Un article d'Emmanuel Tranchant sur Liberté Politique :
Charlie-Kouachi : le choc des décivilisations
Les « balles tragiques à Charlie Hebdo » ont entraîné une émotion à la démesure de l’évènement. Si l’on suit René Girard, la belle unanimité républicaine issue du meurtre des héros de la libre pensée par des rétrogrades obscurantistes doit culminer dans la déification des victimes : « Nous sommes Charlie, communiellement ».
Le laïcisme intégriste prétend en être le catalyseur ; il apparaît ainsi comme un ersatz de religion archaïque. L’unanimité célébrée autour de Charlie établit un nouveau laps de paix, avant la prochaine crise mimétique porteuse d’un bouc émissaire pré-désigné : le religieux.
Car c’est au religieux que la pensée dominante a déclaré la guerre, cette pensée porteuse du « changement de civilisation » cher à Mme Taubira. Charlie Hebdo en est l’idole caricaturale ; la dérision son arme de destruction massive de toute autorité et de toute verticalité. Et il faudrait maintenant que la mort de ses feus journalistes sanctifie le retour à cette autorité républicaine qu’ils se sont appliqués à dissoudre : pathétique !
Deux décivilisations sont face à face : une religion archaïque, l’islam, qui peut évoluer vers sa maturité rationnelle, et certaines de ses élites s’y appliquent. Long processus.
Ne comptons pas sur le laïcisme — deuxième décivilisation — pour l’y aider (les juifs et les chrétiens le pourraient mais, au nez laïcard, ça sent le Zemmour) : il est une religion civique régressive, inapte à toute intelligence religieuse, et stérilement incapable de la conversation, caractéristique de l’esprit français des Grands Siècles, effacée par les médias et l’école dévoyée de la République. Religion civique qui prétend en remontrer au monde entier : « Éduquons au blasphème ces masses musulmanes incultes et que brûlent ici ou là drapeaux français et églises chrétiennes, peu nous chaut ! Merci Charlie. »
Arrogance et irresponsabilité. Cette deuxième décivilisation est la plus grave : en devenant religion idéologique, elle a exténué l’esprit des Grandes Lumières et déconstruit l’élégante civilité qu’il faisait fleurir.