L’Union européenne (UE) a réagi au coup par coup et souvent très maladroitement aux tremblements de terre successifs qui, en cinq ans, ont jeté le Monde arabo-musulman dans un chaos inextricable. Les défis qui s’imposent à Bruxelles nécessiteraient la mise en œuvre d’une politique commune ferme et déterminée, qui dépasse les divisions nombreuses que les flots de réfugiés arrivés en Europe ont ravivées et exacerbées. En dépit des tous les freins entravant son action, l’Union européenne détient un certain nombre des clés d’une influence diplomatique. Mais rien n’est possible sans l’émergence d’une volonté politique des Etats qui la constituent. Analyse par Pierre Ménat dans « Le Courrier du Maghreb et de l’Orient » du 16 avril 2016. Juriste et Politologue, Chargé d’Enseignement en Questions européennes à l’Université Toulouse-Capitole et Assesseur à la Cour nationale du Droit d’Asile (France), Pierre Ménat fut ambassadeur de France en Tunisie pendant le « Printemps arabe »
Après la chute du Mur de Berlin, Francis Fukuyama publia un livre célèbre, La fin de l’histoire, qui entendait proclamer le triomphe des principes démocratiques.
L’histoire n’était pas finie, mais la guerre froide l’était.
Nombreux furent ceux qui perçurent le danger d’un détournement vers l’Est de l’attention et de l’assistance jusque-là portées, modestement, au Sud. Mais peu de commentateurs se penchèrent sur l’effet sur le Monde arabo-musulman de cet événement majeur.
Et pourtant, que de bouleversements survenus en vingt-sept ans !
En 1989, le Proche et le Moyen-Orient étaient dotés d’États solides, édifiés peu à peu depuis 1945, certes, pour la plupart, sous la férule de pouvoirs autoritaires. Comme d’autres, ceux-ci subissaient la tutelle des deux Grands, qui y exerçaient leurs influences respectives, et sifflaient, conjointement ou séparément, la fin de la partie lorsque des conflits menaçaient de dégénérer. L’exemple de l’ultimatum américano-soviétique qui stoppa l’expédition franco-britannique de Suez en octobre 1956, ou celui de la mise en alerte maximale des forces soviétiques face à la contre-offensive israélienne de la guerre du Kippour en octobre 1973, en fournissent des illustrations.