un observateur attentif de ce qui se passe dans les Église d’Orient et qui publie sur le sujet les articles de fond les plus pertinents et documentés, a confirmé qu’entre le Concile et l’année 2013, on ne retrouve que douze récurrences du mot « synodalité » : six avec Jean-Paul II, deux avec Benoît XVI et quatre avec François.

    On peut déduire de cela que jusqu’à la première année après son élection comme Pape, François n’avait aucune intention, à tout le moins dans ses écrits publics, d’aller vers une « démocratisation » des synodes.

    La première fois où il a parlé de « synodalité », c’était le 28 juin 2013, en s’adressant à la délégation du patriarcat œcuménique de Constantinople. Et il a fait référence à la « réflexion de l’Église catholique sur la collégialité épiscopale », pour laquelle c’était une bonne chose d’« apprendre » de la « tradition de la synodalité si caractéristique des Églises orthodoxes ».

    La seconde fois, c’était dans l’homélie du lendemain, fête des saints Pierre et Paul, pour souhaiter l’« harmonie » entre le Synode des évêques et le primat du pape.

    La troisième fois, c’était dans l’interview de septembre 2013 avec le directeur de « La Civiltà Cattolica », Antonio Spadaro. C’est là que pour la première fois il a fait allusion à l’idée que « peut-être était-il temps de modifier la méthodologie du Synode, parce l’actuelle me semble statique ». Avant de répéter tout de suite que c’est « de nos frères orthodoxes » que « l’on peut apprendre le plus sur le sens de la collégialité épiscopale et sur la tradition de la synodalité ».

    La quatrième fois, c’était dans l’exhortation apostolique « Evangelii gaudium » du 24 novembre 2013, le document programme de son pontificat, où il se limite pourtant à affirmer de nouveau que « dans le dialogue avec les frères orthodoxes, nous les catholiques, nous avons la possibilité d’apprendre quelque chose de plus sur le sens de la collégialité épiscopale et sur l’expérience de la synodalité. »

    Mais ce n’était alors que le début. Au cours des années suivantes, François est allé crescendo dans les annonces et les décisions qui ont mené à la mutation actuelle de la forme du Synode, désormais à tel point éloigné du modèle pluriséculaire toujours en vigueur dans les Églises d’Orient qu’il a suscité, de leur part, la protestation relayée dans le dernier article de Settimo Cielo :

    > Le synode du Pape François n’a rien appris des synodes des Églises orientales. Les objections d’un évêque grec catholique

    En donnant le pouvoir au « peuple de Dieu », c’est-à-dire en élargissant la participation aux synodes, avec droit de vote, aux simples baptisés, François a certainement réalisé une innovation de grande ampleur.

    Mais encore une fois, en totale contradiction. Parce que ce n’est pas un synode qui a décidé de ce changement, comme le voudrait la nouvelle politique « populaire », mais c’est lui, le pape, qui a décidé tout seul.

  • Le patriarche des Chaldéens dénonce le silence de Rome face à la situation de l'Eglise en Irak

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    D'Asia News via Riposte catholique :

    Irak : le patriarche Sako dénonce le silence du Pape et du Vatican

  • Les saints Côme et Damien (26 septembre)

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    Du site du Centre catholique des médecins français :

    La decapitazione dei Santi Cosma e Damiano" di Beato Angelico

    St-Côme et St-Damien

    Histoire (IIIe siècle)

    SAINT COME ET SAINT DAMIEN

    Frères jumeaux, Côme et Damien étaient d'origine arabe. Ils étaient nés à Egée, en Cilicie (Asie Mineure), au IIIe siècle, et appartenaient à une famille noble et chrétienne. L'hagiographie conte qu'ils étaient "fort habiles dans l'art médical" et qu'ils parcouraient "villes et bourgades, guérissant les malades et délivrant, au nom de celui qu'on appelle le Christ, ceux qui sont possédés des esprits immondes". Or ils exerçaient leur art gratuitement: ils étaient ainsi devenus les Anargyres, "ceux qui repoussent l'argent". Battant en brèche l'autorité du proconsul Lysias, juge en la ville d'Egée, ils lui furent amenés. Après mille tortures qui ne parvinrent pas à les éprouver, ils subirent le martyre vers l'an 287. L'Église honore ces deux saints guérisseurs le 27 septembre; leurs noms sont inscrits parmi beaucoup d'autres dans les litanies des saints et, distinction plus rare et plus insigne, ils le sont aussi au canon de la messe.

    Au VIIIe siècle, un diplôme de Charlemagne donnant l'église de Luzarches à l'Abbaye de Saint-Denis nous apprend qu'elle était déjà placée sous le vocable de Saint-Côme et Saint-Damien. Au XIIe siècle, Jean de Beaumont, seigneur de Luzarches qui avait été parmi les premiers à se croiser, reçut, lors de son retour par Rome, des reliques des saints Côme et Damien pour prix de ses hauts faits en faveur de la chrétienté. Il en fit deux parts, une pour Luzarches et une pour Paris. A Luzarches, ces reliques furent d'abord déposées dans une collégiale dont la construction commença en 1180 et dont seuls subsistent à l'heure actuelle quelques vestiges. Puis en 1320 elles furent transférées en l'église paroissiale au cours d'une procession solennelle dont la chronique a gardé le souvenir: "Jeanne de Bourgogne, épouse de Philippe V le Long, vient à Luzarches le jeudi 23 octobre 1320 honorer les reliques des deux martyrs. La translation de ces reliques dans des châsses d'argent donne lieu à l'évêque de Paris et au chapitre de Luzarches de mander de la capitale des chirurgiens pour faire leur rapport de ces saintes reliques ".

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  • La star brésilienne du football Ronaldo a été baptisé à l'âge de 46 ans

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    De kath.net/news :

    La star brésilienne du football Ronaldo a été baptisée à l'âge de 46 ans.

    24 septembre 2023

    L’ancienne star du football brésilien a écrit sur Instagram que le sacrement du baptême lui faisait se sentir renaître en tant qu’enfant de Dieu.

    L'ancienne star du football brésilien Ronaldo (nom complet Ronaldo Luis Nazario de Lima) a été baptisé à l'âge de 46 ans. Il a partagé quelques photos de son acceptation dans l'Église catholique sur Instagram.

    Il a littéralement écrit : « Aujourd’hui est un jour très spécial. J'ai été baptisé ! La foi chrétienne a toujours été une partie fondamentale de ma vie depuis que je suis enfant, même si je n'étais pas encore baptisé. Grâce à la Sainte-Cène, je me sens vraiment renaître en tant qu’enfant de Dieu – d’une manière nouvelle, plus consciente et plus profonde.

    Il renouvelle son engagement à « parcourir le chemin du bien, de sa propre volonté, dans la foi en l'amour de Jésus, dans l'amour de la solidarité ». Enfin, Ronaldo a remercié deux prêtres et ses deux parrains.

    La vie de Ronaldo n’a pas seulement été façonnée par son talent de footballeur et les succès sportifs et économiques qui y sont associés. Il souffrait de divers problèmes relationnels et souffrait d’hypothyroïdie. Cela a mis fin à sa carrière de footballeur et a donné lieu à plusieurs reprises à des commentaires moqueurs sur sa prise de poids inévitable.

    Ronaldo a remporté la Coupe du monde avec l'équipe nationale brésilienne en 1994 et 2002. En 1997, il remporte la Coupe des vainqueurs de coupe européenne avec le FC Barcelone et en 1998, la Coupe UEFA avec l'Inter Milan. Aujourd'hui, il est propriétaire et président du club de football espagnol Real Valladolid.

  • Le Pape François ou l'imprévisibilité comme critère

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    D'Andrea Gagliarducci sur Monday Vatican :

    Pape François, l'imprévisibilité comme critère

    25 septembre 2023

    La plus grande erreur commise dans l'interprétation du Pape François est probablement de chercher un critère standard pour ses décisions. Car, si l'on regarde les faits, le seul critère du Pape François est la réalisation des objectifs à court terme qu'il se fixe. Il n'y a pas de critère à long terme, ni de modus operandi défini. Il n'y a pas de véritable idée de contrôle. Il y a un plan, un désir d'amener l'Église à changer de mentalité, à être un "hôpital de campagne" et une Église tournée vers l'extérieur. Il n'y a pas d'idée maîtresse derrière ce plan.

    Le pape François est difficile à comprendre simplement parce qu'il ne peut pas être placé dans les catégories du passé, mais aussi parce qu'il n'y aura guère de manières d'agir similaires à l'avenir. Les dernières décisions du pape François, ainsi que les choses que l'on pensait qu'il avait faites et qu'il n'a toujours pas faites, semblent confirmer cette image.

    La dernière nomination surprenante du pape François est celle du cardinal Americo Aguiar en tant qu'évêque de Setubal. Aguiar était un auxiliaire de Lisbonne, et l'annonce de sa création en tant que cardinal est intervenue avant la démission pour limite d'âge du cardinal patriarche de Lisbonne Clemente. Le pape François a appelé l'ordinaire militaire Rui Manuel Sousa Valerio à succéder à Clemente à Lisbonne. Une situation similaire à celle du Salvador pourrait se produire, où l'auxiliaire, Gregorio Rosa Chavez, était cardinal et l'ordinaire ne l'était pas. Le pape François aurait pu appeler Aguiar à Rome, au Dicastère des laïcs, de la famille et de la vie, et limoger le cardinal Kevin Farrell, qui achève cette année les cinq premières années de son mandat.

    Le pape a préféré envoyer Aguiar à Setubal, un jeune diocèse (fondé en 1975) qui n'a jamais été gouverné par un cardinal. Un choix qui témoigne de la volonté du pape de rompre avec toute logique antérieure concernant les créations cardinalices : le titre cardinalice reste sans rapport avec le rôle pastoral, et le pape François n'a pas de diocèses de classe A ou B. Le pape ne considère pas qu'un cardinal soit la voix du pape dans la nation - c'est pour cette raison que les archevêques des diocèses les plus importants ont souvent été créés cardinaux. Le pape semble considérer le cardinal comme son conseiller, ce qui n'a rien à voir avec le titre ou le rôle de cardinal et donc avec son impact institutionnel.

    Le même jour que la nomination d'Aguair à Setubal, le pape François avait choisi un nouvel évêque pour un diocèse du sud de l'Italie, Oppido Mamertina-Palmi. Le choix ne s'est pas porté sur un évêque de la région, ni d'ailleurs d'une région voisine, mais sur un prêtre du nord de l'Italie, issu d'un contexte culturel complètement différent, mais qui a le mérite d'avoir été missionnaire fidei donum en Équateur pendant un certain temps.

    Ce n'est pas la première nomination de ce type que le pape François effectue. Il suffit de rappeler que pour le diocèse de Rome, il a choisi Baldassarre Reina, originaire de Sicile, comme auxiliaire et vice-gérant, et Michele Di Tolve, originaire de Milan, comme auxiliaire et recteur du Séminaire. La réalité romaine est représentée par le cardinal Angelo de Donatis, vicaire du pape et de plus en plus à l'écart de tout processus décisionnel.

    La semaine précédente, le pape François avait vu l'archevêque franciscain José Rodriguez Carballo achever son second mandat de cinq ans en tant que secrétaire du Dicastère pour les congrégations religieuses, et l'avait choisi comme archevêque coadjuteur de l'archidiocèse de Mérida-Badajoz en Espagne. La décision du Pape est apparue comme une défenestration. En effet, le pape François n'a pas hésité à remplacer qui il voulait à l'expiration de leur mandat de cinq ou dix ans, comme ce fut le cas avec le cardinal Gerhard Müller, mais aussi avec son secrétaire Yoannis Gaid. Dans certains cas, la norme du mandat de cinq ans a plutôt été utilisée comme une porte de sortie pour éviter les controverses, comme ce fut le cas pour le cardinal George Pell lorsqu'il a quitté le Conseil des cardinaux.

    Ces exemples montrent qu'il n'y a pas eu de ligne cohérente dans la gestion de la question des mandats et des nominations papales. Cependant, l'envoi de Mgr Carballo en Espagne peut également signifier le désir du pape d'avoir l'un de ses plus fidèles au sein de la Conférence épiscopale espagnole dans un moment de transition et alors que de nouveaux évêques prennent leurs fonctions. En définitive, Mgr Carballo est celui qui a constamment appliqué la volonté papale, même lorsqu'il s'agissait d'appliquer une ligne dure à l'égard de certaines congrégations.

    Enfin, le père Antonio Spadaro est nommé sous-secrétaire du dicastère de la culture et de l'éducation, une nomination qui a fait l'objet de nombreuses spéculations. En fin de compte, l'explication semble simple : après 12 ans, les Jésuites ont décidé de donner une nouvelle orientation à la Civiltà Cattolica. Le Père Spadaro, qui ces dernières années a été reconnu comme l'un des principaux interprètes de la pensée du Pape, a donc été coopté au Vatican, appelé à y apporter l'expérience de ces années.

    Le problème est que chaque décision donne lieu à mille spéculations, et toutes ne sont pas correctes. Il est extrêmement difficile de lire dans l'esprit du pape François. Mais s'il n'y a pas de modus operandi, quel est le plan du pape François ?

    Comme nous l'avons dit, le pape semble penser en termes d'objectifs à court terme, ce qui lui permet de prendre une décision puis de changer complètement d'approche. Cela s'est également produit dans plusieurs cas. Par exemple, le pape a d'abord défendu l'épiscopat chilien sur la question des abus au Chili. Ensuite, il a convoqué les évêques chiliens à deux reprises, ce qui a entraîné la démission en bloc de l'épiscopat chilien. Ou encore, concernant le responsum de la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui niait la possibilité de bénir les couples homosexuels, le pape l'a d'abord approuvé, puis a laissé entendre qu'il aurait préféré une approche plus douce.

    C'est l'idée de ce que l'on appelle la réforme en cours. L'objectif du pape n'est pas de changer la doctrine de manière formelle. En effet, la formalité ne fait pas partie du bagage culturel du pape François. Les documents les plus utilisés pour prendre des décisions sont les motu proprio, les plus populaires pour envoyer des messages sont les exhortations apostoliques, et les plus utilisés pour des décisions rapides sont les rescrits.

    Le pape François écoute tout le monde, mais il n'y a pas de synodalité d'écoute dans sa prise de décision. Souvent, ses décisions sont dictées par l'instinct ; elles proviennent d'une conversation, mais souvent pas d'une pesée de tous les points de vue.

    Cette situation peut être contre-productive. Les réformes restent au point mort jusqu'à ce que le pape prenne une décision, car il est difficile et risqué d'agir de manière indépendante. Il y a peu d'esprit d'initiative au Vatican, ce qui nuit à la vitalité de l'institution. Il y a aussi de la suspicion parce que le pape François compare souvent deux situations, utilise des canaux parallèles et met en concurrence différents interlocuteurs.

    Bien qu'elle ait un certain sens, elle conduit certainement à un paysage imprévisible. Ceux qui manœuvrent dans les coulisses en profitent et n'ont aucun scrupule. Un jour, quand l'histoire sera écrite, nous comprendrons pourquoi le pape a voulu la procédure judiciaire en cours au Vatican sur la gestion des fonds de la Secrétairerie d'État, au sujet de laquelle de nombreuses contradictions sont déjà apparues. Un jour, quand l'histoire sera écrite, nous comprendrons pourquoi, dans l'affaire Rupnik, il n'y a pas eu de coordination entre les Jésuites, le vicariat et le Dicastère pour la doctrine de la foi dans la gestion non seulement de l'affaire mais aussi de la communication de l'affaire. Et un jour, quand l'histoire sera écrite, nous comprendrons pourquoi, malgré les avertissements du Pape lui-même, le Synode de l'Eglise en Allemagne avance sans changer une virgule, en visant directement son objectif.

    Le pape François, cependant, suivra les situations au cas par cas, selon la logique du discernement, qu'il demande d'appliquer également dans la confession. Dans la confession, cependant, il s'agit de faire face à des personnes en chair et en os, souvent désorientées, qui veulent prendre un nouveau départ et laisser derrière elles leurs erreurs. Au contraire, lorsqu'il s'agit de gouverner, le principe de réalité appliqué alternativement risque de ne créer que de la confusion.

    Beaucoup parlent d'une phase finale du pontificat, qui peut durer des années. Dans cette phase finale, le pape François accélère les réformes et la construction d'une équipe de fidèles. L'arrivée de Victor Fernandez à Rome comme préfet du Dicastère pour la doctrine de la foi en est un exemple. Le pape François a besoin que ses réformes soient protégées, soutenues et expliquées. Le projet du pape semble cependant être de rompre avec le passé, en imposant un nouveau modèle d'Église moins institutionnelle, plus proche des gens, et surtout, avec un leader aimé. L'idée de changer le récit est née lors du conclave qui l'a élu. Mais le changement de récit suffira-t-il à aider l'Église à se réformer ? Que restera-t-il, au final, de ce pontificat quelque peu imprévisible ?

  • « On ne joue pas avec la vie » (pape François)

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    Du site de Famille Chrétienne :

    Euthanasie : « On ne joue pas avec la vie », assure le pape au sujet du projet de loi français

    23/09/2023

    Après sa visite à Marseille, dans l'avion qui le ramenait à Rome dans la soirée du samedi 23 septembre, le pape François a exprimé son opposition au futur projet de loi sur la fin de vie en France, mais aussi une nouvelle fois sa condamnation de l'avortement. « On ne joue pas avec la vie », a martelé le pape à de nombreuses reprises en répondant aux questions des journalistes qui l'accompagnaient.

    A la question de savoir s'il avait, lors de son entretien à Marseille avec le président français le matin même, évoqué le projet de loi en préparation sur la fin de vie - et retardé en raison de son voyage -, le pape a assuré ne pas avoir abordé la question avec Emmanuel Macron. Mais il a aussitôt expliqué avoir déjà « clairement » fait part de son avis au chef de l'Etat français lors de leur dernière rencontre au Vatican, en octobre 2022.

    « On efface la vie des grands-parents, ils sont vieux, ils ne servent à rien ! »

    « Quand il est venu au Vatican, a ainsi précisé le pape, je lui ai dit mon avis, clairement : avec la vie on ne joue pas, ni au début, ni à la fin, on ne joue pas ! » Mon avis, a-t-il insisté, « c'est qu'il faut protéger la vie ». Il a encore fustigé la soi-disante « euthanasie humaniste », « la mort douce » ou « la sélection avant la naissance », avant d'attirer l'attention sur « les colonisations idéologiques qui vont à l'encontre de la vie humaine ».

    Et le pape d'ajouter : « Je ne dis pas que c'est une question de foi, mais c'est une question humaine, il s'agit d'une mauvaise compassion ». « On efface la vie des grands-parents, ils sont vieux, ils ne servent à rien ! », a encore déploré le pape. « On ne joue pas avec la vie ! », a répété le pape, que ce soit à propos de la loi qui ne laisse pas grandir l'enfant dans le ventre de la mère, ou la loi sur l'euthanasie pour les maladies ou la vieillesse”.

    « Il y a une conscience du phénomène migratoire »

    Lors de cette brève rencontre avec les journalistes, le pape François a aussi été interrogé sur « l'échec » perceptible de ses innombrables appels sur le sort des migrants. « Je ne crois pas [que cela soit un échec, ndlr], cela a grandi lentement », a rétorqué le pape, « aujourd'hui il y a une conscience du phénomène migratoire ». Le pape François a par ailleurs reconnu pouvoir ressentir des frustrations dans l’action diplomatique du Saint-Siège face au conflit russo-ukrainien, mais a une nouvelle fois soutenu le travail de la secrétairerie d’État. « Il y a quelque chose avec les enfants qui avance bien », a-t-il annoncé, sans rentrer dans les détails, à propos des enfants ukrainiens qui se trouvent actuellement en Russie et que le Saint-Siège tente de rapatrier dans leurs familles.

  • Pour que la Méditerranée redevienne un laboratoire de paix

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    VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS à MARSEILLE pour la conclusions des Rencontres Méditerranéennes
    [22 - 23 SEPTEMBRE 2023]

    SESSION CONCLUSIVE DES RENCONTRES MÉDITERRANÉENNES

    DISCOURS DU SAINT-PÈRE

    Palais du Pharo, Marseille
    Samedi 23 septembre 2023

    source

    ________________________________________

    Monsieur le Président de la République,

    chers frères Évêques,
    Mesdames et Messieurs les Maires et Autorités représentant les villes et territoires bordés par la Méditerranée,
    Vous tous chers amis !

    Je vous salue cordialement et vous suis, à chacun, reconnaissant d'avoir accepté l'invitation du cardinal Aveline à participer à ces rencontres. Je vous remercie pour votre travail et pour les réflexions précieuses que vous avez partagées. Après Bari et Florence, le chemin au service des peuples méditerranéens se poursuit : les responsables ecclésiastiques et civils sont encore ici réunis, non pas pour traiter d’intérêts mutuels, mais animés par le désir de s’occuper de l'homme ; merci de le faire avec les jeunes qui sont le présent et l'avenir de l'Église comme de la société.

    La ville de Marseille est très ancienne. Fondée par des navigateurs grecs venus d'Asie Mineure, le mythe la fait remonter à une histoire d'amour entre un marin émigré et une princesse locale. Elle présente dès ses origines un caractère composite et cosmopolite : elle accueille les richesses de la mer et donne une patrie à ceux qui n'en ont plus. Marseille nous dit que, malgré les difficultés, la convivialité est possible et qu’elle est source de joie. Sur la carte, entre Nice et Montpellier, elle semble presque dessiner un sourire ; et j'aime à la considérer ainsi : Marseille est "le sourire de la Méditerranée". Je voudrais donc vous proposer quelques réflexions autour de trois réalités qui caractérisent Marseille : la mer, le port et le phare. Ce sont trois symboles.

    1. La mer. Une marée de peuples a fait de cette ville une mosaïque d'espérance, avec sa grande tradition multiethnique et multiculturelle, représentée par plus de 60 consulats présents sur son territoire. Marseille est une ville à la fois plurielle et singulière, car c'est sa pluralité, fruit de sa rencontre avec le monde, qui rend son histoire singulière. On entend souvent dire aujourd'hui que l'histoire de la Méditerranée est un entrelacement de conflits entre différentes civilisations, religions et visions. Nous n’ignorons pas les problèmes – il y en a - mais ne nous y trompons pas : les échanges entre peuples ont fait de la Méditerranée un berceau de civilisations, une mer qui regorge de trésors, au point que, comme l'écrivait un grand historien français, elle n'est pas « un paysage, mais d'innombrables paysages. Ce n'est pas une mer, mais une succession de mers » ; « depuis des millénaires, tout s'y est engouffré, compliquant et enrichissant son histoire » (F. Braudel, La Méditerranée, Paris 1985, p. 16). La mare nostrum est un espace de rencontres : entre les religions abrahamiques, entre les pensées grecque, latine et arabe, entre la science, la philosophie et le droit, et entre bien d'autres réalités. Elle a diffusé dans le monde la haute valeur de l'être humain, doté de liberté, ouvert à la vérité et en mal de salut, qui voit le monde comme une merveille à découvrir et un jardin à habiter, sous le signe d'un Dieu qui fait alliance avec les hommes.

    Un grand Maire voyait dans la Méditerranée non pas une question conflictuelle, mais une réponse de paix, mieux encore, « le commencement et le fondement de la paix entre toutes les nations du monde » (G. La Pira, Paroles en conclusion du premier Colloque Méditerranéen, 6 octobre 1958). Il disait en effet : « La réponse [...] est possible si l'on considère la vocation historique commune et pour ainsi dire permanente que la Providence a assignée dans le passé, assigne dans le présent et, en un certain sens, assignera dans l'avenir aux peuples et aux nations qui vivent sur les rives de ce mystérieux lac de Tibériade élargi qu'est la Méditerranée » (Discours d'ouverture du 1er Colloque méditerranéen, 3 octobre 1958). Lac de Tibériade, ou Mer de Galilée : un lieu, c’est-à-dire, où se concentrait à l'époque du Christ une grande variété de peuples, de cultes et de traditions. C'est là, dans la « Galilée des nations » (cf. Mt 4, 15), traversée par la Route de la Mer, que se déroula la plus grande partie de la vie publique de Jésus. Un contexte multiforme et, à bien des égards, instable, fut le lieu de la proclamation universelle des Béatitudes, au nom d'un Dieu Père de tous, qui « fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45). C'était aussi une invitation à élargir les frontières du cœur, en dépassant les barrières ethniques et culturelles. Voici donc la réponse qui vient de la Méditerranée : cette mer pérenne de Galilée invite à opposer la « convivialité des différences » à la division des conflits (T. Bello, Benedette inquietudini, Milano 2001, p. 73). La mare nostrum, au carrefour du Nord et du Sud, de l'Est et de l'Ouest, concentre les défis du monde entier comme en témoignent ses "cinq rives" sur lesquelles vous avez réfléchi : l'Afrique du Nord, le Proche-Orient, la mer Noire-Égée, les Balkans et l'Europe latine. Elle est à l’avant-poste de défis qui concernent tout le monde : nous pensons au défi climatique, la Méditerranée représentant un hotspot où les changements se font sentir plus rapidement. Comme il est important de sauvegarder le maquis méditerranéen, écrin unique de biodiversité ! Bref, cette mer, environnement qui offre une approche unique de la complexité, est un "miroir du monde", et elle porte en elle une vocation mondiale à la fraternité, vocation unique et unique voie pour prévenir et surmonter les conflits.

    Frères et sœurs, sur la mer actuelle des conflits, nous sommes ici pour valoriser la contribution de la Méditerranée, afin qu'elle redevienne un laboratoire de paix. Car telle est sa vocation : être un lieu où des pays et des réalités différentes se rencontrent sur la base de l'humanité que nous partageons tous, et non d'idéologies qui opposent. Oui, la Méditerranée exprime une pensée qui n'est pas uniforme ni idéologique, mais polyédrique et adhérente à la réalité ; une pensée vitale, ouverte et conciliante : une pensée communautaire, c'est le mot. Comme nous avons besoin de cela dans les circonstances actuelles où des nationalismes archaïques et belliqueux veulent faire disparaître le rêve de la communauté des nations ! Mais - rappelons-le - avec les armes on fait la guerre, pas la paix, et avec l'avidité du pouvoir on retourne toujours au passé, on ne construit pas l'avenir.

    Par où commencer alors pour enraciner la paix ? Sur les rives de la Mer de Galilée, Jésus commença par donner de l’espérance aux pauvres, en les proclamant bienheureux : il écouta leurs besoins, il soigna leurs blessures, il leur annonça avant tout la bonne nouvelle du Royaume. C'est de là qu’il faut repartir, du cri souvent silencieux des derniers, et non des premiers de la classe qui élèvent la voix même s'ils sont bien lotis. Repartons, Église et communauté civile, de l'écoute des pauvres qui sont à « s'embrasser, et non pas à compter » (P. Mazzolari, La parola ai poveri, Bologne 2016, p. 39), car ils sont des visages et non des numéros. Le changement de rythme de nos communautés consiste à les traiter comme des frères dont nous devons connaître l'histoire, et non comme des problèmes gênants, en les expulsant, en les renvoyant chez eux ; il consiste à les accueillir, et non les cacher ; à les intégrer, et non s’en débarrasser ; à leur donner de la dignité. Et Marseille, je veux le répéter, est la capitale de l'intégration des peuples. C'est votre fierté ! Aujourd'hui, la mer de la coexistence humaine est polluée par la précarité qui blesse même la splendide Marseille. Et là où il y a précarité il y a criminalité : là où il y a pauvreté matérielle, éducative, professionnelle, culturelle, religieuse, le terrain des mafias et des trafics illicites est déblayé. L'engagement des seules institutions ne suffit pas, il faut un sursaut de conscience pour dire "non" à l'illégalité et "oui" à la solidarité, ce qui n'est pas une goutte d'eau dans la mer, mais l'élément indispensable pour en purifier les eaux.

    En effet, le véritable mal social n'est pas tant l'augmentation des problèmes que le déclin de la prise en charge. Qui aujourd'hui est proche des jeunes livrés à eux-mêmes, proies faciles de la délinquance et de la prostitution ? Qui les prend en charge ? Qui est proche des personnes asservies par un travail qui devrait les rendre plus libres ? Qui s'occupe des familles effrayées, qui ont peur de l'avenir et de mettre au monde de nouvelles créatures ? Qui écoute les gémissements des personnes âgées isolées qui, au lieu d'être valorisées, sont parquées dans la perspective faussement digne d'une mort douce, en réalité plus salée que les eaux de la mer ? Qui pense aux enfants à naître, rejetés au nom d'un faux droit au progrès, qui est au contraire une régression de l'individu ? Aujourd'hui, nous avons le drame de confondre les enfants avec les petits chiens. Mon secrétaire me disait qu'en passant par la place Saint-Pierre, il avait vu des femmes qui portaient des enfants dans des poussettes... mais ce n'étaient pas des enfants, c'étaient des petits chiens ! Cette confusion nous dit quelque chose de mauvais. Qui regarde avec compassion au-delà de ses frontières pour entendre les cris de douleur qui montent d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient ? Combien de personnes vivent plongées dans les violences et souffrent de situations d'injustice et de persécution ! Et je pense à tant de chrétiens, souvent contraints de quitter leur terre ou d'y vivre sans que leurs droits soient reconnus, sans qu'ils jouissent d’une citoyenneté à part entière. S'il vous plaît, engageons-nous pour que ceux qui font partie de la société puissent en devenir les citoyens de plein droit. Et puis il y a un cri de douleur qui résonne plus que tout autre, et qui transforme la mare nostrum en mare mortuum, la Méditerranée, berceau de la civilisation en tombeau de la dignité. C'est le cri étouffé des frères et sœurs migrants, auxquels je voudrais consacrer mon attention en réfléchissant sur la deuxième image que nous offre Marseille, celle de son port.

    2. Le port de Marseille est depuis des siècles une porte grand-ouverte sur la mer, sur la France et sur l'Europe. C'est d'ici que beaucoup sont partis chercher du travail et un avenir à l'étranger, c'est d'ici que beaucoup ont franchi la porte du continent avec des bagages chargés d'espérance. Marseille a un grand port et elle est une grande porte qui ne peut être fermée. Plusieurs ports méditerranéens, en revanche, se sont fermés. Et deux mots ont résonné, alimentant la peur des gens : "invasion" et "urgence". Et on ferme les ports. Mais ceux qui risquent leur vie en mer n'envahissent pas, ils cherchent hospitalité, ils cherchent la vie. Quant à l'urgence, le phénomène migratoire n'est pas tant une urgence momentanée, toujours bonne à susciter une propagande alarmiste, mais un fait de notre temps, un processus qui concerne trois continents autour de la Méditerranée et qui doit être géré avec une sage prévoyance, avec une responsabilité européenne capable de faire face aux difficultés objectives. Je regarde, ici, sur cette carte, les ports privilégiés pour les migrants : Chypre, la Grèce, Malte, l'Italie et l'Espagne... Ils font face à la Méditerranée et accueillent les migrants. La mare nostrum crie justice, avec ses rivages où, d’un côté, règnent l'opulence, le consumérisme et le gaspillage et, de l’autre, la pauvreté et la précarité. Là encore, la Méditerranée est un reflet du monde : le Sud qui se tourne vers le Nord, avec beaucoup de pays en développement, en proie à l'instabilité, aux régimes, aux guerres et à la désertification, qui regardent les plus aisés, dans un monde globalisé où nous sommes tous connectés mais où les fossés n'ont jamais été aussi profonds. Pourtant, cette situation n'est pas nouvelle de ces dernières années, et ce n'est pas ce Pape venu de l'autre bout du monde à avoir le premier à l'alerté, avec urgence et préoccupation. Cela fait plus de cinquante ans que l'Église en parle de manière pressante.

    Le concile Vatican II venait de se conclure lorsque saint Paul VI, dans l’encyclique Populorum progressio, écrivait : « Les peuples de la faim interpellent aujourd'hui de façon dramatique les peuples de l'opulence. L’Église tressaille devant ce cri d’angoisse et appelle chacun à répondre avec amour à l’appel de son frère » (n. 3). Le Pape Montini énuméra "trois devoirs" des nations les plus développées, « enracinés dans la fraternité humaine et surnaturelle » : « devoir de solidarité, c’est à dire l’aide que les nations riches doivent apporter aux pays en voie de développement ; devoir de justice sociale, c’est-à-dire le redressement des relations commerciales défectueuses entre peuples forts et peuples faibles ; devoir de charité universelle, c’est-à-dire la promotion d’un monde plus humain pour tous, où tous auront à donner et à recevoir, sans que le progrès des uns soit un obstacle au développement des autres » (n. 44). À la lumière de l’Évangile et de ces considérations, Paul VI, en 1967, soulignait le « devoir de l’accueil », sur lequel il écrivait : « nous ne saurions trop insister » (n. 67). Pie XII avait encouragé à cela quinze années auparavant en écrivant que : « La famille de Nazareth en exile, Jésus, Marie et Joseph émigrés en Egypte […] sont le modèle, l’exemple et le soutien de tous les émigrés et pèlerins de tous les temps et de tous les pays, de tous les réfugiés de toute condition qui, poussés par la persécution ou par le besoin, se voient contraints d’abandonner leur patrie, les personnes qui leurs sont chères, […] et se rendre en terre étrangère » (Const. ap. Exsul Familia de spirituali emigrantium cura, 1er août 1952).

    Certes, les difficultés d’accueil sont sous les yeux de tous. Les migrants doivent être accueillis, protégés ou accompagnés, promus et intégrés. Dans le cas contraire, le migrant se retrouve dans l'orbite de la société. Accueillis, accompagnés, promus et intégrés : tel est le style. Il est vrai qu'il n'est pas facile d'avoir ce style ou d'intégrer des personnes non attendues. Cependant le critère principal ne peut être le maintien de leur bien-être, mais la sauvegarde de la dignité humaine. Ceux qui se réfugient chez nous ne doivent pas être considérés comme un fardeau à porter : si nous les considérons comme des frères, ils nous apparaîtront surtout comme des dons. La Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié sera célébrée demain. Laissons-nous toucher par l’histoire de tant de nos frères et sœurs en difficulté qui ont le droit tant d’émigrer que de ne pas émigrer, et ne nous enfermons pas dans l’indifférence. L’histoire nous interpelle à un sursaut de conscience pour prévenir le naufrage de civilisation. L’avenir, en effet, ne sera pas dans la fermeture qui est un retour au passé, une inversion de marche sur le chemin de l’histoire. Contre le terrible fléau de l’exploitation des êtres humains, la solution n’est pas de rejeter, mais d’assurer, selon les possibilités de chacun, un grand nombre d’entrées légales et régulières, durables grâce à un accueil équitable de la part du continent européen, dans le cadre d’une collaboration avec les pays d’origine. Dire "assez" c’est au contraire fermer les yeux ; tenter maintenant de "se sauver" se transformera demain en tragédie. Alors que les générations futures nous remercieront pour avoir su créer les conditions d’une intégration indispensable, elles nous accuseront pour n’avoir favorisé que des assimilations stériles. L’intégration, même des migrants, est difficile, mais clairvoyante : elle prépare l’avenir qui, qu’on le veuille ou non, se fera ensemble ou ne sera pas ; l’assimilation, qui ne tient pas compte des différences et reste rigide dans ses paradigmes, fait prévaloir l’idée sur la réalité et compromet l’avenir en augmentant les distances et en provoquant la ghettoïsation, provoquant hostilité et intolérance. Nous avons besoin de fraternité comme de pain. Le mot même "frère", dans sa dérivation indo-européenne, révèle une racine liée à la nutrition et à la subsistance. Nous ne nous soutiendrons qu’en nourrissant d’espérance les plus faibles, en les accueillant comme des frères. « N’oubliez pas l’hospitalité » (He 13, 2), nous dit l’Écriture. Et dans l'Ancien Testament, il est répété : la veuve, l'orphelin et l'étranger. Les trois devoirs de charité : assister la veuve, assister l'orphelin et assister l'étranger, le migrant.

    À cet égard, le port de Marseille est aussi une "porte de la foi". Selon la tradition, les saints Marthe, Marie et Lazare ont débarqué ici, et ont semé l’Évangile sur ces terres. La foi vient de la mer, comme l’évoque la suggestive tradition marseillaise de la chandeleur avec la procession maritime. Lazare, dans l’Évangile, est l’ami de Jésus, mais c’est aussi le nom du protagoniste d’une parabole très actuelle qui ouvre les yeux sur l’inégalité qui ronge la fraternité et nous parle de la prédilection du Seigneur pour les pauvres. Eh bien, nous chrétiens qui croyons au Dieu fait homme, à l’homme unique et inimitable qui, sur les rives de la Méditerranée, s’est dit chemin, vérité et vie (cf. Jn 14, 6), nous ne pouvons pas accepter que les voies de la rencontre soient fermées. Ne fermons pas les voies de la rencontre, s'il vous plaît ! Nous ne pouvons accepter que la vérité du dieu argent l’emporte sur la dignité de l’homme, que la vie se transforme en mort ! L’Église, en confessant que Dieu, en Jésus Christ, « s’est en quelque sorte uni à tout homme » (Gaudium et spes, n. 22), croit, avec saint Jean-Paul II, que son chemin est l’homme (cf. Lett. enc. Redemptor hominis, n. 14). Elle adore Dieu et sert les plus fragiles qui sont ses trésors. Adorer Dieu et servir le prochain, voilà ce qui compte : non pas la pertinence sociale ou l’importance numérique, mais la fidélité au Seigneur et à l’homme !

    Voilà le témoignage chrétien et, bien souvent, il est héroïque. Je pense par exemple à saint Charles de Foucauld, le "frère universel", aux martyrs de l’Algérie, mais aussi à tant d’artisans de la charité d’aujourd’hui. Dans ce style de vie scandaleusement évangélique, l’Église retrouve le port sûr auquel accoster et d’où repartir pour tisser des liens avec les personnes de tous les peuples, en recherchant partout les traces de l’Esprit et en offrant ce qu’elle a reçu par grâce. Voilà la réalité la plus pure de l’Église, voilà - écrivait Bernanos - « l’Église des saints », ajoutant que « tout ce grand appareil de sagesse, de force, de souple discipline, de magnificence et de majesté n’est rien de lui-même, si la charité ne l’anime » (Jeanne d’Arc relapse et sainte, Paris 1994, p. 74). J’aime exalter cette perspicacité française, génie croyant et créatif qui a affirmé ces vérités à travers une multitude de gestes et d’écrits. Saint Césaire d’Arles disait : « Si tu as la charité, tu as Dieu ; et si tu as Dieu, que ne possèdes-tu pas ? » (Sermo 22, 2). Pascal reconnaissait que « l’unique objet de l’Écriture est la charité » (Pensées, n. 301) et que « la vérité hors de la charitén’est pas Dieu ; elle est son image, et une idole qu’il ne faut point aimerni adorer » (Pensées, n. 767). Et saint Jean Cassien, qui est mort ici, écrivait que « tout, même ce qu’on estime utile et nécessaire, vaut moins que ce bien qu’est la paix et la charité » (Conférences spirituelles XVI, 6).

    Il est bon, par conséquent, que les chrétiens ne viennent pas en deuxième position en matière de charité ; et que l’Évangile de la charité soit la magna charta de la pastorale. Nous ne sommes pas appelés à regretter les temps passés ou à redéfinir une importance ecclésiale, nous sommes appelés au témoignage : non pas broder l’Évangile de paroles, mais lui donner de la chair ; non pas mesurer la visibilité, mais nous dépenser dans la gratuité, croyant que « la mesure de Jésus est l’amour sans mesure » (Homélie, 23 février 2020). Saint Paul, l’Apôtre des nations qui passa une bonne partie de sa vie à traverser la Méditerranée d’un port à l’autre, enseignait que pour accomplir la loi du Christ, il faut porter mutuellement le poids des uns des autres (cf. Ga 6, 2). Chers frères évêques, ne chargeons pas les personnes de fardeaux, mais soulageons leurs efforts au nom de l’Évangile de la miséricorde, pour distribuer avec joie le soulagement de Jésus à une humanité fatiguée et blessée. Que l’Église ne soit pas un ensemble de prescriptions, que l’Église soit un port d’espérance pour les personnes découragées. Élargissez vos cœurs, s'il vous plaît ! Que l'Église soit un port de ravitaillement, où les personnes se sentent encouragées à prendre le large dans la vie avec la force incomparable de la joie du Christ. Que l'Église ne soit pas une douane. Souvenons-nous du Seigneur : tous, tous, tous sont invités.

    3. Et j’en viens brièvement ainsi à la dernière image, celle du phare. Il illumine la mer et fait voir le port. Quelles traces lumineuses peuvent orienter le cap des Églises dans la Méditerranée ? En pensant à la mer qui unit tant de communautés croyantes différentes, je pense que l’on peut réfléchir sur des parcours plus synergiques, en évaluant peut-être aussi l’opportunité d’une Conférence ecclésiale de la Méditerranée, comme l’a dit le Cardinal [Aveline], qui permettrait de nouvelles possibilités d’échanges et qui donnerait une plus grande représentativité ecclésiale à la région. En pensant au port et au thème migratoire, il pourrait être profitable de travailler à une pastorale spécifique encore plus reliée, afin que les diocèses les plus exposés puissent assurer une meilleure assistance spirituelle et humaine aux sœurs et aux frères qui arrivent dans le besoin.

    Le phare, dans ce prestigieux palais qui porte son nom, me fait enfin penser surtout aux jeunes : ce sont eux la lumière qui indique la route de l’avenir. Marseille est une grande ville universitaire qui abrite quatre campus : sur les quelque 35000 étudiants qui les fréquentent, 5000 sont étrangers. Par où commencer à tisser des liens entre les cultures, sinon par l’université ? Là, les jeunes ne sont pas fascinés par les séductions du pouvoir, mais par le rêve de construire l’avenir. Que les universités méditerranéennes soient des laboratoires de rêves et des chantiers d’avenir, où les jeunes grandissent en se rencontrant, en se connaissant et en découvrant des cultures et des contextes à la fois proches et différents. On abat ainsi les préjugés, on guérit les blessures et on conjure des rhétoriques fondamentalistes. Faites attention à la prédication de tant de fondamentalismes qui sont à la mode aujourd'hui ! Des jeunes bien formés et orientés à fraterniser pourront ouvrir des portes inespérées de dialogue. Si nous voulons qu’ils se consacrent à l’Évangile et au haut service de la politique, il faut avant tout que nous soyons crédibles : oublieux de nous-mêmes, libérés de l’autoréférentialité, prêts à nous dépenser sans cesse pour les autres. Mais le défi prioritaire de l’éducation concerne tous les âges de la formation : dès l’enfance, "en se mélangeant" avec les autres, on peut surmonter beaucoup de barrières et de préjugés en développant sa propre identité dans le contexte d’un enrichissement mutuel. L’Église peut bien y contribuer en mettant au service ses réseaux de formation et en animant une "créativité de la fraternité".

    Frères et sœurs, le défi est aussi celui d’une théologie méditerranéenne - la théologie doit être enracinée dans la vie ; une théologie de laboratoire ne fonctionne pas - qui développe une pensée qui adhère au réel, "maison" de l’humain et pas seulement des données techniques, en mesure d’unir les générations en reliant mémoire et avenir, et de promouvoir avec originalité le chemin œcuménique entre chrétiens et le dialogue entre croyants de religions différentes. Il est beau de s’aventurer dans une recherche philosophique et théologique qui, en puisant aux sources culturelles méditerranéennes, redonne espérance à l’homme, mystère de liberté en mal de Dieu et de l’autre, pour donner un sens à son existence. Et il est également nécessaire de réfléchir sur le mystère de Dieu, que personne ne peut prétendre posséder ou maîtriser, et qui doit même être soustrait à tout usage violent et instrumental, conscients que la confession de sa grandeur présuppose en nous l’humilité des chercheurs.

    Chers frères et sœurs, je suis heureux d’être ici à Marseille ! Un jour, Monsieur le Président m'a invité à visiter la France et m'a dit : "Mais il est important que vous veniez à Marseille !". Et je l’ai fait. Je vous remercie de votre écoute patiente et de votre engagement. Allez de l’avant, courageux ! Soyez une mer de bien, pour faire face aux pauvretés d’aujourd’hui avec une synergie solidaire ; soyez un port accueillant, pour embrasser ceux qui cherchent un avenir meilleur ; soyez un phare de paix, pour anéantir, à travers la culture de la rencontre, les abîmes ténébreux de la violence et de la guerre. Merci beaucoup !