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Débats - Page 515

  • Appartient-il à la vocation du médecin de suggérer à son patient de se faire euthanasier ?

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    De Carine Brochier sur euthanasiestop.be :

    Suggérer à son patient de se faire euthanasier relève-t-il de la vocation du médecin ?

    Il a 37 ans. Un cancer du pancréas le ronge peu à peu. Pris en charge par l'équipe de soignants en soins palliatifs, il ne souffre pas. Voilà qu'un jour, son médecin vient le voir et lui fait une proposition surprenante : « Je peux vous endormir et vous ne sentirez rien. L'euthanasie est vraiment la meilleure solution pour vous ».

    Cette proposition du médecin est bien réelle. Le patient est choqué et n'en veut pas. Il est tellement ébranlé qu'il demande aux membres de sa famille de se relayer jour et nuit à son chevet. Ni lui, ni ses proches n'ont plus confiance en l'équipe soignante à cause de ce médecin qui a suggéré l'euthanasie comme étant « sa » meilleure solution, la solution finale.

    Et que dire de cette jeune grand-mère de 70 ans victime d'un AVC et que son médecin encourage à demander l'euthanasie ? Elle ne sera pas soutenue par ses proches qui trouvent en effet que cela vaut mieux pour elle (et pour eux ?). Elle a été donc euthanasiée car on le lui avait suggéré la laissant bien sûr libre de refuser...en toute liberté.

    Ces deux cas seraient-ils uniques ? Serait-ce exceptionnel qu'un médecin propose de grand cœur, lui-même, l'euthanasie à son patient ? La loi dépénalisant l'euthanasie prévoit que le médecin doit informer son patient des autres possibilités en dehors de l'euthanasie. La loi ne demande pas que le médecin, lui-même, propose et suggère l'euthanasie.

    Notons que plusieurs associations se chargent de susciter les demandes d'euthanasie en présentant aux citoyens ce geste de mort provoquée comme étant la meilleure façon de mourir, sans douleur, au moment choisi et en toute dignité. Pourquoi faudrait-il résister à une telle invitation à mourir, et qui serait assez téméraire pour vouloir affronter la mort naturelle ?

    Et c'est là, me semble-t-il, que se situe le piège qui mène non seulement à l'acceptation sociale de l'euthanasie mais également au sentiment d'impunité de certains médecins qui agissent en dehors du cadre légal, estimant qu'endormir ou accélérer la mort n'a rien de répréhensible.

    Recevant dans le cadre de mon travail de plus en plus d'échos de soignants mais aussi de personnes dont les parents sont malades et hospitalisés, l'euthanasie m'apparaît comme une plaie béante pour le vivre ensemble et notre société. La volonté individuelle d'une personne demandant à ce qu'un autre, le médecin, provoque sa mort a des effets toxiques infligés aux soignants, aux proches, non seulement de cette génération mais aussi des générations à venir.

    Se pourrait-il qu'aveuglés idéologiquement, nous ne nous apercevions pas des dommages collatéraux lorsque nous tuons l'un des nôtres même à sa demande ? Faut-il réagir face aux médecins mais aussi face aux proches qui en viennent à proposer l'euthanasie aux vieux encombrants, aux malades chronophages et aux cas psychiatriques pour qui on croit ne plus savoir quoi faire ?

    Nous savons aussi combien nous sommes formatables par les médias où la mort provoquée après un cocktail d'adieu est présentée, comme la bonne mort.

    Par contre, ne sont-ils pas bien plus porteurs de vie ces témoignages de proches ayant expérimenté la bonté et le dévouement des soignants en soins palliatifs, ceux-là mêmes qui se battent tous les jours au chevet de leurs patients et y déploient un accompagnement d'excellence où la douleur est combattue et le malade pris en charge jusqu'à la mort naturelle ?

    Autonomie, où est ta victoire ?

    Provoquer la mort de l'un des nôtres est un acte grave. Or, aujourd'hui dans plusieurs pays, le primat de l'autonomie et de la liberté individuelle mettent en danger ce qui fonde la solidarité entre les citoyens. De par les effets collatéraux induits, nous sommes tous touchés par la pratique de l'euthanasie. C'est pourquoi, si nous voulons survivre, nous les vivants, à une culture mortifère et à l'individualisme destructeur du lien social, il est temps de résister.

    Tout comme l'accueil des migrants nous bouscule et nous humanise, nos malades et nos personnes âgées dépendantes bousculent le rythme de notre quotidien trop bien occupé, ils nous décentrent de notre égoïsme individualiste. Nous avons tous, un jour fait l'expérience de la joie qui surgit lors d'un soin à une personne fragile. Et tout comme la joie se partage, le prendre soin se partage aussi. C'est d'ailleurs ce qui fonde notre Humanité.

    Y aurait-il quelque chose de bon et de vrai à re-découvrir dans cette vulnérabilité qui nous invite à dépendre de l'autre ?

    Cela demande d'ouvrir les yeux pour nous investir ensemble dans de nouvelles relations, loin du geste meurtrier que constitue l'euthanasie.

    Et alors, peut-être, lorsque je mourrai, je pourrai regarder les mains de mon médecin et me dire « Il n'a jamais tué. »

  • Nous, médecins, ne pouvons prescrire une ‘bonne mort’

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    « LA MORT N’EST PAS UN PROBLÈME MÉDICAL À RÉSOUDRE »

    « Nous, médecins, ne pouvons prescrire une ‘bonne mort’ » titre une publication de Seamus O'Mahony, médecin consultant à l'hôpital universitaire de Cork en Irlande.

    Ecœuré par la publication, chaque mois, d’un nouveau rapport « bien intentionné sur les morts et les soins de fin de vie » et marqué par la « laïcité et l’individualisme », il prend la parole et dresse un constat alarmant. Il dénonce le nombre croissant d’organismes gouvernementaux qui se disputent la « propriété de la mort » et qui ont éludé le vrai débat : le suicide assisté et les directives anticipées sont à la fois le symptôme d'un malaise plus profond (l'obsession de l'autonomie personnelle et de contrôle) et une distraction, car les « vrais problèmes sont ailleurs ». Aucun règlement ou rapport ne régénérera la compassion, qui fait aujourd’hui cruellement défaut dans la prise en charge des patients.

    La mort est désormais médicalisée : en Grande Bretagne ou en Irlande, la moitié des personnes meurent à l’hôpital. La société a remis la responsabilité des soins de fin de vie et repoussé les« aspects insurmontables » de la fin de vie sur les hôpitaux, qui ne peuvent répondre aux besoins des mourants. En outre, certains patients et leurs familles ont des attentes irréalistes envers la médecine, et leur frustration peut les inciter à prendre des mesures juridiques. La « judiciarisation »de la mort est alors aussi préoccupante que sa « médicalisation ». Les médecins et les infirmières sont devenus les boucs émissaires de notre mauvaise compréhension de la façon dont nous mourrons.

    Il y a une « perception », écrit ce médecin, et même « un consensus » établissant que la mort est un problème que la médecine devrait en résoudre, qu'une «bonne mort» est quelque chose que les médecins devraient être en mesure de prescrire, comme on pourrait prescrire une cure d'antibiotiques. Mais « nos besoins sont spirituels, et non médicaux». Nous serions « plus heureux si nous arrêtions de penser nos corps comme des machines, et si nous abandonnions nos fantasmes de contrôle et d’immortalité ».

    Sources: The Guardian, Seamus O'Mahony (22/05/2016)

  • Religions et violence : peut-on renvoyer dos à dos islam et christianisme ?

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    De Rémi Brague sur FigaroVox (lefigaro.fr) :

    Les religions et la violence: ne pas renvoyer dos à dos islam et christianisme

    TRIBUNE - Contrairement à ce qu'a affirmé le pape François, les textes sacrés de l'islam et du christianisme ne justifient pas la violence de la même manière, argumente Rémi Brague, professeur émérite de philosophie à la Sorbonne.

    Les déclarations publiques du pape François suscitent toujours l'intérêt. L'entretien accordé par le Souverain Pontife à deux journalistes deLa Croix, publié dans ledit quotidien le 17 mai, contient ainsi une quantité de choses excellentes, et même réjouissantes. Par exemple, sa conception du rôle que le christianisme pourrait et devrait jouer envers les cultures, dont l'européenne, ou encore ses réflexions sur les causes de la crise migratoire et son traitement possible, enfin son amusante dénonciation du cléricalisme. Il y a là-dedans de quoi provoquer une réflexion approfondie, et l'on souhaite que nos décideurs en prennent de la graine.

    D'autres points sont affaire de goût, et le mien ne coïncide pas toujours avec celui du Pape. Ainsi, nommer sur le même plan Maurice Blondel et Jean Guitton, et plus encore les deux jésuites Henri de Lubac et Michel de Certeau, me fait personnellement un peu sourire. Mais rien ne prouve que ce soit mon goût qui soit le bon…

    En revanche, un passage suscite en moi une perplexité certaine, et c'est celui sur l'islam. Là aussi, il contient d'ailleurs de très bonnes choses, par exemple sur l'imprudence arrogante avec laquelle l'Occident a essayé d'imposer son régime politique à des régions mal préparées. Il est juste aussi de dire que la coexistence entre chrétiens et musulmans est possible, même si les exemples de l'Argentine, avec son 1,5% de musulmans, et surtout du Liban, doivent être pris avec prudence. Tant qu'il s'agit de faire vivre ensemble des personnes, qu'il est déjà maladroit de réduire à leur seule affiliation religieuse, on a le droit d'espérer et le devoir d'agir en ce sens.

    L'entreprise devient plus difficile là où l'on compare non plus des personnes, mais des systèmes religieux considérés dans leurs documents normatifs. De ce point de vue, un passage des propos du pape François attire l'œil: «L'idée de conquête est inhérente à l'âme de l'islam, il est vrai. Mais on pourrait interpréter avec la même idée de conquête la fin de l'Évangile de Matthieu, où Jésus envoie ses disciples dans toutes les nations.» Voici le passage évoqué: «Allez donc, faites des disciples (“mathèteuein”, en grec) de toutes les nations, baptisant les gens (…), leur enseignant (“didaskein”) à observer tout ce que je vous ai commandé (Matthieu, 28, 19).»

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  • Les Actes du Symposium sur l'avenir des églises de Bruxelles sont disponibles

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     (source)

    Actes du Symposium sur l'avenir des églises du 16/04/2016

    Chers amis,

    Vous trouverez ci-dessous les Actes du Symposium sur l'avenir des églises organisé le 16 avril 2016 aux facultés universitaires Saint-Louis par Les amis des églises.

    Veuillez noter que les actes sont diffusés en deux parties.

    Ils reprennent aussi une partie des actes du premier symposium le 20 septembre 2012.

    N'hésitez pas à consulter ces actes et à les diffuser.

    Toute question peut être adressée par email sur l'adresse : symposiumeglisesbxl@gmail.com

    Une version imprimée et brochée peut être commandée au prix de 35,00 EUR.

    Les amis des églises.

    Symposium sur l'avenir des églises 16 avril 2016 - ACTES 1ère partie 1/2

    Symposium sur l'avenir des églises 16 avril 2016 - ACTES 2ème partie 2/2

  • Les femmes et la nature du diaconat

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    Tel est l’objet de la question posée récemment par le pape François.

    diaconesse antique.jpgSur la nature du « diaconat permanent » dont le nom en tout cas fut tiré des oubliettes de l’histoire par le concile Vatican II, l’abbé Alphonse Borras a publié, voici quelque temps déjà, un ouvrage intitulé  « Le diaconat au risque de sa nouveauté » (Bruxelles, Lessius , collection « La Part Dieu », 10-2007, 239 pages) que Michel Deneken a recensé dans la Revue des sciences religieuses. Il situe clairement l’objet du débat. 

    « Théologien, canoniste et vicaire général du diocèse de Liège, Alphonse Borras mène sur les ministères une réflexion qui toujours allie histoire, théologie, droit et pratique. Il est, entre autre, un des spécialistes reconnus du diaconat. Considérant le bilan du rétablissement du diaconat permanent depuis quarante ans et prenant en compte les travaux que la Commission Théologique Internationale sur l’évolution et les perspectives du diaconat de 2003, Alphonse Borras pose la question de la nouveauté de ce ministère. Un bref rappel des débats autour du rétablissement du diaconat permanent à Vatican II permet de saisir d’emblée que si le diaconat permanent apparaît nécessaire à la vie de l’Église, s’y trouvent cependant en germe des équivoques, des difficultés et des interrogations.

    On découvre ainsi que la réception de ce ministère demeure largement à réaliser. « Diaconat nouveau ou nouveau diaconat ? » : Le titre du chapitre II ne relève pas du vain jeu de mots, mais situe la question telle qu’elle se pose aujourd’hui concrètement aux communautés chrétiennes comme à l’épiscopat. Parlant d’un diaconat « aux franges du sacerdoce » (p. 61), Alphonse Borras montre bien que celui que rétablit Paul VI n’est pas le même que celui qui eut cours dans l’Église ancienne. Il convient donc de parler non d’un nouveau diaconat, car la référence est bien l’Église ancienne, mais de diaconat nouveau, se distinguant du diaconat ancien. Si le diaconat prend en référence le presbytérat, le risque de nouveaux malentendus est grand. Il convient donc de réfléchir à la symbolique diaconale (chapitre III), ce qui aboutit à une précision sur la nature sacramentelle du diaconat (chapitre IV).

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  • Les diaconesses ou quand des propos du pape provoquent une tempête dans un verre d'eau

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    D'Ignacio Aréchaga (trad. St. Seminckx) sur didoc.be :

    Des diaconesses dans la société moderne

    Certains propos récents du pape ont provoqué une tempête dans un verre d’eau.

    La réponse du pape à une question sur la possibilité pour les femmes d’être diaconesses a relancé un carrousel médiatique assez actif sous ce pontificat. En réponse à une proposition, le pape n’a pas exclu la possibilité d’étudier un changement dans un domaine en lien avec la sensibilité actuelle. Les titres des journaux transforment l’étude en décision et considèrent comme acquise la volonté de changement du pape. Les reportages du lendemain vont plus loin et prophétisent qu’il s’agit du premier pas vers le sacerdoce pour les femmes. Le Bureau de Presse du Vatican doit éteindre l’incendie et Lombardi explique que « le pape n’a pas dit qu’il prétend introduire l’ordination diaconale pour les femmes ». Ceux qui croient que le pape François partage leurs idées sur les changements dans l’Eglise assurent que la volonté réformatrice du pape est freinée par les conservateurs qui lui mettent des bâtons dans les roues.

    Un peu plus de calme et de mémoire contribuerait à situer la question dans son contexte. Le pape a dit dans une réponse informelle qu’il pourrait être opportun qu’une commission d’étude clarifie la possibilité, dans l’Eglise d’aujourd’hui, d’avoir des femmes qui réalisent les tâches de celles que, dans l’Eglise primitive, certains documents mentionnent sous le nom de diaconesses.

    Sans préjuger de ce que peut dire une telle commission, il n’est pas superflu de rappeler que déjà le conservateur Ratzinger, quand il était préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, n’a eu aucun inconvénient à commander à la Commission Théologique Internationale une étude sur l’évolution du diaconat, dans lequel il était question, parmi d’autres thèmes, du ministère des diaconesses.

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  • D’où vient l’islamisme radical ?

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    De Jacques Bichot sur magistro.fr :

    Pourquoi Daech ?

    La mutilation de Palmyre a conduit Paul Veyne, historien fin connaisseur de l’antiquité, à écrire et publier dans un délai record un petit livre (1) dont la lecture est du plus grand intérêt à bien des égards. Ce qui suit nous a été inspiré par deux pages de ce livre écrites pour répondre à la question : "Pourquoi, en août 2015, avoir détruit le temple de Baalshâmin ?" Ces deux pages amorcent en effet la réponse à une question beaucoup plus vaste : d’où vient l’islamisme radical, celui qui démolit, massacre, mais aussi restaure ou instaure des mœurs basées sur le machisme et l’intolérance ?

    Pour Paul Veyne, c’est le désir d’un retour aux mœurs anciennes qui est le ressort de la violence djihadiste. "Partout dans le monde, les filles font des études, les femmes conduisent", constate-t-il, et pourquoi ? "Car la culture de l’Occident et ses mœurs s’étendent partout". Une forme de vie en société est menacée de disparition. Pour la préserver, une tentative de solution consiste à construire un État islamique là où ces règles de vie existent encore – un État coupant radicalement ses sujets de l’Occident tentateur.

    La violence sert à opérer cette coupure. Elle est le refus du vivre-ensemble, et l’opération grâce à laquelle cette vie commune devient impossible. L’Occident possède une forte capacité d’absorption, d’assimilation des apports extérieurs, et aussi de conversion à ses manières d’être et de faire ; il faut donc se couper de lui en attaquant ce qui pour lui est sacré.

    Les temples de Palmyre comme les Bouddhas afghans manifestaient la façon dont la culture occidentale parvient à faire sienne des chefs-d’œuvre qui ont une autre source que l’Europe. C’est notre ouverture d’esprit, notre aptitude à nous enrichir spirituellement, intellectuellement et économiquement de ce que d’autres ont découvert, qui fait de nous, aux yeux des intégristes musulmans, des hommes dangereux, qui doivent être dressés, soumis, ou éliminés.

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  • Ce qui oppose Poutine à l'Occident

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    XVMc6a9d46a-1eb3-11e6-9ee6-ec20862de658-150x200.jpgD'Eléonore de Vulpillières sur FigaroVox (lefigaro.fr)

    Mathieu Slama : «Il y a du Soljenitsyne dans le discours de Poutine»

    FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Dans un premier essai passionnant, La guerre des mondes, Mathieu Slama analyse les ressorts de l'affrontement entre la Russie et l'Occident. Pour le jeune essayiste, ce sont avant tout deux visions du monde qui s'opposent.

    Né en 1986, Mathieu Slama intervient de façon régulière dans les médias, notamment dans le FigaroVox sur les questions de politique internationale. Un des premiers en France à avoir décrypté la propagande de l'Etat islamique, il a publié plusieurs articles sur la stratégie de Poutine vis-à-vis de l'Europe et de l'Occident. Son premier livre, La guerre des mondes, réflexion sur la croisade de Poutine contre l'Occident vient de sortir aux éditions de Fallois.

    Pour quelle raison l'affrontement entre Vladimir Poutine et l'Occident est-il essentiellement idéologique?

    Ma thèse est que dans le conflit politique qui oppose l'Europe et les Etats-Unis à la Russie de Poutine, il y a un arrière-plan idéologique fondamental qui met en jeu deux grammaires du monde qui s'opposent en tout point. A cet égard, ce qui se joue dans cet affrontement est bien plus décisif qu'un simple conflit d'intérêts.

    Mais il suffit d'écouter Poutine pour comprendre qu'il se situe lui-même sur le terrain idéologique. Ce fut particulièrement frappant à partir de 2013, lorsque les crises ukrainiennes et syriennes ont réellement marqué une rupture entre les Russes et les Occidentaux.

    Dans plusieurs discours, Poutine s'en est pris à la «destruction des valeurs traditionnelles» et à «l'effacement des traditions nationales et des frontières entre les différentes ethnies et cultures», visant implicitement les pays occidentaux. A plusieurs reprises il a exalté «les valeurs spirituelles de l'humanité et de la diversité du monde», «les valeurs de la famille traditionnelle, de la vie humaine authentique, y compris de la vie religieuse des individus», faisant appel au grand philosophe conservateur russe Nicolas Berdiaev. Il y a aussi, dans le discours de Poutine, des attaques directes adressées aux pays occidentaux et notamment aux pays européens. «Les pays euro-atlantiques rejettent leur racine», a-t-il expliqué dans un discours, «dont les valeurs chrétiennes qui constituent la base de la civilisation occidentale». Utilisant des termes très violents comme «primitivisme», s'en prenant ouvertement aux légalisations en faveur du mariage homosexuel, Poutine accuse aussi régulièrement les pays occidentaux de vouloir exporter leur modèle libéral au monde entier, au mépris des particularités nationales.

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  • Le statut du pape émérite Benoît XVI : une déclaration de Mgr Georg Ganswein

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    Lors de la récente présentation du livre « Oltre la crisi della Chiesa » de Roberto Regoli (Ed. Lindau) consacré au pontificat de Benoît XVI, l’archevêque Georg Ganswein, préfet de la Maison pontificale et secrétaire particulier du pape émérite a fait un exposé intéressant sur le sens de la démission de ce pape  et l’ère nouvelle qu’il a voulu inaugurer pour l’institution pontificale.

    Le site « Benoît et moi » a traduit en français le texte de cette intervention dont nous extrayons ce passage significatif :

    […] La démission historique du pape théologien a représenté un pas en avant principalement pour le fait que le 11 Février 2013, parlant en latin devant les cardinaux surpris, il a introduit dans l'Eglise catholique la nouvelle institution du "pape émérite", déclarant que ses forces n'étaient plus suffisantes "pour exercer correctement le ministère pétrinien". Le mot clé dans cette déclaration est 'munus petrinum', traduit - comme c'est le cas la plupart du temps - par "ministère pétrinien". Et pourtant, munus, en latin, a une multiplicité de significations: il peut signifier service, devoir, conduite ou don, et même prodige. Avant et après sa démission Benoît a entendu et entend sa tâche comme participation à un tel "ministère pétrinien". Il a quitté le trône pontifical et pourtant, avec le pas du 11 Février 2013, il n'a pas abandonné ce ministère. Il a au contraire intégré l'office personnel avec une dimension collégiale et synodale, presque un ministère en commun, comme si, en faisant cela, il voulait répéter encore une fois l'invitation contenue dans la devise que le Joseph Ratzinger d'alors se donna comme archevêque de Münich et Freising et qu'ensuite il a naturellement maintenue comme évêque de Rome: "cooperatores veritatis", qui signifie justement "coopérateurs de la vérité". En effet, ce n'est pas un singulier, mais un pluriel, tiré de la troisième lettre de Jean, dans lequel il est écrit au verset 8: «Nous devons accueillir ces personnes pour devenir coopérateurs de la vérité".

    Depuis l'élection de son successeur François le 13 Mars 2013, il n'y a donc pas deux papes, mais de facto un ministère élargi - avec un membre actif et un membre contemplatif. C'est pour cela que Benoît XVI n'a renoncé ni à son nom, ni à la soutane blanche. C'est pour cela que l'appellation correcte pour s'adresser à lui est encore aujourd'hui "Sainteté". Et c'est pour cela qu'il ne s'est pas retiré dans un monastère isolé, mais à l'intérieur du Vatican - comme s'il avait fait seulement un "pas de côté" pour faire place à son successeur et à une nouvelle étape dans l'histoire de la papauté, qu'avec ce pas il a enrichie de la "centrale" de sa prière et de sa compassion placée dans les jardins du Vatican […] ».  

    Lire toute la communication ici : BENOÎT XVI, LA FIN DE L'ANCIEN, LE DÉBUT DU NOUVEAU, L'ANALYSE DE GEORG GÄNSWEIN

    L’éméritat d’un pape ne serait donc pas comparable à celui d’un évêque diocésain à la retraite. Qu’en pense le pape régnant ?

    JPSC

     

  • Dépassé, le concept de famille ?

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    Un débat sur rtl-tvi :

    La famille traditionnelle reste, encore aujourd'hui, statistiquement la norme même si de plus en plus de couples divorcent. Face à une telle évolution, certains se demandent si le concept n'est pas dépassé.
    Le concept de famille est-il dépassé?

  • A propos du plan Jeholet de rationalisation des cultes

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    De Paul Vaute dans La Libre - Gazette de Liège (21-22 mai) :

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  • Quand Benoît XVI fustigeait le rejet croissant du christianisme en Europe

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    Voici peu,  le commissaire européen Pierre Moscovici ,  le  pape François, et bien d’autres à la suite de leurs déclarations, ont relancé dans la presse le vieux débat sur les racines chrétiennes de l’Europe. Pour ceux qui ont la mémoire courte, le blog informatique « Le Rouge et le Noir »  rappelait, en 2014 déjà, le point de vue de Joseph Ratzinger-Benoît XVI, qui s’est maintes fois exprimé à ce sujet au cours de sa longue vie au service de l’Eglise :

    Benoit XVI.jpg« Sous de nouvelles formes, se font jour des tentatives pour marginaliser l’influence du christianisme dans la vie publique – parfois sous le prétexte que ses enseignements porteraient atteinte au bien-être de la société –. Ce phénomène doit nous inciter à prendre le temps de la réflexion. Comme je l’ai suggéré dans mon Encyclique sur l’Espérance chrétienne, la séparation artificielle de l’Évangile avec la vie publique et intellectuelle devrait nous pousser à engager une mutuelle « autocritique de la modernité » et « autocritique du christianisme moderne », regardant spécifiquement l’espérance que chacun peut offrir au genre humain (cf. Spe Salvi, n. 22) » [1].

    « Il existe en outre des formes plus élaborées d’hostilité envers la religion, qui, dans les pays occidentaux, se manifestent parfois par le reniement de l’histoire et des symboles religieux dans lesquels se reflètent l’identité et la culture de la majorité des citoyens. Ces attitudes alimentent souvent haine et préjugés et ne sont pas cohérentes avec une vision sereine et équilibrée du pluralisme et de la laïcité des institutions, sans compter qu’elles peuvent empêcher les jeunes générations d’entrer en contact avec le précieux héritage spirituel de leurs pays. »

    « On ne peut oublier que le fondamentalisme religieux et le laïcisme sont des formes spéculaires et extrêmes du refus du légitime pluralisme et du principe de laïcité. Tous deux, en effet, absolutisent une vision réductrice et partiale de la personne humaine, favorisant dans le premier cas, des formes d’intégralisme religieux, et dans le second, de rationalisme. La société qui veut imposer, ou qui, au contraire, nie la religion par la violence, est injuste à l’égard de la personne et de Dieu, mais aussi envers elle-même » [2].

    L’Europe, construite par la chrétienté

    «  Des voix chagrines contestent avec une stupéfiante régularité la réalité des racines religieuses européennes. Il est devenu de bon ton d’être amnésique et de nier les évidences historiques. Affirmer que l’Europe n’a pas de racines chrétiennes, équivaut à prétendre qu’un homme peut vivre sans oxygène et sans nourriture. Il ne faut pas avoir honte de rappeler et de soutenir la vérité en refusant, si nécessaire, ce qui est contraire à elle » [3].

    Ces années de pontificat ont ainsi été pour l’Europe une invitation incessante à « renforcer ses racines chrétiennes et à intensifier ainsi son engagement en faveur de la solidarité et de la ferme défense de la dignité de l’homme » [4].

    A travers de nombreuses catéchèses et audiences, Benoît XVI a rappelé la participation essentielle de l’ Église à la construction de l’Europe, que ce soit à travers « l’œuvre merveilleuse accomplie par le saint à travers la Règle pour la formation de la civilisation et de la culture européenne » [5], le témoignage des saints Cyrille et Méthode, « pionniers de l’évangélisation de l’Europe » [6] ou celui de l’héritage clunisien qui a permis d’esquisser ainsi « une Europe de l’esprit » [7].

    Il a invité à de multiples reprises l’homme européen à « ne pas renier l’héritage chrétien qui appartient à son histoire, mais au contraire qu’’il le conserve jalousement et l’amène à porter encore des fruits dignes du passé » [8]. Que ce soit en Croatie [9], en Autriche [10], en République Tchèque [11], en Italie [12], aux membres du parlement européens [13], … Benoît XVI n’a eu de cesse de rappeler lors de ses visites l’importance des « racines chrétiennes de l’Europe qui lui ont conféré sa grandeur par le passé et qui peuvent aujourd’hui encore favoriser l’unité profonde du continent » [14].

    Les racines chrétiennes de l’Europe

    L’Europe contemporaine est « le fruit de deux mille ans de civilisation » et elle plonge ses racines à la fois dans l’immense patrimoine d’Athènes et de Rome, et surtout dans le « terrain fécond du christianisme  » qui s’est révélé capable de « créer de nouveaux patrimoines culturels tout en recevant la contribution originale de chaque civilisation » [15].

    « Quand l’Europe écoute l’histoire du Christianisme, elle entend sa propre histoire. Sa notion de justice, de liberté et de responsabilité sociale, en même temps que les institutions culturelles et juridiques établies pour préserver ces idées et les transmettre aux générations futures, sont modelées par l’héritage chrétien » [16].

    « Dans l’histoire complexe de l’Europe, le christianisme représente un élément central. La foi chrétienne a façonné la culture du vieux continent et s’est mêlée de manière indissoluble à son histoire, au point que celle-ci ne serait pas compréhensible si l’on ne faisait pas référence aux événements qui ont caractérisé tout d’abord la grande période de l’évangélisation et ensuite les longs siècles où le christianisme a pris un rôle toujours plus important ».

    « Les Européens sont appelés à s’engager pour créer les conditions d’une profonde cohésion et d’une collaboration réelle entre les peuples. Pour construire la nouvelle Europe sur des bases solides il ne suffit pas de faire appel aux seuls intérêts économiques, mais il faut plutôt se baser sur les valeurs authentiques qui ont leur fondement dans la loi morale universelle inscrite dans le cœur de chaque homme » [17].

    « Rappeler ces origines est nécessaire, même pour la vérité historique, et il est important de savoir lire en profondeur ces racines, pour qu’elles puissent aussi animer l’aujourd’hui. C’est-à-dire qu’il est décisif de saisir le dynamisme qu’il y a – par exemple – dans l’événement de la naissance d’une université, ou d’un mouvement artistique, ou d’un hôpital. Il faut comprendre le pourquoi et le comment cela est arrivé, pour valoriser dans l’aujourd’hui ce dynamisme, qui est une réalité spirituelle qui devient culturelle et donc sociale. À la base de tout, il y a des hommes et des femmes, il y a des personnes, des consciences, mues par la force de la vérité et du bien » [18].

    «  L’on ne peut pas penser édifier une authentique "maison commune" européenne en négligeant l’identité propre des peuples de notre continent. Il s’agit en effet d’une identité historique, culturelle et morale, avant même d’être géographique, économique ou politique ; une identité constituée par un ensemble de valeurs universelles, que le christianisme a contribué à forger, acquérant ainsi un rôle non seulement historique, mais fondateur à l’égard de l’Europe. Ces valeurs, qui constituent l’âme du continent, doivent demeurer dans l’Europe du troisième millénaire comme un "ferment" de civilisation. Si elles devaient disparaître, comment le "vieux" continent pourrait-il continuer de jouer le rôle de "levain" pour le monde entier ? »

    «  N’est-il pas surprenant que l’Europe d’aujourd’hui, tandis qu’elle vise à se présenter comme une communauté de valeurs, semble toujours plus souvent contester le fait qu’il existe des valeurs universelles et absolues ? Cette forme singulière d’"apostasie" d’elle-même, avant même que de Dieu, ne la pousse-t-elle pas à douter de sa propre identité ? De cette façon, on finit par répandre la conviction selon laquelle la "pondération des biens" est l’unique voie pour le discernement moral et que le bien commun est synonyme de compromis. En réalité, si le compromis peut constituer un équilibre légitime d’intérêts particuliers différents, il se transforme en mal commun chaque fois qu’il comporte des accords qui nuisent à la nature de l’homme » [19].

    « Même si hélas de nombreux Européens semblent ignorer les racines chrétiennes de l’Europe, celles-ci sont vivantes, et devraient tracer le chemin et nourrir l’espérance de millions de citoyens qui partagent les mêmes valeurs » [20]. L’unité des peuples européens ne sera solide que si elle est basée sur les racines chrétiennes communes. Grâce à celles-ci « l’Europe sera capable de donner une orientation sûre au choix de ses citoyens et de ses peuples, elle renforcera sa conscience d’appartenir à une civilisation commune et elle consolidera l’engagement de tous dans le but de faire face aux défis du présent en vue d’un avenir meilleur » [21].

    _____

    [1] Benoît XVI, Rencontre œcuménique, salle du Trône de l’Archevêché de Prague, 27 septembre 2009, Voyage Apostolique, République tchèque, 26-28 septembre 2009

    [2] Benoît XVI, Message pour la célébration de la Journée Mondiale de la Paix 2011, 1er janvier 2011

    [3] Benoît XVI, Discours à l’ambassadeur de Croatie, 11/04/2011

    [4] Benoît XVI, Lettre en conclusion de l’Année sainte de Compostelle 2010, 18 décembre 2010

    [5] Benoît XVI, audience générale, 09/04/2008

    [6] Benoît XVI, A la délégation bulgare en la mémoire liturgique des saints Cyrille et Méthode, 23 mai 2011

    [7] Benoît XVI, Audience Générale, 11 novembre 2009

    [8] Visite officielle du Pape Benoît XVI au Quirinal, 24 juin 2005

    [9] Benoît XVI, Rencontre avec les représentants de la société civile, du monde politique, académique, culturel et de l’entreprise, avec le corps diplomatique et avec les chefs religieux, 4 juin 2011

    [10] Benoît XVI, Visite apostolique en Autriche, 07/09/2007

    [11] Benoît XVI, Rencontre œcuménique, salle du Trône de l’Archevêché de Prague, 27 septembre 2009, Voyage Apostolique, République tchèque, 26-28 septembre 2009

    [12] Visite officielle du Pape Benoît XVI au Quirinal, 24 juin 2005

    [13] Benoît XVI, Discours aux participants au Congrès promu par le Parti populaire européen, 30 mars 2006

    [14] Visite officielle du Pape Benoît XVI au Quirinal, 24 juin 2005

    [15] Zenit, Les racines chrétiennes de l’Europe sont vivantes, constate Benoît XVI, 9 décembre 2008

    [16] Benoît XVI, Rencontre œcuménique, salle du Trône de l’Archevêché de Prague, 27 septembre 2009, Voyage Apostolique, République tchèque, 26-28 septembre 2009

    [17] Benoît XVI, A la délégation bulgare en la mémoire liturgique des saints Cyrille et Méthode, 23 mai 2011

    [18] Benoît XVI, Rencontre avec les représentants de la société civile, du monde politique, académique, culturel et de l’entreprise, avec le corps diplomatique et avec les chefs religieux, 4 juin 2011

    [19] Benoît XVI, Audience au Congrès promu par la Commission des épiscopats de la Communauté européenne (COMECE), 24 mars 2007

    [20] Benoît XVI, Message pour la journée d’étude sur le dialogue entre cultures et religions, 3 décembre 2008

    [21] Benoît XVI, Discours aux participants au Congrès promu par le Parti populaire européen, 30 mars 2006

     Ref. Quand Benoît XVI fustigeait le rejet croissant du christianisme en Europe

    A propos des racines de l’Europe, Paul-Henri Spaak,  l’un des « pères » fondateurs des Communautés européennes, déclarait en 1957 :       

    « Cette civilisation - et pour tous ceux qui connaissent mes tendances philosophiques ce que je vais déclarer paraîtra peut-être surprenant - cette civilisation est, que nous le voulions ou non, la civilisation chrétienne. Je l'ai dit un jour à Strasbourg : quand les temps seront révolus, lorsque nous aurons tous disparu depuis de longues et de longues années et quand on voudra raconter l'aventure humaine que nous avons vécue, on ne pourra pas, quelles que soient nos convictions religieuses ou philosophiques, dire autre chose que ceci : les gens de ce temps-là, les gens de ce siècle-là ont vécu ensemble l'aventure, l'immense aventure de la civilisation chrétienne. Et, étant donné que je ne suis pas un philosophe cherchant à résumer en peu de phrases ce qui paraît l'essentiel de cette civilisation, je crois pouvoir dire que la civilisation chrétienne a apporté au monde une conception particulière de l'homme, fondée sur le respect qu'il faut avoir pour la personnalité humaine, et que c'est de cela que découle tout le reste ». (extrait de «  Une révolution européenne ? »,  discours de Paul-Henri Spaak à la Banco di Roma sur les traités de Rome, 26 mars 1957).

    Avis aux partisans des identités multiples et du multiculturalisme.

    JPSC