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liturgie - Page 66

  • Motu Proprio Traditionis Custodes : un évêque néerlandais dénonce un ukase

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    Lu sur le site web « Salon beige » :

    hulpbisschop-Mutsaerts-afbeelding.jpg« Mgr Robert Mutsaerts, évêque auxiliaire de Bois-le-Duc, aux Pays-Bas, a diffusé un long texte sur le motu proprio, dont voici quelques extraits :

    Le pape François promeut la synodalité : tout le monde doit pouvoir parler, tout le monde doit être entendu. Ce n’est guère le cas avec son motu proprio Traditionis Custodes récemment publié, un ukase qui doit immédiatement mettre un terme à la messe latine traditionnelle. […] Le fait que François s’empare ici de la parole du pouvoir sans aucune consultation indique qu’il perd de l’autorité. Cela est devenu évident plus tôt lorsque la Conférence épiscopale allemande n’a pas tenu compte de l’avis du Pape concernant le processus de synodalité. La même chose s’est produite aux États-Unis, où le pape François a appelé la Conférence épiscopale à ne pas préparer un document sur la communion. […]

    Le langage est très similaire à une déclaration de guerre. Chaque pape depuis Paul VI a toujours laissé des ouvertures pour l’ancienne messe. Si des changements ont été apportés, il s’agissait de révisions mineures, voir par exemple les indults de 1984 et 1988. Jean-Paul II croyait fermement que les évêques devaient être généreux en autorisant la messe tridentine. Benoît a même ouvert grand la porte avec Summorum Pontificum : « Ce qui était sacré alors, l’est encore aujourd’hui ».

    François claque violemment la porte avec Traditionis Custodes. Cela ressemble à une trahison et est une gifle pour ses prédécesseurs. L’Église n’a jamais aboli les liturgies. Pas même le Concile de Trente. François rompt complètement avec cette tradition. Le motu proprio contient quelques instructions et commandes succinctes. Ceci est expliqué plus en détail au moyen d’une déclaration plus longue. Cette déclaration contient de nombreuses inexactitudes factuelles. L’une est l’affirmation que ce que Paul VI a fait après Vatican II serait la même chose que ce que Pie V a fait après Trente. C’est complètement loin de la vérité. N’oublions pas qu’avant cette époque divers manuscrits (transcrits) circulaient et que des liturgies locales avaient vu le jour ici et là. C’était le bordel.

    Trente voulait restaurer les liturgies, éliminer les inexactitudes et vérifier l’orthodoxie. Le Concile de Trente n’a pas demandé de réécrire la liturgie, ni de nouveaux ajouts, de nouvelles prières eucharistiques, un nouveau lectionnaire ni un nouveau calendrier. Il s’agissait de garantir une continuité organique ininterrompue. Le missel de 1517 renvoie au missel de 1474 et ainsi de suite au IVe siècle. Il y avait une continuité à partir du 4ème siècle. Même après le XVe siècle, il y a quatre siècles de continuité. De temps en temps, seuls quelques changements mineurs ont été apportés ou l’ajout d’une célébration, d’un mémorial.

    Vatican II, selon le document du concile Sacrosanctum Concilium, a demandé des réformes liturgiques. Tout bien considéré, il s’agit d’un document conservateur. Le latin est maintenu, les chants grégoriens conservent leur place légitime dans la liturgie. Cependant, les développements qui ont suivi Vatican II sont très éloignés des documents conciliaires. Le tristement célèbre « esprit du concile » ne se trouve nulle part dans les textes conciliaires eux-mêmes. Seulement 17% des prières de l’ancien Missel (Trente) se retrouvent dans le nouveau Missel (Paul VI). Il est alors difficile de parler de continuité d’un développement organique. Benoît l’a reconnu et, pour cette raison, a donné une large place à l’ancienne messe. Il a même dit que personne n’avait besoin de sa permission (« Ce qui était sacré à l’époque, l’est encore aujourd’hui »).

    Le pape François prétend maintenant que son motu proprio se situe dans le développement organique de l’Église, ce qui contredit complètement la réalité. En rendant la messe latine pratiquement impossible, il rompt avec la tradition liturgique séculaire de l’Église catholique romaine. La liturgie n’est pas un jouet des papes, mais un héritage de l’Église. L’Ancienne Messe n’est pas une question de nostalgie ou de goût. Le Pape devrait être le gardien de la Tradition ; le Pape est le jardinier, pas le fabricant. Le droit canon n’est pas seulement une question de droit positif, il existe aussi une chose telle que la loi naturelle et la loi divine, et de plus il y a une chose telle que la Tradition qui ne peut pas être simplement écartée.

    Ce que fait le pape François n’a rien à voir avec l’évangélisation et encore moins avec la miséricorde. C’est plutôt de l’idéologie. Rendez-vous dans une paroisse où est célébrée l’ancienne messe. Que rencontrez-vous là-bas : des gens qui veulent juste être catholiques. Ce ne sont généralement pas des gens qui s’engagent dans des disputes théologiques, ni contre Vatican II (mais contre sa mise en œuvre). Ils aiment la messe latine pour sa sainteté, sa transcendance, sa centralité pour le salut des âmes, la dignité de la liturgie. Vous croisez des familles nombreuses, les gens se sentent les bienvenus.[…]

    Pourquoi le Pape veut-il refuser cela aux gens ? Je reviens à ce que j’ai dit tout à l’heure : c’est de l’idéologie. […] Le nombre relativement restreint de croyants (qui, d’ailleurs, augmente, tandis que le novus ordo s’effondre) qui se sentent chez eux à la messe traditionnelle doit et sera banni. C’est de l’idéologie et de la malveillance.

    Si vous voulez vraiment évangéliser, vraiment faire preuve de miséricorde, soutenir les familles catholiques, alors honorez la messe tridentine. L’ancienne messe ne peut plus être célébrée dans les églises paroissiales à partir d’aujourd’hui, vous avez besoin d’une autorisation explicite de votre évêque, qui peut ne l’autoriser que certains jours, et pour ceux qui seront ordonnés à célébrer l’ancienne messe, l’évêque doit demander conseil à Rome. Dictatorial, antipastoral, impitoyable ! […] »

    Ref. Traditionis Custodes : un évêque néerlandais dénonce un ukase

    JPSC

  • Quand le christianisme se déseuropéanise

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    De Mathieu Bock-Côté sur le site du Figaro via artofuss.blog :

    Mathieu Bock-Côté: «La déseuropéanisation du christianisme»

    CHRONIQUE – L’Église se veut aujourd’hui absolument œcuménique et ouverte à tous, sauf à ceux, parmi les siens, qui se veulent gardiens de ses traditions liturgiques les plus profondes.

    23 juillet 2021

    Le trouble suscité bien au-delà des milieux «traditionalistes» par la décision du pape François non pas de redéfinir le statut de la messe selon le rite préconciliaire mais de programmer son extinction, en l’empêchant non seulement de croître, mais plus encore, en le traitant à la manière d’un résidu encore utile pour accommoder quelques vieillards enfermés dans leurs tendres souvenirs et exagérément attachés aux mystères de l’église d’hier, montre bien la portée de cette décision, sa violence, aussi.

    Il semble bien, mais la chose n’est pas si nouvelle, que l’Église se veut aujourd’hui absolument œcuménique et ouverte à tous, sauf à ceux, parmi les siens, qui se veulent gardiens de ses traditions liturgiques les plus profondes. Comme si l’Église devait mener en ses propres rangs la chasse aux réactionnaires et humilier ceux qui croient encore aux vérités qu’elle a toujours prêchées, au langage à travers lequel elle les prêchait, et qui gênent aujourd’hui ceux qui s’agenouillent moins devant la croix que devant l’esprit du temps. Les catholiques de tradition seraient-ils les seuls à ne pas avoir leur place dans l’Église?

    Michel Onfray, dans un remarquable texte du Figaro , a rappelé avec raison que la messe tridentine appartient au patrimoine spirituel et culturel de la civilisation occidentale. On ajoutera que la liturgie ne sert pas qu’à embellir les vérités de la foi et les prières de toujours: à travers elle se déploie un langage capable d’interpeller des régions inaccessibles de l’âme et de donner accès aux vérités autrement inexprimables du sacré. La beauté peut conduire à la foi. Le rituel est un langage modelé par l’histoire mais qui ne se réduit pas, quoi qu’on en dise, à une accumulation arbitraire de traditions plus ou moins bien assemblées, qu’on pourrait sacrifier pour les moderniser. On oublie d’ailleurs que le rituel traditionnel, malgré son refoulement dans les marges, continue de conduire des hommes vers le catholicisme, qu’il transforme ceux que Louis Pauwels appelait les chrétiens du porche en croyants et en pratiquants, et qu’à travers lui, plusieurs s’y convertissent ou renouent avec lui.

    L’homme ne se grandit pas en se désincarnant, et la foi fleurit bien mal sur les cendres d’une liturgie incendiée

    Cela nous conduit au cœur d’une question trop souvent négligée. On s’inquiète avec raison de la déchristianisation de l’Europe, mais on s’est insuffisamment inquiété de la déseuropéanisation du christianisme. Car le catholicisme est indissociable des médiations à travers lesquelles il s’est incarné dans l’histoire. Il se déploie à travers les nombreux visages de l’humanité, et est étranger à la tentation niveleuse qui, au nom d’un retour fantasmé à la révélation primitive, justifierait l’arasement des cultures et des formes historiques particulières qui permettent aux hommes d’habiter le monde sous le signe d’une continuité vivable. C’est une bien étrange idée d’assimiler l’héritage à une scorie, et c’en est une encore plus étrange de croire que la foi, pour s’offrir à tous les hommes, doit abolir jusqu’au souvenir des rites par lesquelles elle a modelé le noyau d’une civilisation, au point d’en devenir indissociable. On aurait tort de réduire cette conscience à une forme de catholicisme «identitaire», comme on dit pour se faire peur. Il faut plutôt y voir un souci légitime des sources les plus intimes de la culture.

    L’homme ne se grandit pas en se désincarnant, et la foi fleurit bien mal sur les cendres d’une liturgie incendiée. Nul ne s’attend à ce que Rome replace le rite traditionnel au cœur de ce qu’on appellera la liturgie dominante. Il ne semble toutefois pas exagéré d’espérer que le pape ne cherche pas à l’éradiquer. La tentation serait forte de citer Brassens, qui avait compris qu’une religion renonçant à sa propre tradition sacrifiait le langage sans lequel ses vérités risquaient de devenir inaudibles. Je pourrais aussi citer Montherlant qui dans ses carnets, si je ne me trompe pas, disait à sa manière espérer rencontrer un prêtre qui croit.

    La formule n’est pas banale: les hommes et les femmes qui se sont aventurés au seuil de l’Église, avec le désir de le franchir, ont souvent rencontré, sur leur parcours, des prêtres à la foi flageolante, presque méfiants à l’endroit de ceux qui frappent à leur porte, comme s’ils venaient à leur messe avec une ardeur suspecte. Ils ne risquent toutefois pas de recevoir un tel accueil chez ceux qui se veulent les gardiens non seulement d’un rite, mais aussi, d’un rapport à la foi qui trouve dans la liturgie traditionnelle non pas une béquille mais une manière d’accéder à la plus riche des expériences. La force d’attraction de la messe traditionnelle ne s’explique pas nécessairement par la complaisance nostalgique. Ceux qui se demandent pourquoi les communautés «traditionnelles» parviennent à croître malgré l’anathème jeté sur elles trouveront peut-être là un début de réponse à leur interrogation.

  • Traditionis Custodes : l’appel de jeunes « tradis » au pape François

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    Dans une vidéo relayée sur les réseaux sociaux par l'association Notre-Dame de Chrétienté, une soixantaine de jeunes du monde entier interpellent le pape François et les évêques, pour témoigner de leur attachement à la messe tridentine. Le site web « aleteia » en assure à son tour le relai :

    « Nous aimons la messe latine traditionnelle parce qu’elle est la même messe partout dans le monde, elle est universelle, catholique, au sens premier du terme ». Quelques jours après la publication du motu proprio Traditionis Custodes, qui a suscité une vague de réactions en France et dans le monde entier, une soixantaine de jeunes s’adressent directement au pape François et aux évêques, dans une vidéo de près de deux minutes, publiée sur le compte YouTube de Young Catholics for Holy Mass et relayée, entre autres, par l’association Notre-Dame de Chrétienté.

    Sur un ton très respectueux et qui semble dépourvu de toute volonté de polémique, ils expliquent pourquoi ils regrettent certains passages de la lettre du pape François accompagnant le motu proprio. « Nous n’encourageons pas “les désaccords qui blessent l’Eglise” », affirme une jeune fille. « Nous ne “bloquons pas son chemin” ni ne l’ “exposons au péril de la division” », insiste un autre. Réaffirmant leur loyauté, ces jeunes affirment au Pape et aux évêques être « votre jeunesse » et « vos brebis ». « Nous prions pour vous tous les jours », concluent-ils »:

    Ref. Traditionis Custodes : l’appel de jeunes « tradis » au pape François

     JPSC

  • Mgr Rey évêque de Toulon et Fréjus veut aussi demeurer fidèle au désir de réconciliation voulu par Benoît XVI.

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    Mgr Rey cotignac-500_benediction-de-mgr-rey.jpgMotu proprio « Traditionis Custodes » : Mgr Rey évêque de Toulon et Fréjus veut aussi demeurer fidèle au désir de réconciliation voulu par Benoît XVI. Une interview réalisée par Philippe de Saint-Germain et publiée sur le site web « Aleteia » :

    « Pour l’évêque de Fréjus-Toulon, le pape François n'a pas aboli le missel de saint Jean XXIII, mais il veut s'assurer que ceux qui le suivent demeurent dans l’unité de l'Église universelle, et qu'ils restent fidèles au désir de réconciliation voulu par son prédécesseur Benoît XVI.

    Dans le diocèse de Fréjus-Toulon, de nombreuses communautés religieuses et paroisses pratiquent la forme extraordinaire du missel romain, dans une pleine communion avec l’évêque du lieu, et la fidélité au concile Vatican II. C’est dire l’incompréhension que ces fidèles peuvent ressentir face aux restrictions apportées par le motu proprio du pape François dans l’usage de la messe tridentine. Pour Mgr Dominique Rey, qui se félicite de la « grande force missionnaire » des communautés traditionnelles dans son diocèse, le motu proprio peut contribuer à renforcer le dialogue et l’intégration de tous les fidèles à la mission évangélisatrice de l’Église, sans renoncement à une « liturgie si féconde en saints et en vocations ». Il s’en explique à Aleteia :

    Aleteia : Monseigneur, comme d’autres évêques de France, vous vous félicitez de « l’esprit évangélique et de la communion ecclésiale » des fidèles et des prêtres attachés à la messe tridentine dans votre diocèse. Comprenez-vous l’émoi et l’inquiétude que le motu proprio Traditionis Custodes a suscité chez eux ?

    Mgr Dominique Rey : Dans le Var, la grande majorité des catholiques attachés à la messe tridentine cherchent vraiment à s’intégrer au tissu diocésain, à tisser des relations fraternelles avec les autres fidèles et les autres prêtres et à œuvrer de concert avec eux, dans une même charité. Cette décision prise pour l’Église universelle peut donc donner l’impression de nier leur désir d’unité, vécu dans mon diocèse comme dans de nombreux autres diocèses français. Cette lettre apostolique a également pu être incomprise par de nombreux catholiques attachés au nouveau missel, qu’ils aient fréquenté ou non les richesses de l’ancien. Nous devons tous recevoir ce motu proprio dans l’obéissance et la confiance. Je crois que les fidèles attachés à la messe tridentine qui s’associeront au souci d’unité affiché par le Saint-Père montreront aux différents évêques que la forme extraordinaire a toute sa place dans leur diocèse. J’en suis déjà convaincu pour le mien.

    Partagez-vous cependant la double « angoisse » du pape François devant les dérives liturgiques mais aussi devant l’attitude des catholiques qui auraient abusé de la protection de Benoît XVI pour refuser l’enseignement du concile Vatican II ?

    Le pape François a raison de se méfier de toute tendance au monopole, de toute tendance à « établir sa propre justice », selon l’expression de saint Paul aux Romains (10, 3). Mais, encore une fois, ce n’est pas ce que j’ai expérimenté dans mon diocèse, où les communautés traditionalistes m’ont paru faire au contraire preuve d’une grande fidélité à tout le magistère de l’Église, et notamment au concile Vatican II. D’ailleurs, en effet, cette tendance n’est pas le propre des communautés attachées à l’ancien missel, et le pape rappelle dans Traditionis custodes que le nouveau missel est sujet à de nombreux abus. Toutes les communautés, surtout si elles suivent des règles spécifiques ou si elles ne sont pas enracinées dans la Tradition, peuvent chercher à s’arroger la loi, les sacrements et même la grâce. Mais ces biens ne sont la propriété de personne : ce sont des dons divins, et il revient à l’Église de les recevoir et de les administrer pour tous. En ce sens, la mission des chrétiens n’est pas de « s’approprier » la liturgie ou les sacrements, mais de gagner le cœur des pécheurs. L’Église est là pour tous les hommes (2 Co 12, 14) et le rôle de l’évêque et des prêtres est donc de faire en sorte qu’ils puissent s’incorporer toujours plus au Corps du Christ, pour y recevoir pleinement la vie divine.

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  • "Traditionis Custodes" vise l'extinction du rite traditionnel

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    D' sur le site de l'Incorrect :

    ABBÉ GUILLAUME DE TANOÜARN : « TRADITIONIS CUSTODES VISE L’EXTINCTION DU RITE TRADITIONNEL »

    Le motu proprio Traditionis Custodes édicté par le pape François a déclenché incompréhension, tristesse et colère chez beaucoup de fidèles attachés à la célébration de la messe en forme extraordinaire du rite romain. Pour l’abbé Guillaume de Tanoüarn, cofondateur de l’Institut du Bon-Pasteur et ancien directeur du centre Saint-Paul à Paris, il y a là une volonté manifeste de séparer ce qui tendait à la communion. Entretien.

    Avez-vous été surpris par la soudaineté et la sévérité des mesures édictées dans le motu proprio Traditionis Custodes ?

    Oui, je ne m’attendais pas à ce que le pape François tape aussi fort. Au fond, ce motu proprio, purement disciplinaire, n’est pas doctrinal. Disciplinaire, car il s’agit pour le pape François de détruire la fécondité des instituts Ecclesia Dei, et du mouvement traversant l’Église en ce moment, et qui mène à une communion des rites. On s’est aperçu que le rite ancien pouvait apporter le sacré, la transcendance et l’adoration, quand le rite nouveau amenait la participation et la proximité. Depuis 1988 et le motu proprio Ecclesia Dei de Jean Paul II, l’Église a progressivement pris conscience de la complémentarité des rites.

    Je pense que beaucoup de jeunes prêtres en paroisse pratiquaient un mélange des deux et apportaient à leurs fidèles une part de la verticalité du rite traditionnel. Je m’inscris parmi ceux qui insistent sur la participation au sein du rite traditionnel, et je crois qu’il est très important pour l’avenir du rite traditionnel de développer cette réalité.

    Lire aussi : Le pape François contre les tradis : entretien avec Christophe Geffroy

    Nous étions dans une situation apaisée, rien à voir avec les conflits des années 70, 80 voire 90. Et brusquement, le pape François décide de déterrer la hache de guerre. Son motu proprio est clairement écrit pour réaliser l’extinction du rite traditionnel. L’exemple le plus frappant – outre le fait qu’il refuse toute nouvelle implantation – est que les prêtres ordonnés après ce motu proprio, ne pourront dire la messe traditionnelle qu’en demandant l’autorisation à leur évêque, qui lui-même demandera à Rome si c’est opportun. Autant dire que dans l’esprit du pape, cela ne sera jamais opportun. Il s’agit en fait d’une interdiction déguisée, et pas très bien déguisée d’ailleurs.

    Comprenez-vous les griefs du souverain pontife à l’égard des traditionnalistes, à savoir que la liturgie traditionnelle est utilisée pour rejeter le concile Vatican II ?

    Je m’oppose fortement à un quelconque fétichisme de Vatican II. Fétichisme qui n’a rien à voir avec l’infaillibilité théologique du concile lui-même. Il s’agit d’un concile pastoral qui est intervenu dans l’histoire de l’humanité à un moment d’extraordinaire optimisme. Or aujourd’hui nous sommes dans une période extrêmement sombre, extrêmement noire. L’optimisme qui a fait Vatican II est donc bien oublié. L’Église ferait bien de s’adapter à la nouvelle donne sociale à laquelle elle a affaire, notamment l’appauvrissement des populations dites « riches », au désespoir et à la perte généralisée des repères. Sans parler de la violence entre les religions, engendrée par les revendications de l’islam radical. Le recours à la vertu universelle de Religion pour un dialogue inter-religieux apaisé (prôné par Vatican II) ne suffit plus, surtout à l’heure où l’on découvre que la religion au son d’ « Allah Akbar » peut devenir un vice meurtrier.

    Visiblement, on préfère une Église définitivement pauvre en prêtres, mais au sein de laquelle on aura méthodiquement détruit toute forme de concurrence

    Nous sommes dans un temps complètement différent des années 70. Il est donc naturel que les catholiques cherchent autre chose que Vatican II pour y faire face. Cela ne constitue pas une condamnation de Vatican II en soit, mais ce concile est l’expression d’un autre temps, d’une autre époque. Et je crains que le vieux pape que nous avons, ne sache pas discerner cette vieillesse de Vatican II.

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  • Le motu proprio vise à réduire l'influence des "tradis"

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    De Louis Daufresne sur La Sélection du Jour :

    Le pape François face à l'influence des "tradis"

    Grégory Solari est philosophe, spécialiste de John Henry Newman (1801-1890), prêtre anglican et théologien influent, converti au catholicisme et canonisé par le pape François en 2019. De Suisse il dirige les éditions Ad Solem axées sur « les différentes formes que prend la réponse liturgique (…) que l’homme donne à l’Appel de Dieu ». Son analyse rime toujours avec expertise.

    Solari décrypte la décision du pape François de restreindre la messe dite « en latin ». Le motu proprio du 16 juillet intitulé Traditionis custodes abroge en effet celui de 2007, Summorum Pontificum. Le pape allemand avait permis qu'une forme extraordinaire (préconciliaire) s’épanouît au côté d’une forme ordinaire, post-Vatican II (1962-65).

    Comment interpréter ce tour de vis ? Volonté d’exclure ou d’unir ? Slate parle d’une « tempête dans un bénitier », quand Le Figaro insiste sur le « trouble » semé par l’oukase du Vatican. Fort d'un regard clinique, Grégory Solari pointe deux causes, l’une managériale, l’autre RH :

    1. La première concerne le décret d’application. Ce qui explique la fermeté du pape François, ce n’est pas le motu proprio de 2007 mais le décret de 2011 qui effaça « la volonté de ne pas isoler le rite tridentin du concile Vatican II ». Le motu proprio de Benoît XVI ne parlait pas du missel. Le décret de 2011 fit le choix exclusif de la dernière édition publiée avant le concile. On verrouilla ainsi « toute possibilité de fécondité mutuelle des deux liturgies, d’où cet effet de distanciation croissante » que François veut résorber. Qui rédigea ce décret ? Pourquoi Benoît XVI accepta-t-il de se contredire ? Fut-il victime d’un abus de confiance ? Solari n'a pas de réponse : « C’est un grand mystère », concède-t-il. Pourquoi François s’attaque-t-il au texte de 2007 et pas au décret d’application ? Mystère également. Ce qui est sûr, c’est que Benoît XVI voulait faire revenir les « tradis » dans une intention unitaire. Selon le pape actuel, cette mouvance ne voulait pas jouer collectif. Les « tradis » fonctionnent en îlots et en silos : messe, scouts, écoles, monastère : tout y passe du sol au plafond. En clair, Rome veut lutter contre le séparatisme.

    2. La seconde tient à la formation des prêtres. De la dérogation accordée sous Jean-Paul II au geste de 2007, la messe « en latin » pouvait être célébrée par des clercs « multicartes » ayant connu la réforme liturgique. Mais ceux-ci se virent peu à peu remplacés par des prêtres « exclusivement formés dans l’ancien rite », car « issus des fraternités qui se sont constituées après le schisme lefebvriste ». D’où « l’autonomisation croissante », dit SolariIci les évêques prennent cher : ils confièrent la messe « en latin » à des communautés « tradis » et ce « de manière quasi exclusive », alors qu’ils auraient dû « veiller à former des prêtres diocésains capables de célébrer l'ancienne messe », afin d'assurer l'unité et de garder la main. Le motu proprio du pape François les renvoie à cette responsabilité. En clair, Rome veut lutter contre l'entrisme.

    Cette histoire, loin du juridisme ecclésial, a tout l'air d'une guerre de tranchées. La messe est à la fois le marqueur, le miroir et l’otage d’un rapport de forces entre deux réalités culturelles et politiques. Solari parle de la « concurrence sinon de deux Églises, du moins de deux représentations de l’Église ». Et là, on a l’impression de vivre une course contre la montre assez malsaine. Après le concile, le clergé pensait que le temps viendrait à bout de la résistance traditionaliste. Aujourd’hui, c’est l’inverse : les « tradis » et leurs familles (entre 5 et 10 enfants voire plus) pensent que le temps joue pour eux : à Saint-Roch (Paris Ier), 600 personnes vont chaque dimanche à la messe « d’avant », dix fois plus que sa « concurrente » conciliaire. Même peu nombreux, les « tradis » pèsent lourd dans une Église aux cheveux gris et dont la peur du Covid dégarnit les travées.

    Ce motu proprio vise à réduire leur influence. Solari dit carrément que « les fraternités sacerdotales traditionalistes (…) disparaîtront, car le chemin qu’elles ont choisi est une impasse ecclésiologique. Il ajoute qu’« il y aura probablement de nouvelles scissions et fondations, mais sans pérennité assurée, on voit mal ce qui pourrait motiver encore longtemps des vocations ».

    Le phénomène traditionaliste est-il maîtrisable voire soluble ? La messe « en latin » est un point dur. Elle polarise, quitte à cliver, ce qu’aiment media et réseaux sociaux. Elle attire des jeunes pour qui Vatican II, comme Mai 68, est un vieux combat et un combat de vieux. Il y a des « tradis » intelligents et missionnaires (comme les chanoines de Lagrasse, aimés d'Arnaud Beltrame, qui rendent service au diocèse et sont appréciés jusqu’au préfet).

    Les catholiques vivent la déprise de leur culture en Occident, l’alternative islam/LGBT et les folies bioéthiques. Certains donnent le sentiment d'être en ordre de bataille. Mais quelle guerre veulent-ils livrer et les évêques voudront-ils ou pourront-ils s’y opposer ?

    À la punition collective, ils préféreront sans doute la prudence et le cas par cas.

    Louis Daufresne

    Pour aller plus loin : Grégory Solari: «Le rite tridentin est devenu une impasse»

    >>> Lire sur Cath.ch

  • Le pape est-il le maître absolu de la liturgie ? Selon le cardinal Burke, « Traditionis custodes » dépasse les bornes légitimes d’un « motu proprio » pontifical

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    Cardinal-Burke.jpgLu sur le site web « Salon Beige »:

    "En ce 23 juillet 2021,  fête de sainte Marie-Madeleine, le cardinal Burke a diffusé le texte suivant (traduction via le FC) :

    ”De nombreux fidèles – laïcs, ordonnés et consacrés – m’ont exprimé la profonde détresse que leur a apporté le Motu Proprio «Traditionis Custodes». Ceux qui sont attachés à l’Usus Antiquior (usage plus ancien), ce que le Pape Benoît XVI a appelé la Forme Extraordinaire du Rite Romain, sont profondément découragés par la sévérité de la discipline imposée par le Motu Proprio et offensés par le langage qu’il emploie pour les décrire, leurs attitudes et leur conduite. En tant que membre des fidèles, qui a également un lien intense avec l’Usus Antiquior, je partage pleinement leurs sentiments de profonde tristesse.

    En tant qu’Évêque de l’Église et Cardinal, en communion avec le Pontife romain et avec une responsabilité particulière pour l’assister dans sa pastorale et la gouvernance de l’Église universelle, je fais les observations suivantes:

    1. À titre préliminaire, il faut se demander pourquoi le texte latin ou officiel du Motu Proprio n’a pas encore été publié. Autant que je sache, le Saint-Siège a promulgué le texte en versions italienne et anglaise, et, par la suite, en traductions allemande et espagnole. Puisque la version anglaise est appelée une traduction, il faut supposer que le texte original est en italien. Si tel est le cas, il existe des traductions de textes significatifs dans la version anglaise qui ne sont pas cohérentes avec la version italienne. Dans l’article 1, l’adjectif italien important, “unica“, est traduit en anglais par “unique“, au lieu de “seulement“. À l’article 4, le verbe italien important, ”devono”, est traduit en anglais par ”devrait”, au lieu de ”doit”.

    2. Tout d’abord, il importe d’établir, dans cette observation et les suivantes (nos 3 et 4), l’essentiel de ce que contient le Motu Proprio. Il ressort de la sévérité du document que le pape François a publié le Motu Proprio pour s’attaquer à ce qu’il perçoit comme un mal grave menaçant l’unité de l’Église, à savoir l’Usus Antiquior. Selon le Saint-Père, ceux qui pratiquent selon cet usage font un choix qui rejette ”l’Église et ses institutions au nom de ce qu’on appelle la «vraie Église», un choix qui «contredit la communion et nourrit la tendance à la division… contre laquelle l’apôtre Paul a si vigoureusement réagi.”

    3. Clairement, le Pape François considère le mal si grand qu’il a pris des mesures immédiates, n’en informant pas les évêques à l’avance et ne prévoyant même pas l’habituelle vacatio legis, une période de temps entre la promulgation d’une loi et son entrée en vigueur. La vacatio legis donne aux fidèles, et surtout aux évêques, le temps d’étudier la nouvelle législation concernant le culte de Dieu, l’aspect le plus important de leur vie dans l’Église, en vue de sa mise en œuvre. La législation, en effet, contient de nombreux éléments qui nécessitent une étude quant à son application.

    4. De plus, la législation impose des restrictions à l’Usus Antiquior, qui signalent son élimination définitive, par exemple, l’interdiction d’utiliser une église paroissiale pour le culte selon l’Usus Antiquior et l’établissement de certains jours pour un tel culte. Dans sa lettre aux évêques du monde, le pape François indique deux principes qui doivent guider les évêques dans la mise en œuvre du Motu Proprio. Le premier principe est de «pourvoir au bien de ceux qui sont enracinés dans la forme de célébration précédente et qui ont besoin de revenir en temps voulu au rite romain promulgué par les saints Paul VI et Jean-Paul II». Le deuxième principe est «d’interrompre l’érection de nouvelles paroisses personnelles davantage liées au désir et aux souhaits des prêtres individuels qu’aux besoins réels du ‘saint Peuple de Dieu’».

    5. Apparemment, la législation vise à corriger une aberration principalement attribuable au «désir et aux souhaits» de certains prêtres. À cet égard, je dois observer, surtout à la lumière de mon service d’Évêque diocésain, que ce ne sont pas les prêtres qui, en raison de leurs désirs, ont exhorté les fidèles à demander la Forme extraordinaire. En fait, je serai toujours profondément reconnaissant aux nombreux prêtres qui, malgré leurs engagements déjà lourds, ont généreusement servi les fidèles qui ont légitimement demandé l’Usus Antiquior. Les deux principes ne peuvent que communiquer aux fidèles dévots, qui ont une profonde appréciation et attachement à la rencontre avec le Christ à travers la Forme Extraordinaire du Rite Romain, qu’ils souffrent d’une aberration qui peut être tolérée pendant un certain temps mais doit finalement être éradiquée.

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  • Le pontificat du pape François marque la fin définitive des formes cultuelles catholiques héritées de l'empire romain

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    De Vincent Petit (*) sur le site "Front Populaire" :

    La liturgie selon le pape François : la fin de l’Empire romain ?

    OPINION. La récente décision du pape de restreindre la possibilité de célébrer la messe selon les missels antérieurs à Vatican II, en opposition avec la volonté de son prédécesseur, marque le déclin des formes cultuelles catholiques et un tournant civilisationnel.
    La liturgie selon le pape François : la fin de l’Empire romain ?

    22 juillet 2021

    Le pape François a promulgué le 16 juillet 2021 lemotu proprio (le mot désigne une décision prise directement par le pape) Traditionis Custodes (« gardiens de la tradition »), qui abroge celui qu’avait édité Benoît XVI le 7 juillet 2007 intitulé Summorum Pontificum cura(« la sollicitude des Souverains Pontifes »). La symétrie inverse des textes et des méthodes est frappante, puisque les deux textes qui concernent le même objet sont accompagnés d’une lettre aux évêques expliquant la démarche du pape.

    La décision de Benoît XVI consistait à favoriser l’usage du rite traditionnel dit de saint Pie V — ses partisans emploient aussi volontiers la référence à saint Jean XXIII, puisqu’ils utilisent les livres liturgiques révisés pour la dernière fois en 1962, et pour montrer qu’ils ne sont pas nécessairement hostiles aux décisions du concile Vatican II —, aux livres liturgiques édités sous le pontificat de Paul VI, après le concile. Les deux façons de célébrer la messe procédaient donc d’un même rite romain sous deux formes légitimes, la forme ordinaire (celle de Paul VI) et la forme extraordinaire (celle de Jean XXIII). Une forme extraordinaire remarquable par l’emploi du latin et du grec dans l’ordo missae (la partie invariable de la messe), l’orientation du célébrant dos aux fidèles (puisque tous sont tournés vers l’est) et la communion à la bouche et non à la main.

    Le processus de réhabilitation de la forme traditionnelle, entamé par Jean Paul II s’accompagnait d’une critique généralement féroce des pratiques liturgiques post-conciliaires. Au-delà d’un objectif circonstanciel, celui de vider le schisme lefebvriste de sa substance et de ses forces vives, le principal résultat recherché par Jean-Paul II et surtout Benoît XVI visait à ramener la forme ordinaire à davantage de sacralité en la confrontant à tradition liturgique de l’Église romaine. Summorum pontificum avançait surtout la garantie pour les fidèles « attachés à la tradition liturgique antérieure » de faire droit à leurs revendications face aux curés et même aux évêques qui étaient tenus de leur proposer des solutions : soit en permettant aux prêtres de célébrer sous les deux formes, soit en faisant appel à des communautés de prêtres ou de religieux spécialisées qui relèvent de la commission pontificale Ecclesia Dei, comme la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre, l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre, l’Institut du Bon-Pasteur…

    L’Église du pape François : entité unitaire et mondialisée

    Quant à elle, la décision du pape François, motivée avant tout par un souci d’unité et de communion de l’Église, annule donc ces dispositions et définit les livres liturgiques édités par Paul VI et révisés par Jean-Paul II « comme la seule expression de la lex orandi du rite romain ». Il le fait logiquement en liant la réforme de la liturgie aux décisions conciliaires — en citant les constitutions Sacrosanctum Concilium (sur la liturgie) et Lumen gentium (sur l’Église) — alors que Benoît XVI s’était attaché à distinguer une temporalité liturgique autonome. L’obligation de la langue vernaculaire (mais s’agit-il pour autant de la langue nationale ?) dans la proclamation des lectures est soulignée, alors même que c’est surtout l’ordo missae, en particulier le canon, en latin et à voix basse, qui importe surtout aux traditionalistes.

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  • Le pape contre les tradis : entretien avec le directeur de La Nef

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    De sur le site de l'Incorrect :

    LE PAPE FRANÇOIS CONTRE LES TRADIS : ENTRETIEN AVEC CHRISTOPHE GEFFROY

    Par le motu proprio « Traditionis Custodes », le pape François a décidé de restreindre drastiquement la célébration des messes en forme extraordinaire. Pour Christophe Geffroy, directeur du mensuel catholique La Nef, cette décision opère une nette rupture avec les politiques bienveillantes de Jean-Paul II et Benoît XVI en la matière, et remet en question la pérennité de ce patrimoine liturgique. Entretien.

    © DR

    Avec son motu proprio Traditionis Custodes, le pape François a surpris et ému une bonne partie des catholiques. Ce texte était-il prévisible, ou au contraire tout à fait inattendu ?

    Le texte était attendu depuis un moment. Ce qui a surpris tout le monde, même ceux indifférents à la question liturgique, est la sévérité et la dureté du motu proprio pontifical qui fait de ce que l’on appelait jusqu’à maintenant la forme extraordinaire du rite romain une liturgie très encadrée appelée à disparaître.

    Quels sont l’objectif et la stratégie du texte ?

    L’objectif du texte est expliqué par François dans la lettre aux évêques qui accompagne le motu proprio. Par les réponses qu’il a reçues de l’enquête lancée par la Congrégation pour la Doctrine de la foi sur l’application du motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI (2007), François a estimé que les « tradis » avaient abusé de la générosité de Jean-Paul II et Benoît XVI en profitant de leur libéralité pour s’opposer à la réforme liturgique (1969) et au concile Vatican II (1962-1969). Cela est surprenant car personne ne reconnaît dans la situation française une telle description du monde traditionnel attaché à la forme extraordinaire et demeuré fidèle à Rome. Certes, il existe en effet une petite minorité qui remet en cause et la réforme liturgique et le concile, et ne s’en cache guère – il suffit de lire l’entretien de l’abbé Claude Barthe dans Présent du 20 juillet dernier –, mais c’est principalement la Fraternité Saint-Pie X qui répond à de tels critères et celle-ci n’est pas concernée par les mesures du pape, puisqu’en marge de l’Église. Pourquoi, alors, punir aussi sévèrement toute une mouvance quand quelques-uns sont fautifs ?

    Pour Jean-Paul II et Benoît XVI, la forme extraordinaire du rite romain était, indépendamment des personnes qui l’utilisaient, un patrimoine liturgique qu’il convenait de sauvegarder, alors que François n’évoque à aucun moment ce trésor liturgique qui ne semble guère l’intéresser

    La stratégie affichée dans la lettre du pape aux évêques est de réduire à terme la messe dite de saint Pie V, de façon que ses adeptes s’approprient progressivement le missel de Paul VI. Si c’est bien le cas, cela veut dire que les autorités romaines se satisferaient d’une situation où cette messe traditionnelle ne serait plus célébrée que dans la Fraternité Saint-Pie X fondée par Mgr Lefebvre, ce qui serait une drôle de façon de prôner l’unité dans l’Église.

    C’est là où il y a une nette rupture de principe entre Jean-Paul II et Benoît XVI d’une part, et le pape François d’autre part. Pour les premiers, la forme extraordinaire du rite romain était, indépendamment des personnes qui l’utilisaient, une richesse en elle-même, un patrimoine liturgique qu’il convenait de sauvegarder, alors que François n’évoque à aucun moment ce trésor liturgique qui ne semble guère l’intéresser. C’est très significatif lorsqu’il donne les raisons du motu proprio de Jean-Paul II, Ecclesia Dei, en 1988, il ne cite que l’objectif de contenir l’acte schismatique de Mgr Lefebvre pour « recomposer l’unité de l’Église », mais omet de rappeler que son but était aussi la sauvegarde de l’ancien Ordo en lui-même (cf. motu proprio Ecclesia Dei n. 5-a).

    Lire aussi : « Traditionis custodes » : pourquoi le pape François veut-il l’extinction de la messe en latin ?

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  • Liturgie : le motu proprio du pape François scandalise aussi en Angleterre

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    le-pape-sourd-2.jpgL’opéra pour pyromane pontifical et pompiers épiscopaux composé par le pape François n’a pas la cote. Le livret « Traditionis Custodes » scandalise aussi en Angleterre : « La réaction commune des évêques a été ‘pourquoi a-t-il fait cela?’ et ils ne comprennent pas comment l’Ancien Rite peut faire du mal. Le motu proprio de François ‘est largement interprété comme une attaque contre l’héritage de Benoît XVI’. La Nuova Bussola Quotidiana s’est entretenue à ce propos avec Tim Stanley, chroniqueur du Daily Telegraph. Voici la traduction de cette interview par Nico Sponti publiée par le site web « Benoît et moi » sous le titre « François a peur du rite ancien et attaque Benoît » (JPSC)  :

    « Depuis 2007, il y a eu une croissance significative au Royaume-Uni de fidèles et de communautés célébrant avec le Missel de 1962, utilisant avec reconnaissance les facultés reconnues par Summorum Pontificum. La promulgation du motu proprio Traditionis Custodes a inévitablement provoqué des réactions dans l’opinion publique liée au catholicisme britannique. L’un des commentaires les plus populaires, repris et cité également en dehors de la Grande-Bretagne, a été écrit par Tim Stanley dans le prestigieux hebdomadaire The Spectator. Le journaliste anglais, grand chroniqueur du Daily Telegraph et collaborateur de CNN et de la BBC, a parlé de  » guerre impitoyable du Pape contre l’Ancien Rite » à propos du nouveau motu proprio. La Nuova Bussola l’a interviewé.

    Tim Stanley, qui a peur de l’ancien rite romain ? Summorum Pontificum est-il vraiment une menace pour l’héritage du Concile ?

    C’est François qui a peur de l’ancien rite romain, tout comme les libéraux purs et durs de l’Église, pour la plupart âgés de plus de soixante-dix ans, qui s’inquiètent de ce que Summorum Pontificum représente la ruine du Concile Vatican II. Mais ils ont tort : Summorum Pontificum a clairement indiqué que l’ancien et le nouveau rites font partie de la même tradition, et depuis 2007, la plupart des traditionalistes l’ont accepté. C’est le grand paradoxe de Traditionis Custodes : il a redéfini l’Ancien Rite comme une rébellion et l’a rendu à nouveau controversé, menaçant la division juste au moment où un semblant d’intégration avait été atteint.

    À la lumière de Traditionis Custodes et de la lettre aux évêques qui l’accompagne, est-il encore possible de soutenir que le pontificat de François est en continuité avec celui de Benoît XVI ?

    C’est ce que François a pris soin de suggérer : il a écrit que Benoît n’a jamais voulu que l’Ancien Rite soit une rébellion contre Vatican II, ce qu’il est devenu depuis, et que François serait donc – si vous voulez – en train de restaurer l’intégrité de Summorum Pontificum en rétablissant la discipline et l’unité. Mais, comme on dit en Angleterre, « pull the other one, it’s got bells on it » [Trouve quelque chose de plus convaincant, ndt] : personne ne croit que c’est vrai. Faire cela alors que Benoît XVI est encore en vie est largement interprété comme une attaque personnelle contre l’héritage de son pontificat.

    Pensez-vous que l’image de François comme « pape de la miséricorde » aura des conséquences dans l’opinion publique ?

    En dehors de l’Église, non : il s’agit d’une question interne et la plupart des non-catholiques, ainsi que de nombreux catholiques, ne la comprennent pas. À l’intérieur de l’Église, absolument oui. Il nous est maintenant impossible de vendre François au monde entier comme étant miséricordieux, car nous savons qu’il ne l’est pas. On a toujours dit qu’il avait un style dictatorial ; j’avais décidé de ne pas le croire. Maintenant je peux voir la vérité.

    Dans les premières réactions au motu proprio, la majorité des évêques a renouvelé la faculté pour ceux qui célèbrent selon le Missel de 1962 de continuer à le faire. Beaucoup semblent avoir été décontenancés par le contenu du document, même un cardinal aussi peu conservateur que Wilton Gregory. Ce motu proprio peut-il être rattaché au schéma habituel des conservateurs contre les progressistes ou y a-t-il quelque chose d’autre, à votre avis ?

    Je peux vous dire qu’en Angleterre, la réaction commune des évêques a été « pourquoi a-t-il fait cela ? ». C’est un sacré casse-tête. En 2007, beaucoup d’entre eux n’aimaient pas Summorum ; 14 ans plus tard, ils y sont totalement habitués et ne voient pas comment l’Ancien Rite peut faire du tort. Soudain, ils doivent sanctionner de bons prêtres, et ils savent que les séminaires sont pleins de jeunes hommes qui sont entrés en pensant qu’ils pourraient célébrer l’Ancien Rite et qui maintenant ne le peuvent peut-être pas. Les vocations sont en danger. Je me répète : Benoît a retiré l’aiguillon de l’Ancien Rite. François a encore injecté du poison dans le sang. Les évêques ont été pris au dépourvu : voilà pour la synodalité.

    Le cardinal Gerhard Ludwig Müller a écrit : « Les dispositions de Traditionis Custodes sont disciplinaires, et non dogmatiques, et peuvent être modifiées à nouveau par n’importe quel futur pape ». Pensez-vous que le nouveau pape aura le courage de faire marche arrière ?

    Oui. Je prédis que ce document sera corrigé très rapidement. Cela a créé un cauchemar bureaucratique et managérial. Le prochain pape sera probablement plus jeune, formé après les années 1960. Ce ne sera pas sa bataille. En outre, Traditiones Custodes contredit le principe tant vanté par François selon lequel l’Église doit être décentralisée : si c’est la direction que nous prenons, une correction s’impose, rapidement.

    Vous avez écrit : « La raison pour laquelle ce qu’a fait François est important est qu’un jour le type de libéralisme qu’il incarne viendra pour vous – pour la chose simple et douce que vous faisiez et qui ne dérangeait personne d’autre mais qui, par sa simple existence, était une menace existentielle pour le régime en place. Vous êtes le prochain ». Je vous le demande : qui est le « prochain » auquel vous faites référence ?

    J’imagine que la Fraternité sacerdotale de Saint-Pierre sera très inquiète. François essaie de supprimer l’Ancien Rite en l’espace d’une génération – je n’exagère pas – et donc toute organisation qui se consacre à sa perpétuation est en difficulté. Mais mon commentaire doit être compris dans un sens plus large. Nous approchons à grand pas d’une période de conflit entre le libéralisme et la foi, où les personnes religieuses seront persécutées pour avoir cru des choses qui étaient à l’ordre du jour il y a 30 ans – sur la sexualité, le genre, l’avortement, etc. La tragédie du libéralisme est qu’il a gagné du pouvoir en promouvant la diversité, mais qu’il cherche maintenant à dicter comment nous devons vivre, ce que nous devons croire, et même comment nous devons professer notre foi. »

  • L'autoritarisme libéral et la Messe latine traditionnelle

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    De George Weigel sur le Catholic World Report :

    L'autoritarisme libéral et la Messe latine traditionnelle

    La récente lettre apostolique Traditionis Custodes est théologiquement incohérente, elle divise sur le plan pastoral, elle est inutile, cruelle - et constitue un exemple désolant de l'intimidation libérale qui est devenue trop familière à Rome récemment.

    21 juillet 2021

    Permettez-moi de commencer par définir ma position dans la guerre des liturgies.

    Je suis un adepte du Novus Ordo.

    Je ne suis pas d'accord pour dire que le Missel romain promulgué par le Pape Pie V en 1570 a fossilisé le Rite romain dans l'ambre ecclésiastique, de telle sorte qu'il reste à jamais (comme l'a dit récemment un ami traditionaliste) "l'expression la plus authentique de la lex orandi [règle du culte] de l'Église romaine". Si tel était le cas, alors le Missel de Jean XXIII de 1962, qui est utilisé dans les célébrations du 21e siècle de ce que l'on appelle généralement la "Messe latine traditionnelle", n'est pas pleinement authentique, car il incorpore des changements dans la liturgie promulguée par les papes Pie XII et Jean XXIII.

    Je pense que la restauration de la Veillée pascale et le renouvellement du Triduum pascal par Pie XII ont été des développements impressionnants du Rite romain, tout comme je pense que le menu plus riche de lectures bibliques disponibles dans la Messe aujourd'hui est une autre réalisation importante du mouvement liturgique du milieu du 20e siècle.

    Je ne considère pas le latin comme la seule langue liturgique "sacrée" et je crois qu'il est tout à fait possible de mener un culte digne et respectueux en anglais.

    Je crois que la Constitution sur la Sainte Liturgie du Concile Vatican II a enseigné des vérités importantes, en particulier sur le caractère eschatologique du culte de l'Église en tant qu'anticipation de la vie dans le Royaume de Dieu, et je suis d'accord avec son enseignement selon lequel le culte de l'Église doit être conduit avec une "noble simplicité".

    Je pense que la suggestion de certains traditionalistes liturgiques selon laquelle la survie du catholicisme exige la restauration des anciennes prières au pied de l'autel, des anciennes prières d'Offertoire et de l'ancien Dernier Évangile est ridicule : c'est de la même façon que je considère les affirmations selon lesquelles la constitution liturgique du Concile et sa mise en œuvre immédiate étaient le résultat d'une cabale de francs-maçons, de communistes et de clercs homosexuels.

    Je préfère les chasubles gothiques aux chasubles à bretelles et je n'aime pas les surplis en dentelle.

    Ceci étant dit, je pense également que la récente lettre apostolique Traditionis Custodes [gardiens de la tradition], qui tente d'abroger la généreuse permission du pape Benoît XVI de faciliter l'utilisation de la messe traditionnelle en latin dans la lettre apostolique Summorum Pontificum de 2007, est théologiquement incohérente, qu'elle divise sur le plan pastoral, qu'elle est inutile, cruelle - et constitue un triste exemple de l'intimidation libérale qui est devenue trop familière à Rome récemment.

    Summorum Pontificum était un acte de sollicitude pastorale pour les catholiques qui trouvent plus efficace de célébrer le culte selon le Missel de 1962, dans ce que Benoît XVI a décrit comme la "forme extraordinaire" du rite romain. On espérait également que l'expérience plus large de l'Église dans cette forme extraordinaire conduirait à une resacralisation et à un ennoblissement du culte de l'Église selon la "forme ordinaire" de la liturgie, le missel post-Vatican II du Pape Paul VI tel que révisé par le Pape Jean-Paul II. D'après mon expérience, cet espoir s'est avéré justifié, car la saison des bêtises dans la liturgie touchait heureusement à sa fin.

    J'ai vécu cette justification pendant trois semaines à Cracovie cet été, alors que le séminaire que j'y ai dirigé - un rassemblement multinational de catholiques de six pays et cultures - célébrait le Novus Ordo avec révérence et prière, en utilisant le chant grégorien pour les parties ordinaires de la Messe et les chants latins traditionnels et les chants contemporains de Taizé (en latin et en anglais) pour les antiennes d'entrée, d'offertoire et de communion. La participation de notre congrégation au séminaire à la liturgie était, comme l'espérait Vatican II, " pleine, active et consciente " ; elle était également digne, respectueuse et en accord avec le sacré.

    Dans de nombreuses paroisses américaines où la forme extraordinaire a été proposée en plus de la forme ordinaire plus courante, l'unité de l'Église n'a pas été compromise. Que certains partisans de la forme extraordinaire se croient le seul vestige fidèle d'une Église en décomposition est certainement vrai, et leur présence en ligne est familière et déprimante. Mais c'est une calomnie empiriquement insoutenable que de suggérer, comme le fait Traditionis Custodes, que ce complexe de supériorité qui divise (associé à un rejet de Vatican II motivé par l'idéologie) est la nouvelle normalité pour ceux qui souhaitent célébrer des messes avec le Missel de 1962. Les jugements romains ne devraient pas être basés sur l'hystérie et les pitreries de la blogosphère catholique.

    Le catholicisme progressiste s'est typiquement caractérisé par une tendance à l'autoritarisme - une tendance à l'intimidation qui dénote certainement de l'impatience et peut suggérer un manque de confiance dans ses propositions et ses arguments. Dans le pontificat actuel, cela a conduit à une notion extrême de l'autorité papale qui pourrait faire rougir le pape Pie IX. Cette situation n'a pas été bien accueillie par l'Église mondiale, et ce fait aura un effet marqué sur la prochaine élection papale.

  • Communiqué officiel de la Fraternité Saint-Pierre suite à la publication du Motu proprio Traditionis Custodes

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    Communiqué officiel de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre suite à la publication du Motu proprio Traditionis Custodes

    Fribourg, le 20 juillet 2021

    La Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre, dont le but est la sanctification des prêtres par l’observance fidèle des traditions liturgiques antérieures à la réforme voulue par le Concile Vatican II (cf. Constitutions n. 8), a reçu le Motu proprio Traditionis Custodes du Pape François avec étonnement.

    Fondée et approuvée canoniquement selon les dispositions du Motu Proprio Ecclesia Dei Adflicta de saint Jean Paul II du 2 juillet 1988, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre a toujours professé son attachement à tout le Magistère de l’Église et sa fidélité au Pontife romain et aux successeurs des Apôtres, exerçant son ministère sous la responsabilité des évêques diocésains. Évoquant, dans ses Constitutions, les enseignements du deuxième Concile du Vatican, elle a toujours cherché à s’inscrire dans ce que le pape émérite Benoît XVI a appelé en 2005 : « l’herméneutique de la réforme dans la continuité de l’Église » (Discours à la Curie romaine, 22 décembre 2005).

    La Fraternité Saint-Pierre est donc aujourd’hui profondément attristée par les motifs invoqués afin de limiter l’usage du missel de saint Jean XXIII, qui est au centre de son charisme. La Fraternité ne se reconnaît nullement dans les critiques formulées. Il est surprenant que ne soient pas évoqués les nombreux fruits visibles dans les apostolats attachés au missel de saint Jean XXIII et la joie des fidèles de pouvoir bénéficier de cette forme liturgique. Bien des personnes ont découvert ou sont revenues à la foi grâce à cette liturgie. Comment ne pas remarquer par ailleurs que les communautés de fidèles qui y sont attachées sont souvent jeunes et florissantes, et que de nombreux foyers chrétiens, prêtres ou vocations religieuses en sont issus ?

    Dans le contexte actuel, nous tenons à réaffirmer d’une part notre fidélité indéfectible au successeur de Pierre, et d’autre part notre volonté de rester fidèles à nos Constitutions et à notre charisme, en continuant à servir les fidèles comme nous l’avons fait depuis notre fondation. Nous espérons pouvoir compter sur la compréhension des évêques dont nous avons toujours respecté l’autorité, et vis-à-vis desquels nous avons toujours agi avec loyauté.

    Confiant en l’intercession de Notre-Dame et de notre saint Patron, saint Pierre, nous voulons vivre cette épreuve dans la foi et la fidélité.

    [source : fssp.org]