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liturgie - Page 63

  • Vatican II, le dialogue avec le monde et la loi naturelle

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    De Jack Gist sur The Catholic World Report :

    Opinion : Vatican II, le dialogue avec le monde et la loi naturelle

    Ce n'est pas au monde de fixer l'agenda de l'Église, mais à l'Église de guider le monde.

    9 août 2021

    Le pape Jean XXIII dirige la session d'ouverture du concile Vatican II dans la basilique Saint-Pierre, le 11 octobre 1962. (Photo CNS/L'Osservatore Romano)

    La récente lettre apostolique du pape François sur l'usage de la messe traditionnelle en latin, Traditionis Custodis, vraisemblablement écrite dans un esprit d'unité, a suscité une avalanche de réactions - certaines positives, d'autres négatives, d'autres encore cherchant un juste milieu. La confusion qu'il a engendrée est, à mon avis, liée à la manière dont les documents de Vatican II ont été rédigés et à la façon dont ils ont été reçus par beaucoup.

    Par exemple, Gaudium et spes est le plus long document de l'histoire des conseils œcuméniques de l'Église, avec plus de 33 300 mots (sans compter les notes de bas de page). Joseph Ratzinger a critiqué la verbosité de la Constitution pastorale après sa publication. Depuis lors, on a beaucoup écrit sur "l'esprit" de Vatican II, mais le sens ne risque-t-il pas d'être obscurci si l'on se concentre sur "l'esprit" révolutionnaire de l'époque à laquelle le document a été rédigé ?

    L'ouverture de Gaudium et spes génère une ambiguïté qui entache le texte tout au long de sa rédaction : "Les joies et les espoirs, les peines et les angoisses des hommes de ce temps, surtout de ceux qui sont pauvres ou affligés de quelque manière que ce soit, voilà les joies et les espoirs, les peines et les angoisses des disciples du Christ". Comme l'observait l'évêque Robert Barron, "Qui positionne qui ici ? En un mot, est-ce le 'monde' qui fixe l'ordre du jour de l'Église, ou vice-versa ?". Ces moments d'ambiguïté invitent à diverses interprétations dans le document dans son ensemble et, au lieu de promouvoir l'unité, ont servi à engendrer la division.

    Pour être clair, je ne suggère pas que l'intention de Vatican II était de semer les graines du mécontentement, bien au contraire. Mais en essayant de communiquer la foi en Dieu à un monde moderne enclin à l'autodestruction, Vatican II s'est efforcé de s'élever au-dessus des fomentations politiques et philosophiques responsables des deux guerres mondiales et des nombreuses autres horreurs du vingtième siècle. Le véritable esprit du Concile était bien intentionné, c'était l'esprit de paix et d'amour. Cependant, la traduction de cet esprit en mots s'est avérée être un défi de taille.

    Le dialogue avec le monde

    Cette approche de la communication avec le monde a ouvert une fissure d'où, selon le pape Paul VI, "la fumée de Satan est entrée dans le temple de Dieu". Cette fumée est l'ambiguïté inhérente au langage, qui a été exploitée par les gnostiques modernes tels que Michel Foucault, Herbert Marcuse et d'autres qui ont cherché et continuent de chercher à saper la civilisation occidentale. La conséquence involontaire de Vatican II est devenue, pour beaucoup, la source de notre mécontentement catholique.

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  • Liège : Fête de l’Assomption le dimanche 15 août 2021 à 10h00 en l’église du Saint-Sacrement restaurée (Bd d’Avroy, 132)

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    Partageons une belle liturgie chantée en grégorien et motets classiques

    dédiés à la Madone de l’Assomption !

    Assomption Reni main-image.jpg

    La messe de la fête sera célébrée selon le missel de 1962

    Évangile du Magnificat (Luc, 1, 41-50)  

    Chants grégoriens

    Propre de la messe « Signum Magnum »

    Kyriale IX « Cum Iubilo »  

    Trois extraits du répertoire classiques 

    « Priez pour Paix, douce Vierge Marie » de Francis Poulenc (texte de Charles d’Orléans)

    « Er segnet die den Herrn fürchten » (Il bénit ceux qui craignent le Seigneur) - Aria extrait de la Cantate BWV 196 de JS Bach

    « Ave Maria » de Franz Schubert 

    A l’orgue, Patrick Wilwerth, professeur au conservatoire de Verviers et directeur du choeur universitaire de Liège

     Pour écouter des extraits sonores du programme, cliquez ici :

    http://eglisedusaintsacrementliege.hautetfort.com/archive/2021/08/02/fete-de-l-assomption-le-dimanche-15-aout-2021-a-10h00-en-l-e-6330298.html

    Livrets à votre disposition au fond de l’église pour suivre la messe

    _________________

    Journées patrimoine IMG_001_crédit Atelier Nord.jpegSursum Corda asbl, association pour la sauvegarde de l’église du Saint-Sacrement au Boulevard d’Avroy, 132 à Liège.

    Siège social: rue Albert et Louis Curvers, 32, 4053 Chaudfontaine (Embourg) Tel. +32 (0)4 344.10.89. 

    E-mail : sursumcorda@skynet.be 

    JPSC

  • Ce qui compte d'abord, c'est l'amour de la messe

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    Du Père Roger Landry sur le National Catholic Register :

    Les grands thèmes de "Traditionis Custodes" et "Summorum Pontificum" : Favoriser la communion et l'amour liturgiques

    COMMENTAIRE : Si nous reconnaissons la Messe pour ce qu'elle est, la réalité de ce qui se passe n'est-elle pas infiniment plus importante que la forme valide de la Messe par laquelle le Fils de Dieu devient présent ?

    6 août 2021

    " Toute célébration liturgique, parce qu'elle est une action du Christ prêtre et de son Corps qui est l'Église, est une action sacrée qui surpasse toutes les autres ", proclame la constitution du concile Vatican II sur la liturgie (Sacrosanctum Concilium). "Aucune autre action de l'Église ne peut égaler son efficacité" (7).

    Sacrosanctum Concilium poursuit : "La liturgie est le sommet vers lequel se dirige l'activité de l'Église ; elle est en même temps la source d'où jaillit toute sa puissance. ... De la liturgie, donc, et spécialement de l'Eucharistie, comme d'une source, la grâce se déverse sur nous ; et la sanctification des hommes dans le Christ et la glorification de Dieu, vers lesquelles toutes les autres activités de l'Église sont orientées comme vers leur fin, sont réalisées de la manière la plus efficace possible" (10).

    Traditionis Custodes et Summorum Pontificum

    Ces vérités, que les catholiques fidèles ont affirmées à travers les siècles, sont essentielles pour comprendre pourquoi les questions posées dans le motu proprio du 16 juillet du Pape François sur la célébration de la Messe latine traditionnelle, Traditionis Custodes, ainsi que dans le motu proprio de 2007 du Pape Benoît sur le même sujet, Summorum Pontificum, sont si importantes.

    La liturgie, en particulier la messe, apporte de la manière la plus puissante la gloire de Dieu et la sainteté de l'homme. On ne saurait trop insister sur son importance dans la vie chrétienne. Elle est le point de départ et la fin de tout ce que fait l'Église. Elle est destinée à exprimer et à réaliser la communion avec Dieu et avec les autres.

    Puisque "l'Eucharistie fait l'Église", puisque lex orandi lex credendi ("la loi de la prière est la loi de la foi"), et puisque les catholiques vivent comme ils prient, les papes, les évêques, les théologiens, les saints et les fidèles ont tous nécessairement pris au sérieux les questions liturgiques. Parce que la liturgie est si centrale, les confusions, abus, déformations et divisions liturgiques peuvent être énormément nuisibles et dangereuses pour la vie de l'Église et des croyants.

    Traditionis Custodes et Summorum Pontificum sont donc bien plus que des décrets disciplinaires. La façon dont les catholiques comprennent, abordent et célèbrent la Messe est importante. Puisque la liturgie est une source, des idées erronées sur la Messe peuvent empoisonner le puits de la vie catholique ; puisqu'elle est un sommet, des notions gravement défectueuses peuvent diriger les croyants vers une mauvaise destination.

    Par conséquent, les points soulevés et les mesures prises par les papes François et Benoît - et avant eux par Jean-Paul II, Paul VI et les Pères du Concile Vatican II - doivent être compris et évalués dans ce contexte plus large, au-delà des préférences et des accents particuliers du clergé et des fidèles. Examinons quelques-uns des grands thèmes que l'on retrouve dans les deux décrets papaux.

    L'amour de la messe

    Le premier thème est l'appréciation et l'amour véritables de la messe.

    Le Pape François s'inquiète à juste titre des catholiques qui considèrent la Messe de 1970 de Paul VI comme invalide, qui mettent au pilori de façon obsessionnelle ses prétendues déficiences et qui sapent la gratitude pour ce moyen par lequel Jésus-Christ devient sacramentellement présent sur l'autel. Même parmi ceux qui reconnaissent sa validité, certains la rejettent à un niveau pratique, comme les instituts sacerdotaux qui refusent de la célébrer et les fidèles qui n'y assistent pas et ne veulent pas y assister, même lorsqu'il n'y a pas d'autres options.

    Les catholiques qui aiment le Seigneur ne devraient avoir que de l'appréciation et de l'émerveillement pour tous les moyens valides - qu'ils soient romains, mozarabes, ambrosiens, brabançons, dominicains, carmélites, chartreux, anglicans, maronites, melkites, coptes, syro-malankares, syro-malabars, arméniens, chaldéens, ruthènes, ukrainiens et autres - par lesquels le Fils de Dieu fait homme devient humblement présent.

    Cette attitude de gratitude doit également s'étendre à la Messe de Pie V de 1570, la Messe latine traditionnelle (MLT) célébrée avec le Missel de Jean XXIII de 1962, qui a nourri l'Église pendant des siècles et produit d'innombrables saints. 

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  • En marge de « Traditionis Custodes » : regard sur les rites liturgiques dans l’Eglise

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    1 Définitions

    La messe est le rite liturgique par excellence, institué sur l’ordre du Seigneur.

    Un rite, selon la définition du juriste romain Pomponius Festus (IIe siècle après J.-C.) est « un usage confirmé (mos comprobatus) dans l’administration des sacrifices (in administrandis sacrificiis) » (1).

    Le mot liturgie puise son origine étymologique dans deux termes grecs : λαος (λαοί, au pluriel) : peuple et έργειν, agir, qui ont donné λειτουργια : action pour le peuple, action publique.

    Un rite liturgique est donc l’action confirmée par la coutume selon laquelle sont offerts des sacrifices pour le peuple, des sacrifices publics.

    Chrétien ou non, l’homme a toujours recherché la manière juste et digne de louer Dieu ou la divinité. Mais la foi catholique seule nous fait ce don en toute orthodoxie dans le sacrifice parfait accompli par le Christ, de la Cène à la Résurrection par la κενωσις (en grec: évidement, vidange) de la Croix (2).

    « Faites ceci en mémoire de moi ». Le témoignage des premières générations chrétiennes nous assure que cet ordre du Seigneur a été fidèlement suivi et l’Eglise n’a d’autre ambition que de transmettre ce dépôt sacré au long des siècles : par le rite de la messe qui célèbre dans l’Eucharistie le sacrement primordial du sacrifice de Jésus et par ceux des autres sacrements ou de l’office divin qui en découlent.

     2.Diversité des rites

    Chacun sait cependant qu’il existe de nombreux rites légitimes pour la célébration de l’Eucharistie, des autres sacrements et des heures.

    L’Apologie de saint Justin (en l’an 150) nous montre qu’au départ il y eut place pour une certaine improvisation, au sein d’un schéma invariable qui témoigne d’un grand respect pour l’idée de Tradition.

    A cette liberté relative a succédé (à partir de la fin du IIIe siècle) une période de fixation autour des grandes anaphores (prières eucharistiques) dont les textes avaient atteint leur maturité théologique et littéraire. La cristallisation de ces rites différenciés se fit sous l’influence de divers facteurs -culturels, politiques et doctrinaux- que l’on peut résumer comme suit :

    Les grandes métropoles du monde antique vont chacune marquer de leur influence propre les aires d’évangélisation, à partir des principaux patriarcats historiques de l’Eglise. Le premier concile de Nicée (325) proclama leur ordre de préséance en se fondant sur leur apostolicité : Rome, deuxième siège de saint Pierre, à la fois siège de l’Eglise latine et siège universel ; Alexandrie, siège de saint Marc ; Antioche, premier siège de saint Pierre. S’y ajouta le patriarcat honorifique de Jérusalem, ville sainte et siège de saint Jacques. Plus tard encore, Constantinople, siège sans origine apostolique directe, devint également patriarcat à titre honorifique (3).

    Autres sources de diversité : l’évangile gagne des territoires - Ethiopie, Arménie, Perse, Inde même…- situés en dehors de la Βασιλεια Ρωμαιων et, en Occident, à partir de 250, le grec, qui était la langue culturelle véhiculaire de tout l’Empire (la « κοινη ») décline au profit du latin.

    A ces causes, il faut sans doute ajouter aussi l’incidence des querelles christologiques qui ont fortement marqué l’histoire de l’antiquité tardive (4)

    Si les familles liturgiques orientales sont aujourd’hui encore bien vivantes, y compris au sein des Eglises « uniates » (unies à Rome) (5), il n’en va pas de même pour l’Occident où, dès avant la fin du premier millénaire, Rome absorba progressivement tous les rites (gallican, celtique, wisigothique, nord-africain…) apparentés au sien, dans un mouvement spontané d’intégration qui s’est poursuivi jusqu’au concile Vatican II (1962-1965). Des autres familles liturgiques occidentales subsistèrent néanmoins quelques particularités locales (rite mozarabe à Tolède, rite ambrosien à Milan, rite de Braga, rite lyonnais) ou liées à l’histoire de certains ordres religieux (rite dominicain, rite cartusien…).

    3. Requiem pour la forme extraordinaire du rite romain ?

    Plus significative fut la persistance obstinée de la forme traditionnelle du rite romain lui-même après la publication d’un « nouvel ordo missae » par le pape Paul VI en 1970.

    A cette réforme correspondit en effet, pour des raisons qui lui sont aussi (6) extrinsèques, un phénomène de « dissolution du rite » (7) face auquel l’usage de la forme antérieure apparut à un nombre grandissant de personnes comme une sorte de valeur-refuge.

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  • "Un droit spécifique et impératif de la liturgie"

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    De l'abbé Guillaume de Tanoüarn sur Metablog :

    Le droit liturgique

    Quiconque a un peu étudié la liturgie reconnaît que depuis le début de l'histoire de l'Eglise, il y a un droit spécifique et impératif de la liturgie. La messe ne se présente pas seulement comme une prière improvisée par chaque assemblée, ni même comme une simple réunion de prière qui aurait ses codes. Sa réalité est différente, elle est divine. Elle se présente comme Tradition divine. 

    Mettons-nous, si c'est possible, à la place d'un individu normalement constitué, sans préjugé, et vierge de toute habitude cultuelle... La première fois qu'il a entendu l'ordre divin sur du pain : "Ceci est mon corps livré" ; et sur du vin : "ceci est mon sang versé", Il a dû  trouver que ce n'était pas possible, que son Eglise forçait un peu la note, que l'on pouvait aller au Christ sans avoir besoin de ce rite barbare ou incompréhensible. Allons plus loin : la première fois qu'un individu normalement constitué a entendu l'ordre divin : "Vous ferez cela en mémoire de moi", vous referez, vous, ce geste fou que j'ai fait devant vous au Cénacle... soit il imitait les auditeurs du discours sur le pain de vie, partant définitivement sur la pointe des pieds, soit il ne lui restait plus qu'à s'exécuter sans fioriture, en reprenant le récit de l'Institution à la lettre. C'est ce qui se passe dans le rite latin. 

    C'est aussi ce qu'a fait saint Paul en réponse à ses chers Corinthiens : "J'ai appris du Seigneur lui-même ce que je vous ai aussi enseigné" (I Co. 11, 23), dit-il avant de reprendre à leur intention le récit de la dernière Cène à peu près tel qu'on le trouvera dans les Synoptiques (On date très précisément la Première aux Corinthiens de l'an 50 ; les synoptiques seraient un peu plus tardifs). Cela signifie deux choses pour saint Paul : ce n'est pas moi qui vous ai enseigné ce rite, c'est le Seigneur lui-même. Et aussi : ce n'est pas moi qui ai cru nécessaire de vous l'apprendre, mais aujourd'hui (quinze ans après la Passion), c'est parce que le Christ a pris la peine de me révéler ce rite qu'il a accomplis devant ses apôtres la veille de sa mort, c'est à cause du Seigneur donc, que je vous l'ai enseigné. C'est pourquoi ce rite fait partie du dépôt sacré auquel on ne peut pas toucher sans être anathème (Gal. 1, 8-9). "Je vous ai enseigné et donné en dépôt ce que j'ai moi même reçu" (I Co, 15, 3), "afin que vous vérifiiez si vous l'avez retenu comme je vous l'ai annoncé, puisqu'autrement ce serait en vain que vous auriez embrassé la foi" (15, 2). "Le Mystère de la piété" comme dit Paul dans les Pastorales, vient du Seigneur, au même titre que la foi elle-même. Il est aussi sacré que le kérygme de la résurrection du Seigneur dont il est question au chapitre 15 des Corinthiens. C'est dans cette épître aux Corinthiens que l'on découvre le lien entre la loi de la prière (c. 11) et la loi de la foi (c. 15). 

    J'espère avoir prouvé au paragraphe précédent que ce lien est originaire dans le christianisme. Lorsque saint Prosper d'Aquitaine, au Vème siècle, repère ce lien et martèle sa fameuse formule : "La loi de la prière décide de la loi de la foi" (et non l'inverse), on peut dire qu'il ne fait que reprendre, à travers saint Paul, l'enseignement apostolique. La liturgie n'a jamais été (et surtout pas pour les apôtres), un droit positif confié ad nutum aux premiers épiscopes, ni même au premier des épiscopes, Cephas. C'est à la fois un droit et un devoir pour les chrétiens de faire mémoire de la célébration du Christ, en reprenant les mêmes paroles, dans le même sens que lui.

    Beaucoup plus tard, lorsque le jésuite Suarez, dans la ligne du dominicain Cajétan, reconnaît qu'il existe des possibilités d'excès de pouvoir de la part du pape, et que ce dernier, bien qu'il exerce son pontificat effectivement de droit divin, peut se manifester dans son gouvernement comme "un tyran", lorsqu'il confond le droit divin avec un absolutisme décidément trop humain, notre scolastique donnera comme exemple de tyrannie papale potentielle, le non-respect des cérémonies reçues des apôtres. Pour lui, une réforme liturgique dont les motifs ne seraient pas à chercher dans la quête d'un plus grand respect du dépôt mais seraient exclusivement des calculs humains de type pastoraux,pourrait se trouver à l'origine d'un profond désordre au sein duquel pourrait naître un schisme pontifical. 

    "Moi je n'ai pas peur des schismes" a dit le pape François en 2019 au retour de son voyage à Madagascar. Au point de faire schisme ? L'avenir nous l'apprendra... Disons que la manière dont notre pape dénie tout droit à la liturgie et à sa tradition, pour concentrer tout le droit liturgique sur le droit positif qui émane des papes est particulièrement dangereux. Ce qu'un pape a fait en droit positif, un autre peut le défaire. La liturgie se réduit aux réformes que la papauté lui fait subir pour le meilleur et pour le pire depuis trente ans. Plus personne n'y comprend rien. L'oeuvre liturgique du pape Benoît aura disparu corps et biens devant l'autoritarisme de son successeur.

    Tout est dit dès le premier article de Traditionis custodes. Je cite : « Les livres liturgiques promulgués par les saints pontifes Paul VI et Jean-Paul II, conformément aux décrets du concile Vatican II sont la seule expression de la lex orandi du rite romain ». Où l’on apprend cette chose tout à fait nouvelle dans l’Eglise que le droit liturgique serait un droit purement positif, qui provient de l’autorité ecclésiastique et qui n’a pas d’autre source. Pour François, c’est d’ailleurs le seul argument doctrinal qu’il mette en avant dans Traditionis custodes, il n’y aurait donc  de loi de la prière que celle qui sort la dernière de la bouche d’un pontife romain. 

    Fini le respect de la Tradition et de son droit intrinsèque, bien établi pourtant au début de Summorum pontificum. Terminée la distinction si respectueuse justement pour l'Eglise et son histoire, entre les deux formes d'un même rite. Traditionis custodes n'y fait même pas référence lorsqu'il parle sans vergogne pour le pontife précédent, de "l'unique rite romain", en plaçant le rite traditionnel, les centaines de prêtres qui le célèbrent, les dizaines de milliers de fidèles qui y assistent à travers le monde, sous le régime de l'autorisation exceptionnelle, et d'une sorte de loi des suspects (puisque l'autorisation de célébrer le rite traditionnel, pour les plus jeunes est à demander au Saint Siège et que les autorisations toutes à renouveler, seront toujours extra-paroissiales et ne concerneront pas systématiquement la messe du dimanche). 

    Organisée soigneusement par le pape dans Traditionis custodes, on doit assister vraisemblablement à une montée du mépris, oui mépris que François veut partager avec l'actuelle hiérarchie catholique, mépris qu'est censée ressentir l'actuelle hiérarchie catholique pour tous ceux qui déclareront avoir spirituellement besoin de la messe traditionnelle et qui, pour cette raison, seront désormais soumis au régime des autorisations exceptionnelles et donc considérés comme des catholiques de deuxième zone. 

    La paix de l'Eglise promulguée le 7 juillet 2007 par le pape Benoît, n'aura pas duré quinze ans. C'est le pape actuel qui rouvre les hostilités ce 16 juillet 2021. En tant que pape, il aurait sans doute le droit de désigner un ennemi interne à l'Eglise, hérétique ou schismatique. Mais son principe est faux : non le droit liturgique n'est pas un droit positif d'abord, mais, comme l'a enseigné son prédécesseur, un droit fondé sur la tradition et sur les propres paroles du Seigneur. Le pape saint Pie V, auquel François se compare dans son oeuvre liturgique, n'a jamais voulu imposer "sa" messe (en fait la messe du diocèse de Rome) aux communautés chrétiennes qui utilisaient des rite ayant plus de deux siècles d'existence. Saint Pie V savait bien et il avait modestement compris que la tradition est le principal fondement du droit liturgique et cela nous l'avons vu, depuis saint Paul.

  • La lettre ouverte au Pape François publiée dans Il Foglio du 5 août 2021

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    Du site FedeCultura.com :

    Nous publions la lettre publique au Pape François imprimée dans Il Foglio du 5 août 2021, signée par notre directeur Prof. Giovanni Zenone Ph.D. Une lettre écrite dans la douleur et l'angoisse des enfants qui se sentent chassés par leur propre mère et considérés illégitimes et plus les bienvenus dans la famille. Écrit du fond du cœur au Pape qui semble se soucier tant des marginaux, des minorités, des persécutés et qui doit donc entendre le cri de douleur des enfants de l'Église dont il a la charge.

    Très Saint Père,

    Le dernier livre d'Andrea Riccardi, fondateur de Sant'Egidio et voix bien connue du monde catholique progressiste, est intitulé "La Chiesa brucia. Crise et avenir du christianisme".

    Nous n'avons pas écrit de livre, nous n'avons pas fait d'analyse détaillée, mais nous voyons chaque jour le feu lent qui dévore et détruit l'Église catholique en Italie et dans le monde.

    La démission de Benoît XVI, il y a huit ans, a laissé beaucoup de gens dans la désolation et d'autres dans l'espoir. Pendant un certain temps, on a parlé de "l'effet Bergoglio", faisant allusion à une renaissance qui n'a malheureusement jamais eu lieu. Au contraire ! L'"Église en sortie" est restée un slogan sans aucune réalité. Au contraire, la ville sainte de la chrétienté, à l'époque du covide, a été la première à barricader ses églises, donnant au monde le signal d'une désertion totale.

    Nous avons assisté à des processus synodaux qui ont ressemblé à de véritables guerres civiles, avec des manœuvres visant à garantir une démocratie de type soviétique, et qui ont abouti à des documents controversés et, pratiquement, totalement inutiles. Les églises, les confessionnaux et même les coffres du Vatican sont de plus en plus vides : un signe que le peuple de Dieu ne reconnaît pas la voix des pasteurs.

    Les catholiques chinois, avec à leur tête le cardinal Zen, souffrent des accords du Vatican avec la dictature communiste chinoise ; des cardinaux qui ont été à l'avant-garde pendant des années, à vos côtés, comme Becciu, se sont retrouvés dans des scandales économiques sans précédent depuis l'époque de Marcinkus ; d'autres, comme Caffarra, Burke, Sarah, Müller, Pell ont été humiliés, réduits au silence et ignorés ; d'autres encore, très proches de vous, ont empêché la Conférence épiscopale américaine de faire toute la lumière sur l'affaire de pédophilie...

    Comme si cela ne suffisait pas, des ordres religieux conservateurs entiers ont été placés sous mandat et ont dû subir des persécutions inimaginables même aux jours les plus sombres de la Sainte Inquisition ; même des personnalités d'orientation totalement opposée, comme Enzo Bianchi, ont été "pitiénisées" du jour au lendemain, avec une dureté sans précédent. Tout comme les évêques, les prêtres, les religieux... dans tout le pays. 

    L'Église d'aujourd'hui est un véritable "hôpital de campagne" rempli de personnes blessées, qui ont un besoin urgent non pas de discours sur la miséricorde, mais d'une miséricorde réelle, véritable, concrète. De la paix.

    Votre dernière mesure contre la soi-disant messe en latin a encore semé la pagaille et la division, sans aucune raison. Pourquoi refuser ce que votre prédécesseur avait accordé ? Pourquoi humilier un petit groupe de croyants, en les accusant tous sommairement, sans appel, et, comme c'est de plus en plus évident, sans fondement ?

    Ainsi, après 8 ans, " l'Eglise brûle " comme jamais auparavant : elle est divisée et lacérée, en Italie, en Chine, aux États-Unis, en Allemagne... comme à l'époque de Luther.

    Nous aussi, les laïcs - bien que plus libres et non soumis à l'arbitraire croissant du monde clérical - souffrons de ce climat devenu lourd, presque irrespirable, de cette disparition désormais totale de toute pluralité saine. L'Église, qui était autrefois Mère, ressemble de plus en plus à une marâtre, imposant anathèmes, excommunications et commissariats en un flot continu.

    Nous vous en supplions donc humblement : mettez fin à cette guerre civile dans l'Église, comme un Père qui regarde le bien de tous ses enfants, et non comme le chef d'un courant clérical qui semble vouloir utiliser son autorité monarchique, à fond, souvent au-delà des limites du droit canonique, pour réaliser un agenda idéologique personnel.

    Luigi Abeti, Tina Abbate, Francesco Agnoli, Sabrina Caporali, Teresa Di Chio, Claudio Forti, Silvia Frassinito, Giacomo Luigi Mancini, Simone Ortolani, Riccardo Rodelli, Manuela Zanzottera, Giovanni Zenone

    Lettre ouverte au Pape François publiée dans Il Foglio le 5 août 2021

  • "Pro Liturgia" et "Traditionis custodes"

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    Du site "Pro Liturgia" :

    5 août 2021

    Le dernier Motu proprio « Traditionis custodes » du pape François arrive au moment où les fidèles - évêques y compris – vivent une période de grande confusion touchant tant la doctrine que la liturgie c’est-à-dire ce qui constitue le fond et la forme indissociables de la foi catholique.

    Cette confusion apparaît dès qu’on parle aux fidèles, qu’ils soient pratiquants ou pas. Selon eux, le pape François « a supprimé le latin ». Point. C’est ainsi qu’a été reçu et compris le Motu proprio. Grosse erreur : l’usage du latin n’est absolument pas le sujet de « Traditionis custodes ». Le sujet du document pontifical touche uniquement à la forme de la liturgie romaine en usage avant Vatican II, forme dont la conservation avait été demandée, pour diverses raisons, par certains fidèles. Une des raisons ayant été clairement énoncée par Benoît XVI et reprise par le pape François : « Je suis également attristé par les abus de part et d’autre dans la célébration de la liturgie. Comme Benoît XVI, je stigmatise moi aussi que “dans de nombreux endroits les prescriptions du nouveau Missel ne sont pas célébrées fidèlement, mais il est même compris comme une autorisation voire une obligation à la créativité, ce qui conduit souvent à des déformations à la limite de ce qui est supportable”. » (Lettre du pape François accompagnant le Motu proprio ». Remarquons bien ce que disent les deux papes, Benoît et François : les prescriptions du nouveau Missel ne sont pas célébrées fidèlement en de nombreux endroits... Pas « en quelques endroits » comme on a longtemps voulu le faire croire aux fidèles qui déploraient la désacralisation et la banalisation des messes paroissiales, mais « EN DE NOMBREUX ENDROITS ». Et les deux papes ajoutent qu’une « créativité » devenue obligatoire a rendu certaines célébrations insupportables.

    On en arrive à la seconde confusion qui est de loin la plus courante chez les fidèles : les messes paroissiales seraient conformes à la liturgie restaurée à la suite de Vatican II. Or, ceci est totalement inexact : à part dans certains monastères et dans quelques très rares paroisses, les messes s’éloignent toutes plus ou moins des principes liturgiques voulus par le dernier Concile :
    - le face-à-face célébrant(s) - assemblée n’a jamais été voulu par le Concile ;
    - la suppression ou la limitation de l’usage du latin n’a jamais été voulue par le Concile ;
    - l’impossibilité de s’agenouiller n’a jamais été voulue par le Concile ;
    - la limitation drastique de l’usage du chant grégorien (conduisant à l’oubli du répertoire) n’a jamais été voulue par le Concile ;
    - la distribution de la communion par des laïcs n’a jamais été voulue par le Concile ;
    - les commentaires et souhaits de bienvenue n’ont jamais été voulus par le Concile ;
    - l’attention des fidèles portée quasi exclusivement sur les ministres de l’autel n’a jamais été voulue par le Concile ;
    - la généralisation des concélébrations n’a jamais été voulue par le Concile...

    Il faut que ces choses-là soient sues, dites, répétées afin que l’on sache de quoi on parle lorsqu’on évoque les questions de la liturgie de l’ « après-Concile ». Car il est impossible de parler de la liturgie « restaurée » en faisant comme si elle existait partout, comme si elle était partout fidèlement célébrée. Pour qu’elle soit fidèlement célébrée, il faut non seulement que les rites soient bien accomplis à leur bonne place ; il faut aussi que le célébrant soit effacé et que l’ensemble de la célébration soit pacifiante, apaisante, respecte le principe du silence qui naît de la contemplation du Mystère par lequel est évoqué la liturgie céleste. Il faut donc que les fidèles - et en premier lieu les ministres de l’autel - soient nourris de cette « spiritualité liturgique » sans laquelle il manquera toujours l’essentiel à une messe même très « correctement » célébrée.

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  • Dom Pateau répond à Andrea Grillo

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    Cher Professeur,

    Soyez remercié d’avoir porté attention à l’interview de Famille Chrétienne et d’y avoir répondu par un texte intitulé : Construisons des ponts entre les personnes, pas entre les rites.

    De fait la liturgie est le lieu par excellence pour édifier des ponts : pont avec le Christ afin de retrouver en lui tous les membres du peuple de Dieu.

    Vous relevez à juste titre la difficulté à construire des ponts entre des fidèles qui participent à des formes différentes du rite romain et qu’il serait plus facile d’établir des ponts entre les personnes qui utiliseraient la même forme commune du rite romain. Je vous rejoins.

    Jean-Paul II a promulgué après les sacres d’Ecône le motu proprio Ecclesia Dei, le 2 juillet 1988. Seuls les deux premiers mots du document ont été retenus en guise de titre, c’est dommage ! Le troisième mot est adflicta. La Commission du même nom n’est pas née dans les fastes d’une Église triomphante, mais plutôt sur la croix d’une division entre frères, une division qui dure.Faut-il souligner que les deux premiers numéros de ce texte mentionnent la tristesse : tristesse de l’Églisequi voit s’éloigner de la pleine communion quelques-uns de ses enfants, tristesse « particulièrement ressentie par le successeur de Pierre à qui revient en premier de veiller à l’unité de l’Église ».

    Nous retrouvons cette tristesse chez François qu’il exprime à travers Traditionis Custodes.

    Oui, vous l’avez compris, lassitude et tristesse sont mon pain quotidien autour de la question liturgique. Mon propos dans ces lignes est tout de réconciliation et de paix… de vérité aussi. En cela nous nous retrouvons. Comme vous le dites, j’ai essayé pour pacifier des chrétiens de tous bords de « trouver le ton le plus approprié pour donner du nouveau texte une vision qui ne soit pas source de division, intolérante, d’opposition frontale. »

    Il faut bien reconnaître que beaucoup reçoivent TC comme un signe de rupture et ne comprennent pas. Certains ne se reconnaissent pas dans les fidèles décrits et se sentent agressés. Que dire à ces prêtres, ces fidèles, qui depuis des années travaillent souvent de façon cachée et peu reconnue à soigner des blessures, à ramener dans le troupeau. Ils sont découragés, accusés faussement de refuser Vatican II, de refuser la Messe 69, de parler de la “Vraie Messe”, de la “Vraie Église”.

    TC gère des situations très différentes par une même norme, amalgame sans sembler reconnaître les grandes différences des fidèles assistant au VO, ignore surtout l’existence de fidèles ou de communautés qui ne sont pas opposés à un chemin de réflexion sur la liturgie et qui parfois l’ont même anticipé.

    Comme Abbé, saint Benoît me demande de veiller à conserver toutes les brebis qui me sont confiées, à marcher à leur pas… celles qui courent et celles qui boitent aussi. C’est aussi la sollicitude que partage François pour l’ensemble du troupeau, lui qui demande au pasteur d’être à la fois à l’avant, au milieu et à l’arrière du troupeau.

    Oui, nous sommes d’accord pour travailler autourde deux exigences centrales : construire des ponts entre les fidèles et mettre fin aux batailles liturgiques.

    Voici donc quelques éléments que je vous partage :

    a) Au sujet de Summorum Pontificum et l’introduction de deux formes dans l’unique rite romain.

    Vous reprochez à Benoît XVI, l’usage des termes de “forme extraordinaire” du rite romain comme « quelque chose qui a été inventé en 2007, qui n’a aucun fondement dans le passé ecclésial », une « astuce », un « trucage systématique »… quelque chose qui a apporté la « bataille », non pas la « paix », créant des illusions, des distorsions de perspectives, des mirages et des cauchemars… Une sorte de « folie collective ».

    Le constat me semble vraiment excessif car en bien des endroits, un vrai chemin de réconciliation s’est opéré. Les évêques français le soulignaient dans une synthèse controversée reprenant les résultats de l’enquête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi sur la mise en œuvre de SP : « Dans la plupart des diocèses, la situation semble apaisée. » Par l’action persévérante et non sans mérite d’évêques, de prêtres, de vrais lieux de paix liturgique et d’enrichissement mutuel se sont peu à peu établis. Cela a demandé et demande beaucoup d’humilité de la part de tous… mais c’est ainsi que grandit l’Église.

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  • Une lecture africaine du motu proprio « Traditionis Custodes »

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    Mgr_Pascal_N'KOUE_archeveque_de_Parakou.jpgDe Mgr Pascal N’Koué, archevêque de Parakou au Bénin, dans son bulletin diocésain du mois d’août:

    « Le Pape François, le 16 juillet 2021, a publié un motu proprio : ‘’ Traditionis custodes’’ sur la forme extraordinaire du rite latin. Je crois que ce texte est à lire à la lumière de l’encyclique ‘’Fratelli tutti’’. Un seul troupeau, un seul Pasteur. Les deux formes liturgiques doivent nous aider à cohabiter pacifiquement et nous enrichir mutuellement. Je célèbre les deux formes. Aucun problème. C’est le cœur de l’homme qui est malade et qu’il faut soigner. »

    Ref. Lire Traditionis custodes à la lumière de Fratelli tutti…

    JPSC

  • La messe : un sacrifice sinon rien

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    De l'abbé Guillaume de Tanoüarn sur Metablog :

    Un sacrifice sinon rien

    La dernière prière du prêtre, au cours de la messe, est résolument sacrificielle, comme pour montrer que le sacrifice est l'essentiel de la liturgie. Cette prière se récite au moment où le prêtre baise l'autel une dernière fois,  manifestant par ce geste combien ce rite qu'il vient de célébrer ne provient pas de lui, de sa foi personnelle ou de sa spiritualité propre, mais s'identifie à l'autel, qui porte, nous l'avons vu au début de ce travail, le sens divin du sacrifice. Voici une traduction de cette prière :

    Que vous plaise, ô sainte Trinité, l'hommage que je vous rends de mon service. Faites que ce sacrifice que j'ai porté aux yeux de votre majesté, malgré mon indignité, vous soit agréable (acceptabile) à vous et qu'à moi ainsi qu'à tous ceux pour lesquels j'ai porté cette offrande, elle soit propitiatoire (propitiabile) autant que vous êtes miséricordieux, par le Christ notre Seigneur

    J'aurais aimé pouvoir faire rimer les traductions des deux adjectifs latins : acceptabile et propitiabile. Difficile de trouver, en français, deux adjectifs assonnants, en des sens si précis et si voisins ! Mais qui a dit que le latin liturgique est un latin de cuisine ? L'homéotéleute aide à articuler la pensée.

    Nous avons vu que la messe comportait toutes les formes de sacrifices. La forme la plus durable est certainement le sacrifice de louange, puisqu'il occupera toute notre éternité, en manifestant notre joie d'être à Dieu. Mais la forme la plus immédiatement importante des quatre genres de sacrifice n'est ni le sacrifice de louange, ni le sacrifice d'action de grâce, ni le sacrifice de demande (appelé aussi impétratoire). C'est le sacrifice qui nous rend Dieu propice, qui nous permet d'être comme d'égal à égal face à son éternité,  Il y a entre Dieu et nous le mur de la finitude et du péché. Dieu lui-même a voulu casser ce mur et nous permettre de vivre de plain pied avec son éternité en devenant ses fils et ses filles. La messe, pour qui la vit, réalise cette transformation. C'est en ce sens d' abord qu'elle est un sacrifice. Par la transformation de notre prière dans la prière du Christ, par la transmutation de notre inefficacité dans l'efficience du Fils de Dieu, elle est le signe décisif du changement de notre condition et de l'arrivée, à la fin des fins, du Royaume de Dieu, éternelle communion qui abolit toute finitude, parce qu'elle nous divinise.

    C'est le cas de l'écrire : un sacrifice sinon rien, sinon le monde ne changera pas et restera toujours dans cet état d'inachèvement désespérant dans lequel nous le voyons tous les jours. La réponse au problème du mal n'est pas à chercher  en arrière, dans le passé de l'humanité ou dans je ne sais quel état parfait de l'humanité adamique. Elle s'écrit, cette réponse, dans le sacrifice de la croix, où le Fils de Dieu affronte par le miracle de son incarnation la Puissance du mal et la fatalité de la mort, en y répondant par l'amour surnaturalisant. A chaque messe, cette réponse se rend tangible pour que le plus d'hommes et de femmes y participent, en s'incluant, par la médiation du rite sacré, dans la prière du Christ, dont ils sont, ces hommes et ces femmes, à la fois la matière première (si j'ose dire) et, encore aujourd'hui, l'enjeu ultime, mais aussi, dans la communion des saints, les agents communicateurs et les imitateurs indignes.

    Ce Mystère ecclésiologique, le pape François, dans son Motu proprio Traditionis custodes, a décidé de le marquer du sceau d'infamie que reçoit, dans sa pensée, tout ce qui est préconciliaire A-t-il décidé de changer de religion, non pas de foi, je le précise : de religion c'est-à-dire de relation à Dieu ? A-t-il décrété que la messe sacrificielle avait fait son temps et qu'elle était le signe d'un autre visage de l'Eglise que le visage qui a triomphé à Vatican II ? Si cette interprétation radicale se révélait juste, ce que l'avenir proche nous dira, ce serait au mépris de ce que voulaient la grande majorité des Pères conciliaires, au mépris de l'Eglise et au mépris du plan divin. 

    Pourquoi au mépris du Plan divin ? Parce que le problème du mal dans cette perspective conciliaire n'aurait pas d'autre solution que les bricolages sans cesse recommencés de notre bonne volonté toujours balbutiante depuis que le monde est monde et qu'Eve a croqué dans la pomme. Le monde redeviendrait incompréhensible, livré à un progressisme, que l'on doit dire à bon droit "imbécile", parce que l'on voit bien que, du problème du mal, il n'a qu'un simulacre de réponse. N'en déplaise aux progressistes d'aujourd'hui, la réponse à donner au terrible problème du mal n'est pas le Parc humain avec contrôle obligatoire, crédit social à la chinoise, et passe sanitaire à la française, pour accéder aux vespasiennes et faire régner une morale publique dominatrice, imposée à force de traçabilité des personnes, par des caméras de surveillance et des logiciels de reconnaissance faciale. Ce monde du Panoptikon que Michel Foucault a seul vu venir, est un terrible simulacre de réponse, parce que, progrès technique aidant, ce monde du contrôle est pire que le problème du mal tel qu'il se donne à voir dans les sociétés ordinairement humaines. Terrible ironie de l'histoire ! Les membres du Club de Davos, Klaus Schwaab en tête, fascinés par les modalités nouvelles de la survie du communisme chinois, entendent solutionner par le contrôle le monde archipelisé qui est le nôtre. Mais leur remède, indéniablement progressiste pourtant par les techniques qu'il met en jeu, s'avèrera pire que le mal, anéantissant chez les hommes l'idée même de liberté.

    Historiquement, la seule réponse au mal est spirituelle, c'est la mort de Jésus sur la Croix et le sacrifice de la messe qui nous permet de nous inclure dans ce mystère. La croix où meurt l'Innocent par excellence semblait pourtant participer du Mystère d'iniquité. Par un retournement sans exemple, elle devient le signe du Mystère de la piété, par lequel nous sommes tous prêtres (c'est-à-dire offrants), et nous devenons les rois de notre propre destinée, en en maîtrisant l'horizon éternel. "Il a fait de nous un royaume et des prêtres" comme dit l'Apocalypse (I, 9). C'est à cette réalité eschatologique que la messe traditionnelle nous permet d'assister et même de participer. Son interdiction par le Motu proprio du pape François a elle aussi un sens eschatologique.

  • L'Eglise vers laquelle on va

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    On peut être reconnaissant au Père Tihon (sur la Libre) d'indiquer aussi clairement dans quelle direction d'aucuns s'emploient à faire évoluer l'Eglise, de transgression en transgression. Mais il est clair que ces transgressions-là ne devraient pas être sanctionnées par Rome comme l'est le recours à l'ancien missel considéré comme une transgression inadmissible aux yeux du Souverain Pontife. Cela met clairement en évidence la dérive à babord de la barque de Pierre, laquelle peut aller dans n'importe quelle direction pourvu que ce ne soit pas dans celle de la Tradition dont les tenants, qualifiés de "rigides" par le pape régnant, sont condamnés à se taire sinon à quitter l'embarcation.

    Pour faire évoluer l'Église, des transgressions s'imposent

    L’appareil ecclésiastique romain était à ce point enserré dans des règles sacralisées que c’est souvent de façon conflictuelle que les changements nécessaires finissaient par s’imposer. Voici ce que pourraient être de légitimes transgressions.

    Hors d’Allemagne, nous mesurons mal le degré d’organisation du ‘laïcat’ catholique allemand, le poids du « Zentralkomittee der deutschen Katholiken », l’impact sur l’opinion publique des Katholikentage. Les catholiques engagés ont pris acte du travail de sape de la Curie vaticane pour neutraliser le concile Vatican II, en particulier sur la collégialité. Ils constatent la difficulté de faire passer des réformes devenues urgentes. Ils voient avec plaisir le pape François aller dans le sens du Concile sous l’étiquette synodalité, objet du prochain synode. François a moins de liberté de manœuvre que le ZDK, mais il avance ses pions, avec prudence et discernement (un de ses mots-clés). 

    Par rapport à la discipline officielle, les catholiques allemands ne se contentent pas d’intégrer certaines pratiques devenues courantes : - ne plus refuser l’eucharistie aux croyants de bonne volonté, qu’ils soient divorcés remariés ou qu’ils appartiennent à d’autres églises chrétiennes ; - ne plus tenir compte de l’interdiction de prêcher fait aux laïcs formés et aux professeures de religion ; - s’exprimer publiquement en faveur de l’ordination à la prêtrise de femmes et d’hommes mariés. Pour les acteurs de terrain, ces points n’ont rien de surprenant. Les commentateurs ne manquent pas de souligner qu’ils jouissent d’un « large soutien dans l’opinion », en tout cas dans nos pays. Mais la mobilisation des catholiques allemands s’inspire d’une perspective plus radicale. La synodalité signifie un fonctionnement d’Église très différent de l’actuelle concentration du pouvoir entre les mains du pape et de ses collaborateurs. Il est question d’une Église où tous les baptisés participeraient, de près ou de loin, au fonctionnement de la communauté, selon le vieux principe du droit romain : « Ce qui concerne tout le monde doit être traité par tout le monde », « quod omnes tangit ab omnibus tractari debet ».

    Pas d’évolution sans transgressions

    C’est l’occasion de remettre en lumière la dynamique concrète qui sous-tend l’évolution d’une énorme institution comme l’Église catholique romaine, comme de toute institution. En deux mots, il n’y a pas d’évolution sans transgressions.

    Peu de commentateurs prennent la peine de s’interroger sur l’opportunité de ce type de transgressions et sa légitimité en perspective chrétienne. Pour l’opportunité, on peut juger que, vu les solides freins qui ont conditionné le fonctionnement du Vatican lors des précédents pontificats, il est bon de se rappeler que l’Esprit souffle où il veut et pas seulement sur les membres de l’appareil ecclésiastique. Et donc, de ne pas automatiquement considérer une entorse à la règle comme l’œuvre du mauvais esprit.

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  • Motu Proprio Traditionis Custodes : pas de pass liturgique dans l’Eglise Catholique

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    C'est le titre du dernier billet de l'abbé Viot (*) sur son blog. Son analyse mesurée ne suffit pas à masquer que la mercuriale fulminée par le pape François est excessive, tant sur la forme que sur le fond: elle n’appelle aucunement au dialogue et conduit objectivement à une impasse. Le mieux sera (ou serait), pour les évêque chargés de sa mise en œuvre, de donner un peu de temps au temps et passer par pertes et profits, sans autre commentaire, les dispositions inutilement outrancières et humiliantes : à suivre...

    ________

    (*) Michel Viot, né le 25 mai 1944 dans le XVIIe arrondissement de Paris, est un prêtre catholique français. Dignitaire franc-maçon et « évêque » luthérien de Paris de 1996 à 2001, il quitte ses fonctions pour rejoindre la pleine communion avec l'Église catholique. Ordonné prêtre en 2003, il est d'abord incardiné dans le diocèse de Blois où il exerce notamment la charge d'aumônier de prison, puis rejoint le diocèse de Versailles en 2014 et se voit incardiné au sein du diocèse aux Armées françaises en tant qu'aumônier national des anciens combattants jusqu'en 2018.

    JPSC