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liturgie - Page 64

  • Le motu proprio vise à réduire l'influence des "tradis"

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    De Louis Daufresne sur La Sélection du Jour :

    Le pape François face à l'influence des "tradis"

    Grégory Solari est philosophe, spécialiste de John Henry Newman (1801-1890), prêtre anglican et théologien influent, converti au catholicisme et canonisé par le pape François en 2019. De Suisse il dirige les éditions Ad Solem axées sur « les différentes formes que prend la réponse liturgique (…) que l’homme donne à l’Appel de Dieu ». Son analyse rime toujours avec expertise.

    Solari décrypte la décision du pape François de restreindre la messe dite « en latin ». Le motu proprio du 16 juillet intitulé Traditionis custodes abroge en effet celui de 2007, Summorum Pontificum. Le pape allemand avait permis qu'une forme extraordinaire (préconciliaire) s’épanouît au côté d’une forme ordinaire, post-Vatican II (1962-65).

    Comment interpréter ce tour de vis ? Volonté d’exclure ou d’unir ? Slate parle d’une « tempête dans un bénitier », quand Le Figaro insiste sur le « trouble » semé par l’oukase du Vatican. Fort d'un regard clinique, Grégory Solari pointe deux causes, l’une managériale, l’autre RH :

    1. La première concerne le décret d’application. Ce qui explique la fermeté du pape François, ce n’est pas le motu proprio de 2007 mais le décret de 2011 qui effaça « la volonté de ne pas isoler le rite tridentin du concile Vatican II ». Le motu proprio de Benoît XVI ne parlait pas du missel. Le décret de 2011 fit le choix exclusif de la dernière édition publiée avant le concile. On verrouilla ainsi « toute possibilité de fécondité mutuelle des deux liturgies, d’où cet effet de distanciation croissante » que François veut résorber. Qui rédigea ce décret ? Pourquoi Benoît XVI accepta-t-il de se contredire ? Fut-il victime d’un abus de confiance ? Solari n'a pas de réponse : « C’est un grand mystère », concède-t-il. Pourquoi François s’attaque-t-il au texte de 2007 et pas au décret d’application ? Mystère également. Ce qui est sûr, c’est que Benoît XVI voulait faire revenir les « tradis » dans une intention unitaire. Selon le pape actuel, cette mouvance ne voulait pas jouer collectif. Les « tradis » fonctionnent en îlots et en silos : messe, scouts, écoles, monastère : tout y passe du sol au plafond. En clair, Rome veut lutter contre le séparatisme.

    2. La seconde tient à la formation des prêtres. De la dérogation accordée sous Jean-Paul II au geste de 2007, la messe « en latin » pouvait être célébrée par des clercs « multicartes » ayant connu la réforme liturgique. Mais ceux-ci se virent peu à peu remplacés par des prêtres « exclusivement formés dans l’ancien rite », car « issus des fraternités qui se sont constituées après le schisme lefebvriste ». D’où « l’autonomisation croissante », dit SolariIci les évêques prennent cher : ils confièrent la messe « en latin » à des communautés « tradis » et ce « de manière quasi exclusive », alors qu’ils auraient dû « veiller à former des prêtres diocésains capables de célébrer l'ancienne messe », afin d'assurer l'unité et de garder la main. Le motu proprio du pape François les renvoie à cette responsabilité. En clair, Rome veut lutter contre l'entrisme.

    Cette histoire, loin du juridisme ecclésial, a tout l'air d'une guerre de tranchées. La messe est à la fois le marqueur, le miroir et l’otage d’un rapport de forces entre deux réalités culturelles et politiques. Solari parle de la « concurrence sinon de deux Églises, du moins de deux représentations de l’Église ». Et là, on a l’impression de vivre une course contre la montre assez malsaine. Après le concile, le clergé pensait que le temps viendrait à bout de la résistance traditionaliste. Aujourd’hui, c’est l’inverse : les « tradis » et leurs familles (entre 5 et 10 enfants voire plus) pensent que le temps joue pour eux : à Saint-Roch (Paris Ier), 600 personnes vont chaque dimanche à la messe « d’avant », dix fois plus que sa « concurrente » conciliaire. Même peu nombreux, les « tradis » pèsent lourd dans une Église aux cheveux gris et dont la peur du Covid dégarnit les travées.

    Ce motu proprio vise à réduire leur influence. Solari dit carrément que « les fraternités sacerdotales traditionalistes (…) disparaîtront, car le chemin qu’elles ont choisi est une impasse ecclésiologique. Il ajoute qu’« il y aura probablement de nouvelles scissions et fondations, mais sans pérennité assurée, on voit mal ce qui pourrait motiver encore longtemps des vocations ».

    Le phénomène traditionaliste est-il maîtrisable voire soluble ? La messe « en latin » est un point dur. Elle polarise, quitte à cliver, ce qu’aiment media et réseaux sociaux. Elle attire des jeunes pour qui Vatican II, comme Mai 68, est un vieux combat et un combat de vieux. Il y a des « tradis » intelligents et missionnaires (comme les chanoines de Lagrasse, aimés d'Arnaud Beltrame, qui rendent service au diocèse et sont appréciés jusqu’au préfet).

    Les catholiques vivent la déprise de leur culture en Occident, l’alternative islam/LGBT et les folies bioéthiques. Certains donnent le sentiment d'être en ordre de bataille. Mais quelle guerre veulent-ils livrer et les évêques voudront-ils ou pourront-ils s’y opposer ?

    À la punition collective, ils préféreront sans doute la prudence et le cas par cas.

    Louis Daufresne

    Pour aller plus loin : Grégory Solari: «Le rite tridentin est devenu une impasse»

    >>> Lire sur Cath.ch

  • Le pape est-il le maître absolu de la liturgie ? Selon le cardinal Burke, « Traditionis custodes » dépasse les bornes légitimes d’un « motu proprio » pontifical

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    Cardinal-Burke.jpgLu sur le site web « Salon Beige »:

    "En ce 23 juillet 2021,  fête de sainte Marie-Madeleine, le cardinal Burke a diffusé le texte suivant (traduction via le FC) :

    ”De nombreux fidèles – laïcs, ordonnés et consacrés – m’ont exprimé la profonde détresse que leur a apporté le Motu Proprio «Traditionis Custodes». Ceux qui sont attachés à l’Usus Antiquior (usage plus ancien), ce que le Pape Benoît XVI a appelé la Forme Extraordinaire du Rite Romain, sont profondément découragés par la sévérité de la discipline imposée par le Motu Proprio et offensés par le langage qu’il emploie pour les décrire, leurs attitudes et leur conduite. En tant que membre des fidèles, qui a également un lien intense avec l’Usus Antiquior, je partage pleinement leurs sentiments de profonde tristesse.

    En tant qu’Évêque de l’Église et Cardinal, en communion avec le Pontife romain et avec une responsabilité particulière pour l’assister dans sa pastorale et la gouvernance de l’Église universelle, je fais les observations suivantes:

    1. À titre préliminaire, il faut se demander pourquoi le texte latin ou officiel du Motu Proprio n’a pas encore été publié. Autant que je sache, le Saint-Siège a promulgué le texte en versions italienne et anglaise, et, par la suite, en traductions allemande et espagnole. Puisque la version anglaise est appelée une traduction, il faut supposer que le texte original est en italien. Si tel est le cas, il existe des traductions de textes significatifs dans la version anglaise qui ne sont pas cohérentes avec la version italienne. Dans l’article 1, l’adjectif italien important, “unica“, est traduit en anglais par “unique“, au lieu de “seulement“. À l’article 4, le verbe italien important, ”devono”, est traduit en anglais par ”devrait”, au lieu de ”doit”.

    2. Tout d’abord, il importe d’établir, dans cette observation et les suivantes (nos 3 et 4), l’essentiel de ce que contient le Motu Proprio. Il ressort de la sévérité du document que le pape François a publié le Motu Proprio pour s’attaquer à ce qu’il perçoit comme un mal grave menaçant l’unité de l’Église, à savoir l’Usus Antiquior. Selon le Saint-Père, ceux qui pratiquent selon cet usage font un choix qui rejette ”l’Église et ses institutions au nom de ce qu’on appelle la «vraie Église», un choix qui «contredit la communion et nourrit la tendance à la division… contre laquelle l’apôtre Paul a si vigoureusement réagi.”

    3. Clairement, le Pape François considère le mal si grand qu’il a pris des mesures immédiates, n’en informant pas les évêques à l’avance et ne prévoyant même pas l’habituelle vacatio legis, une période de temps entre la promulgation d’une loi et son entrée en vigueur. La vacatio legis donne aux fidèles, et surtout aux évêques, le temps d’étudier la nouvelle législation concernant le culte de Dieu, l’aspect le plus important de leur vie dans l’Église, en vue de sa mise en œuvre. La législation, en effet, contient de nombreux éléments qui nécessitent une étude quant à son application.

    4. De plus, la législation impose des restrictions à l’Usus Antiquior, qui signalent son élimination définitive, par exemple, l’interdiction d’utiliser une église paroissiale pour le culte selon l’Usus Antiquior et l’établissement de certains jours pour un tel culte. Dans sa lettre aux évêques du monde, le pape François indique deux principes qui doivent guider les évêques dans la mise en œuvre du Motu Proprio. Le premier principe est de «pourvoir au bien de ceux qui sont enracinés dans la forme de célébration précédente et qui ont besoin de revenir en temps voulu au rite romain promulgué par les saints Paul VI et Jean-Paul II». Le deuxième principe est «d’interrompre l’érection de nouvelles paroisses personnelles davantage liées au désir et aux souhaits des prêtres individuels qu’aux besoins réels du ‘saint Peuple de Dieu’».

    5. Apparemment, la législation vise à corriger une aberration principalement attribuable au «désir et aux souhaits» de certains prêtres. À cet égard, je dois observer, surtout à la lumière de mon service d’Évêque diocésain, que ce ne sont pas les prêtres qui, en raison de leurs désirs, ont exhorté les fidèles à demander la Forme extraordinaire. En fait, je serai toujours profondément reconnaissant aux nombreux prêtres qui, malgré leurs engagements déjà lourds, ont généreusement servi les fidèles qui ont légitimement demandé l’Usus Antiquior. Les deux principes ne peuvent que communiquer aux fidèles dévots, qui ont une profonde appréciation et attachement à la rencontre avec le Christ à travers la Forme Extraordinaire du Rite Romain, qu’ils souffrent d’une aberration qui peut être tolérée pendant un certain temps mais doit finalement être éradiquée.

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  • Le pontificat du pape François marque la fin définitive des formes cultuelles catholiques héritées de l'empire romain

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    De Vincent Petit (*) sur le site "Front Populaire" :

    La liturgie selon le pape François : la fin de l’Empire romain ?

    OPINION. La récente décision du pape de restreindre la possibilité de célébrer la messe selon les missels antérieurs à Vatican II, en opposition avec la volonté de son prédécesseur, marque le déclin des formes cultuelles catholiques et un tournant civilisationnel.
    La liturgie selon le pape François : la fin de l’Empire romain ?

    22 juillet 2021

    Le pape François a promulgué le 16 juillet 2021 lemotu proprio (le mot désigne une décision prise directement par le pape) Traditionis Custodes (« gardiens de la tradition »), qui abroge celui qu’avait édité Benoît XVI le 7 juillet 2007 intitulé Summorum Pontificum cura(« la sollicitude des Souverains Pontifes »). La symétrie inverse des textes et des méthodes est frappante, puisque les deux textes qui concernent le même objet sont accompagnés d’une lettre aux évêques expliquant la démarche du pape.

    La décision de Benoît XVI consistait à favoriser l’usage du rite traditionnel dit de saint Pie V — ses partisans emploient aussi volontiers la référence à saint Jean XXIII, puisqu’ils utilisent les livres liturgiques révisés pour la dernière fois en 1962, et pour montrer qu’ils ne sont pas nécessairement hostiles aux décisions du concile Vatican II —, aux livres liturgiques édités sous le pontificat de Paul VI, après le concile. Les deux façons de célébrer la messe procédaient donc d’un même rite romain sous deux formes légitimes, la forme ordinaire (celle de Paul VI) et la forme extraordinaire (celle de Jean XXIII). Une forme extraordinaire remarquable par l’emploi du latin et du grec dans l’ordo missae (la partie invariable de la messe), l’orientation du célébrant dos aux fidèles (puisque tous sont tournés vers l’est) et la communion à la bouche et non à la main.

    Le processus de réhabilitation de la forme traditionnelle, entamé par Jean Paul II s’accompagnait d’une critique généralement féroce des pratiques liturgiques post-conciliaires. Au-delà d’un objectif circonstanciel, celui de vider le schisme lefebvriste de sa substance et de ses forces vives, le principal résultat recherché par Jean-Paul II et surtout Benoît XVI visait à ramener la forme ordinaire à davantage de sacralité en la confrontant à tradition liturgique de l’Église romaine. Summorum pontificum avançait surtout la garantie pour les fidèles « attachés à la tradition liturgique antérieure » de faire droit à leurs revendications face aux curés et même aux évêques qui étaient tenus de leur proposer des solutions : soit en permettant aux prêtres de célébrer sous les deux formes, soit en faisant appel à des communautés de prêtres ou de religieux spécialisées qui relèvent de la commission pontificale Ecclesia Dei, comme la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre, l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre, l’Institut du Bon-Pasteur…

    L’Église du pape François : entité unitaire et mondialisée

    Quant à elle, la décision du pape François, motivée avant tout par un souci d’unité et de communion de l’Église, annule donc ces dispositions et définit les livres liturgiques édités par Paul VI et révisés par Jean-Paul II « comme la seule expression de la lex orandi du rite romain ». Il le fait logiquement en liant la réforme de la liturgie aux décisions conciliaires — en citant les constitutions Sacrosanctum Concilium (sur la liturgie) et Lumen gentium (sur l’Église) — alors que Benoît XVI s’était attaché à distinguer une temporalité liturgique autonome. L’obligation de la langue vernaculaire (mais s’agit-il pour autant de la langue nationale ?) dans la proclamation des lectures est soulignée, alors même que c’est surtout l’ordo missae, en particulier le canon, en latin et à voix basse, qui importe surtout aux traditionalistes.

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  • Le pape contre les tradis : entretien avec le directeur de La Nef

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    De sur le site de l'Incorrect :

    LE PAPE FRANÇOIS CONTRE LES TRADIS : ENTRETIEN AVEC CHRISTOPHE GEFFROY

    Par le motu proprio « Traditionis Custodes », le pape François a décidé de restreindre drastiquement la célébration des messes en forme extraordinaire. Pour Christophe Geffroy, directeur du mensuel catholique La Nef, cette décision opère une nette rupture avec les politiques bienveillantes de Jean-Paul II et Benoît XVI en la matière, et remet en question la pérennité de ce patrimoine liturgique. Entretien.

    © DR

    Avec son motu proprio Traditionis Custodes, le pape François a surpris et ému une bonne partie des catholiques. Ce texte était-il prévisible, ou au contraire tout à fait inattendu ?

    Le texte était attendu depuis un moment. Ce qui a surpris tout le monde, même ceux indifférents à la question liturgique, est la sévérité et la dureté du motu proprio pontifical qui fait de ce que l’on appelait jusqu’à maintenant la forme extraordinaire du rite romain une liturgie très encadrée appelée à disparaître.

    Quels sont l’objectif et la stratégie du texte ?

    L’objectif du texte est expliqué par François dans la lettre aux évêques qui accompagne le motu proprio. Par les réponses qu’il a reçues de l’enquête lancée par la Congrégation pour la Doctrine de la foi sur l’application du motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI (2007), François a estimé que les « tradis » avaient abusé de la générosité de Jean-Paul II et Benoît XVI en profitant de leur libéralité pour s’opposer à la réforme liturgique (1969) et au concile Vatican II (1962-1969). Cela est surprenant car personne ne reconnaît dans la situation française une telle description du monde traditionnel attaché à la forme extraordinaire et demeuré fidèle à Rome. Certes, il existe en effet une petite minorité qui remet en cause et la réforme liturgique et le concile, et ne s’en cache guère – il suffit de lire l’entretien de l’abbé Claude Barthe dans Présent du 20 juillet dernier –, mais c’est principalement la Fraternité Saint-Pie X qui répond à de tels critères et celle-ci n’est pas concernée par les mesures du pape, puisqu’en marge de l’Église. Pourquoi, alors, punir aussi sévèrement toute une mouvance quand quelques-uns sont fautifs ?

    Pour Jean-Paul II et Benoît XVI, la forme extraordinaire du rite romain était, indépendamment des personnes qui l’utilisaient, un patrimoine liturgique qu’il convenait de sauvegarder, alors que François n’évoque à aucun moment ce trésor liturgique qui ne semble guère l’intéresser

    La stratégie affichée dans la lettre du pape aux évêques est de réduire à terme la messe dite de saint Pie V, de façon que ses adeptes s’approprient progressivement le missel de Paul VI. Si c’est bien le cas, cela veut dire que les autorités romaines se satisferaient d’une situation où cette messe traditionnelle ne serait plus célébrée que dans la Fraternité Saint-Pie X fondée par Mgr Lefebvre, ce qui serait une drôle de façon de prôner l’unité dans l’Église.

    C’est là où il y a une nette rupture de principe entre Jean-Paul II et Benoît XVI d’une part, et le pape François d’autre part. Pour les premiers, la forme extraordinaire du rite romain était, indépendamment des personnes qui l’utilisaient, une richesse en elle-même, un patrimoine liturgique qu’il convenait de sauvegarder, alors que François n’évoque à aucun moment ce trésor liturgique qui ne semble guère l’intéresser. C’est très significatif lorsqu’il donne les raisons du motu proprio de Jean-Paul II, Ecclesia Dei, en 1988, il ne cite que l’objectif de contenir l’acte schismatique de Mgr Lefebvre pour « recomposer l’unité de l’Église », mais omet de rappeler que son but était aussi la sauvegarde de l’ancien Ordo en lui-même (cf. motu proprio Ecclesia Dei n. 5-a).

    Lire aussi : « Traditionis custodes » : pourquoi le pape François veut-il l’extinction de la messe en latin ?

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  • Liturgie : le motu proprio du pape François scandalise aussi en Angleterre

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    le-pape-sourd-2.jpgL’opéra pour pyromane pontifical et pompiers épiscopaux composé par le pape François n’a pas la cote. Le livret « Traditionis Custodes » scandalise aussi en Angleterre : « La réaction commune des évêques a été ‘pourquoi a-t-il fait cela?’ et ils ne comprennent pas comment l’Ancien Rite peut faire du mal. Le motu proprio de François ‘est largement interprété comme une attaque contre l’héritage de Benoît XVI’. La Nuova Bussola Quotidiana s’est entretenue à ce propos avec Tim Stanley, chroniqueur du Daily Telegraph. Voici la traduction de cette interview par Nico Sponti publiée par le site web « Benoît et moi » sous le titre « François a peur du rite ancien et attaque Benoît » (JPSC)  :

    « Depuis 2007, il y a eu une croissance significative au Royaume-Uni de fidèles et de communautés célébrant avec le Missel de 1962, utilisant avec reconnaissance les facultés reconnues par Summorum Pontificum. La promulgation du motu proprio Traditionis Custodes a inévitablement provoqué des réactions dans l’opinion publique liée au catholicisme britannique. L’un des commentaires les plus populaires, repris et cité également en dehors de la Grande-Bretagne, a été écrit par Tim Stanley dans le prestigieux hebdomadaire The Spectator. Le journaliste anglais, grand chroniqueur du Daily Telegraph et collaborateur de CNN et de la BBC, a parlé de  » guerre impitoyable du Pape contre l’Ancien Rite » à propos du nouveau motu proprio. La Nuova Bussola l’a interviewé.

    Tim Stanley, qui a peur de l’ancien rite romain ? Summorum Pontificum est-il vraiment une menace pour l’héritage du Concile ?

    C’est François qui a peur de l’ancien rite romain, tout comme les libéraux purs et durs de l’Église, pour la plupart âgés de plus de soixante-dix ans, qui s’inquiètent de ce que Summorum Pontificum représente la ruine du Concile Vatican II. Mais ils ont tort : Summorum Pontificum a clairement indiqué que l’ancien et le nouveau rites font partie de la même tradition, et depuis 2007, la plupart des traditionalistes l’ont accepté. C’est le grand paradoxe de Traditionis Custodes : il a redéfini l’Ancien Rite comme une rébellion et l’a rendu à nouveau controversé, menaçant la division juste au moment où un semblant d’intégration avait été atteint.

    À la lumière de Traditionis Custodes et de la lettre aux évêques qui l’accompagne, est-il encore possible de soutenir que le pontificat de François est en continuité avec celui de Benoît XVI ?

    C’est ce que François a pris soin de suggérer : il a écrit que Benoît n’a jamais voulu que l’Ancien Rite soit une rébellion contre Vatican II, ce qu’il est devenu depuis, et que François serait donc – si vous voulez – en train de restaurer l’intégrité de Summorum Pontificum en rétablissant la discipline et l’unité. Mais, comme on dit en Angleterre, « pull the other one, it’s got bells on it » [Trouve quelque chose de plus convaincant, ndt] : personne ne croit que c’est vrai. Faire cela alors que Benoît XVI est encore en vie est largement interprété comme une attaque personnelle contre l’héritage de son pontificat.

    Pensez-vous que l’image de François comme « pape de la miséricorde » aura des conséquences dans l’opinion publique ?

    En dehors de l’Église, non : il s’agit d’une question interne et la plupart des non-catholiques, ainsi que de nombreux catholiques, ne la comprennent pas. À l’intérieur de l’Église, absolument oui. Il nous est maintenant impossible de vendre François au monde entier comme étant miséricordieux, car nous savons qu’il ne l’est pas. On a toujours dit qu’il avait un style dictatorial ; j’avais décidé de ne pas le croire. Maintenant je peux voir la vérité.

    Dans les premières réactions au motu proprio, la majorité des évêques a renouvelé la faculté pour ceux qui célèbrent selon le Missel de 1962 de continuer à le faire. Beaucoup semblent avoir été décontenancés par le contenu du document, même un cardinal aussi peu conservateur que Wilton Gregory. Ce motu proprio peut-il être rattaché au schéma habituel des conservateurs contre les progressistes ou y a-t-il quelque chose d’autre, à votre avis ?

    Je peux vous dire qu’en Angleterre, la réaction commune des évêques a été « pourquoi a-t-il fait cela ? ». C’est un sacré casse-tête. En 2007, beaucoup d’entre eux n’aimaient pas Summorum ; 14 ans plus tard, ils y sont totalement habitués et ne voient pas comment l’Ancien Rite peut faire du tort. Soudain, ils doivent sanctionner de bons prêtres, et ils savent que les séminaires sont pleins de jeunes hommes qui sont entrés en pensant qu’ils pourraient célébrer l’Ancien Rite et qui maintenant ne le peuvent peut-être pas. Les vocations sont en danger. Je me répète : Benoît a retiré l’aiguillon de l’Ancien Rite. François a encore injecté du poison dans le sang. Les évêques ont été pris au dépourvu : voilà pour la synodalité.

    Le cardinal Gerhard Ludwig Müller a écrit : « Les dispositions de Traditionis Custodes sont disciplinaires, et non dogmatiques, et peuvent être modifiées à nouveau par n’importe quel futur pape ». Pensez-vous que le nouveau pape aura le courage de faire marche arrière ?

    Oui. Je prédis que ce document sera corrigé très rapidement. Cela a créé un cauchemar bureaucratique et managérial. Le prochain pape sera probablement plus jeune, formé après les années 1960. Ce ne sera pas sa bataille. En outre, Traditiones Custodes contredit le principe tant vanté par François selon lequel l’Église doit être décentralisée : si c’est la direction que nous prenons, une correction s’impose, rapidement.

    Vous avez écrit : « La raison pour laquelle ce qu’a fait François est important est qu’un jour le type de libéralisme qu’il incarne viendra pour vous – pour la chose simple et douce que vous faisiez et qui ne dérangeait personne d’autre mais qui, par sa simple existence, était une menace existentielle pour le régime en place. Vous êtes le prochain ». Je vous le demande : qui est le « prochain » auquel vous faites référence ?

    J’imagine que la Fraternité sacerdotale de Saint-Pierre sera très inquiète. François essaie de supprimer l’Ancien Rite en l’espace d’une génération – je n’exagère pas – et donc toute organisation qui se consacre à sa perpétuation est en difficulté. Mais mon commentaire doit être compris dans un sens plus large. Nous approchons à grand pas d’une période de conflit entre le libéralisme et la foi, où les personnes religieuses seront persécutées pour avoir cru des choses qui étaient à l’ordre du jour il y a 30 ans – sur la sexualité, le genre, l’avortement, etc. La tragédie du libéralisme est qu’il a gagné du pouvoir en promouvant la diversité, mais qu’il cherche maintenant à dicter comment nous devons vivre, ce que nous devons croire, et même comment nous devons professer notre foi. »

  • L'autoritarisme libéral et la Messe latine traditionnelle

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    De George Weigel sur le Catholic World Report :

    L'autoritarisme libéral et la Messe latine traditionnelle

    La récente lettre apostolique Traditionis Custodes est théologiquement incohérente, elle divise sur le plan pastoral, elle est inutile, cruelle - et constitue un exemple désolant de l'intimidation libérale qui est devenue trop familière à Rome récemment.

    21 juillet 2021

    Permettez-moi de commencer par définir ma position dans la guerre des liturgies.

    Je suis un adepte du Novus Ordo.

    Je ne suis pas d'accord pour dire que le Missel romain promulgué par le Pape Pie V en 1570 a fossilisé le Rite romain dans l'ambre ecclésiastique, de telle sorte qu'il reste à jamais (comme l'a dit récemment un ami traditionaliste) "l'expression la plus authentique de la lex orandi [règle du culte] de l'Église romaine". Si tel était le cas, alors le Missel de Jean XXIII de 1962, qui est utilisé dans les célébrations du 21e siècle de ce que l'on appelle généralement la "Messe latine traditionnelle", n'est pas pleinement authentique, car il incorpore des changements dans la liturgie promulguée par les papes Pie XII et Jean XXIII.

    Je pense que la restauration de la Veillée pascale et le renouvellement du Triduum pascal par Pie XII ont été des développements impressionnants du Rite romain, tout comme je pense que le menu plus riche de lectures bibliques disponibles dans la Messe aujourd'hui est une autre réalisation importante du mouvement liturgique du milieu du 20e siècle.

    Je ne considère pas le latin comme la seule langue liturgique "sacrée" et je crois qu'il est tout à fait possible de mener un culte digne et respectueux en anglais.

    Je crois que la Constitution sur la Sainte Liturgie du Concile Vatican II a enseigné des vérités importantes, en particulier sur le caractère eschatologique du culte de l'Église en tant qu'anticipation de la vie dans le Royaume de Dieu, et je suis d'accord avec son enseignement selon lequel le culte de l'Église doit être conduit avec une "noble simplicité".

    Je pense que la suggestion de certains traditionalistes liturgiques selon laquelle la survie du catholicisme exige la restauration des anciennes prières au pied de l'autel, des anciennes prières d'Offertoire et de l'ancien Dernier Évangile est ridicule : c'est de la même façon que je considère les affirmations selon lesquelles la constitution liturgique du Concile et sa mise en œuvre immédiate étaient le résultat d'une cabale de francs-maçons, de communistes et de clercs homosexuels.

    Je préfère les chasubles gothiques aux chasubles à bretelles et je n'aime pas les surplis en dentelle.

    Ceci étant dit, je pense également que la récente lettre apostolique Traditionis Custodes [gardiens de la tradition], qui tente d'abroger la généreuse permission du pape Benoît XVI de faciliter l'utilisation de la messe traditionnelle en latin dans la lettre apostolique Summorum Pontificum de 2007, est théologiquement incohérente, qu'elle divise sur le plan pastoral, qu'elle est inutile, cruelle - et constitue un triste exemple de l'intimidation libérale qui est devenue trop familière à Rome récemment.

    Summorum Pontificum était un acte de sollicitude pastorale pour les catholiques qui trouvent plus efficace de célébrer le culte selon le Missel de 1962, dans ce que Benoît XVI a décrit comme la "forme extraordinaire" du rite romain. On espérait également que l'expérience plus large de l'Église dans cette forme extraordinaire conduirait à une resacralisation et à un ennoblissement du culte de l'Église selon la "forme ordinaire" de la liturgie, le missel post-Vatican II du Pape Paul VI tel que révisé par le Pape Jean-Paul II. D'après mon expérience, cet espoir s'est avéré justifié, car la saison des bêtises dans la liturgie touchait heureusement à sa fin.

    J'ai vécu cette justification pendant trois semaines à Cracovie cet été, alors que le séminaire que j'y ai dirigé - un rassemblement multinational de catholiques de six pays et cultures - célébrait le Novus Ordo avec révérence et prière, en utilisant le chant grégorien pour les parties ordinaires de la Messe et les chants latins traditionnels et les chants contemporains de Taizé (en latin et en anglais) pour les antiennes d'entrée, d'offertoire et de communion. La participation de notre congrégation au séminaire à la liturgie était, comme l'espérait Vatican II, " pleine, active et consciente " ; elle était également digne, respectueuse et en accord avec le sacré.

    Dans de nombreuses paroisses américaines où la forme extraordinaire a été proposée en plus de la forme ordinaire plus courante, l'unité de l'Église n'a pas été compromise. Que certains partisans de la forme extraordinaire se croient le seul vestige fidèle d'une Église en décomposition est certainement vrai, et leur présence en ligne est familière et déprimante. Mais c'est une calomnie empiriquement insoutenable que de suggérer, comme le fait Traditionis Custodes, que ce complexe de supériorité qui divise (associé à un rejet de Vatican II motivé par l'idéologie) est la nouvelle normalité pour ceux qui souhaitent célébrer des messes avec le Missel de 1962. Les jugements romains ne devraient pas être basés sur l'hystérie et les pitreries de la blogosphère catholique.

    Le catholicisme progressiste s'est typiquement caractérisé par une tendance à l'autoritarisme - une tendance à l'intimidation qui dénote certainement de l'impatience et peut suggérer un manque de confiance dans ses propositions et ses arguments. Dans le pontificat actuel, cela a conduit à une notion extrême de l'autorité papale qui pourrait faire rougir le pape Pie IX. Cette situation n'a pas été bien accueillie par l'Église mondiale, et ce fait aura un effet marqué sur la prochaine élection papale.

  • Communiqué officiel de la Fraternité Saint-Pierre suite à la publication du Motu proprio Traditionis Custodes

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    Communiqué officiel de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre suite à la publication du Motu proprio Traditionis Custodes

    Fribourg, le 20 juillet 2021

    La Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre, dont le but est la sanctification des prêtres par l’observance fidèle des traditions liturgiques antérieures à la réforme voulue par le Concile Vatican II (cf. Constitutions n. 8), a reçu le Motu proprio Traditionis Custodes du Pape François avec étonnement.

    Fondée et approuvée canoniquement selon les dispositions du Motu Proprio Ecclesia Dei Adflicta de saint Jean Paul II du 2 juillet 1988, la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre a toujours professé son attachement à tout le Magistère de l’Église et sa fidélité au Pontife romain et aux successeurs des Apôtres, exerçant son ministère sous la responsabilité des évêques diocésains. Évoquant, dans ses Constitutions, les enseignements du deuxième Concile du Vatican, elle a toujours cherché à s’inscrire dans ce que le pape émérite Benoît XVI a appelé en 2005 : « l’herméneutique de la réforme dans la continuité de l’Église » (Discours à la Curie romaine, 22 décembre 2005).

    La Fraternité Saint-Pierre est donc aujourd’hui profondément attristée par les motifs invoqués afin de limiter l’usage du missel de saint Jean XXIII, qui est au centre de son charisme. La Fraternité ne se reconnaît nullement dans les critiques formulées. Il est surprenant que ne soient pas évoqués les nombreux fruits visibles dans les apostolats attachés au missel de saint Jean XXIII et la joie des fidèles de pouvoir bénéficier de cette forme liturgique. Bien des personnes ont découvert ou sont revenues à la foi grâce à cette liturgie. Comment ne pas remarquer par ailleurs que les communautés de fidèles qui y sont attachées sont souvent jeunes et florissantes, et que de nombreux foyers chrétiens, prêtres ou vocations religieuses en sont issus ?

    Dans le contexte actuel, nous tenons à réaffirmer d’une part notre fidélité indéfectible au successeur de Pierre, et d’autre part notre volonté de rester fidèles à nos Constitutions et à notre charisme, en continuant à servir les fidèles comme nous l’avons fait depuis notre fondation. Nous espérons pouvoir compter sur la compréhension des évêques dont nous avons toujours respecté l’autorité, et vis-à-vis desquels nous avons toujours agi avec loyauté.

    Confiant en l’intercession de Notre-Dame et de notre saint Patron, saint Pierre, nous voulons vivre cette épreuve dans la foi et la fidélité.

    [source : fssp.org]

  • "Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous"

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    De "Chemin d'Amour vers le Père" :

    A propos de Traditionis custodes

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    « Ce qui était sacré pour les générations précédentes reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l’improviste se retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste. Il est bon pour nous tous, de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de l’Église, et de leur donner leur juste place. »

    Benoît XVI, Lettre aux évêques accompagnant le Motu proprio Summorum Pontificum, 7 juillet 2007.

    A lire à ce sujet, l'excellente analyse de Christophe Geffroy, directeur de La Nef, sur le site internet de ce magazine : Réflexions sur le motu proprio Tradionis Custodes du pape François

  • «Traditionis custodes » : Pourquoi le pape François veut-il l’extinction de la messe en latin ?

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    Lu sur le site web de « L’Incorrect »:

    Dickès x1080.jpg« Publié ce vendredi 16 juillet, le motu proprio « Traditionis custodes » du pape François restreint la célébration des messes en forme extraordinaire. Historien du catholicisme, spécialiste du Saint-Siège et auteur de Vatican, vérités et légendes (Perrin), Christophe Dickès considère ce texte comme injustifié, et y voit la main d'une minorité proche de François et très active depuis le début du pontificat. Tribune :

    « Amertume, incompréhension, désarroi voire colère… Depuis la sortie du motu proprio Traditionis custodes sur l’abrogation progressive de la forme extraordinaire du rite romain, les réactions se multiplient et vont dans le même sens. Elles révèlent le côté surprenant pour ne pas dire inopportun d’un texte, dont on se demande s’il reflète vraiment la réalité du terrain.

    Comment ne pas même voir de l’idéologie dans les exigences démesurées à l’égard du monde traditionnaliste quand, de l’autre côté du Rhin, les évêques allemands sont littéralement en roue libre sur de nombreux aspects du dogme et défient ouvertement Rome depuis plusieurs années ? Comment ceux qui travaillent en grande majorité à l’unité depuis quinze ans, portent des vocations sacerdotales, font vivre leur foi à des familles entières, comment donc, ces catholiques peuvent être au centre d’une telle défiance au point de ne pas susciter un seul mot pastoral de la part du pape lui-même, ni dans le motu proprio, ni dans la lettre aux évêques accompagnant le texte ? Pourquoi l’œuvre pacificatrice du motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI visant à libéraliser l’ancien rite est-elle effacée d’un trait de plume ? Comment, selon les propres termes de Benoît XVI, « ce qui était sacré pour les générations précédentes [et qui] reste grand et sacré pour nous » pourra se retrouver à terme interdit ? Pourquoi finalement programmer l’extinction de la forme extraordinaire du rite romain ?

    Lire aussi : Reportage : Catholiques en Tunisie, une minorité qui attend son Pape

    Avant de publier le motu proprio Traditionis custodes, la Congrégation pour la doctrine de la Foi a réalisé une enquête auprès des évêques du monde entier afin de les sonder sur le sujet. La chose est habituelle, surtout dans la perspective de la synodalité qui vise à faire participer le pouvoir épiscopal aux grandes décisions du pontificat. Or, dans la lettre du pape aux évêques qui accompagne le motu proprio, on peut notamment lire : « Les réponses parvenues ont révélé une situation douloureuse qui m’inquiète, me confirmant la nécessité d’intervenir. »  Mais est-ce vraiment le cas ? Dit autrement : est-ce qu’aujourd’hui une majorité d’évêques se plaignent du comportement de ceux qui sont attachés à l’ancien rite ?

    À la lecture du cas français, on peut sérieusement en douter. Certes le document de la Conférence des évêques de France (CEF, avril 2020) souligne des aspects négatifs de l’application du motu proprio de Benoît XVI, mais la synthèse de chaque question posée par la Congrégation révèle malgré tout le chemin de pacification entrepris : « Dans la plupart des cas, la situation semble apaisée. On perçoit, dans les réponses, le désir des évêques d’associer le plus possible des prêtres diocésains aux célébrations de forme extraordinaire, mais cela s’avère difficile en raison du faible nombre de prêtres » (question 1). La question 2 souligne « le souci de communion où l’évêque agit par délicatesse pastorale ». La question 3 sur les aspects positifs et négatifs révèle qu’à l’exception de deux évêques, « tous s’accordent sur l’apaisement qui résulte de l’application du motu proprio ».

    En arrivant au pouvoir porté par une minorité active décidée à mettre fin à l’héritage de Jean-Paul II et de Benoît XVI, le pape François s’est entouré d’une véritable cour voulant imposer sa propre feuille de route à l’ensemble de l’Église catholique

    Naturellement, des interrogations demeurent, des points de friction aussi : les aspects négatifs de la forme extraordinaire sont plus nombreux que les aspects positifs. Il n’empêche, se dégage une forme de neutralité dans ce document et une double attitude des évêques : celle d’être des artisans de paix (Matthieu 5, 9), réalisant un « inlassable travail d’unité ». De fait, même si le besoin d’approfondir le dialogue est prégnant dans ce document, même s’il demande que les fidèles de la forme extraordinaire participent davantage à la vie diocésaine, nous sommes bien loin de la guerre des années 1970 et 1980 ! La note de la CEF nous dit à cet égard que seule « une petite minorité » a été confortée dans ses travers et la culture de leurs particularismes en réclamant davantage de droits. Dont acte.

    Alors, d’où vient le problème ? Certains évoquent le fait que le motu proprio ait été traduit en anglais (et non en français) afin précisément de marquer sa cible : les néo-conservateurs américains qui, depuis l’élection du pape François, ne cessent de le critiquer. Dans ce dernier cas, pourquoi sanctionner l’ensemble d’une communauté ? Dans les faits, il est difficile de répondre à cette question sans un accès à l’ensemble des études. Or, si l’on en croit la vaticaniste Diane Montagna, 30% des évêques dans le monde ont répondu à l’enquête du Vatican sur le rite extraordinaire. Sur ces 30%, la moitié s’est révélé « neutre et favorable » à la forme extraordinaire du rite. La question est donc : est-ce que 15% d’évêques mécontents peuvent justifier l’abrogation d’une pratique ? Peut-on aussi considérer une minorité de pratiquants comme un réel danger pour l’unité, quand une écrasante majorité des évêques dans le monde n’a strictement aucun avis sur la question ?

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  • Carton rouge pour l'Ancien Rite, et le jeu devient méchant

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    De Sandro Magister sur Settimo Cielo :

    Carton rouge pour l'Ancien Rite, et le jeu devient méchant

    Quelques jours après sa publication, il est encore trop tôt pour mesurer les effets du motu proprio " Traditionis Custodes " par lequel le pape François a pratiquement interdit la messe en ancien rite : à savoir si les nouvelles dispositions contribueront à rendre l'Église plus unie, ou au contraire à la diviser encore davantage.

    Au vu des réactions, l'hypothèse la plus probable est la seconde, comme le suggère également le professeur Pietro De Marco dans son commentaire cinglant déjà publié sur Settimo Cielo.

    L'unité de l'Église était également l'objectif du précédent motu proprio de 2007, le "Summorum Pontificum" de Benoît XVI, qui avait libéralisé la célébration de la Messe dans l'ancien rite, en la considérant comme la seconde forme "du seul et même rite romain", qui pouvait en fait être célébré à la fois de la manière "ordinaire" générée par le Concile Vatican II, et de la manière "extraordinaire" du missel jamais abrogé de 1962.

    Maintenant, cependant, le pape François a établi que le rite romain a une "expression unique", celle qui suit Vatican II. La Messe dans l'ancien rite n'a pas été interdite, mais mise sur la voie de l'extinction. Ceux qui la célèbrent actuellement ne peuvent continuer à le faire qu'avec l'autorisation préalable de leur évêque et avec beaucoup plus de contraintes. Quant aux nouveaux prêtres qui souhaiteraient le célébrer, ils devront aller jusqu'à obtenir l'autorisation du Saint-Siège. Quant aux groupes de fidèles amoureux de l'ancien rite, il ne sera plus permis d'en former de nouveaux.

    Ce qui a le plus troublé Benoît XVI, c'est de voir que "dans de nombreux endroits, les célébrations n'étaient pas fidèles aux prescriptions du nouveau missel, mais ce dernier était en fait compris comme autorisant ou même exigeant la créativité, ce qui conduisait fréquemment à des déformations de la liturgie difficilement supportables."

    Pour François, cependant, ce qui l'"attriste" le plus, c'est que "l'utilisation instrumentale du "Missale Romanum" de 1962 est souvent caractérisée par un rejet non seulement de la réforme liturgique, mais du Concile Vatican II lui-même, en affirmant, avec des affirmations sans fondement et insoutenables, qu'il a trahi la Tradition et la "vraie Église"."

    En fait, la controverse actuelle sur le rite est analogue à la controverse sur l'interprétation de Vatican II. Ceux qui interprètent ce concile comme une rupture inacceptable de la tradition catholique rejettent également le renouvellement de la liturgie généré par le concile lui-même. Alors qu'au contraire Benoît XVI a écrit, dans la lettre d'accompagnement de "Summorum Pontificum" : "Dans l'histoire de la liturgie, il y a une croissance et un progrès, mais pas de rupture. Ce que les générations précédentes considéraient comme sacré, reste sacré et grand pour nous aussi, et il ne peut pas être tout à coup entièrement interdit ou même considéré comme nuisible."

    Pour le pape Joseph Ratzinger, "les deux formes d'usage du rite romain" ne sont ni alternatives ni opposées. Au contraire, elles pouvaient et devaient "s'enrichir mutuellement". Comme il l'a lui-même constamment montré au monde dans l'acte de célébrer.

    Il convient toutefois de garder à l'esprit qu'en réalité, la grande majorité des fidèles catholiques ne se sentent pas concernés par cette controverse. Pour eux, la "vieille" messe dont ils entendent parler est en fait la messe en latin, la langue que le Concile Vatican II n'a nullement abolie, mais qu'il a décidé de conserver comme langue propre de la liturgie, même si elle a été tempérée par l'utilisation des langues nationales, notamment dans les lectures.

    Puis, en réalité, les langues nationales ont pris le dessus et le latin a pratiquement disparu de la liturgie, après en être devenu la langue sacrée pendant des siècles.

    Les appels lancés à Rome, en 1966 et 1971, pour sauver le latin dans la liturgie, par des personnalités comme Jacques Maritain, Jorge Luis Borges, Giorgio De Chirico, Eugenio Montale, François Mauriac, Gabriel Marcel, Harold Acton, Graham Greene, Agatha Christie et bien d'autres, n'ont rien donné.

    Pour beaucoup, il s'agissait d'un changement purement linguistique. Mais ce n'est pas le cas, comme le montre le cardinal Walter Brandmüller, 92 ans, ancien président du comité pontifical pour les sciences historiques, dans la réflexion suivante, tirée d'un article qu'il a publié en 2002 dans la revue allemande "Die Neue Ordnung", intitulé "Nationalisme liturgique ou universalisme ?"

    *

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  • Le Père Abbé de Fontgombault : "Il faut sortir de ce combat liturgique qui épuise l'Eglise"

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    De Samuel Pruvot sur le site de Famille Chrétienne :

    Dom Pateau : « Il faut sortir de ce combat liturgique qui épuise l’Église »

    Conscient du choc qu’a provoqué le motu proprio Traditionis custodes, le père-abbé de l’abbaye de Fontgombault Jean Pateau appelle à ne pas rejeter le texte du pape François et à « construire des ponts entre les deux formes du rite romain ».

    <p>Dom Jean Pateau, bénédictin et abbé de l'abbaye Notre-Dame de Fontgombault.</p>

    Dom Jean Pateau, bénédictin et abbé de l'abbaye Notre-Dame de Fontgombault.

    19/07/2021

    Comprenez-vous la tristesse et le choc de beaucoup de fidèles attachés à la forme extraordinaire ? Que dire à tous ceux qui se sentent victimes d'une injustice profonde ?

    Oui, je les comprends et je les rejoins. Depuis la parution du Motu Proprio Traditionis custodes, beaucoup se tournent vers les monastères en attendant une parole d’apaisement. Je dois même avouer que la tristesse ne touche pas que les fidèles attachés à la forme extraordinaire. Beaucoup dans l’Église manifestent une réelle tristesse et incompréhension devant un texte rude et sévère. Que faire ? Notre devoir est d’appeler à la confiance, confiance en Dieu, confiance en l’Église, confiance envers le Saint-Père.

    En quoi le pape François change-t-il l'esprit du motu proprio de Benoît XVI ?

    Le Motu Proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI a été un texte d’ouverture, de réconciliation, répondant à la légitime souffrance de fidèles qui n’avaient pas trouvé chez leurs pasteurs l’oreille attentive, bienveillante et généreuse, qu’ils étaient en droit d’attendre en particulier dans le prolongement des invitations du Pape Jean-Paul II. Il est juste de ne pas l’oublier. Par ce texte, le Pape Benoît demandait de répondre à l’attente d’un groupe stable de fidèles. Il rappelait aussi que tout prêtre pouvait user du Missel romain promulgué par Jean XXIII en 1962, forme dite extraordinaire de l’unique Missel Romain. Le Pape Benoît formait en outre le vœu d’un mutuel enrichissement des deux formes ; souhait qui n’a guère reçu d’attention, quand il n’a pas été repoussé tant d’un côté que de l’autre, et ce dès la parution du document. À la lumière de ce texte, les pasteurs ont fait du chemin et, dans la grande majorité des cas, l’ouverture de lieux de célébration en forme extraordinaire s’est faite avec leur accord et pour le bien de tous.

    Le pape François restreint fortement l'usage de la messe tridentine. De façon positive, le texte du Pape François souligne le rôle de l’évêque comme « modérateur, promoteur et gardien de toute la vie liturgique de l'Église particulière qui lui est confiée. » Il les invite aussi à nommer dans les lieux de célébration en forme extraordinaire des prêtres qui aient à cœur « non seulement la célébration correcte de la liturgie, mais aussi le soin pastoral et spirituel des fidèles », à veiller à ce que « les paroisses érigées canoniquement au profit de ces fidèles soient effectives pour leur croissance spirituelle. » En sens contraire, le Motu Proprio du Pape François tient les fidèles éloignés des églises paroissiales, refuse l’érection de nouvelles paroisses personnelles, et la constitution de nouveaux groupes. Faudra-t-il donc construire des églises particulières pour la célébration de la forme extraordinaire ? Comment un évêque pourra-t-il répondre à la demande croissante des fidèles ? Celle-ci est un fait en particulier depuis le début de la pandémie. Le texte du Pape laisse à penser que tout doit être fait pour que le mode de célébration en forme extraordinaire disparaisse au plus vite. Ceci inquiète à juste titre les fidèles attachés à cette forme.

    Comprenez-vous "l'angoisse" du pape après la réception de l'enquête sur l'usage de la forme extraordinaire dans tous les diocèses du monde, une angoisse qui serait liée au rejet - par certains - du Concile ?

    L’état d’angoisse, de souffrance du Pape François a été partagé par beaucoup d’évêques, de prêtres et de fidèles attachés tant à la forme ordinaire qu’à la forme extraordinaire et ce depuis longtemps. Angoisse devant le fait que le sacrement de l’Eucharistie, sacrement de l’Amour par excellence devienne comme le sacrement de la division, tant entre les deux formes qu’au sein même de l’une ou l’autre forme. Angoisse devant le rejet par certains fidèles de la réforme liturgique ou du Concile Vatican II. Angoisse devant le refus de certains prêtres de concélébrer avec leur évêque, pour la Messe chrismale en particulier. Angoisse devant le refus de communier de certains fidèles au cours d’une Messe en forme ordinaire. Angoisse aussi devant le mépris exprimé par de nombreux liturgistes envers la forme extraordinaire ou ceux qui la célèbrent. L’Église ne peut s’enorgueillir de cela. Les responsabilités sont largement partagées tant de la part de ceux qui ne veulent pas entendre l’appel des fidèles, que de ceux qui manquent à leur devoir d’enseigner leur troupeau ; de ceux aussi qui s’approprient le droit de dire et de faire n’importe quoi sans ouvrir leur cœur aux demandes légitimes de leurs pasteurs. L'unité du corps ecclésial a été blessée et ce dès les premiers temps de la réforme liturgique. Les légitimes et diverses sensibilités liturgiques n’ont pas été suffisamment écoutées et ont été exploitées « pour creuser des écarts, renforcer les divergences et encourager les désaccords qui nuisent à l'Église, lui barrent la route et l'exposent au péril de la division. » Si ce constat est vrai, il n’appelle cependant pas une réponse sans distinction. Les fidèles proches de la Fraternité Saint-Pie X parlent de « vraie Église », de « vraie Messe ». Ce n’est pas le cas dans d’autres lieux de célébration de la forme extraordinaire. Si le Motu proprio invite les évêques a un discernement, et c’est heureux, beaucoup ne se retrouvent pas dans les reproches du Saint-Père et les ressentent comme injustifiés. On doit les comprendre.

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  • Comment comprendre le Motu proprio Traditionis Custodes ?

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    De KTO :

    Comment comprendre le Motu proprio Traditionis Custodes ?

    Edition Spéciale - Traditionis Custodes

    18/07/2021

    Le pape François a signé un Motu Proprio intitulé "Traditionis Custodes" (Gardiens de la tradition) qui détermine les nouvelles modalités pour célébrer la liturgie romaine selon le missel de 1962. Pourquoi ces dispositions ? Quel rôle central dévolu aux évêques ? Comment réagissent ceux qui célèbrent selon la forme extraordinaire du rite romain ? La rédaction de KTO vous propose une édition spéciale ce dimanche 18 juillet à 20h15. Enjeux, débat et perspectives avec Mgr Olivier Leborgne, évêque d’Arras et vice-président de la Conférence des évêques de France (CEF), Christophe Geffroy, directeur du magazine La Nef et l’abbé Alexis Garnier, prêtre de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre. Animée par Philippine de Saint Pierre.