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liturgie - Page 59

  • "Pro Liturgia" et "Traditionis custodes"

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    Du site "Pro Liturgia" :

    5 août 2021

    Le dernier Motu proprio « Traditionis custodes » du pape François arrive au moment où les fidèles - évêques y compris – vivent une période de grande confusion touchant tant la doctrine que la liturgie c’est-à-dire ce qui constitue le fond et la forme indissociables de la foi catholique.

    Cette confusion apparaît dès qu’on parle aux fidèles, qu’ils soient pratiquants ou pas. Selon eux, le pape François « a supprimé le latin ». Point. C’est ainsi qu’a été reçu et compris le Motu proprio. Grosse erreur : l’usage du latin n’est absolument pas le sujet de « Traditionis custodes ». Le sujet du document pontifical touche uniquement à la forme de la liturgie romaine en usage avant Vatican II, forme dont la conservation avait été demandée, pour diverses raisons, par certains fidèles. Une des raisons ayant été clairement énoncée par Benoît XVI et reprise par le pape François : « Je suis également attristé par les abus de part et d’autre dans la célébration de la liturgie. Comme Benoît XVI, je stigmatise moi aussi que “dans de nombreux endroits les prescriptions du nouveau Missel ne sont pas célébrées fidèlement, mais il est même compris comme une autorisation voire une obligation à la créativité, ce qui conduit souvent à des déformations à la limite de ce qui est supportable”. » (Lettre du pape François accompagnant le Motu proprio ». Remarquons bien ce que disent les deux papes, Benoît et François : les prescriptions du nouveau Missel ne sont pas célébrées fidèlement en de nombreux endroits... Pas « en quelques endroits » comme on a longtemps voulu le faire croire aux fidèles qui déploraient la désacralisation et la banalisation des messes paroissiales, mais « EN DE NOMBREUX ENDROITS ». Et les deux papes ajoutent qu’une « créativité » devenue obligatoire a rendu certaines célébrations insupportables.

    On en arrive à la seconde confusion qui est de loin la plus courante chez les fidèles : les messes paroissiales seraient conformes à la liturgie restaurée à la suite de Vatican II. Or, ceci est totalement inexact : à part dans certains monastères et dans quelques très rares paroisses, les messes s’éloignent toutes plus ou moins des principes liturgiques voulus par le dernier Concile :
    - le face-à-face célébrant(s) - assemblée n’a jamais été voulu par le Concile ;
    - la suppression ou la limitation de l’usage du latin n’a jamais été voulue par le Concile ;
    - l’impossibilité de s’agenouiller n’a jamais été voulue par le Concile ;
    - la limitation drastique de l’usage du chant grégorien (conduisant à l’oubli du répertoire) n’a jamais été voulue par le Concile ;
    - la distribution de la communion par des laïcs n’a jamais été voulue par le Concile ;
    - les commentaires et souhaits de bienvenue n’ont jamais été voulus par le Concile ;
    - l’attention des fidèles portée quasi exclusivement sur les ministres de l’autel n’a jamais été voulue par le Concile ;
    - la généralisation des concélébrations n’a jamais été voulue par le Concile...

    Il faut que ces choses-là soient sues, dites, répétées afin que l’on sache de quoi on parle lorsqu’on évoque les questions de la liturgie de l’ « après-Concile ». Car il est impossible de parler de la liturgie « restaurée » en faisant comme si elle existait partout, comme si elle était partout fidèlement célébrée. Pour qu’elle soit fidèlement célébrée, il faut non seulement que les rites soient bien accomplis à leur bonne place ; il faut aussi que le célébrant soit effacé et que l’ensemble de la célébration soit pacifiante, apaisante, respecte le principe du silence qui naît de la contemplation du Mystère par lequel est évoqué la liturgie céleste. Il faut donc que les fidèles - et en premier lieu les ministres de l’autel - soient nourris de cette « spiritualité liturgique » sans laquelle il manquera toujours l’essentiel à une messe même très « correctement » célébrée.

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  • 6 août : fête de la Transfiguration du Seigneur

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    23762.jpgLa fête de ce jour est une fête votive. Prescrite en Occident par le pape Calixte III, en 1457, après la victoire remportée sur les Turcs grâce à saint Jean de Capistran sous les murs de Belgrade, elle existait déjà au cinquième siècle en Orient. La Transfiguration est chez les orientaux la grande fête d’été, la vieille fête du Christ-Roi.

    1. La Transfiguration. — Nous célébrons aujourd’hui la Transfiguration du Sauveur, événement que les Pères de l’Église comptent parmi les plus grands miracles opérés par Dieu pour rendre témoignage à son Fils.

    C’était pendant la seconde partie de la vie publique ; déjà le regard du Sauveur se portait vers la Croix du Calvaire. Un soir, il se rendit sur le Thabor avec ses trois Apôtres préférés. La nuit survint, et, tandis que le Maître priait, les disciples s’endormirent. Jésus était toujours en oraison lorsque, soudain, l’éclat de sa divinité perça à travers l’enveloppe de sa nature humaine : il est transfiguré. Les disciples s’éveillent, éblouis, et sont témoins du prodige. — Au lieu de nous borner à l’habituel passage de l’Écriture relatant ce miracle, nous ferons bien de nous reporter à tous ceux qui relatent l’événement du Thabor : saint Mathieu, XVII, 1-9 ; Saint Marc, IX, 2-9 ; saint Luc, IX, 28-30 ; le dernier se trouve dans la seconde épître de saint Pierre, I, 10-21.

    Quel est le sens de cette fête ? 

     a) Nous devons contempler avec respect et adoration notre Dieu éternel ; aujourd’hui encore, nous célébrons sa Royauté. 

     b) Nous devons voir en sa Transfiguration l’image de la nôtre, un jour : Nous attendrons le Sauveur... qui transformera notre corps misérable et le rendra semblable à son corps glorieux. 

     c) Ici commence la portée morale de la fête ; sans cesse, il nous faut travailler en vue de cette transfiguration par la pratique de la vie intérieure et spirituelle, par le détachement des choses terrestres. 

     d) Nous avons un sacrement de la Transfiguration : celui de l’Eucharistie. A la messe, le Seigneur Transfiguré est parmi nous ; dans la sainte communion, nous recevons le « germe de la gloire » et le gage de la résurrection future.

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  • Dom Pateau répond à Andrea Grillo

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    source

    Cher Professeur,

    Soyez remercié d’avoir porté attention à l’interview de Famille Chrétienne et d’y avoir répondu par un texte intitulé : Construisons des ponts entre les personnes, pas entre les rites.

    De fait la liturgie est le lieu par excellence pour édifier des ponts : pont avec le Christ afin de retrouver en lui tous les membres du peuple de Dieu.

    Vous relevez à juste titre la difficulté à construire des ponts entre des fidèles qui participent à des formes différentes du rite romain et qu’il serait plus facile d’établir des ponts entre les personnes qui utiliseraient la même forme commune du rite romain. Je vous rejoins.

    Jean-Paul II a promulgué après les sacres d’Ecône le motu proprio Ecclesia Dei, le 2 juillet 1988. Seuls les deux premiers mots du document ont été retenus en guise de titre, c’est dommage ! Le troisième mot est adflicta. La Commission du même nom n’est pas née dans les fastes d’une Église triomphante, mais plutôt sur la croix d’une division entre frères, une division qui dure.Faut-il souligner que les deux premiers numéros de ce texte mentionnent la tristesse : tristesse de l’Églisequi voit s’éloigner de la pleine communion quelques-uns de ses enfants, tristesse « particulièrement ressentie par le successeur de Pierre à qui revient en premier de veiller à l’unité de l’Église ».

    Nous retrouvons cette tristesse chez François qu’il exprime à travers Traditionis Custodes.

    Oui, vous l’avez compris, lassitude et tristesse sont mon pain quotidien autour de la question liturgique. Mon propos dans ces lignes est tout de réconciliation et de paix… de vérité aussi. En cela nous nous retrouvons. Comme vous le dites, j’ai essayé pour pacifier des chrétiens de tous bords de « trouver le ton le plus approprié pour donner du nouveau texte une vision qui ne soit pas source de division, intolérante, d’opposition frontale. »

    Il faut bien reconnaître que beaucoup reçoivent TC comme un signe de rupture et ne comprennent pas. Certains ne se reconnaissent pas dans les fidèles décrits et se sentent agressés. Que dire à ces prêtres, ces fidèles, qui depuis des années travaillent souvent de façon cachée et peu reconnue à soigner des blessures, à ramener dans le troupeau. Ils sont découragés, accusés faussement de refuser Vatican II, de refuser la Messe 69, de parler de la “Vraie Messe”, de la “Vraie Église”.

    TC gère des situations très différentes par une même norme, amalgame sans sembler reconnaître les grandes différences des fidèles assistant au VO, ignore surtout l’existence de fidèles ou de communautés qui ne sont pas opposés à un chemin de réflexion sur la liturgie et qui parfois l’ont même anticipé.

    Comme Abbé, saint Benoît me demande de veiller à conserver toutes les brebis qui me sont confiées, à marcher à leur pas… celles qui courent et celles qui boitent aussi. C’est aussi la sollicitude que partage François pour l’ensemble du troupeau, lui qui demande au pasteur d’être à la fois à l’avant, au milieu et à l’arrière du troupeau.

    Oui, nous sommes d’accord pour travailler autourde deux exigences centrales : construire des ponts entre les fidèles et mettre fin aux batailles liturgiques.

    Voici donc quelques éléments que je vous partage :

    a) Au sujet de Summorum Pontificum et l’introduction de deux formes dans l’unique rite romain.

    Vous reprochez à Benoît XVI, l’usage des termes de “forme extraordinaire” du rite romain comme « quelque chose qui a été inventé en 2007, qui n’a aucun fondement dans le passé ecclésial », une « astuce », un « trucage systématique »… quelque chose qui a apporté la « bataille », non pas la « paix », créant des illusions, des distorsions de perspectives, des mirages et des cauchemars… Une sorte de « folie collective ».

    Le constat me semble vraiment excessif car en bien des endroits, un vrai chemin de réconciliation s’est opéré. Les évêques français le soulignaient dans une synthèse controversée reprenant les résultats de l’enquête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi sur la mise en œuvre de SP : « Dans la plupart des diocèses, la situation semble apaisée. » Par l’action persévérante et non sans mérite d’évêques, de prêtres, de vrais lieux de paix liturgique et d’enrichissement mutuel se sont peu à peu établis. Cela a demandé et demande beaucoup d’humilité de la part de tous… mais c’est ainsi que grandit l’Église.

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  • Une lecture africaine du motu proprio « Traditionis Custodes »

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    Mgr_Pascal_N'KOUE_archeveque_de_Parakou.jpgDe Mgr Pascal N’Koué, archevêque de Parakou au Bénin, dans son bulletin diocésain du mois d’août:

    « Le Pape François, le 16 juillet 2021, a publié un motu proprio : ‘’ Traditionis custodes’’ sur la forme extraordinaire du rite latin. Je crois que ce texte est à lire à la lumière de l’encyclique ‘’Fratelli tutti’’. Un seul troupeau, un seul Pasteur. Les deux formes liturgiques doivent nous aider à cohabiter pacifiquement et nous enrichir mutuellement. Je célèbre les deux formes. Aucun problème. C’est le cœur de l’homme qui est malade et qu’il faut soigner. »

    Ref. Lire Traditionis custodes à la lumière de Fratelli tutti…

    JPSC

  • La messe : un sacrifice sinon rien

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    De l'abbé Guillaume de Tanoüarn sur Metablog :

    Un sacrifice sinon rien

    La dernière prière du prêtre, au cours de la messe, est résolument sacrificielle, comme pour montrer que le sacrifice est l'essentiel de la liturgie. Cette prière se récite au moment où le prêtre baise l'autel une dernière fois,  manifestant par ce geste combien ce rite qu'il vient de célébrer ne provient pas de lui, de sa foi personnelle ou de sa spiritualité propre, mais s'identifie à l'autel, qui porte, nous l'avons vu au début de ce travail, le sens divin du sacrifice. Voici une traduction de cette prière :

    Que vous plaise, ô sainte Trinité, l'hommage que je vous rends de mon service. Faites que ce sacrifice que j'ai porté aux yeux de votre majesté, malgré mon indignité, vous soit agréable (acceptabile) à vous et qu'à moi ainsi qu'à tous ceux pour lesquels j'ai porté cette offrande, elle soit propitiatoire (propitiabile) autant que vous êtes miséricordieux, par le Christ notre Seigneur

    J'aurais aimé pouvoir faire rimer les traductions des deux adjectifs latins : acceptabile et propitiabile. Difficile de trouver, en français, deux adjectifs assonnants, en des sens si précis et si voisins ! Mais qui a dit que le latin liturgique est un latin de cuisine ? L'homéotéleute aide à articuler la pensée.

    Nous avons vu que la messe comportait toutes les formes de sacrifices. La forme la plus durable est certainement le sacrifice de louange, puisqu'il occupera toute notre éternité, en manifestant notre joie d'être à Dieu. Mais la forme la plus immédiatement importante des quatre genres de sacrifice n'est ni le sacrifice de louange, ni le sacrifice d'action de grâce, ni le sacrifice de demande (appelé aussi impétratoire). C'est le sacrifice qui nous rend Dieu propice, qui nous permet d'être comme d'égal à égal face à son éternité,  Il y a entre Dieu et nous le mur de la finitude et du péché. Dieu lui-même a voulu casser ce mur et nous permettre de vivre de plain pied avec son éternité en devenant ses fils et ses filles. La messe, pour qui la vit, réalise cette transformation. C'est en ce sens d' abord qu'elle est un sacrifice. Par la transformation de notre prière dans la prière du Christ, par la transmutation de notre inefficacité dans l'efficience du Fils de Dieu, elle est le signe décisif du changement de notre condition et de l'arrivée, à la fin des fins, du Royaume de Dieu, éternelle communion qui abolit toute finitude, parce qu'elle nous divinise.

    C'est le cas de l'écrire : un sacrifice sinon rien, sinon le monde ne changera pas et restera toujours dans cet état d'inachèvement désespérant dans lequel nous le voyons tous les jours. La réponse au problème du mal n'est pas à chercher  en arrière, dans le passé de l'humanité ou dans je ne sais quel état parfait de l'humanité adamique. Elle s'écrit, cette réponse, dans le sacrifice de la croix, où le Fils de Dieu affronte par le miracle de son incarnation la Puissance du mal et la fatalité de la mort, en y répondant par l'amour surnaturalisant. A chaque messe, cette réponse se rend tangible pour que le plus d'hommes et de femmes y participent, en s'incluant, par la médiation du rite sacré, dans la prière du Christ, dont ils sont, ces hommes et ces femmes, à la fois la matière première (si j'ose dire) et, encore aujourd'hui, l'enjeu ultime, mais aussi, dans la communion des saints, les agents communicateurs et les imitateurs indignes.

    Ce Mystère ecclésiologique, le pape François, dans son Motu proprio Traditionis custodes, a décidé de le marquer du sceau d'infamie que reçoit, dans sa pensée, tout ce qui est préconciliaire A-t-il décidé de changer de religion, non pas de foi, je le précise : de religion c'est-à-dire de relation à Dieu ? A-t-il décrété que la messe sacrificielle avait fait son temps et qu'elle était le signe d'un autre visage de l'Eglise que le visage qui a triomphé à Vatican II ? Si cette interprétation radicale se révélait juste, ce que l'avenir proche nous dira, ce serait au mépris de ce que voulaient la grande majorité des Pères conciliaires, au mépris de l'Eglise et au mépris du plan divin. 

    Pourquoi au mépris du Plan divin ? Parce que le problème du mal dans cette perspective conciliaire n'aurait pas d'autre solution que les bricolages sans cesse recommencés de notre bonne volonté toujours balbutiante depuis que le monde est monde et qu'Eve a croqué dans la pomme. Le monde redeviendrait incompréhensible, livré à un progressisme, que l'on doit dire à bon droit "imbécile", parce que l'on voit bien que, du problème du mal, il n'a qu'un simulacre de réponse. N'en déplaise aux progressistes d'aujourd'hui, la réponse à donner au terrible problème du mal n'est pas le Parc humain avec contrôle obligatoire, crédit social à la chinoise, et passe sanitaire à la française, pour accéder aux vespasiennes et faire régner une morale publique dominatrice, imposée à force de traçabilité des personnes, par des caméras de surveillance et des logiciels de reconnaissance faciale. Ce monde du Panoptikon que Michel Foucault a seul vu venir, est un terrible simulacre de réponse, parce que, progrès technique aidant, ce monde du contrôle est pire que le problème du mal tel qu'il se donne à voir dans les sociétés ordinairement humaines. Terrible ironie de l'histoire ! Les membres du Club de Davos, Klaus Schwaab en tête, fascinés par les modalités nouvelles de la survie du communisme chinois, entendent solutionner par le contrôle le monde archipelisé qui est le nôtre. Mais leur remède, indéniablement progressiste pourtant par les techniques qu'il met en jeu, s'avèrera pire que le mal, anéantissant chez les hommes l'idée même de liberté.

    Historiquement, la seule réponse au mal est spirituelle, c'est la mort de Jésus sur la Croix et le sacrifice de la messe qui nous permet de nous inclure dans ce mystère. La croix où meurt l'Innocent par excellence semblait pourtant participer du Mystère d'iniquité. Par un retournement sans exemple, elle devient le signe du Mystère de la piété, par lequel nous sommes tous prêtres (c'est-à-dire offrants), et nous devenons les rois de notre propre destinée, en en maîtrisant l'horizon éternel. "Il a fait de nous un royaume et des prêtres" comme dit l'Apocalypse (I, 9). C'est à cette réalité eschatologique que la messe traditionnelle nous permet d'assister et même de participer. Son interdiction par le Motu proprio du pape François a elle aussi un sens eschatologique.

  • L'Eglise vers laquelle on va

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    On peut être reconnaissant au Père Tihon (sur la Libre) d'indiquer aussi clairement dans quelle direction d'aucuns s'emploient à faire évoluer l'Eglise, de transgression en transgression. Mais il est clair que ces transgressions-là ne devraient pas être sanctionnées par Rome comme l'est le recours à l'ancien missel considéré comme une transgression inadmissible aux yeux du Souverain Pontife. Cela met clairement en évidence la dérive à babord de la barque de Pierre, laquelle peut aller dans n'importe quelle direction pourvu que ce ne soit pas dans celle de la Tradition dont les tenants, qualifiés de "rigides" par le pape régnant, sont condamnés à se taire sinon à quitter l'embarcation.

    Pour faire évoluer l'Église, des transgressions s'imposent

    L’appareil ecclésiastique romain était à ce point enserré dans des règles sacralisées que c’est souvent de façon conflictuelle que les changements nécessaires finissaient par s’imposer. Voici ce que pourraient être de légitimes transgressions.

    Hors d’Allemagne, nous mesurons mal le degré d’organisation du ‘laïcat’ catholique allemand, le poids du « Zentralkomittee der deutschen Katholiken », l’impact sur l’opinion publique des Katholikentage. Les catholiques engagés ont pris acte du travail de sape de la Curie vaticane pour neutraliser le concile Vatican II, en particulier sur la collégialité. Ils constatent la difficulté de faire passer des réformes devenues urgentes. Ils voient avec plaisir le pape François aller dans le sens du Concile sous l’étiquette synodalité, objet du prochain synode. François a moins de liberté de manœuvre que le ZDK, mais il avance ses pions, avec prudence et discernement (un de ses mots-clés). 

    Par rapport à la discipline officielle, les catholiques allemands ne se contentent pas d’intégrer certaines pratiques devenues courantes : - ne plus refuser l’eucharistie aux croyants de bonne volonté, qu’ils soient divorcés remariés ou qu’ils appartiennent à d’autres églises chrétiennes ; - ne plus tenir compte de l’interdiction de prêcher fait aux laïcs formés et aux professeures de religion ; - s’exprimer publiquement en faveur de l’ordination à la prêtrise de femmes et d’hommes mariés. Pour les acteurs de terrain, ces points n’ont rien de surprenant. Les commentateurs ne manquent pas de souligner qu’ils jouissent d’un « large soutien dans l’opinion », en tout cas dans nos pays. Mais la mobilisation des catholiques allemands s’inspire d’une perspective plus radicale. La synodalité signifie un fonctionnement d’Église très différent de l’actuelle concentration du pouvoir entre les mains du pape et de ses collaborateurs. Il est question d’une Église où tous les baptisés participeraient, de près ou de loin, au fonctionnement de la communauté, selon le vieux principe du droit romain : « Ce qui concerne tout le monde doit être traité par tout le monde », « quod omnes tangit ab omnibus tractari debet ».

    Pas d’évolution sans transgressions

    C’est l’occasion de remettre en lumière la dynamique concrète qui sous-tend l’évolution d’une énorme institution comme l’Église catholique romaine, comme de toute institution. En deux mots, il n’y a pas d’évolution sans transgressions.

    Peu de commentateurs prennent la peine de s’interroger sur l’opportunité de ce type de transgressions et sa légitimité en perspective chrétienne. Pour l’opportunité, on peut juger que, vu les solides freins qui ont conditionné le fonctionnement du Vatican lors des précédents pontificats, il est bon de se rappeler que l’Esprit souffle où il veut et pas seulement sur les membres de l’appareil ecclésiastique. Et donc, de ne pas automatiquement considérer une entorse à la règle comme l’œuvre du mauvais esprit.

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  • Motu Proprio Traditionis Custodes : pas de pass liturgique dans l’Eglise Catholique

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    C'est le titre du dernier billet de l'abbé Viot (*) sur son blog. Son analyse mesurée ne suffit pas à masquer que la mercuriale fulminée par le pape François est excessive, tant sur la forme que sur le fond: elle n’appelle aucunement au dialogue et conduit objectivement à une impasse. Le mieux sera (ou serait), pour les évêque chargés de sa mise en œuvre, de donner un peu de temps au temps et passer par pertes et profits, sans autre commentaire, les dispositions inutilement outrancières et humiliantes : à suivre...

    ________

    (*) Michel Viot, né le 25 mai 1944 dans le XVIIe arrondissement de Paris, est un prêtre catholique français. Dignitaire franc-maçon et « évêque » luthérien de Paris de 1996 à 2001, il quitte ses fonctions pour rejoindre la pleine communion avec l'Église catholique. Ordonné prêtre en 2003, il est d'abord incardiné dans le diocèse de Blois où il exerce notamment la charge d'aumônier de prison, puis rejoint le diocèse de Versailles en 2014 et se voit incardiné au sein du diocèse aux Armées françaises en tant qu'aumônier national des anciens combattants jusqu'en 2018.

    JPSC

  • La rupture ?

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    De Pierre Nespoulos sur la Semaine de Castres et du Tarn :

    La rupture ? 

    Le « motu proprio » (décret pris par le pape François) « Traditionis custodes » soit « Les gardiens de la tradition » (!) secoue ces temps derniers les milieux catholiques, voire au-delà. La possibilité ouverte par Jean-Paul II et libéralisée par Benoît XVI en 2007 de célébrer la messe communément appelée « messe en latin » est désormais abrogée, du moins soumise à de multiples autorisations, doublées de vexations. Le 7 juillet 2007 en effet, Benoît XVI avait ouvert un nouvel horizon à la liturgie traditionnelle et son « Introibo ad altare dei » (je m’approcherai de l’autel de Dieu). Dans un décret devenu célèbre, le motu proprio « Summorum pontificum », il accordait une place nouvelle à l’« ancienne messe » qui avait été marginalisée par le Concile Vatican II, avec l’argument : « Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous ». D’ailleurs, n’est-il pas paradoxal que ce qui était le rite millénaire soit désormais appelé « extraordinaire » ?

    La stupéfaction, l’indignation et la colère ont envahi une partie de l’Eglise pour qui cette remise en cause est pour le moins déconcertante, outre le fait qu’elle est une insulte à la face du prélat en retraite. Elle semble ajouter du sel sur des plaies dont on avait l’impression qu’elles étaient cicatrisées. Le compromis de Benoît XVI visant à apaiser le débat entre les diverses sensibilités catholiques est remis en cause de manière absurde, bien plus menée par une volonté disciplinaire que doctrinale. Le message de François est inacceptable tel qu’il est formulé. L’unité de l’Eglise ne peut être visée par des oukases mais par le dialogue fraternel. Je pensais naïvement que l’épithète « conciliant » dérivait de « concile ». L’interprétation (jésuistique?) me semble ici éloignée. Les tenants du courant moderniste imposent leur ligne, pourtant dénoncée par les critiques comme responsable de l’effondrement de la pratique religieuse, car cela ne répond pas à leurs attentes de transcendance, de sacralité, de recueillement, de mystère…

    Il faut que ce soit l’écrivain et philosophe Michel Onfray qui, bien que se revendiquant athée, explique pourquoi la décision du pape François de porter atteinte à la messe en latin dans le patrimoine liturgique le consterne : « La vie de l’Eglise catholique m’intéresse parce qu’elle donne le pouls de notre civilisation judéo-chrétienne bien mal en point. Le christianisme a façonné une civilisation qui est la mienne et dont j’estime que je peux l’aimer et la défendre ». Avant lui, Georges Brassens avait donné son avis de manière plus triviale dans une chanson célèbre « Sans le latin, la messe nous em…, à la grande fête liturgique plus de pompes soudain, plus de mystère magique et les fidèles s’en f… »

    Du passé faisons table rase. Offrons à l’avenir un monde banalisé à coup de cantiques débiles. Quand on pense au sublime héritage de la musique liturgique en latin, Mozart, Haydn, Haendel, Bach ! Est-il urgent de les remplacer par du moderne consensuel bâclé, voire du rap ? Est-ce l’Eglise de la synodalité, du décolonialisme et du paupérisme face à l’Eglise du sacré, de l’identité chrétienne assumée et de l’évangélisation ? La théologie de la Libération était une façon de comprendre le catholicisme fortement coloré de communisme : cela pouvait s’expliquer à défaut de se justifier au regard des régimes très durs d’Amérique latine dont Bergoglio eut à souffrir, mais on ne peut de notre côté ignorer les bases du christianisme qui ont façonné l’Europe. Peu concerné par le destin de l’Europe, le sud-américain François est très préoccupé par les questions sociales et peu par les questions liturgiques. Mais le pape n’est pas le président d’une ONG écolo-humanitaire !

    Je me garderai bien de décerner des brevets de catholicité en fonction d’une pratique liturgique, vivant en outre dans un diocèse où il n’y a pas de guerre ni ouverte ni larvée entre les rites. Mais je trouve excessif d’imputer aux tenants d’une fidélité à l’Histoire du catholicisme des velléités séparatistes en filigrane, comme, récemment, l’évêque de Dijon ou le Conférence des évêques de France, dans son retour sur expérience du « Summorum pontificum ».

    Si j’étais athée, il me semble qu’un appel vers le catholicisme ne viendrait certainement pas de son modernisme (pour cela j’ai Netflix!) mais par un besoin de sublime, de transcendance et de l’exemple de ceux qui s’agenouillent plus devant la croix que devant l’esprit du temps. Ce « motu proprio » liquidant l’héritage de saint Jean-Paul II et de Benoît XVI  (du vivant de celui-ci, dernier irrespect) réveille les consciences endormies, devant un fallacieux progressisme dont le cheminement suicidaire n’est plus à démontrer : les églises se vident. Dans ces conditions, pousser quelques brebis vers la sortie n’est guère ni habile ni miséricordieux. L’Eglise doit-elle être « dans le vent » de l’évolution sociétale ?  Dans le vent, c’est le destin des feuilles mortes…

  • Motu Proprio « Traditionis Custodes » : les portes claquent

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    Andrea Grillo hqdefault (1).jpgD’aucuns se sont réjouis un peu vite de l’ouverture méritante quoique prudente au Motu Proprio « Traditionis custodes » esquissée par le Père-Abbé de l’importante abbaye bénédictine de Fontgombault dans un commentaire publié par l’hebdomadaire « Famille chrétienne ». Cliquez ici: Dom Pateau : « Il faut sortir de ce combat liturgique qui épuise l’Église »

    Voici la réponse fourchue que vient de lui adresser Andrea Grillo (photo ci-jointe) le plus connu des inspirateurs avérés de la prose militante du Motu Proprio signé par le pape François.

    “Cher Père Abbé,

    Dans l’interview publiée par “Famille Chrétienne” le 19/7, reprise avant-hier par le blog Messainlatino dans une traduction italienne, j’ai trouvé avant tout un esprit bénédictin de réconciliation et de paix. En cela, je suis pleinement d’accord avec vous. L’année dernière, avec un groupe de théologiens européens et américains, nous avons écrit un livre électronique sur le thème de la “réconciliation liturgique”, perspective que vous considérez également comme absolument décisive. Vos propos sont également très clairs en soulignant l’objectif de “ne pas rejeter” le texte du nouveau Motu Proprio (=MP) du Pape François, qui abroge “Summorum Pontificum” (=SP). Vous avez eu le courage de prononcer ce mot fort, spécialement dans votre milieu, et j’y trouve un signe de la grande tradition bénédictine qui caractérise non seulement votre Abbaye, mais aussi les Abbayes dans lesquelles j’ai appris à connaître et à reconnaître la force de la liturgie : Sainte Justine à Padoue, Saint Anselme à Rome, Camaldoli dans le Casentino, Dominus tecum à Prad Mill, ainsi que les nombreuses Abbayes féminines (Grandate, Fabriano, Tarquinia…).

    Nous sommes d’accord sur deux exigences tout à fait centrales : construire des ponts est devenu un impératif, ainsi que mettre fin aux batailles liturgiques s’avère être une priorité incontournable pour tous. Vous essayez de trouver le ton le plus approprié pour donner du nouveau texte une vision qui ne soit pas source de division, intolérante, d’opposition frontale. C’est un noble objectif qui vous honore. En même temps, cependant, votre texte semble rester complètement sourd au contenu du MP “Traditiones Custodes” (=TC), et cela me surprend quelque peu. Dès le titre, que vous n’avez peut-être pas déterminé, mais qui semble néanmoins fidèle au contenu de vos propos, la relation entre le texte de François et la construction de ponts est déplacée : ce que François demande, avec TC, c’est de construire des ponts “entre les personnes” dans l’unique rite commun ordinaire, et non “des ponts entre deux formes du rite romain”. Ce malentendu initial, qui trouve de nombreuses confirmations tout au long de votre interview structurée, manifeste une sorte d’ “angle mort” que je tente d’éclaircir, dans une série de brèves observations, que je vous soumets volontiers :

    a)  D’une manière générale, votre option de “ne pas rejeter le texte de François”, si on l’observe attentivement, apparaît plutôt singulière. Pour le fait que, en évaluant le texte de TC, vous le remplissez continuellement avec le contenu de SP. Mais TC a abrogé SP et la logique avec laquelle SP prétendait faire la paix. Si l’intention est de “faire la paix”, il faut donner aux mots leur véritable sens. Vous poursuivez, dans votre discours, en parlant de “deux formes du même rite”, auxquelles les baptisés “auraient droit”. Mais c’est la vision que SP a tenté d’introduire d’une façon disruptive avec des principes que la tradition n’a jamais connus. L’interprétation sur le “missel tridentin” – que vous n’êtes pas le premier à répéter et qui a vu le jour dans les déclarations du Card. Giuseppe Siri en 1951 et de M. Lefebvre après le Concile Vatican II – selon laquelle il n’aurait pas éliminé les “autres formes” du rite romain, est une élucubration sans fondement : vous devriez savoir que les “autres formes”, avec lesquelles le rite tridentin est comparé, avaient des déterminations géographiques ou personnelles très particulières. Ni le rite ambrosien ni le rite dominicain ne sont des “rites universels”, mais un ordo conditionné par des dimensions géographiques ou personnelles qui délimitent structurellement leur impact. Le Concile de Trente n’a jamais conçu, même de loin, “deux formes” du même rite existant dans la même unité d’espace, de temps et de personnes. Seul SP a tenté d’émettre l’hypothèse de l’existence simultanée de deux formes différentes et conflictuelles du même rite romain. Cette “astuce” – car il s’agit d’un trucage systématique – a apporté la “bataille”, pas la “paix”. C’est pourquoi TC a abrogé SP : parce qu’il n’est pas possible de construire des “ponts” entre différentes formes du rite romain, mais seulement des ponts entre les personnes diverses qui utilisent toutes la même forme commune du rite romain.

    b) Toujours au début, puis à plusieurs reprises dans vos réponses, vous soulignez la “dureté” et la “sévérité” de TC, qui se résume dans la perception que vous exprimez ainsi : “Le texte du Pape suggère que tout doit être fait pour que le mode de célébration sous forme extraordinaire disparaisse le plus rapidement possible. Cela inquiète à juste titre les fidèles qui sont attachés à cette forme”. D’une certaine manière, vous semblez évaluer cette histoire sous un angle privilégié. Certains monastères bénédictins, dont le vôtre, avaient en quelque sorte anticipé, sous une forme particulière et non sans éléments de rigidité et d’obstination, la solution que l’on pensait transformer en 2007 en “droit commun”. Dure et sévère a été la précipitation voulue en 2007. Elle a créé des illusions, des distorsions de perspectives, des mirages et des cauchemars. L’invention – à la limite de la mystification – d’une “forme extraordinaire” ajoutée 50 ans plus tard à la forme ordinaire rédigée sur instruction du Concile et rendue “facultative” est une démarche trop dure et trop sévère. Face à cette “dure accélération de la nostalgie”, CT apparaît au contraire comme un acte de modération et de reprise organique de la véritable histoire commune. Ce n’est pas une “prétention absurde de François” que le VO (=Vetus Ordo) disparaisse : c’est toute la tradition qui a toujours su – au moins jusqu’à l’amnésie institutionnelle de 2007 – qu’une réforme générale du rite romain remplace le rite précédent par le nouveau. Et le rite romain se trouve être celui qui résulte de la réforme. Comme cela a toujours été le cas, à travers les âges.

    c) Vous pensez que certains liturgistes “méprisent” la forme extraordinaire du rite romain et que la seule voie vers la paix serait la reconnaissance mutuelle entre les deux “formes” : ceux qui célèbrent le NO (=Novus Ordo) devraient reconnaître le VO et ceux qui célèbrent le VO devraient reconnaître le NO. Mais là aussi, les choses ne peuvent pas fonctionner ainsi, que ce soit sur le plan théologique, spirituel ou pastoral. En ce qui concerne les liturgistes, je ne peux parler qu’en mon nom et je ne me permets pas de parler au nom de tiers. Mais en ce qui me concerne, je n’ai aucun mépris pour le VO : simplement, je ne le connais pas et ne peux pas le connaître : c’est le Concile Vatican II qui le veut ainsi. Parce que c’est la forme du rite romain que le Concile a voulu réformer et qui m’est parvenue sous la seule forme que j’ai jamais célébrée : celle d’après 1969. Je trouve curieux que moi, qui suis né en 1961, je puisse dire cela en toute conscience, alors que vous, qui êtes né cinq ans après moi, pouvez célébrer ordinairement avec la forme extraordinaire. Bien sûr, je sais bien que votre identité française, vos origines vendéennes, l’histoire de l’Église de France, qui a mis en œuvre la réforme liturgique de manière beaucoup plus lente et avec moins de finesse qu’en Italie, parlent d’elles-même ici. En Italie, avec toutes nod limites, nous avons effectivement mis en œuvre et appliqué la réforme. L’accès au rite romain s’est fait dans la nouvelle forme qui est rapidement devenue ordinaire et unique, comme cela s’est toujours produit dans l’histoire de l’Église. C’est mon expérience, depuis le début, qui me parle du rite romain dans la seule forme en vigueur, depuis que j’ai l’âge de raison. Non pas par mépris personnel, mais par invraisemblance traditionnelle.

    d) Vous parlez, en même temps, de “ne pas rejeter le texte de François” et d’”attachement à la forme extraordinaire”. Le premier est une “norme”, le second une “affection”. Je crois qu’il y a là le côté le plus délicat de la question, qui ne peut être résolu ni par des “décrets d’en haut” ni par le “populisme d’en bas”. Avec TC, la façon d’aborder la question a changé. Il n’y a plus de “forme extraordinaire” du rite romain (quelque chose qui a été inventé en 2007 par SP et qui n’a aucun fondement dans le passé ecclésial) mais une seule forme du rite (celle dite “ordinaire”) et quelques concessions à l’usage du rite “non en vigueur”, qui sont destinées avec le temps à être réduites à néant. C’est la physiologie ecclésiale, pas la pathologie de François. Ainsi, le défi de faire la paix passe des “ponts entre deux formes rituelles” aux ponts “entre les fidèles qui utilisent la seule forme commune”. Beaucoup des choses que vous désignez comme “inaliénables” dans la VO doivent être découvertes, introduites ou reconnues dans l’Ordo voulu par le Concile Vatican II. Et ne serait-ce pas un petit signe de paix si une abbaye bénédictine comme la vôtre, qui a nourri une certaine hostilité à l’égard de Vatican II, se donnait progressivement à la découverte des trésors liturgiques du NO et les mettait en commun, dans l’expérience monastique et dans l’expérience ecclésiale. Et aidait ainsi toute l’Église à vivre la continuité de l’essentiel du depositum fidei (=dépôt de la foi) dans la nouvelle formulation de sa présentation.

    e) Les paroles des jeunes qui disent “la réforme n’est pas terminée” sont importantes et tout à fait vraies. La réforme ne fait que commencer. Mais cela ne justifie pas une réponse décevante : soit parce qu’elle leur fait croire qu’ils peuvent rester de ce côté de la réforme, dans un rite artificiel qui n’a plus aucun fondement ; soit parce qu’elle leur fait croire au manque de style et au laisser-aller d’une routine sans soin et sans expérience vivante. Le travail commun, transgénérationnel, sur le seul rite commun est l’horizon que le Pape François a voulu, avec autorité, remettre au centre de l’attention. Contre le détournement introduit dans l’église par la théorie de la “double forme”, qui a trompé et chagriné tout le monde. Sur un plan strictement théologique, il y a eu, au cours de ces 14 années, une sorte de “folie collective” dont François nous a réveillés, avec des mots d’une grande clarté, en vue d’une véritable réconciliation. Ce travail de réconciliation ne peut être réalisé par l’invention d’une “compétition” entre deux formes rituelles, la seconde ayant été créée pour corriger et amender la première.

    Cher Père Abbé, vous dites bien : ” Il est temps de construire des ponts “, en supprimant les lectures idéologiques. Tout d’abord, celles qui créent artificiellement un régime de “concurrence déloyale” entre des formes rituelles qui n’ont pas été faites pour ça et qui ne peuvent coexister, sinon exceptionnellement, que par un indult. Je comprends le désarroi de ceux qui s’étaient bercés de l’illusion qu’ils pouvaient vivre “universellement” avec cette contradiction embarrassante. Mais pour consoler les déçus et les trompés, nous devons utiliser les mots de TC, pas ceux de SP : sinon la blessure ne sera pas guérie et les ponts ne seront que la dénomination opportuniste par laquelle nous continuerons à appeler et à construire de nouveaux murs infranchissables”. 

    (traduzione dall’italiano al francese di Pierre Vignon)

    http://www.cittadellaeditrice.com/munera/cher-pere-abbe-sur-la-paix-liturgique-en-dialogue-avec-dom-pateau/

    Bref, un dialogue avorté: cela commence bien! Pour mémoire, l’abbaye de Fontgombault compte, sauf erreur, une soixantaine de moines auxquels il faut ajouter quelques 170 moines issus d’un essaimage de cette abbaye-mère vers ses quatre abbayes filles fondées (Triors, Randol, Donezan) ou reprise (Wisques) par elle en France et une cinquième abbaye fondée aux Etats-Unis (Clear-Creek)...

    JPSC

  • Martin Mosebach : messe et mémoire

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    Mosebach zwei-wochen-westend-martin.jpgLu et traduit cet article de Martin Moselbach (*) publié sur le site web américain « First Things » :

    Traditionis Custodes : le Pape François a donné un ordre. Il le fait à un moment où l'autorité papale s'effiloche comme jamais auparavant. L'Église a depuis longtemps atteint un stade ingouvernable. Mais le pape continue de se battre. Il abandonne ses principes les plus chers — « écoute », « tendresse », « miséricorde » — qui refusent de juger ou de donner des ordres. Le pape François est réveillé par quelque chose qui le trouble : la tradition de l'Église.

    La marge de manœuvre limitée que les prédécesseurs du pape accordaient à la tradition liturgique n'est plus occupée que par les nostalgiques séniles. La messe traditionnelle en latin attire également les jeunes, qui ont découvert et appris à aimer le « trésor enfoui dans le champ », comme le pape Benoît a appelé l'ancienne liturgie. Aux yeux du pape François, c'est tellement grave qu'il faut le supprimer.

    La véhémence du langage du motu proprio suggère que cette directive est arrivée trop tard. Les cercles qui adhèrent à la tradition liturgique ont en effet radicalement changé au cours des dernières décennies. La messe tridentine n'est plus seulement fréquentée par ceux qui regrettent la liturgie de leur enfance, mais aussi par des personnes qui ont découvert la liturgie à nouveau et qui sont fascinées par elle, y compris de nombreux convertis, dont beaucoup sont éloignés de l'Église depuis longtemps. La liturgie est leur passion et ils en connaissent chaque détail. Il y a parmi eux de nombreuses vocations sacerdotales. Ces jeunes gens ne fréquentent pas seulement les séminaires tenus par les fraternités sacerdotales de tradition. Beaucoup d'entre eux suivent la formation habituelle au sacerdoce, et sont néanmoins convaincus que leur vocation est renforcée précisément par la connaissance du rite traditionnel. La curiosité au sujet de la tradition catholique supprimée s'est accrue, même si beaucoup avaient décrit cette tradition comme obsolète et mal fondée. Aldous Huxley a illustré ce genre d'étonnement dansBrave New World , dans lequel un jeune homme de l'élite moderne, sans le sens de l'histoire, découvre les richesses débordantes de la culture prémoderne et en est enchanté.

    L'intervention du pape peut entraver la croissance du rétablissement liturgique de la tradition pendant un certain temps. Mais il ne pourra l'arrêter que pour le reste de son pontificat. Car ce mouvement traditionnel n'est pas une mode superficielle. Il a démontré dans les décennies de sa répression avant le motu proprio Summorum Pontificum de Benoît qu'il persiste une dévotion sérieuse et enthousiaste à la plénitude complète du catholicisme. L'interdiction du pape François suscitera une résistance chez ceux qui ont encore la vie devant eux et ne permettra pas que leur avenir soit assombri par des idéologies obsolètes. Ce n'était pas bon, mais ce n'était pas non plus sage, de mettre l'autorité papale à cette épreuve.

    Le pape François interdit les messes de rite ancien dans les églises paroissiales ; il demande aux prêtres d'obtenir la permission de célébrer l'ancienne messe ; il exige même des prêtres qui n'ont pas encore célébré dans l'ancien rite d'obtenir cette permission non de leur évêque, mais du Vatican ; et il exige un examen de conscience des participants à l'ancienne messe. Mais le motu proprio Summorum Pontificum de Benoît raisonne à un tout autre niveau. Le pape Benoît n'a pas « autorisé » la « vieille messe », et il n'a accordé aucun privilège pour la célébrer. En un mot, il n'a pas pris de mesure disciplinaire qu'un successeur peut se rétracter. Ce qui était nouveau et surprenant à propos de Summorum Pontificum était qu'il déclare que la célébration de l'ancienne messe n'a besoin d'aucune permission. Cela n'avait jamais été interdit parce que cela ne pouvait jamais être interdit.

    On pourrait conclure que nous trouvons ici une limite fixe et infranchissable à l'autorité d'un pape. La tradition est au-dessus du pape. L'ancienne messe, profondément enracinée dans le premier millénaire chrétien, est par principe au-delà de l'autorité du pape à interdire. De nombreuses dispositions du motu proprio du pape Benoît peuvent être écartées ou modifiées, mais cette décision magistrale ne peut pas être si facilement supprimée. Le pape François n'essaie pas de le faire, il l'ignore. Il existe toujours après le 16 juillet 2021, reconnaissant l'autorité de la tradition selon laquelle chaque prêtre a le droit moral de célébrer l'ancien rite jamais interdit.

    La plupart des catholiques du monde ne s'intéresseront pas du tout à Traditionis Custodes . Compte tenu du petit nombre de communautés traditionalistes, la plupart comprendront difficilement ce qui se passe. En effet, nous devons nous demander si le pape n'avait pas de tâche plus urgente - au milieu de la crise des abus sexuels, des scandales financiers de l'Église, des mouvements schismatiques comme la voie synodale allemande et de la situation désespérée des catholiques chinois - que de supprimer cette petite communauté dévouée.

    Mais les adeptes de la tradition doivent accorder au pape ceci : il prend la messe traditionnelle, qui remonte au moins à l'époque de Grégoire le Grand, aussi sérieusement qu'eux. Il la juge cependant dangereuse. Il écrit que les papes dans le passé ont créé à plusieurs reprises de nouvelles liturgies et ont aboli les anciennes. Mais le contraire est vrai. Au contraire, le Concile de Trente a prescrit l'ancien missel des papes romains - qui avait surgi dans l'Antiquité tardive - pour une utilisation générale, car c'était le seul qui n'avait pas été gâté par la Réforme.

    Peut-être que la messe n'est pas ce qui préoccupe le plus le pape. François semble sympathiser avec « l'herméneutique de la rupture », cette école théologique qui affirme qu'avec le Concile Vatican II, l'Église a rompu avec sa tradition. Si cela est vrai, alors en effet toute célébration de la liturgie traditionnelle doit être empêchée. Tant que l'ancienne messe latine sera célébrée dans un garage, le souvenir des deux mille dernières années ne s'éteindra pas.

    Cette mémoire, cependant, ne peut pas être extirpée par l'exercice brutal du positivisme juridique papal. Il reviendra encore et encore et sera le critère selon lequel l'Église du futur devra se mesurer.

    Ref. messe et memoire

    (*)Martin Mosebach, écrivain, scénariste, dramaturge, essayiste, romancier et juriste-poète, est né le 31 juillet 1951 à Francfort-sur-le-Main, Cet écrivain allemand est nanti de nombreuses distinctions : en 2007, il a gagné le Prix Georg-Büchner, l'un des prix littéraires les plus prestigieux du pays, étant également lauréat du prix Kleist, la médaille Goethe, le prix littéraire de la Fondation Konrad Adenauer, le prix Kranichsteiner et grand prix de littérature de l'Académie bavaroise des beaux-arts et de l’Académie des arts de Berlin.  Il est catholique de sensibilité traditionaliste.

     JPSC

  • "Loin de sortir de la crise doctrinale, nous nous y enfonçons..."

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    De Philippe Maxence sur le site de l'Homme Nouveau :

    Après Traditionis Custodes…

    Notre quinzaine : Après Traditionis Custodes…

    Le mois de juillet aura été celui d’un profond bouleversement. Par le motu proprio Traditionis Custodes (16 juillet 2021), le pape François a annulé l’esprit et les dispositions pratiques de Summorum Pontificum de Benoît XVI (voir ici et ici). Que stipulait ce texte de 2007 ? Voulant mettre un terme à des décennies de guerre liturgique, Benoît XVI avait rappelé que l’ancien missel n’avait jamais été abrogé et qu’il existait donc deux formes – l’une ordinaire (missel de 1969), l’autre extraordinaire (missel de 1962) – du seul rite romain. Il organisait aussi les aspects pratiques de la coexistence des deux missels. Jamais, à aucun moment, la forme dite extraordinaire n’avait été rendue obligatoire et la très grande majorité des catholiques avait continué à fréquenter la forme ordinaire. En revanche, petit à petit, des communautés cléricales spécialisées dans la célébration de la forme extraordinaire et de tout ce qui l’accompagne (pédagogies traditionnelles, catéchisme, scoutisme, etc.) s’étaient développées, attirant un nombre non négligeable de vocations.

    Cette réalité est donc profondément remise en cause. François affirme qu’il n’existe qu’une forme du rite romain – le missel de Paul VI – et il gèle tout développement des lieux de culte célébrant dans la forme extraordinaire (interdiction de nouvelles paroisses dites personnelles, interdiction de célébrer dans les paroisses territoriales, etc.). Il remet à la discrétion des évêques le soin de gérer l’héritage antérieur au regard des nécessités pastorales.

    Raisons et paradoxes

    Il n’est un secret pour personne que ce texte a été perçu comme extrêmement dur. Même en dehors des milieux concernés, de nombreuses voix se sont élevées pour dire leur incompréhension et ce jusqu’à l’extérieur de l’Église. Le cas le plus emblématique étant certainement celui du philosophe athée Michel Onfray publiant dans Le Figaro une tribune montrant la portée profonde de cette décision, non seulement pour l’Église mais pour la civilisation et la culture. Un certain nombre d’évêques ont par ailleurs manifesté leur souci pastoral en indiquant qu’ils conservaient leur confiance aux prêtres célébrant la forme extraordinaire et qu’ils maintiendraient la situation antérieure.

    Si le pape François a pris une telle décision, c’est qu’il estime qu’il y a un risque de constitution d’une Église parallèle et une remise en cause croissante de Vatican?II. Soulignons toutefois que ces mesures ne concernent pourtant pas la Fraternité Saint-Pie X fondée par Mgr Lefebvre, à laquelle François a accordé un tel nombre d’autorisations qu’elle se trouve de fait comme reconnue au sein de l’Église. Or, c’est en son sein que continue d’être portée une critique constante de Vatican II. La sévérité à l’égard des catholiques à l’intérieur des structures ecclésiales et la modération à l’égard de ceux qui sont à l’extérieur ne laissent pas d’interroger.

    Fin de la paix liturgique ?

    Le motu proprio de François arrive au bout de quatorze ans d’existence de Summorum Pontificum. Quatorze ans, seulement ! C’est oublier que les guerres civiles, et plus encore les guerres civiles religieuses, sont extrêmement longues à cicatriser. Il y faut plusieurs générations. En un mot, il aurait fallu laisser du temps au temps comme disait François Mitterrand, là où la précipitation risque d’être une mauvaise conseillère.

    Nous pourrions croire que seule une partie de l’Église est concernée. Ce n’est pas le cas ! D’abord parce qu’il s’agit d’un acte universel du souverain pontife. Ensuite parce que Benoît XVI avait rendu à la liturgie romaine classique son rang de bien commun alors qu’elle était devenue de fait le bien d’une partie seulement. Enfin parce que des questions doctrinales se posent. Si, contrairement à ce que pensait Benoît XVI, la messe traditionnelle ne peut être la lex orandi (la loi de la prière) de Vatican II, à l’instar de la messe de Paul VI, alors ceux qui critiquent ce concile comme une rupture radicale avec la Tradition se trouvent fondés dans leur approche. Nous sommes donc dans une situation qui remet en cause non seulement Summorum Pontificum de Benoît XVI mais aussi son discours de décembre 2005 sur les deux herméneutiques. Loin de sortir de la crise doctrinale, nous nous y enfonçons. Et cette situation concerne tous les catholiques, pratiquants ou non de la forme extraordinaire. L’heure est donc à la prière pour le pape, les évêques et la paix surnaturelle entre catholiques.

  • Unifier la liturgie ?

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    De Louis Manaranche sur Aleteia.org :

    « Traditionis Custodes » : un appel à l’unification liturgique

    Au fil des siècles, la liturgie s’est toujours fixée dans l’Église à l’aune de l’expérience et des usages du Peuple de Dieu. Pour l’historien Louis Manaranche, une intégration renouvelée des trésors de la tradition dans la liturgie ordinaire pourrait consolider la communion.

    Depuis la publication du motu proprio Traditionis Custodes, l’Église de France revit des débats qui semblent tout droit venus des années 1970 et 1980. À l’exception des questions à proprement parler doctrinales, qui restent discrètes, recommence une discussion sans fin sur la manière de lire le concile Vatican II, entre « herméneutique de la continuité » et « Pentecôte nouvelle » ou « disruptive » comme on dirait aujourd’hui, à travers le prisme de la liturgie. Celle-ci, que l’on appelle dans la tradition occidentale la lex orandi (loi de la prière), qui exprime la lex credendi (loi de la foi) de l’Église, a été profondément réformée dans le contexte de ce grand événement. 

    On mentionne toujours la possibilité de célébrer en langue vernaculaire et face au peuple mais on devrait peut-être évoquer d’abord deux autres caractéristiques notables : la liturgie de la Parole plus déployée avec un nouveau lectionnaire profondément renouvelé et une variété considérable de prières eucharistiques (treize si on inclut des prières assez peu usitées), en lieu et place de l’ancien et unique canon romain devenu la prière eucharistique numéro I. 

    L’expérience liturgique du Peuple de Dieu

    Force est de constater que cette messe dite de Paul VI nourrit depuis plus de cinquante ans la foi, l’espérance et la charité du Peuple de Dieu, qui en goûte tout particulièrement la plus grande intelligibilité et l’accès renouvelé à la Parole de Dieu. En outre, cette messe a progressivement pris une forme stabilisée avec trois prières eucharistiques largement privilégiées et une disparition progressive — et inégale — des tentatives de créativité malheureuses. Cette évolution nous rappelle combien, selon l’expression conciliaire, le Peuple de Dieu est l’acteur qui célèbre la liturgie.

    C’est avec cette conviction qu’il faut aussi considérer la messe tridentine. Fixée par le pape Pie V dans le contexte d’un concile de Trente de réforme interne de l’Église catholique en réponse à la Réforme, cette messe entérinait et codifiait ce que contenait depuis au moins un siècle la messe romaine. Ainsi, ce missel s’appuyait déjà sur l’expérience liturgique du Peuple de Dieu et a été la norme de celle-ci pendant encore quatre siècles. Sans entrer dans le débat sur l’abrogation ou non de l’ancien missel après 1969, il convient de bien percevoir que sa pratique n’a en réalité jamais été interrompue, en premier lieu parce qu’elle répondait à l’attente de certains catholiques. Son sens du sacré, de la continuité exprimée par le latin et le chant grégorien, l’accent net mis sur la messe comme sacrifice ont, parmi d’autres éléments, été au cœur de la vie liturgique, sans interruption, de nombreux chrétiens.

    Renouveau et tradition

    Sans non plus entrer dans la controverse sur la pérennité de deux missels dans le même rite latin, nous pouvons lire l’appel du Saint Père vers une unification liturgique à l’aune de cet état de fait. Si tant d’éléments ont « survécu » à la réforme liturgique et surtout à une application parfois radicale de celle-ci, n’est-il pas envisageable que le missel jadis dit « ordinaire » puisse intégrer plus explicitement des modalités de célébration qui permettent de proposer à tous tant le renouveau vécu par la masse des chrétiens que les trésors de tradition que certains ont voulu maintenir intacts ?

    On objectera que bien des éléments, du latin au canon romain en passant par le chant grégorien ou même l’orientation sont déjà possibles et c’est exact. Toutefois, en le formulant de manière renouvelée et le permettant dans des lieux plus nombreux, dans le plus grand respect de la sensibilité des fidèles et des prêtres, de vivre la messe ainsi, un chemin de paix et de communion plus profonde pourrait apparaître…