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Spiritualité - Page 135

  • Ratzinger : un saint Augustin moderne. Comment lire l'histoire à la lumière de la vie éternelle

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    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso (traduction de Diakonos.be) :

    Ratzinger, l’Augustin moderne. Comment lire l’histoire à la lumière de la vie éternelle

    Dans la vie de Joseph Ratzinger, bien des choses sont similaires à celle de saint Augustin, le docteur de l’Église qu’il affectionnait entre tous. Ce n’est pas pour rien que dans l’encyclique « Spe Salvi » de 2007, celle qui lui ressemble le plus et qu’il a entièrement écrite de sa main, il relate sur Augustin précisément ce qui lui est arrivé à lui aussi, le fait d’être appelé sans s’y attendre à gouverner l’Église, plutôt que de se consacrer à une vie d’étude.

    « Il voulait uniquement être au service de la vérité, il ne se sentait pas appelé à la vie pastorale, mais il comprit ensuite que l’appel de Dieu était celui d’être un pasteur parmi les autres, en offrant ainsi le don de la vérité aux autres » : c’est que qu’a dit Benoît XVI à l’audience générale du mercredi 9 janvier 2008 consacrée au « plus grand Père de l’Église latine ».

    Mais depuis qu’il est évêque et ensuite comme pape, Ratzinger est toujours resté théologien. Et « Spe salvi », consacrée à l’espérance chrétienne, est l’un des joyaux de son enseignement. En confrontation directe avec la culture moderne. Contre l’illusion qu’il y ait une solution terrestre aux injustices du monde, parce qu’au contraire – écrit le pape – « la question de la justice constitue l’argument essentiel, en tout cas l’argument le plus fort, en faveur de la foi dans la vie éternelle ».

    Dans l’essai qui va suivre, Roberto Pertici, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bergame, analyse jusqu’au bout la vision de l’histoire que Joseph Ratzinger nous a léguée avec cette encyclique. Et dont nous devrions nous inspirer, en ces temps difficiles pour l’humanité et pour l’Église.

    Cet essai a été rédigé, dans une première mouture, peu après la sortie de « Spe salvi ». Mais il est toujours d’une extraordinaire actualité. Le voici réédité sur Settimo Cielo. Bonne lecture !

    *

    Benoît et l’histoire

    de Roberto Pertici

    « Spe salvi », publiée par le Pape Benoît XVI le 30 novembre 2007, représente une nouveauté substantielle dans le genre « encyclique » auquel il appartient. Son style fluide et sa réponse dense et explicite à plusieurs éléments de la culture contemporaine, chrétiens et autres, renvoient à la forte personnalité du pape. Si on a parfois pu se poser la question de l’identité du véritable auteur de certaines encycliques des pontificats précédents, nous nous trouvons ici face à un texte de toute évidence « d’auteur », médité et rédigé par le Ratzinger théologien et pasteur. Dans ce texte, il entend reproposer avec force l’espérance chrétienne à un monde où les grandes religions politiques du vingtième siècle sont « silence et ténèbres » et dans lequel la seule véritable alternative semble rester celle du scientisme sous ses diverses manifestations.

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  • Omnis terra adóret te, Deus, et psallat tibi (introit du 2e dimanche du TO)

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    Introitus Introït
    Ps. 65, 4  
    OMNIS terra adóret te, Deus, et psallat tibi: psalmum dicat nómini tuo, Altíssime. Ps. ibid., 1-2 Iubiláte Deo, omnis terra, psalmum dícite nómini eius: date glóriam laudi eius. Que la terre T'adore et chante en Ton honneur, qu'elle dise une hymne à Ton nom. Ps. Poussez vers Dieu des cris de joie, ô terre entière; chantez un psaume à Son Nom : rendez glorieuse Sa louange.
  • Accueillir l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde (homélie pour le 2ème dimanche du temps ordinaire)

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    L'homélie de l'abbé Christophe Cossement pour le 2ème dimanche du temps ordinaire (15 janvier 2023) :

    Baptisés dans l’Esprit

    Nous voilà plongés dans la grâce des commencements, et en assistant aux premières heures de la vie publique du Seigneur Jésus nous avons l’occasion d’explorer la question : qui est-il et que vient-il apporter au monde ? Il est, dit Jean le Précurseur, « l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Cela signifie que dans une situation de faiblesse, vulnérable comme un petit agneau, il sera capable de s’offrir lui-même comme l’agneau du sacrifice, et que cette offrande résoudra le gros problème de l’humanité : le péché. Le péché est une désunion avec Dieu. Que ce soit un grave problème, il suffit d’ouvrir les yeux autour de nous pour le comprendre. D’où viennent tant de malheurs, d’où vient la guerre, la haine dans les familles, la pauvreté, tant de personnes abandonnées, désorientées, découragées, exploitées, rejetées ? C’est le péché, celui que nous commettons et celui que nous subissons. Si nous vivions dans la paix de Dieu, en harmonie avec Dieu, tout cela n’arriverait pas. Si nous nous laissions aimer et guérir par Dieu plutôt que de devenir blessants parce que nous avons été blessés, tout cela n’arriverait pas. Si nous laissions les commandements de Dieu guider notre vie plutôt que de n’en faire qu’à notre tête, tout cela n’arriverait pas. Et comment pourrions-nous sortir de cette situation catastrophique ? En accueillant l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde, qui réconcilie l’humanité avec son Créateur qui l’aime tant et se trouve tant de fois rejeté. Il n’opérera pas cette réconciliation en imposant un ordre nouveau, mais en donnant sa vie. Et nous accueillons cette démarche du Seigneur en y reconnaissant son amour. C’est ce que nous vivons dans chaque messe, qui s’appelle eucharistie, c’est-à-dire action de grâce : nous disons au Seigneur notre reconnaissance pour tant d’amour. C’est pourquoi aussi nous mettons un crucifix dans nos maisons : pour nous rappeler à quel point nous avons été aimés puisque le Fils de Dieu a donné sa vie pour enlever le péché du monde alors que nous étions menacés de désespérance devant tout ce mal.

    Répondre à l’Agneau de Dieu qui donne sa vie en y reconnaissant tout l’amour de Dieu, voilà qui nous met sur la piste de cette deuxième chose que le Seigneur nous apporte, d’après Jean-Baptiste : il vient baptiser dans l’Esprit Saint. Qu’est-ce que ce baptême dans l’Esprit, que Jésus donne ? Jean baptisait dans l’eau, Jésus baptise dans l’Esprit Saint, car il nous branche sur la vie de Dieu. L’Esprit Saint est la personne de la Sainte Trinité qui nous rend capables de vivre du don de Dieu. Il est lui-même le « don de Dieu », comme on le dit à la confirmation. Par exemple, sans l’Esprit Saint, lorsque nous entendons parler de l’Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde, nous disons « bof, ça ne me dit rien ». Avec l’Esprit Saint, nous nous laissons toucher par tant d’amour et nous devenons capables de changer notre vie en fonction de cet amour, pour faire de tous nos choix une réponse d’amour.

    Le baptême dans l’Esprit est une pratique courante du Renouveau charismatique, mais en réalité il est déjà contenu dans notre baptême et notre confirmation. Je voudrais citer un discours du cher pape Benoît XVI à la Pentecôte 2008 : « chers frères et sœurs, redécouvrons la beauté d’être baptisés dans l’Esprit Saint ; reprenons conscience de notre baptême et de notre confirmation, sources de grâce toujours actuelle. Demandons à la Vierge Marie d’obtenir aujourd’hui aussi pour l’Église une Pentecôte renouvelée, qui insuffle en chacun, spécialement les jeunes, la joie de vivre l’Évangile et d’en témoigner » (Benoît XVI, Pentecôte 2008)

    Demandons au Seigneur : viens me baptiser dans l’Esprit Saint ! Renouvelle en moi la vie que tu y as déposée le jour de mon baptême, le jour de ma confirmation ! Fais de moi une chrétienne nouvelle, un chrétien nouveau, ébloui de ton amour, désireux de te répondre amour pour amour ! Fais de moi un témoin de cette bonne nouvelle : Dieu, le Créateur de tout l’univers, nous invite à être ses enfants !

  • En mémoire du Cardinal Pell. Ces journaux de prison si chers à Benoît XVI

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    De Settimo Cielo (Sandro Magister) :

    En mémoire du Cardinal Pell. Ces journaux de prison si chers à Benoît XVI

    Pell

    Dans la soirée du mardi 10 janvier, jour de la fête de saint Grégoire de Nysse, le cardinal George Pell est décédé à Rome. Ses dernières apparitions publiques ont été le 5 janvier la messe sur la place Saint-Pierre pour les funérailles de Benoît XVI et, les 6 et 7 janvier, la prédication d'une retraite spirituelle à San Giovanni Rotondo.

    Entre lui et Joseph Ratzinger, il y avait une forte proximité de vision, rassurée pour les deux par un fil d'ironie, malgré la différence de caractère. Dans le livre à paraître du secrétaire du défunt pape, il est écrit que dans la dernière période de sa vie, le soir, après les vêpres, il aimait qu'on lui lise des articles ou des livres à haute voix. Et "parmi les textes que Benoît XVI a tant appréciés figurent les mémoires du cardinal George Pell sur son procès et son emprisonnement en Australie".

    Pell est l'auteur du mémorandum signé "Demos" qui a circulé parmi les cardinaux au printemps dernier, en vue d'un futur conclave, publié par Settimo Cielo le 15 mars.

    De son journal de prison, voici un petit florilège révélateur.

    *

    LA DOULEUR DU TRAVAIL, LA MIENNE ET CELLE DE MES AMIS CHINOIS

    (du lundi 4 mars au samedi 15 juin 2019)

    Dans le bréviaire, les troubles de Job se poursuivent et s'aggravent, car on laisse Satan l'infecter d'ulcères malins. Mais Job n'a pas condamné Dieu, même si sa femme amère l'a incité à "maudire Dieu et à mourir". Job n'a pas prononcé de paroles pécheresses. "Si de Dieu nous acceptons le bien, pourquoi n'accepterions-nous pas le mal ?" (Job 2, 9-10).

    En de nombreuses occasions, lorsqu'on m'a interrogé sur la souffrance imméritée, j'ai répondu que même "pour le Fils de Dieu, Jésus, cela ne s'est pas passé sans heurts". Pour les chrétiens, cela les amène toujours à s'arrêter et à réfléchir, et je leur ai parfois demandé de se souvenir aussi des moments de bénédiction. [...]

    Je n'ai jamais aimé les écrivains, même les grands écrivains chrétiens comme saint Jean de la Croix, qui soulignent le rôle essentiel et nécessaire de la souffrance si nous voulons nous rapprocher de Dieu. Je n'ai jamais lu beaucoup de ses œuvres, les trouvant un peu effrayantes, alors que j'ai réussi à terminer "Le château intérieur" de Sainte Thérèse d'Avila [1588], qui suit une théologie espagnole robuste similaire.

    Mon approche est plus proche de celle du grand-père de Jude Chen, [...] qui invoquait les petits ennuis de Dieu, parce que sans eux il serait devenu orgueilleux et qu'à cause d'eux il voulait éviter les plus gros ennuis. [...]

    Le temps que j'ai passé en prison n'est pas une partie de plaisir, mais cela devient une fête quand on le compare à d'autres expériences d'emprisonnement. Mon bon ami Jude Chen, originaire de Shanghai et vivant désormais au Canada, m'a écrit au sujet de l'emprisonnement de sa famille sous le régime communiste chinois.

    En 1958, le frère de Jude, Paul, un séminariste, et sa sœur Sophie, une lycéenne, ont été emprisonnés pour avoir été catholiques et ont passé 30 ans dans deux prisons différentes, pour Sophie dans le froid du nord de la Chine. La famille a eu droit à une visite mensuelle de quinze minutes lorsqu'elle était dans une prison de Shanghai et à une lettre de cent mots par mois pendant trois décennies.

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  • Benoît XVI : C'est le temps de l'Antéchrist

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    De Rod Dreher sur The American Conservative :

    Benoît XVI : C'est le temps de l'Antéchrist

    En 2015, Benoît XVI a écrit une lettre à l'homme d'État catholique Vladimir Palko, l'exhortant à prier contre "l'expansion du pouvoir de l'Antéchrist".

    10 janvier 2023

    En novembre, j'étais en visite à Bratislava, et j'ai dîné avec mes amis Vladimir Palko, mathématicien et homme d'État à la retraite, et Jaroslav Daniška, rédacteur en chef du magazine conservateur Standard. Vlado était l'une de mes sources pour Live Not By Lies. Nous parlions du pape Benoît XVI, malade. Vlado a mentionné qu'en 2015, il avait reçu une lettre de Benoît XVI, en tant que pape émérite. Ah bon ? Vlado, un membre de l'Église catholique clandestine qui a ensuite été ministre de l'Intérieur dans l'un des gouvernements post-communistes du pays, avait écrit un livre intitulé The Lions Are Coming : Why Europe And America Are Heading for a New Tyranny, sur la nature anti-chrétienne croissante de la vie et de la politique occidentales. Le livre avait été traduit en allemand, et un évêque autrichien en avait fait parvenir un exemplaire à Benoît XVI.

    Vlado était grave lorsqu'il a parlé de la lettre. Elle était très courte, a-t-il dit, et appréciait le livre. Et à la fin, le pape émérite parlait de l'Antéchrist. Vlado n'a pas voulu dire précisément ce que Benoît XVI avait dit. Il nous a dit qu'il ne publierait la lettre qu'après la mort de Benoît.

    La semaine dernière, j'ai rencontré Jaroslav pour dîner à Rome. Nous étions tous les deux là pour les funérailles de Benoît. Je lui ai demandé si Vlado se préparait à publier la lettre. Il m'a répondu qu'il n'en était pas sûr, parce que Vlado avait des doutes. Vlado est un catholique de la vieille école et il avait peur d'être une pierre d'achoppement pour la foi des autres. J'ai exhorté Jaro à encourager Vlado à dire la vérité, car il est important que le monde sache comment le saint pape qui vient de nous quitter lisait les signes des temps.

    Aujourd'hui, le Standard a publié une courte interview que Jaro a réalisée avec Vlado, dans laquelle il a révélé le contenu de la lettre de Benoît XVI. Voici un extrait de l'interview, que j'ai traduit en anglais via Google :

    Lorsque vous avez rapporté la lettre pour la première fois, vous avez décidé de ne pas publier une partie du texte, en faisant remarquer que ce n'était pas le bon moment pour le faire. La raison en était le contenu sensible et les préoccupations que le défunt pape exprimait sur l'état de l'Église catholique. Pourriez-vous préciser de quoi il s'agissait exactement ?

    Oui, c'est comme ça. La lettre n'est pas longue, elle comporte douze lignes. Dans la deuxième moitié de la lettre, il y a une phrase, d'environ trois lignes, dans laquelle le pape émérite fait des affirmations frappantes.

    La phrase se lit comme suit : "Nous voyons comment le pouvoir de l'Antéchrist s'étend, et nous ne pouvons que prier pour que le Seigneur nous donne des bergers forts qui défendront son Eglise en cette heure de nécessité contre le pouvoir du mal."

    En allemand, cela se lit comme suit : "Man sieht, wie die Macht des Antichrist sich ausbreitet, und kann nur beten, dass der Herr uns kraftvolle Hirten schenkt, die seine Kirche in dieser Stunde der Not gegen die Macht des Bösen verteidigen."

    Qu'avez-vous pensé alors ? Et qu'en pensez-vous aujourd'hui ?

    Des concepts tels que l'expansion du pouvoir de l'Antéchrist, l'Eglise à l'heure du besoin, et la nécessité de défendre l'Eglise contre la puissance du mal sont sérieux et lourds de sens. D'autant plus qu'ils ont été prononcés par une personne dont l'expression, tout au long de sa vie, alliait la justesse à l'adéquation des termes utilisés. Il a délivré des messages publics sérieux même en tant que pape, mais ces formulations sont plusieurs degrés plus urgentes. La situation du monde et de l'Eglise a beaucoup troublé le Pape émérite. Il en souffrait visiblement.

    J'y pense très souvent, mais je n'ose pas interpréter ses déclarations. Je trouverais cela présomptueux à ce stade. Je ne suis qu'un ancien politicien chrétien et je ne me sens pas compétent. En tant que politicien, j'ai adhéré au magistère de l'Église catholique et je n'ai reculé devant aucun combat. Cependant, je commente rarement l'Eglise et seulement sur des détails. Pour exprimer des jugements fondamentaux sur son état en général, il faut à la fois une personne qui soit un meilleur exemple des vertus chrétiennes et une personne plus compétente sur le plan théologique. C'est un travail pour les saints.

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  • Les fins dernières, ces grandes oubliées de la prédication

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    De l'abbé Claude Barthe sur Res Novae (janvier 2023) :

    Prêcher et catéchiser sur les fins dernières

    En conclusion d’un chapitre sur la crise de la prédication des fins dernières (la mort, le jugement particulier et le jugement général, l’enfer, le paradis, et aussi le purgatoire, Guillaume Cuchet écrit : « Cette rupture au sein de la prédication catholique a créé une profonde discontinuité dans les contenus prêchés et vécus de la religion de part et d’autre des années 1960. Elle est si manifeste qu’un observateur extérieur pourrait légitimement se demander si, par-delà la continuité d’un nom et de l’appareil théorique des dogmes, il s’agit bien toujours de la même religion[1]. »

    Érosion préconciliaire de cette prédication

    En ce domaine comme en d’autres, le « grand déménagement » (Guillaume Cuchet) qu’a provoqué Vatican II, y compris dans les doctrines qu’il n’a pas lui-même revisitées, ce qui est le cas des fins dernières, a été précédé d’une longue et progressive dégradation interne. Celle-ci s’est accélérée, en tous domaines, à partir de la dernière guerre, avant l’affaissement brutal qui a suivi. Ainsi de la crise des vocations sacerdotales et religieuses, dont la courbe s’abaissait depuis longtemps, avant de s’effondrer à partir de 1965. Une image nous vient, trop forte sans doute, celle de la cité fantomatique du Sertão brésilien, décrite par Michel Bernanos dans L’envers de l’éperon, ville rongée par les termites dont murs et monuments vont s’effondrer à la moindre poussée.

    À la fin des années cinquante, Julien Green, dans son Journal, faisait des allusions répétées au fait que l’on parlait déjà avec réticence des fins dernières. Un bon témoignage de cette gêne se trouve chez Jacques Maritain qui, dans un écrit de 1961, « Idées eschatologiques », qui sera publié de manière posthume dans Approches sans entraves[2], élabore un étonnant conte qui revient à évacuer le désespoir des damnés : finalement pardonnés après le jugement dernier, ils seraient transportés dans les limbes (auxquelles Maritain croyait donc encore) où ils jouiraient de la félicité naturelle que connaissent les enfants morts sans baptême. C’était une reprise, sur la pointe des pieds, de la théorie d’Origène, dite apocatastase, « rétablissement », qui soutenait que les peines de l’enfer n’étaient pas éternelles, et qui a été condamnée par le second concile de Constantinople.

    Évanouissement postconciliaire

    Cependant, ici comme ailleurs, le grand bouleversement dans la prédication est intervenu à partir du Concile. Au sein d’une bibliographie très important, on cite toujours la thèse d’histoire religieuse d’Yves Lambert, Dieu change en Bretagne : La religion à Limerzel de 1900 à nos jours[3]. Sur le point qui nous intéresse, il montre que, dans le bulletin paroissial de Limerzel, on a parlé du purgatoire et de l’enfer jusqu’en 1965, lorsque s’achève le Concile, puis qu’on avait cessé d’un coup et définitivement de le faire.

    On ne saurait traiter Hans Urs von Balthasar de progressiste. Or, sa thèse sur l’enfer, à laquelle a répondu Mgr Christophe J. Kruijen, auteur de l’article qui suit, n’est pas marginale dans sa pensée mais elle tient au cœur de sa théologie. L’Écriture interdit de nier la possibilité de la damnation, concédait Balthasar, mais il s’interrogeait sur la possibilité de facto et même de jure de la damnation : « Nous ne savons pas si une liberté humaine est capable de se refuser jusqu’au bout à l’offre que lui fait l’Esprit de lui donner sa liberté propre et véritable[4]. » Autrement dit, selon lui, nous ne savons pas si l’homme est capable de pécher sans rémission. Le théologien de Bâle, qui n’hésitait pas en définitive à mettre au paradis les pires criminels non repentis, n’était pas suivi par des confrères bien plus progressistes, tel Edward Schillebeeckx, op, qui voyait pour les pires pécheurs la mort comme la fin de tout. Quant à Gustave Martelet il empruntait à Jean Elluin « l’enfer chirurgical », sorte de super-purgatoire qui détruirait dans l’âme des grand pécheurs toute la part mauvaise de leur volonté et laisserait, après une « division déchirante », le petit reste de bonne volonté dans la béatitude).

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  • Benoît XVI était le Saint Augustin de notre temps (cardinal Müller)

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    De Riccardo Cascioli sur la Nuova Bussola Quotidiana :

    Interview

    Cardinal Müller : Benoît XVI était le Saint Augustin de notre temps

    9-1-2023

    "Le pape Benoît n'a pas parlé du Christ, mais il a parlé au Christ. En lui, il y a une unité entre la réflexion théologique au plus haut niveau et la spiritualité qui entrait directement dans le cœur des gens". "Il était conscient de son expertise, mais il l'utilisait non pas pour s'élever au-dessus des autres, mais pour servir le bien de l'Église et la foi des gens simples." "Confusion" ? Il y a trop de pensée politique dans l'Église aujourd'hui". "L'Église est revenue 200 ans en arrière, comme disait le cardinal Martini ? Impossible Jésus est la plénitude de tous les temps".

    Le cardinal Müller, rédacteur de l'ouvrage théologique de Ratzinger-Benoît XVI, prend la parole.

    Pour moi, le pape Benoît est presque un Saint Augustin rendu à la vie, indépendamment d'un éventuel processus de canonisation, il est déjà de facto un docteur de l'Église. Le cardinal Gerard Ludwig Müller a toute l'autorité nécessaire pour le dire : théologien lui-même, il a édité toute l'œuvre théologique de Joseph Ratzinger-Benoît XVI, tout en étant l'un de ses successeurs comme préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Il nous accueille dans son appartement près de Saint-Pierre qui a été celui du cardinal Ratzinger pendant 24 ans, depuis qu'il a été appelé à Rome par saint Jean-Paul II en 1981 jusqu'en avril 2005, lorsqu'il a été appelé à lui succéder au pontificat. De cette époque, il ne reste dans l'appartement que les vitraux de la petite chapelle, qui ont été offerts au cardinal Ratzinger et qui représentent l'Eucharistie.

    Cardinal Müller, de quelle manière voyez-vous saint Augustin dans le pape Benoît ?

    Je crois que le pape Benoît représente pour la théologie du 20e et du 21e siècle ce qu'Augustin a représenté pour son époque, ses écrits sont la foi catholique expliquée d'une manière appropriée pour les personnes contemporaines, une forme de réflexion éloignée du style du manuel de théologie. Quant à Augustin, il ne s'agit pas d'une simple question de capacité intellectuelle, même s'il était un grand théologien.

    Quel est donc le "secret" ?

    Comme Augustin, Benoît ne traite pas du Christ comme s'il s'agissait d'un sujet à développer, il ne parle pas du Christ mais parle au Christ. Dans les Confessions de saint Augustin, tout est un dialogue avec Dieu, l'homme en dialogue avec Dieu, l'explication de sa vie. Ainsi, chez Benoît XVI, il y a une unité profonde entre la réflexion théologique au plus haut niveau et la spiritualité qui entre directement dans les cœurs, unité entre l'intellect et l'amour. Il le disait toujours, notre foi catholique n'est pas une théorie sur un sujet, mais elle est relation, relation avec Jésus, nous participons à la relation intratrinitaire. Benoît a donc été capable d'ouvrir le cœur des gens. Et nous l'avons vu en ces jours après sa mort et lors des funérailles : il est resté très vivant dans le cœur des fidèles, de nombreuses personnes. Beaucoup pensaient que dix ans après son renoncement, le monde l'avait oublié ; au contraire, il est bien présent dans les mémoires.

    À votre avis, y a-t-il une œuvre de Ratzinger-Bénoît XVI qui exprime le mieux cette unité ?

    Il a écrit de nombreux livres et essais, mais je crois que la trilogie sur Jésus de Nazareth (publiée déjà comme pontife, entre 2007 et 2012, éd.) est la clé pour interpréter tout le reste. Ce livre sur Jésus exprime l'unité de la théologie cognitive et de la théologie affective, et quand je dis affective, je ne veux pas dire sentimentale, mais une expression de l'amour, de la relation avec Dieu. C'est pourquoi des millions de fidèles qui n'ont pas étudié la théologie, qui ne sont pas des experts en philosophie ou en histoire de la pensée européenne, ces fidèles qui prient chaque jour, qui vont à l'église et qui ont une relation quotidienne avec Jésus, ont pu lire et comprendre cette trilogie comme la clé intellectuelle, sapientielle et affective de la rencontre avec Jésus.

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  • L’origine des séquences et l’usage de l’encens dans la liturgie, par le Dr Denis Crouan

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    Liturgie 31 : L’origine des séquences et l’usage de l’encens dans la liturgie, par le Dr Denis Crouan

    https://youtu.be/V7eSlyaKnuY  

    Le docteur Denis Crouan aborde les séquences qui sont des chants populaires introduits dans la liturgie.  Au Moyen Âge, on les appelait « proses » ou parfois « hymnes ». Elles sont le fruit d’une étroite collaboration de la science humaine avec l’inspiration divine. Les séquences approuvées par l’Eglise ont une grande profondeur théologique qui devient de plus en plus marquée au cours des siècles.  

    L’usage de l’encens est attesté dès la plus haute autiquité. Puisque nous sommes des êtres de chair, nous appréhendons les réalités qui nous entourent par nos sens. Quant à la fumée de l’encens qui s’élève et parfume l’espace sacré, elle « aiguise » notre esprit en utilisant deux de nos sens pour évoquer les choses de Dieu : la vue et l’odorat. Malachie 1, 11 : « Du levant au couchant du soleil, mon Nom est louable parmi les nations. En chaque lieu, on brûle de l’encens pour mon Nom et on présente une offrande pure, car mon Nom est grand parmi les nations, dit le Seigneur de l’univers. » 

    COURS DE LITURGIE, PAR DENIS CROUAN, DOCTEUR EN THEOLOGIE, 2022-2023 

    Pour accéder à la totalité de la playlist :  

    https://www.youtube.com/playlist?list=PLuko328jWH_06CYFfUP8d6v_vzl9f4UbI 

    Cours donné par Denis Crouan, docteur en théologie, en entretien interactif avec Arnaud Dumouch. 

    Vidéo du site http://docteurangelique.free.fr/fichiers/InstitutDocteurAngelique.htm, les œuvres complètes en français de saint Thomas d'Aquin. 

    Denis Crouan 2023. 

  • Les 150 ans de la naissance de Péguy

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    Une dépêche de l'Agence Fides :

    Péguy, sur le seuil

    7 janvier 2023

    par Gianni Valente

    "Un enfant chrétien", écrivait Charles Péguy, "n'est rien d'autre qu'un enfant à qui l'enfance de Jésus a été mille fois présentée devant ses yeux". Lui, le grand poète français qui a su raconter et confesser avec une intimité sans pareille la survenance du mystère chrétien au cœur de la modernité "non chrétienne", est venu au monde à Orléans il y a exactement 150 ans, le 7 janvier 1873. Il ouvre les yeux sur un monde où les œuvres et les jours des hommes et des femmes de l'époque apparaissent encore irrigués des traces et des humeurs de la chrétienté française, faite de pauvres gens " qui bourraient les chaises avec le même esprit que celui avec lequel ils sculptaient leurs cathédrales ". Mais sa vie courte et intense se déroule en grande partie au milieu de personnes et de contextes qui semblent avoir rejeté l'Église et la doctrine chrétienne comme des vestiges d'un passé révolu, des fossiles de l'Ancien Régime. Il vit parmi les générations de ceux qu'il décrirait lui-même comme "les premiers, après Jésus, sans Jésus".

    Jeune militant républicain et socialiste, après s'être libéré à l'adolescence des héritages de sa première éducation chrétienne, il passe sa saison d'engagement volcanique parmi les athées, les agnostiques et les libres penseurs, ceux qui fréquentent la coterie intellectuelle des Cahiers de la Quinzaine, la revue qu'il a fondée. C'est là, immergé dans ce monde, qu'il a redécouvert la foi chrétienne comme un pur don de la grâce. Un nouveau départ qu'il ne vivra jamais lui-même comme une abjuration et un reniement de sa vie passée jusqu'alors "in partibus infidelium". C'est aussi pour cette raison que, 150 ans exactement après sa naissance, les traits inégalés de son aventure existentielle peuvent offrir de précieux indices de réconfort à tous ceux qui se soucient de la mission de confesser le nom du Christ à l'heure actuelle, surtout dans les pays où - comme l'a dit le Pape Benoît XVI - "la foi court le danger de s'éteindre comme une flamme qui ne trouve plus de nourriture".

    De la terre non chrétienne

    A dix-sept ans, Péguy n'est plus chrétien. Il écrivait à l'époque : "Tous mes compagnons se sont débarrassés du christianisme comme moi. Les treize ou quatorze siècles de christianisme implantés chez mes ancêtres, les onze ou douze années d'enseignement et parfois d'éducation catholique sincèrement et fidèlement reçues sont passés sur moi sans laisser de trace". Son tempérament généreux s'enflamme des mythes de la foi républicaine révolutionnaire, pour aboutir à un socialisme mystique. Jeune universitaire, il épouse civilement Charlotte Beaudin, 18 ans, membre d'un clan familial vivant dans le mythe de la Commune de Paris.

    C'est à cette terre non chrétienne, qui considère le christianisme comme un passé qui ne la concerne pas, qu'appartient Péguy lorsque, dix ans plus tard, il retrouve par grâce le fil d'or qui unit sa vie à Jésus et à son Salut.

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  • Homélie pour la solennité de l'Epiphanie : Sortons de nous-mêmes pour entrer dans sa joie !

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    Une homélie de l'abbé Christophe Cossement pour le dimanche de l'Epiphanie (année A) (archive 2017) :

    Laon, vitrail, détail,

    Sortons de nous-mêmes pour entrer dans sa joie !

    Comment vient-on à Dieu ? Comment le découvre-t-on ? Il y a tant de chemins selon les personnalités, les histoires et les situations de chacun. Il y a le chemin de Marie, celui de Joseph, celui des bergers surpris dans leurs champs. Aujourd’hui la liturgie nous fait regarder le chemin des mages. Ils viennent à Dieu à partir de ce qu’ils connaissent, l’observation des astres, l’interprétation des signes du ciel. Ils ont pu se mettre en mouvement parce qu’ils sont des chercheurs, des gens qui ne se contentent pas d’une vision superficielle pour passer ensuite à autre chose. Ils voulaient approfondir, creuser ce qu’ils pressentaient de grand, sans se dire : cette question est trop difficile, remettons-la à plus tard. Les mages nous apprennent à creuser les grandes intuitions, sans nous laisser divertir par une vie trépidante.

    Il fallait une autre attitude importante aux mages pour venir à Dieu : ils étaient capables de sortir de ce qu’ils connaissaient, de leurs sécurités. On ne vient pas à Dieu sans sortir de soi-même. Dieu a l’initiative de l’amour, il vient, puis nous devons sortir nous aussi à sa rencontre. Nous le faisons aujourd’hui en nous arrêtant pour Lui, en prenant le temps de la prière. Nous sortons à sa rencontre en ouvrant notre cœur à ceux qui vivent près de nous et auxquels nous nous sommes trop habitués et que nous regardons distraitement : nos enfants, notre mari, notre épouse, nos condisciples, nos amis, nos parents, nos voisins, etc.) Les regarder avec un regard d’amour neuf, c’est aussi sortir de soi vers Dieu. Nous le faisons aussi en considérant comment nous pouvons venir en aide aux chrétiens d’Orient, aux habitants d’Afrique qui vivent dans une pauvreté et une injustice indescriptibles, et tant d’autres. Il faut sortir de soi vers Dieu, pour ne pas ressembler à Hérode. Lui n’est pas sorti, car il voulait plutôt tout ramener à lui, il ne voulait pas prendre le risque de servir Dieu, il voulait que tout aille comme il l’avait décidé lui-même.

    Les mages ne sont pas seulement sortis à la rencontre du Fils de Dieu, ils lui ont apporté des cadeaux. Des cadeaux assez peu utiles pour un enfant, pas de hochet ni de dromadaire en peluche. Mais des cadeaux qui disent leur reconnaissance. Ils disent ce qu’ils savent de cet enfant et qu’ils en sont heureux. Nous allons leur emboîter le pas. Offrons de l’or en disant au Christ que nous sommes heureux qu’il soit roi et que nous aimerions qu’il le soit davantage. Nous lui présentons notre cœur pour qu’il y règne. Nous lui présentons le cœur de tant d’autres personnes, pour qu’il y apporte la paix et le désir de servir.

    Offrons de l’encens au Christ, en lui disant que nous sommes heureux qu’il soit Dieu, en l’exaltant de tout notre cœur, en contemplant l’infini qui est en lui. Tressaillons de joie car Dieu qui nous semble parfois loin est en réalité si proche, couché dans la crèche de notre cœur, faisant de nous son temple, des gens qui abritent Dieu et le rayonnent autour d’eux.

    Enfin, offrons de la myrrhe au Christ, en pensant à tout ce qu’il fera pour nous, jusqu’à accepter de mourir sur la croix trahi, méprisé, insulté, abandonné de tous. Offrons cette myrrhe en considérant qu’il est présent jusque dans les moments les plus durs de notre vie, lui le Fils de Dieu qui n’a jamais abandonné l’humanité, qui lui a tenu la main dans les situations les plus incompréhensibles. Et avec tous ces cadeaux dans les bras, laissons le Christ nous introduire déjà dans sa gloire, dans son monde où l’amour vaut plus que son pesant d’or, où la vie illumine les plus profondes ténèbres, où la joie d’exister s’empare de nous car il nous appelle à l’éternité avec lui.

  • Quand le cardinal Sarah évoque le pape Benoît XVI, son ami

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    Du site du Figaro via Il Sismografo :

    «Benoît XVI, mon ami», par le cardinal Robert Sarah

    (Robert Sarah*, Le Figaro) Pour la plupart des commentateurs, Benoît XVI laissera le souvenir d’un immense intellectuel. Son œuvre durera. Ses homélies sont déjà devenues des classiques à l’instar de celles des Pères de l’Église. Mais à ceux qui ont eu la grâce de l’approcher et de collaborer avec lui, le pape Benoît XVIlaisse bien plus que des textes. Je crois pouvoir affirmer que chaque rencontre avec lui fut une véritable expérience spirituelle qui a marqué mon âme. Ensemble, elles dessinent un portrait spirituel de celui que je regarde comme un saint et dont j’espère qu’il sera bientôt canonisé et déclaré docteur de l’Église.

    À son arrivée à la curie romaine en 2001, le jeune archevêque que j’étais - j’avais alors 56 ans - regardait avec admiration la parfaite entente entre Jean-Paul II et celui qui était alors le cardinal Ratzinger. Ils étaient tellement unis qu’il leur était devenu impossible de se séparer l’un de l’autre. Jean-Paul II était émerveillé par la profondeur de Joseph Ratzinger. De son côté, le cardinal était fasciné par l’immersion en Dieu de Jean-Paul II. Tous les deux cherchaient Dieu et voulaient redonner au monde le goût de cette quête.

    Joseph Ratzinger était reconnu comme un homme d’une grande sensibilité et pudeur. Je ne l’ai jamais vu afficher le moindre mépris. Au contraire, alors qu’il était submergé de travail, il se rendait tout entier disponible pour écouter son interlocuteur. S’il avait l’impression qu’il avait offensé quelqu’un, il cherchait toujours à lui expliquer les raisons de sa position. Il était incapable d’un acte tranchant. Je dois dire aussi qu’il faisait preuve d’un grand respect pour les théologiens africains. Il acceptait même volontiers de rendre des services pratiques, ou de faire passer un message à Jean-Paul II. Cette profonde bienveillance et délicatesse respectueuse envers chacun sont caractéristiques de Joseph Ratzinger.

    À partir de 2008, j’ai remplacé le cardinal Dias, préfet de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples dans un certain nombre de rencontres, car il souffrait d’une maladie invalidante. Dans ce contexte, j’ai eu la chance d’avoir de nombreuses séances de travail avec le pape Benoît XVI. En particulier, je devais lui présenter les projets de nomination d’évêques des plus de 1000 diocèses des pays de mission. Nous avions des séances parfois assez longues, de bien plus d’une heure. Il fallait discuter et soupeser des situations délicates. Certains pays vivaient en régime de persécution. D’autres diocèses étaient en crise. J’ai été frappé par la capacité d’écoute et l’humilité de Benoît XVI. Je crois qu’il a toujours fait confiance à ses collaborateurs. Cela lui a d’ailleurs valu des trahisons et des déceptions. Mais Benoît XVI était tellement incapable de dissimulation qu’il ne pouvait croire qu’un homme d’Église soit capable de mentir. Le choix des hommes ne lui était pas aisé.

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  • Homélie du pape François pour les funérailles du pape Benoît XVI

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    Homélie du pape François pour les funérailles du pape Benoît XVI

    (source)

    « Père, entre tes mains je remets mon esprit » (Lc 23, 46). Ce sont les dernières paroles que le Seigneur a prononcées sur la croix ; son dernier soupir – pourrait-on dire -, qui confirme ce qui a caractérisé toute sa vie : une permanente remise de soi entre les mains de son Père. Des mains de pardon et de compassion, de guérison et de miséricorde, des mains d’onction et de bénédiction qui le poussèrent à se livrer aussi aux mains de ses frères. Le Seigneur, ouvert aux histoires qu’il rencontrait sur son chemin, s’est laissé ciseler par la volonté de Dieu en prenant sur ses épaules toutes les conséquences et les difficultés de l’Évangile, jusqu’à voir ses mains meurtries par amour : « Vois mes mains », dit-il à Thomas (Jn 20, 27), et il le dit à chacun de nous. Des mains meurtries qui vont à la rencontre et ne cessent de s’offrir, afin que nous connaissions l’amour que Dieu a pour nous et que nous croyions en lui (cf. 1 Jn 4, 16).[1]

    « Père, entre tes mains je remets mon esprit » est l’invitation et le programme de vie qui inspire et veut modeler comme un potier (cf. Is 29, 16) le cœur du pasteur, jusqu’à ce que palpitent en lui les mêmes sentiments que ceux du Christ Jésus (cf. Ph 2, 5). Dévouement reconnaissant de service au Seigneur et à son Peuple qui naît du fait d’avoir accueilli un don totalement gratuit : “Tu m’appartiens… Tu leur appartiens”, susurre le Seigneur ; “Tu es sous la protection de mes mains, sous la protection de mon coeur. Reste dans le creux de mes mains et donne-moi les tiennes”.[2] C’est la condescendance de Dieu et sa proximité capable de se placer dans les mains fragiles de ses disciples pour nourrir son peuple et dire avec lui : prenez et mangez, prenez et buvez, ceci est mon corps qui s’offre pour vous (cf. Lc 22, 19).

    Un dévouement priant, qui se façonne et s’affine silencieusement entre les carrefours et les contradictions que le pasteur doit affronter (cf. 1 P 1, 6-7) et l’invitation confiante à paître le troupeau (cf. Jn 21, 17). Comme le Maître, il porte sur ses épaules la fatigue de l’intercession et l’usure de l’onction pour son peuple, surtout là où la bonté doit lutter et où les frères voient leur dignité menacée (cf. He 5, 7-9). Dans cette rencontre d’intercession, le Seigneur continue à générer la douceur capable de comprendre, d’accueillir, d’espérer et de parier au-delà des incompréhensions que cela peut susciter. Une fécondité invisible et insaisissable, qui naît du fait de savoir dans quelles la confiance a été placée (cf. 2 Tm 1, 12). Une confiance priante et adoratrice, capable d’interpréter les actions du pasteur et d’adapter son cœur et ses décisions aux temps de Dieu (cf. Jn 21, 18) : « Être le pasteur veut dire aimer, et aimer veut dire aussi être prêt à souffrir. Aimer signifie : donner aux brebis le vrai bien, la nourriture de la vérité de Dieu, de la parole de Dieu, la nourriture de sa présence ».[3]

    Un dévouement soutenu par la consolation de l’Esprit, qui le précède toujours dans la mission : dans la quête passionnée de communiquer la beauté et la joie de l’Évangile (cf. Exhort. Ap. Gaudete et exsultate, n. 57), dans le témoignage fécond de ceux qui, comme Marie, restent de bien des manières au pied de la croix, dans cette paix douloureuse mais solide qui n’agresse ni ne soumet ; et dans l’espérance obstinée mais patiente que le Seigneur accomplira sa promesse, comme il l’avait promis à nos pères et à sa descendance à jamais (cf. Lc 1, 54-55). Nous aussi, fermement attachés aux dernières paroles du Seigneur et au témoignage qui a marqué sa vie, nous voulons, en tant que communauté ecclésiale, suivre ses traces et confier notre frère aux mains du Père : que ces mains de miséricorde trouvent sa lampe allumée avec l’huile de l’Évangile qu’il a répandue et dont il a témoigné durant sa vie (cf. Mt 25, 6-7).

    Saint Grégoire le Grand, à la fin de la Règle pastorale, invite et exhorte un ami à lui offrir cette compagnie spirituelle : « Au milieu des tempêtes de ma vie, je me console par la confiance que tu me tiendras à flot sur la table de tes prières, et que, si le poids de mes fautes m’abat et m’humilie, tu me prêteras le secours de tes mérites pour me relever ». C’est la conscience du pasteur qu’il ne peut pas porter tout seul ce que, en réalité, il ne pourrait jamais supporter tout seul et, par conséquent, il sait s’abandonner à la prière et au soin du peuple qui lui est confié.[4] C’est le peuple fidèle de Dieu qui, rassemblé, accompagne et confie la vie de celui qui a été son pasteur. Comme les femmes de l’Évangile au sépulcre, nous sommes ici avec le parfum de la gratitude et l’onguent de l’espérance pour lui démontrer, encore une fois, l’amour qui ne se perd pas. Nous voulons le faire avec la même onction, sagesse, délicatesse et dévouement qu’il a su prodiguer au cours des années. Nous voulons dire ensemble: “Père, entre tes mains nous remettons son esprit”.

    Benoît, fidèle ami de l’Époux, que ta joie soit parfaite en entendant sa voix, définitivement et pour toujours !
    ___________________________
    [1] Cf. Benoît XVI, Enc. Deus caritas est, n. 1.
    [2] C. ID., Homélie de la Messe Chrismale, 13 avril 2006.
    [3] ID., Homélie de la Messe inaugurale du pontificat, 24 avril 2005.
    [4] Cf. ibid