Une « carte blanche » signée dans « La Libre » de ce jour par un collectif de 60 historiens belges et congolais (voir la liste alphabétique des signataires à la fin de cet article) disqualifie l’amalgame politico-idéologique qui sous-tend cette étrange commission parlementaire :
« Nous nous étonnons de la façon dont la commission parlementaire sur le Congo a été constituée. La recherche historique ne peut pas être instrumentalisée par des luttes politiques ou par des groupes d’intérêt. Nous sommes pour un conseil d’experts scientifiques indépendants du débat politique.
Il n’est pas rare que des historiens soient invités à participer à des commissions d’enquête parlementaires dans le cadre de questions relevant d’un passé suffisamment lointain pour nécessiter l’expertise de personnes habilitées par leurs compétences, leurs capacités de recherche dans les archives et leur expérience dans le travail de synthèse.
Précédentes commissions
En Belgique, nous pouvons citer parmi les cas les plus récents la commission parlementaire sur les circonstances exactes de l’assassinat de Patrice Lumumba et la commission d’étude sénatoriale destinée à vérifier l’éventuelle implication des autorités belges dans la persécution et la déportation de la population juive pendant l’occupation nazie de la Belgique dans les années 1940-1944.
Ces commissions essentiellement composées d’historiens ont produit de volumineux rapports rédigés en 2001 (1) et 2007 (2). De la lecture de ces rapports, le monde politique a tiré ou non des choix politiques. Dans le second cas, les députés avaient confié la recherche historique à des spécialistes de l’institution fédérale qualifiée, en l’occurrence le Cegesoma (Centre d’études et documentation guerre et sociétés contemporaines).
Nécessité d’une enquête préalable
C’est en tant que membres de la communauté scientifique que nous nous étonnons aujourd’hui de la façon dont la nouvelle commission parlementaire sur le Congo a été constituée.
La commission spéciale "Passé colonial" a l’ambition d’établir la "vérité" et de faciliter la "réconciliation" : deux mots dont la teneur morale attire toutes les adhésions, mais qui ne peuvent pas être repris tels quels dans le sens fixé par l’Afrique du Sud (Truth Reconciliation Commission) ou le Rwanda après le génocide perpétré en 1994. L’enquête préalable à toute démarche politique de réconciliation doit se pencher sur des faits pour lesquels l’absence de témoins directs pose problème et réclame donc un travail d’enquête en archives.