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Idées

  • Un nouveau livre de George Weigel se concentre sur les universités, la vérité, la foi et la raison

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    De sur le CWR :

    Le nouveau livre de George Weigel se concentre sur les universités, la vérité, la foi et la raison

    « Le culte du scepticisme », dit l’auteur prolifique, en discutant de Pomp, Circumstance et Unsolicited Advice, « est profondément ancré dans l’ADN de l’establishment universitaire du XXIe siècle. »

    Pomp, Circumstance, and Unsolicited Advice (Ignatius Press, 2025) rassemble une vingtaine de discours de remise de diplômes et de conférences universitaires de George Weigel, donnés depuis le début du siècle. Ces discours et conférences, donnés dans un cadre universitaire, sont à la fois solides et accessibles. Ils visent à inciter auditeurs et lecteurs à mieux apprécier la véritable nature de l'apprentissage et à mieux comprendre les vérités fondamentales d'une grande tradition.

    M. Weigel a récemment correspondu avec CWR au sujet du livre, des graves problèmes rencontrés aujourd’hui dans de nombreuses universités d’élite, de la relation entre la foi et la raison, et de certains géants intellectuels des deux derniers siècles.

    CWR : Les discours de fin d’études sont souvent oubliables, ou mémorisés pour de mauvaises raisons. Comment avez-vous procédé pour sélectionner les discours de fin d’études de ce volume ? Et quels critères (ce qu’il faut inclure et ce qu’il faut éviter) utilisez-vous pour rédiger un discours de fin d’études ?

    Weigel :  Un discours de remise de diplôme ne doit pas être tiré d’un dossier intitulé « discours générique de remise de diplôme ». Il doit refléter la situation particulière de l’établissement d’origine. Ce serait la règle n° 1.

    Ensuite, une pincée d'humour, quelques réflexions sur les défis du moment pour le discipulat missionnaire et de sincères remerciements aux parents des diplômés, souvent ignorés.

    J’espère que les discours de fin d’études contenus dans mon livre, qui ont été prononcés dans divers environnements universitaires – tous catholiques, mais dans un paysage diversifié, allant de l’Europe de l’Est au pays cajun jusqu’aux Rocheuses – présentent ces qualités.

    CWR : Comme vous le soulignez dans la préface, on assiste à une implosion dans de nombreuses universités autrefois prestigieuses. Quelles en sont les causes ? Et comment vos essais dans ce volume abordent-ils certains des problèmes essentiels et leurs solutions ?

    Weigel : Je crois que j'ai abordé la cause profonde – pardonnez-moi l'expression ! – de la dégénérescence des « élites » dans cette préface : la perte d'emprise sur la notion de vérité, que la présidente Drew Faust de Harvard a déclaré lors de son investiture comme étant une « aspiration », et non une « possession ».

    Pourtant, l’ensemble de l’entreprise universitaire telle que nous la comprenons aujourd’hui a été lancée par des catholiques au XIIIe siècle qui croyaient être en « possession » de vérités connues à la fois par la révélation et par la raison – non pas des vérités à enterrer dans le sable, mais des vérités à recevoir comme un don et à déployer ensuite dans de nouvelles recherches de la vérité des choses.

    Quand il n'y a que « votre » vérité et « ma » vérité, et rien que nous reconnaissions tous deux comme la  vérité, qu'obtient-on ? On se retrouve avec des antisémites sur-privilégiés qui déchaînent leurs passions sur les campus « d'élite ». J'espère qu'ils l'ont compris à Harvard et ailleurs, mais j'ai des doutes : le culte du scepticisme est profondément ancré dans l'ADN de l'establishment universitaire du XXIe siècle.

    CWR : Quels sont certains de vos discours ou conférences de fin d’études les plus mémorables, en termes de discours et de circonstances ?

    Weigel : Six mois après avoir prononcé mon discours de remise des diplômes à l’Université catholique ukrainienne de Lviv et lancé un défi à ses diplômés : rester fidèles à l’héritage des martyrs de l’Église gréco-catholique ukrainienne du XXe siècle, nombre de ces étudiants ont risqué leur vie pour protester contre l’autoritarisme croissant lors de la Révolution de la Dignité de Maïdan de 2013-2014 à Kiev. J’en ai été profondément touché. J’ai prononcé le discours de remise des diplômes de ma fille à l’Université de Dallas et celui de mon petit-fils à Raleigh, deux discours où je me suis inspiré de mon expérience personnelle du pape Jean-Paul II.

    CWR : Est-il exact de dire que la plupart, voire la totalité, des interventions de ce volume portent sur la vérité et la relation entre foi et raison ? Quels sont les points sur lesquels vous revenez souvent lorsque vous abordez ces sujets importants ?

    Weigel :  Oui, la plupart d'entre eux abordent ce sujet, et j'espère que ce n'est pas dû à un manque de créativité ou d'imagination de ma part, mais parce que je pense que cette relation est essentielle pour sauver la civilisation occidentale de sa ruée actuelle vers Gadara vers la falaise du wokery.

    La raison purifie la foi afin qu'elle ne se décompose jamais en superstition. La foi met la raison au défi d'ouvrir le champ de ses préoccupations et de ne pas se contenter de s'attarder sur les petites questions, mais plutôt de s'attaquer aux grandes questions : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Comment discerner la vérité dans un monde de mensonges ? Qu'est-ce qui fait une vie digne d'intérêt ?

    CWR : Dans une conférence donnée en Pologne en 2018, vous vous êtes concentré sur l’encyclique Veritatis Splendor de Jean-Paul II . Pourquoi cette encyclique conserve-t-elle toute son importance ? Et pensez-vous que le pape Léon XIII devra, d’une manière ou d’une autre, réaffirmer les points forts de Jean-Paul II concernant la vérité, le mal intrinsèque, la conscience et les questions connexes ?

    Weigel :  Déconstruire  Veritatis Splendor et l'insistance de cette grande encyclique sur certaines vérités morales fixes que nous ignorons à nos risques et périls était un projet majeur de plus d'une force au cours du pontificat qui vient de s'achever.

    Dans un monde en proie à une hémorragie de sang due aux effets catastrophiques du relativisme né du nihilisme et du scepticisme, il faut bien que quelqu'un défende le fait que certaines choses sont bonnes et vivifiantes, point final, et que d'autres sont mauvaises et mortifères, point final. Les gens normaux le comprennent intuitivement.

    Il faut une certaine bêtise académique pour se déformer au point de prétendre qu'il n'existe pas d'actes « intrinsèquement mauvais » : qu'en est-il du viol ? De la torture des enfants ? Du génocide ? Allez, amis de la théologie morale, soyez sérieux !

    L'Église est le dernier grand défenseur institutionnel de la capacité de l'humanité à saisir la vérité des choses, y compris la vérité morale des choses, et j'espère vivement que le pape Léon XIV suivra l'exemple de son noble homonyme, Léon XIII, et réaffirmera cela.

    CWR : Il est frappant de constater que les cinq essais sous la rubrique « Hommes de génie » concernent un philosophe et pape polonais, un théologien et pape allemand, un converti et cardinal français, un converti et cardinal anglais, et un théologien américain passé du progressisme au conservatisme. Quels sont les points communs entre ces hommes ? Et qu’est-ce qui vous intéresse chez eux et dans leur pensée ?

    Weigel :  Karol Wojtyła, Joseph Ratzinger, Jean-Marie Lustiger, John Henry Newman et Michael Novak étaient tous des penseurs de premier ordre qui sont restés ouverts à de nouvelles questions et perspectives tout au long de leur vie.

    Leur curiosité intense et incessante, leur détermination à ne jamais se contenter de produits intellectuellement médiocres, était et est une source d’inspiration : une source d’inspiration que, dans quatre cas, j’ai eu la grande chance de vivre personnellement.

    CWR : Qu’espérez-vous que les lecteurs gagneront et apprécieront davantage en lisant ces essais ?

    Weigel :  Le sentiment que la vie de l’esprit peut être amusante.

  • Comment la science confirme la vision chrétienne de la création du monde

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    D'Antoine de Montalivet sur 1000 raisons de croire :

    Comment la science corrobore la vision chrétienne de la création du monde

    L’expression « fine tuning » (« réglage fin ») désigne l’extrême précision des constantes physiques qui rendent la vie possible dans l’Univers. Ce constat scientifique, reconnu par la communauté académique, révèle qu’une infime variation de ces constantes aurait empêché toute structure biologique complexe. Ni la nécessité physique ni le hasard ne peut expliquer ce réglage précis. La seule hypothèse raisonnable est celle d’un dessein intelligent. Cela rejoint pleinement l’enseignement chrétien selon lequel Dieu est l’origine de tout ce qui existe, le Créateur de l’Univers visible et invisible. Pour la foi chrétienne, Dieu a créé l’Univers avec amour et intention pour accueillir non seulement l’homme, mais la Vie véritable : Jésus-Christ.

    Les raisons d'y croire :

    • Les lois de l’Univers témoignent d’un ordre rigoureux et d’une intelligence prodigieuse. Cette précision renvoie à un Dieu qui agit avec sagesse, « avec poids, mesure et nombre » (Sg 11,20). La foi chrétienne affirme justement que la création reflète la raison divine.
    • Toutes les constantes physiques semblent réglées en vue de permettre l’apparition de la vie. Cela suggère une intention derrière la création : faire exister des êtres vivants. La foi chrétienne enseigne que la vie est un don de Dieu, voulu et aimé, et que toute la création est tournée vers la vie.
    • Tout semble indiquer que l’Univers a été préparé pour permettre non seulement la vie, mais l’émergence d’êtres capables de conscience, de liberté et d’amour. Cela rejoint la conviction chrétienne que l’homme est « créé à l’image de Dieu » (Gn 1,27), couronnement et finalité de toute la création.
    • L’extrême soin avec lequel l’Univers a été réglé manifeste non seulement la puissance divine, mais surtout son amour. Un amour tendre, fidèle et patient, comme l’exprime si bien cette parole : « Depuis toujours je t’ai aimé » (Jr 31,3). L’Univers tout entier devient alors le berceau d’une histoire d’amour entre Dieu et l’homme. La foi chrétienne affirme même que Dieu n’aime pas l’humanité de manière générale, mais qu’il aime et connaît chaque personne individuellement. « Avant même de te façonner dans le ventre de ta mère, je te connaissais » (Jr 1,5). Le réglage fin de l’Univers devient ainsi un signe de cette attention unique de Dieu pour chacun de nous.
    • Selon l’Évangile, Jésus dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie » (Jn 14,6). Dès lors, si l’Univers est orienté vers la vie, il est aussi, mystérieusement, orienté vers le Christ. Le réglage fin de l’Univers prend alors une dimension christocentrique : tout a été créé pour accueillir la Vie divine elle-même.

    Synthèse :

    Parmi les nombreuses preuves de l’existence de Dieu et de la vérité de la foi chrétienne, l’une occupe une place à part. Par sa force de persuasion auprès des scientifiques les plus éminents et les calculs stupéfiants qui la soutiennent, l’argument du « fine tuning » (réglage fin de l’Univers) unit d’une manière tout à fait singulière la lecture scientifique du monde et la foi chrétienne.

    Le fine tuning n’est pas, à l’origine, un argument en faveur de l’existence de Dieu, mais un constat objectif, reconnu par l’ensemble de la communauté scientifique : certaines constantes fondamentales de l’Univers doivent posséder une valeur d’une précisionextrême, et être réglées avec une finesse inouïe, pour que l’Univers soit en mesure d’accueillir la vie.

    Parmi ces constantes fondamentales, on retrouve par exemple la constante gravitationnelle, la constante cosmologique, la constante de Planck, la vitesse de la lumière, la charge de l’électron, la densité initiale de la matière, le taux d’expansion de l’Univers, etc.

    Chacune de ces constantes possède une valeur si précise que, si l’une d’elles avait varié, ne serait-ce que d’une infime fraction, la vie n’aurait tout simplement pas pu exister dans l’Univers. Attention, il ne s’agit pas seulement des formes de vie que nous connaissons, mais de toute forme de vie, quelle qu’elle soit. Plus encore : non seulement la vie, mais aucune structure un tant soit peu complexe n’aurait pu voir le jour.

    Prenons un exemple. Si la densité de la matière au moment du Big Bang avait varié de seulement 1 sur 10⁶⁰, c’est-à-dire 0,000000… avec soixante 0 avant le 1, alors soit l’Univers se serait effondré sur lui-même presque instantanément, soit il se serait dilaté à une telle vitesse qu’aucune structure complexe n’aurait jamais pu se former. De même, si la constante cosmologique, responsable de l’accélération de l’expansion de l’Univers, avait varié ne serait-ce que d’une valeur de 1 sur 10¹²¹, l’Univers aurait connu, là encore, un tout autre destin. Il se serait soit effondré sur lui-même en un instant, soit dilaté si rapidement que les particules auraient été séparées par des distances de plusieurs années-lumière, rendant impossible toute forme de structure complexe.

    Une telle analyse peut être faite pour de nombreuses autres constantes qui régissent le cosmos – une vingtaine environ –, comme celles que nous avons citées tout à l’heure.

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  • La mort d'Alasdair MacIntyre, un "penseur essentiel"

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    De Denis Sureau sur son blog "Chrétiens dans la Cité" :

    Pour saluer Alasdair MacIntyre, penseur essentiel

    Alasdair MacInture vient de mourir à l'âge de 96 ans. Voici le chapitre que je lui ai consacré dans mon livre Pour une nouvelle théologie politique (Parole et Silence, 2008) :

    Né en 1929 à Glasgow, Alasdair Chalmers MacIntyre a étudié au Queen Mary College de Londres, puis à Manchester et Oxford avant d’enseigner à Manchester, Leeds, Essex et Oxford. En 1953, il publie son premier livre, consacré au marxisme.1 En 1969, il émigre aux États-Unis. Il enseigne au Wellesley College puis dans diverses universités : Vanderbilt, Princeton, Brandeis, Boston, Duke, Yale et surtout dans la grande université catholique Notre-Dame, dans l'Indiana. Il a épousé en troisièmes noces la philosophe Lynn Joy.

    Parmi sa trentaine d’ouvrages, trois d’entre eux ont eu un fort retentissement, marquant un nouveau départ dans la philosophie morale contemporaine: Après la vertu en 19812, suivi sept ans plus tard par Quelle justice ? Quelle rationalité ? puis Trois versions rivales de l’enquête morale : Encyclopédie, Généalogie et Tradition, en 1990. Ces dernières années, il a rassemblé des séries d’études publiées dans des ouvrages collectifs dans deux livres : The Tasks of Philosophy et Ethics and Politics: Selected Essays. Plus récemment, il s’est intéressé à l'œuvre philosophique d'Édith Stein.

    L’itinéraire intellectuel de MacIntyre est pour le moins étonnant. Il a été membre du Parti communiste à 20 ans, militant de la Nouvelle Gauche à 30 (comme les futurs philosophes communautariens Charles Taylor et Michael Walzer5), puis vaguement trotskiste. Au plan religieux, de confession presbytérienne, il devient anglican, perd la foi vers 1960 avant de se convertir au catholicisme en 1983. Sa pensée a été particulièrement marquée par le jeune Marx, Karl Barth, Ludwig Wittgenstein, Aristote et saint Thomas.

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  • Journée de commémoration de l’Holocauste au Cambodge; comment Pol Pot a aboli la famille, tirant les leçons de la Révolution française

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    De Valter Lazzari sur la NBQ :

    Comment Pol Pot a aboli la famille, tirant les leçons de la Révolution française

    Le 20 mai est la Journée de commémoration de l’Holocauste chaque année au Cambodge. Car ce jour-là, l’Angkar a imposé l’obligation de la vie collective et a détruit la famille. D’où vient cette idéologie mortelle ? De France, à partir de la Révolution française.
     
    20_05_2025

    Génocide des Khmers rouges, ossuaire de Siem Reap (La Presse)

    Cela fait cinquante ans. Le 20 mai est la Journée de commémoration de l’Holocauste chaque année au Cambodge. Car ce jour-là, l’Angkar a imposé l’obligation de la vie collective et a détruit la famille.

    Les « libérateurs » avaient des idées claires : une société pure, une véritable égalité , non pas le socialisme mais le communisme. La République démocratique du Kampuchea est née . Il y avait avant tout l' Angkar , qui n'était pas une personne, il n'y avait pas de leader charismatique, pas de césarisme, pas de culte de la personnalité. L’Angkar était une entité collective, une Commission, on peut la traduire par « l’Organisation ». Oui, il y avait Kieu Sampam mais il n'était pas au sommet, c'était Pol Pot, qui n'apparaissait même pas en public. La dévotion était due à l'Angkar .

    Une palingénésie, repartant de l'An Zéro, pour une Société nouvelle. Dans lequel il n'y avait de la place que pour deux grandes classes : Les paysans (collectivisés) sont le Peuple ancien ou simple Peuple des campagnes ou plutôt des territoires "libérés" dans les années et les mois précédant le 17 avril 1975. Ils devaient haïr tous les habitants des villes. Et ils l’ont bien enseigné aux enfants qui composaient leur armée (les enfants soldats n’ont pas été inventés en Afrique).

    Il y avait ensuite le Nouveau Peuple ou Peuple du 17 avril, car ils avaient été « libérés » après le 17 avril. Et tous étaient des ennemis potentiels, car corrompus par les modes de vie occidentaux. Ils représentaient une menace : les personnes instruites, les professionnels, les enseignants, les médecins, les avocats, les locuteurs de langues étrangères, les personnes portant des lunettes, les personnes faibles et handicapées, les moines, les nonnes et, en bref, tous les habitants de la ville. « Les nouveaux venus sont une plante parasite : ils ont perdu la guerre et sont prisonniers de guerre . » « Il n'y a aucun avantage à vous garder ici, il n'y a aucun inconvénient à vous perdre . »

    Il fallait les rééduquer : c'est pour cela qu'ils furent tous expulsés des villes. À la campagne, dans les fermes collectives, tout vêtement coloré était interdit, il fallait donc les teindre en noir, tout le monde s'habillait en noir. La religion est interdite, les origines et les croyances religieuses sont répudiées. Commerce interdit, éducation interdite, argent et propriété privée abolis. Les familles ont été divisées et les gens ont été déportés dans différentes parties du pays : hommes avec hommes, femmes avec femmes ; avec des mères seules ayant des enfants de moins de 6 ans. Résultat? Plus de 3 millions de Cambodgiens tués par les Cambodgiens eux-mêmes, soit un quart de la population : comme si 15 millions d'Italiens avaient été tués par d'autres Italiens.

    Demandons-nous comment il a pu se faire que ce pays ait connu la terreur (même ceux qui cueillaient simplement des fruits sauvages étaient punis de mort) et soit tombé dans la famine, allant même jusqu’au cannibalisme ? Comment la tragédie de la soi-disant République démocratique du Kampuchea, 1975-79, a-t-elle pu se produire ?

    Suong Sikoeun était un cadre de ce régime : il publia ses puissants mémoires en France ( Itinéraire d'un intellectuel khmer rouge éd. Cerf). Son apprentissage, comme celui de tous les autres, s'est déroulé à Paris, sanctuaire des étudiants cambodgiens, où une série de professeurs d'université les ont initiés aux concepts de la Révolution de 1789 combinés à l'expérience communiste. Suong confesse : « Mon processus a été lent et remonte aux années 1950, lorsque j’étais au lycée : je suis devenu passionné par la Révolution française. J'ai fait miens les idéaux de liberté, d'égalité et de fraternité. Et encore plus quand je suis venu en France pour l'université. Au fil des années, je me suis lancé à corps perdu dans des activités et des débats politiques, en arrivant peu à peu à la conclusion que seule une révolution violente, menée par une poignée de militants dévoués et résolus, intimement liés aux masses, sous la direction du Parti marxiste-léniniste, pourrait mettre fin aux maux dont souffraient mon pays et mon peuple : la domination étrangère, l’oppression féodale et l’injustice sociale. (…) Je lisais avidement tout ce qui concernait la Révolution française, avec une préférence pour les Jacobins et leur chef, Robespierre, qui était mon héros, mon idole. Et je me suis décidé à l'idée d'une transformation de la société par la méthode révolutionnaire et à la nécessité d'une dictature prolétarienne."

    En bref, c'est ce que soutenait (bien que moqué) le cardinal archevêque de Paris Jean-Marie Lustiger, qui dans son livre-entretien (La Scelta di Dio, Longanesi) indiquait dans le mélange entre la Révolution de 1789 et le marxisme , dont était imprégnée une certaine culture française du XXe siècle, la responsabilité d'avoir « armé le canon » du génocide cambodgien.

    C'est une histoire qui commence il y a longtemps, la rédemption par Dieu est remplacée par l'idée d'auto-rédemption par l'homme. L'histoire antique et médiévale est marquée par la présence de sectes professant des hérésies manichéennes et gnostiques : les Cathares (XIe-XIIIe siècles), les Frères du Libre Esprit (XIIe-XIVe siècles) (Adamites, Béghards, Hussites, Taborites, ...), les Frères Apostoliques (XIIIe-XIVe siècles), Fra Dolcino : l'avènement d'un renouveau radical du genre humain et l'instauration d'un état définitif de perfection. Puis, au sein de la révolte protestante, des chefs se sont investis en prophètes : T. Műnzer : « que tous étaient égaux, que toutes choses étaient communes à tous les hommes, que chacun recevait selon ses besoins, mais... un impie n'a pas le droit de vivre s'il entrave les pieux... l'épée est nécessaire pour les exterminer ». La « Nouvelle Jérusalem » est Münster : là, pour la première fois, la terreur systématique est appliquée comme moyen de réaliser le rêve messianique de « refaire la création ». L’enthousiasme de F. Engels et de l’historiographie marxiste pour ce « prophète du communisme » est bien connu, car son esprit égalitaire se combinait avec l’action révolutionnaire. Les constantes de ces phénomènes révolutionnaires sont : la création d’un monde nouveau et parfait n’est possible qu’en faisant table rase de l’ancien monde ; toujours la pratique de la Terreur ; la subordination coercitive de tout et de tous au plan politique aujourd'hui pour parvenir demain à la liberté absolue .

    Démocratie totalitaire : son théoricien le plus éminent est Jean Jacques Rousseau . Il nie le péché originel, l'homme est intrinsèquement bon et a vécu heureux dans "l'état de nature" (le bon sauvage) mais l'évolution des rapports sociaux, la naissance de la propriété privée le corrompent. Il faut alors un contrat social : « Chacun de nous met en commun sa propre personne et toute sa propre puissance sous la direction suprême de la volonté générale . » Dans la douce contrainte de Rousseau, la guillotine et le Goulag apparaissent en filigrane . Car « Comment peut-on espérer qu'une multitude aveugle, souvent ignorante de ses propres désirs, exprime une volonté commune ? La sollicitude active d'un leader qui incarne la volonté générale jusqu'à ce que le peuple soit éduqué à la vouloir. »

    D'où vient l'homo ideologicus ? Dans les sociétés de pensée (salons philosophiques, groupements politiques, loges maçonniques et, plus tard, partis idéologiques). Ils parlent de tout, ils se basent sur des mots, pas sur la réalité ; c'est le domaine de l'opinion : il faut briser les obstacles à la liberté, qui sont l'expérience, la tradition, la foi. « Dans les révolutions, l’abstraction tente de s’élever contre le concret. C'est pour cela que l'échec est inhérent aux révolutions" (J. Ortega y Gasset, Masse e aristocrazia , Volpe). Selon A. Cochin ( Mechanics of Revolution , Rusconi) nous avons trois phases.

    Une première étape d'incubation idéologique (1750-1789) : où la Terreur domine déjà les lettres, une Terreur exsangue, dont l'Encyclopédie fut le Comité de Salut public et D'Alembert le Robespierre : avec l'instrument de la diffamation (infamie ) . Le réseau d'entreprises réparties sur toute la France adopte cette méthode.

    Ensuite, deuxième étape, la philosophie devient action politique pour la réalisation de la volonté générale. Cochin fournit la preuve des manipulations par lesquelles les « sociétés » parvenaient à faire adopter des résolutions avant le vote dans les assemblées et, par le biais du réseau corporatif, à les faire converger rapidement vers Paris. Les institutions représentant le peuple de Paris, la Commune et les Sections, finirent par être dominées par une petite minorité de révolutionnaires professionnels , eux-mêmes dirigés par des tireurs de ficelles, les chefs jacobins. Il fallait créer un produit maniable, le citoyen , c’est-à-dire un individu sans protections sociales. Et ainsi affaiblir les liens familiaux « Les enfants appartiennent à la République, avant leurs parents » (GJ Danton).

    Troisième phase (1793-94) : l'État révolutionnaire . Celui qui incarne la volonté générale a le devoir d'élargir le champ des ennemis du peuple et de « punir non seulement les traîtres mais aussi les indifférents » (Saint-Just, Terreur et liberté , Editori riuniti). Ennemis du peuple : le terme (sinistrement abondant dans le vocabulaire communiste) est né avec la Terreur jacobine. Elle est globale : par exemple, dans la loi du 22 prairial an II, la définition des « ennemis du peuple » est si vague que tout le monde peut y être inclus : puisqu'il suffit d'« inspirer le découragement », de chercher à « corrompre les mœurs » ou à « altérer la pureté et la puissance des principes révolutionnaires », rien n'étant défini sur ce que signifient ces termes très généraux. Le droit-devoir d’exercer la terreur : « La terreur n’est rien d’autre qu’une justice prompte, sévère, inflexible ; c'est donc une émanation de la vertu. » Et la machine de la Terreur se nourrit de dénonciation et se couvre de silence. Il faut alors trouver les « coupables » des échecs révolutionnaires (famine, effondrement de la production, défaites militaires, ...). Finalement, la Révolution dévore ses enfants.

    Voici les étapes de la démocratie totalitaire et voici le Kampuchea démocratique : contrairement à l'Occident, où ce trouble-fête de l'Église vous empêche de faire les choses exactement comme elles devraient être faites, à l'Est les étudiants étaient assidus et savaient appliquer les théories avec le plus grand zèle.

  • Homme, prêtre, évêque, pape : qui est Léon XIV et de quel bois se chauffe-t-il ?

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    De Serre Verweij sur le blog "Rorate Caeli" :

    Léon XIV : l'homme, le prêtre et l'évêque. Qui est-il ?
    Une analyse, par RORATE CÆLI


    Qui est-il ?

    10 mai 2025

    Robert François Prévost est devenu le pape Léon XIV. Avant le 8 mai 2025, le nom de Prévost était inconnu de la plupart des gens, mais il est aujourd'hui le pasteur en chef de plus d'un milliard de catholiques. Catholiques orthodoxes et modernistes ont célébré sa victoire, tandis que des sceptiques se sont fait entendre des deux côtés. Cela reflète le fait que Prévost était présenté comme un « candidat de compromis » et soutenu par des prélats influents des deux côtés. Orthodoxes et modernistes semblent penser, ou espérer, que le nouveau pape penche davantage dans leur direction, les fidèles orthodoxes étant particulièrement optimistes après son choix vestimentaire plus traditionnel et sa première messe papale orthodoxe. Donc, pour le dire crûment, la vraie question est : qui s'est fait avoir ?

    Pour bien comprendre notre nouveau pape, il pourrait être utile d’examiner  ses déclarations passées, ses actions et sa carrière générale, en commençant par sa récente ascension à Rome.

    L'ascension fulgurante

    Une poignée d'excellents analystes savaient suivre Prévost et le compter parmi les papabile depuis sa nomination au cardinalat il y a moins de deux ans, peu après sa nomination au poste de préfet du Dicastère des évêques. Avant 2023, presque personne n'avait entendu parler de lui. Puis, François l'a soudainement nommé préfet, en remplacement de Marc Ouellet, en poste depuis sa nomination par le pape Benoît XVI en 2010.

    Ouellet lui-même était à l'origine un « conservateur » modéré et fut l'un des rares prélats à rester longtemps en poste sous François. Malgré ce traitement « généreux », François éroda progressivement son autorité de fait, nommant son propre fidèle, le Brésilien Ilson de Jesus Montanari, comme nouveau secrétaire fin 2013, représentant de François avec une influence démesurée.

    Des sources indiquaient que François souhaitait depuis des années que Montanari devienne le nouveau préfet, mais qu'il refusait ce poste. De ce fait, Prévost n'était pas le premier choix de François, ni peut-être même le deuxième ou le troisième, pour être le nouveau préfet (la rumeur courait que ce serait également le cas pour Fernandez, nouveau préfet du Dicastère de la Doctrine de la Foi), car des sources internes suggéraient que Cupich, et peut-être même McElroy, étaient pressentis pour ce poste.

    Montanari resta secrétaire et la rumeur courait qu'il jouissait d'une influence considérable. De plus, les alliés américains de François continuèrent à contourner le nonce apostolique pour que les États-Unis poussent directement François à promouvoir des évêques radicaux.

    C'est pourquoi il est étrange de voir Prevost accusé d'être responsable de la nomination de McElroy à Washington, alors que ce sont les cardinaux libéraux Cupich et Tobin qui l'avaient ardemment défendue. Si Prevost était un progressiste radical, n'aurait-il pas fait pression pour de telles promotions sans que Cupich ait besoin de rencontrer François ?

    Il semble évident que Prévost a été promu durant la dernière phase du pontificat de François, alors que divers prélats puissants se disputaient l'influence, et qu'il agissait avec modestie et professionnalisme. Alors que François se rétablissait temporairement, après sa sortie de l'hôpital et ne pouvant rencontrer que de temps en temps des prélats comme Prévost, et non Cupich, deux nouveaux archevêques furent nommés aux États-Unis (McKnight et McGovern), tous deux d'orientation conservatrice modérée plutôt que moderniste.

    De même, la persécution de l'évêque français pro-traditionnel Dominique Rey de Fréjus-Toulon fut initiée sous Ouellet et soutenue par lui, et encouragée par certains évêques français hostiles, ainsi que par Parolin. Prévost hérita de ce problème.

    Enfin, le limogeage de Mgr Strickland, qui a débuté par une visite apostolique en juin 2023, est sans doute le seul exemple où Prevost aurait pu jouer un rôle important. Les sources divergent quant à savoir si c'est le pape François qui a ordonné la visite ou Prevost, mais ce dernier n'avait probablement pas le choix, car il était très nouveau à son poste et Strickland critiquait parfois sévèrement le pape François sur Twitter. Strickland lui-même semble satisfait, ou du moins pas mécontent, de l'élection de Prevost.

    Étrange alliance de partisans

    Le pape Léon XIV aurait été élu grâce au soutien massif du bloc conservateur, notamment du cardinal Dolan. Il aurait toutefois rencontré le cardinal Burke en préparation du conclave (un journaliste du Corriere della Sera l'a vu en personne devant l'appartement de Burke). Cependant, cette information est restée relativement secrète. Au départ, la rumeur courait que le cardinal Maradiaga, originaire du Honduras et entaché de scandales, soutenait sa candidature, mais Maradiaga est parti plus tôt que prévu. On prétendait qu'il était contrarié par le  fait que des dizaines de cardinaux nommés par le pape François trahissaient le pape défunt.

    On a ensuite affirmé que Prévost bénéficiait du soutien du moderniste radical Cupich et du conservateur modéré Pierre. Ce curieux mélange de soutiens illustre parfaitement le profil mystérieux dont jouissait Prévost.

    Bien que Pierre ait été considéré comme un anti-traditionaliste ces dernières années, il est en réalité un conservateur qui s'est traditionnellement opposé à la contraception, aux unions civiles pour les homosexuels, à l'engagement du clergé dans la politique de gauche et à la nomination d'évêques libéraux. Il a débuté comme nonce aux États-Unis en 2016 et n'a manifesté aucune hostilité envers le traditionalisme pendant au moins cinq ans. Même après la publication de Traditionis Custodes, il n'a pas été le premier à l'appliquer sévèrement et, fin 2022, il a fini par agir principalement au nom de Rome.

    Pierre et Cupich ont été des adversaires constants, notamment sur la nomination des évêques américains, mais les deux prélats ont soutenu Prevost, peut-être parce qu'il était un ancien collègue avec lequel ils avaient tous deux bien travaillé.

    Vues récentes en tant que préfet

    Durant son mandat de préfet, Prévost a joué la carte de la discrétion et n'a accordé que quelques entretiens, ne permettant qu'une compréhension superficielle de l'homme. Il donnait l'impression d'être favorable à une réforme dans la continuité. Contrairement à Fernandez (préfet de l'ancien Saint-Office), il a clairement travaillé selon les procédures établies et sur la base du consensus, en consultant les autres membres en séance plénière. François avait déjà nommé trois femmes membres du dicastère avant de nommer Prévost préfet. Prévost a quelque peu minimisé leur rôle.

    En ce qui concerne une plus grande implication des laïcs dans la nomination des évêques, il s’est clairement opposé à une véritable démocratisation et a soutenu le rôle traditionnel des nonces, qui se contentaient de consulter les plus fidèles avant de faire des recommandations.

    Son profil de poste pour les évêques a irrité certains ultraconservateurs, car il a clairement essayé de s'adapter au nouveau statu quo sous François, mais il n'a pas nié que les évêques devraient défendre la doctrine, il a simplement souligné que présenter l'amour du Christ était encore plus crucial.

    Nous sommes souvent préoccupés par l'enseignement de la doctrine, par la manière de vivre notre foi, mais nous risquons d'oublier que notre première tâche est d'enseigner ce que signifie connaître Jésus-Christ et de témoigner de notre proximité avec le Seigneur. Cela passe avant tout par la communication de la beauté de la foi, la beauté et la joie de connaître Jésus. Cela signifie que nous la vivons nous-mêmes et que nous partageons cette expérience.

    Il a ouvertement rejeté les appels à l'ordination des femmes diacres et prêtres. Concernant le débat houleux sur l'autorité doctrinale des conférences épiscopales nationales lors de la phase finale du Synode sur la synodalité en 2024, il s'est exprimé avec modération et prudence :

    Chaque conférence épiscopale doit avoir une certaine autorité pour dire : « Comment allons-nous comprendre cette [doctrine] dans la réalité concrète où nous vivons ? » Cela ne signifie pas que les conférences épiscopales vont rejeter l’autorité doctrinale du pape, mais qu’elles vont l’appliquer dans le contexte particulier où elles vivent.

    « La synodalité ne signifie pas que tout d’un coup, il y aura une manière pleinement démocratique, de type assemblée, d’exercer l’autorité dans l’Église. »

    « La primauté de Pierre et des successeurs de Pierre, de l’évêque de Rome, du pape, est quelque chose qui permet à l’Église de continuer à vivre la communion de manière très concrète. »

    « La synodalité peut avoir un grand impact sur notre façon de vivre dans l'Église, mais elle n'enlève rien à ce que nous appelons la primauté. »

    Il a même essayé de dissiper la confusion concernant d'éventuelles propositions plus radicales (qu'il a rejetées), soulignant que le texte original parlait d'une « sorte d'autorité doctrinale » pour les conférences épiscopales plutôt que d'une forme plus absolue d'autorité doctrinale.

    Ironiquement, il n'a pas cité comme exemple les prières belges pour les relations homosexuelles ou les diverses applications d'Amoris Laetitia, mais le refus africain de mettre en œuvre la Fiducia Supplicans (François et Fernandez voulaient tous deux que l'autorité sur le document soit laissée à chaque évêque africain).

    Il a interprété de manière nuancée les enseignements de François sur les migrants et a reconnu les problèmes causés par leur arrivée dans différents pays, tout en souhaitant rechercher une solution humaine.

    On prétend également qu'il aurait soutenu l'idée que François autorise la communion aux divorcés remariés. Cette affirmation semble remonter au rapport du Collège des cardinaux et à une citation d'EWTN, mais elle n'est pas étayée par des citations précises, et il n'est même pas précisé quand ni comment Prévost était censé l'avoir soutenue. En tant qu'évêque du Pérou, il n'est pas connu qu'il ait utilisé Amoris Laetitia pour permettre aux divorcés remariés de recevoir la communion. Lorsqu'il est devenu préfet, la controverse s'était apaisée depuis environ cinq ans.

    Il a également pris la place d'Ouellet en travaillant avec Parolin et Ladaria dans une autre tentative pour tenter d'arrêter le chemin synodal allemand en juillet 2023. Après que Fernandez ait remplacé Ladaria, il semble y avoir eu une brève accalmie dans la lutte avec les évêques allemands, jusqu'au début de 2024, après que Fernandez ait été discrédité en raison de la réaction contre Fiducia Supplicans.

    Enfin, de nombreuses rumeurs, provenant de sources diverses, circulent selon lesquelles il célébrerait souvent la messe traditionnelle, même après Traditionis Custodes . Cette information n'a pas encore été confirmée (si elle provient d'une source totalement fiable, Rorate la communiquera ; il n'y a rien à ce jour ).

    Contexte plus profond

    Originaire de Chicago d'ascendance mixte, notamment italienne, française, espagnole et créole louisianaise, Prevost est devenu augustinien et prêtre au début des années 1980, a obtenu une licence en droit canonique en 1984, puis un doctorat en droit canonique en 1987, est allé comme missionnaire au Pérou, servant comme chancelier de la prélature territoriale de Chulucanas de 1985 à 1986, puis a quitté le Pérou pour servir comme directeur des vocations et directeur des missions de la province augustinienne de Notre-Dame du Bon Conseil (Midwest des États-Unis), à Olympia Fields, dans l'Illinois, et finalement il est retourné au Pérou où il a passé plus d'une décennie à la tête du séminaire augustinien de Trujillo, a enseigné le droit canonique au séminaire diocésain, a été préfet des études et a agi comme juge au tribunal ecclésiastique régional.

    De retour aux États-Unis en 1998, il fut élu à la tête des Augustins à deux reprises, de 2001 à 2013. Il participa à un synode à Rome en 2012 sous la présidence du pape Benoît XVI, où il s'exprima avec critique envers les médias modernes laïcs et anticatholiques, et leur promotion de l'avortement, de l'euthanasie et de l'homosexualité. Il critiquait ouvertement le mode de vie homosexuel et les familles dites homosexuelles. La personne la plus proche d'une inspiration intellectuelle spirituelle semble avoir été saint Augustin et le cardinal conservateur Prosper Grech .

    Le pape François l'a nommé évêque de Chiclayo, au Pérou, en 2014 (il avait déjà refusé cette fonction à deux reprises). Il a fait preuve d'une telle efficacité qu'il a fini par être élu vice-président de la Conférence épiscopale péruvienne.

    Informations de Twitter

    Parallèlement, en 2011, il a également créé un compte Twitter qu'il a fini par utiliser avec parcimonie. Il suivait principalement Vaticannews et des chaînes similaires liées au Vatican et aux Augustins. Les deux médias catholiques qu'il suivait étaient Cruxnow et EWTN (en plusieurs langues). Il a également suivi ses deux collègues américains du Dicastère des évêques, Cupich et Tobin, mais aucun autre prélat progressiste (à l'exception sans doute de Scicluna, dont l'importance réside principalement dans la lutte contre les abus).

    Tout au long des années 2011 et 2012, il a publié des messages positifs concernant sa rencontre avec le pape Benoît XVI, l'archevêque Chaput et des questions liées à l'ordre augustinien.

    Même après son élection, le ton de François est resté inchangé en 2013 et 2014. Il a retweeté des messages du cardinal Scola, candidat conservateur finaliste lors du conclave de 2013, ainsi que des propos concernant le pape émérite Benoît XVI, et a publié des articles concernant le cardinal Francis George. Originaire de Chicago, Prevost a rencontré George à plusieurs reprises et s'est montré très proche de lui, notamment lors de sa dernière année. Il a même publié une photo d'anniversaire de George en fauteuil roulant.

    Ses tweets ont montré des préoccupations pro-vie constantes avec un rejet de l'avortement, de l'euthanasie et de la contraception artificielle, y compris le mandat de contraception de l'administration Obama.

    Il a également republié des publications de la Conférence épiscopale péruvienne critiquant l'idéologie du genre et réaffirmant que la famille est composée d'un père, d'une mère et de leurs enfants. Son seul tweet sur la controverse autour d'Amoris Laetitia a été un retweet d'un article du Catholic News Service qui citait le cardinal Schönbörn affirmant qu'Amoris Laetitia avait développé la doctrine de l'Église, sans la modifier. Cette explication a été brièvement populaire parmi les partisans du pape , les modérés et les conservateurs modérés.

    Lorsqu'il publiait des propos pro-migrants ou antiracistes, il s'agissait souvent de prélats conservateurs comme le cardinal DiNardo ou l'archevêque Gomez. Prevost n'a commencé à retweeter des articles de Cupich que fin 2016, et même de manière assez sporadique au début. À l'approche de l'élection présidentielle de 2016, il n'a republié qu'un seul tweet critique à l'égard de Trump, à l'été 2015, et il s'agissait d'un tweet du cardinal Dolan.

    Il a retweeté un message d'EWTN, qui attribuait la défaite électorale d'Hillary Clinton à son ignorance des électeurs pro-vie.

    Et il a également republié un tweet de James Martin, une fois en 2017, lorsqu'il exprimait son soutien aux réfugiés syriens.

    Il a également retweeté un message citant la critique de l'idéologie du genre par le cardinal Muller.

    Le seul changement notable réside dans le fait qu'il a progressivement tweeté davantage sur l'environnement, les migrants et l'aide aux plus démunis, tout en continuant à s'exprimer sur des questions pro-vie et pro-famille. Enfin, il a également appelé à l'abolition de la peine de mort, sans toutefois la qualifier d'inadmissible.

    Évaluation globale

    Globalement, il apparaît clairement orthodoxe sur les questions d'avortement, d'euthanasie, de contraception, de LGBT, de nomination des évêques et d'ordination des femmes, tandis que sa position sur la communion des divorcés remariés et le célibat des prêtres semble difficile à cerner avec certitude. Il semble également adhérer à une conception orthodoxe de la foi, la considérant comme immuable, et les évêques comme de simples serviteurs de celle-ci. Sa position actuelle sur la migration apparaît également plutôt modérée.

    Ses véritables cas tests seront :

    *Traiter des groupes d’étude synodaux et des développements en vue de l’assemblée ecclésiale de 2028.

    *Assurer une réponse pastorale orthodoxe à la polygamie en Afrique.

    *Nouvelles nominations curiales et cardinalices ; l’Église a besoin de sang neuf.

    Le dernier point est particulièrement important : le personnel est une question de politique . Si le nouveau pape parvient à rétablir l’ordre à la Curie, il pourra rétablir l’ordre dans l’Église. S’il dispose de collaborateurs compétents et parvient à mettre fin aux hérésies en Allemagne, la normalité pourra revenir dans l’Église et peut-être alors Traditionis Custodes et Amoris Laetitia seront-elles réinterprétées, réappliquées de manière orthodoxe, ou carrément abrogées.

    Nous pouvons prier et espérer.

  • Une interview de 2012 nous éclaire sur l'orientation du nouveau pape

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    De

    Le passé contre-culturel du pape Léon XIV et ses indices pour l'avenir

    Comment une interview de 2012 a conduit à la première controverse du nouveau pontificat.

    Depuis l'élection du cardinal Robert Francis Prevost par le conclave papal le 8 mai, nombreux sont ceux qui guettent avec attention les indices permettant de savoir si le pape Léon XIV suivra ou non la voie tracée par son défunt prédécesseur. Les observateurs ont noté son choix d'un nom papal traditionnel et sa décision de porter la cape rouge, appelée mozzetta, lors de sa première apparition sur la loggia de la basilique Saint-Pierre – deux signes de contraste avec le pape François, un pape non conformiste. 

    Pourtant, l’un des éléments de preuve les plus discutés n’est pas une décision du nouveau pape, mais quelque chose qu’il a dit il y a plus de dix ans, lorsqu’un collègue et moi l’avons enregistré.

    J'ai rencontré le futur pape Léon XIV en octobre 2012, au lendemain de la clôture du synode sur la Nouvelle Évangélisation. Ce synode, caractéristique du pontificat de Benoît XVI, était axé sur le défi de la diffusion et du maintien de la foi dans les sociétés occidentales de plus en plus postchrétiennes. L'essentiel de ses discours a été résumé par le cardinal Donald Wuerl de Washington, qui a déploré qu'un « tsunami de laïcité » submerge l'Église. 

    À cette époque, avant les restrictions imposées par le pape François, les discours des participants aux synodes à huis clos étaient régulièrement rendus publics. L'un des discours les plus marquants et les plus provocateurs fut celui du père Robert Prevost, prieur général de l'Ordre de Saint-Augustin, qui expliqua comment les médias occidentaux promouvaient ce qu'il qualifiait de « choix de vie antichrétiens » – notamment l'avortement, l'euthanasie et le mariage homosexuel – et comment l'Église catholique pouvait y répondre.

    À cette époque, je dirigeais le bureau romain du Catholic News Service, une filiale de la Conférence des évêques catholiques des États-Unis, et nous couvrions le synode en profondeur. J'ai écrit à l'ordre du Père Prévost pour lui demander si je pouvais l'interviewer, et il a immédiatement accepté. Alors, avec mon collègue du CNS, Robert Duncan, je suis allé le voir à son bureau, à quelques mètres de la place Saint-Pierre.

    Le futur pape était courtois, quoique un peu réservé, si je me souviens bien, mais il s'animait lorsqu'il évoquait le grand saint dont les œuvres sont le fondement de son ordre religieux. J'ai interviewé le père Prévost en vidéo,  abordant plusieurs sujets, notamment les leçons que saint Augustin offre, notamment dans ses Confessions , pour évangéliser une société très individualiste.

    Nous avons également enregistré le Père Prevost lisant le texte de son intervention au synode, que mon collègue Robert a transformé en une vidéo en deux parties, illustrée d'exemples de la culture médiatique très occidentale que le futur pape critiquait. Vous pouvez visionner la vidéo ici .

    Le Père Prévost a réagi favorablement lorsque je lui ai envoyé les résultats de notre rencontre. « Merci beaucoup ! J’ai apprécié les présentations vidéo et j’ai envoyé les liens à différents endroits », a-t-il écrit.

    Je n'ai pas revu le Père Prévost pendant plus de dix ans, période durant laquelle il acheva son mandat à la tête de son ordre et retourna au Pérou, son ancien champ de mission, pour servir comme évêque de Chiclayo. Lorsque le pape François le nomma à la tête du Dicastère des évêques en 2023, faisant de lui son principal conseiller pour le choix des dirigeants de l'Église dans le monde, j'ai été quelque peu surpris. Le contenu de son discours au synode de 2012 ne contredisait pas, à proprement parler, l'enseignement du pape François, mais son ton contre-culturel contrastait avec l'approche conciliante du pape argentin envers la culture laïque.

    Lors d’une réception organisée par l’ambassade des États-Unis près le Saint-Siège, j’ai rencontré le préfet de l’époque et je lui ai rappelé notre rencontre et son discours au synode. 

    « Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts depuis lors », a-t-il déclaré, d’une voix agréable mais quelque peu énigmatique.

    Le jour du consistoire de 2023, lorsqu'il est devenu cardinal Prévost, mon ancien collègue Robert lui a demandé si ses vues avaient changé sur les questions controversées qu'il avait abordées dans son discours au synode de 2012. 

    Le futur pape a répondu : « Le pape François a clairement indiqué qu'il ne voulait pas que des personnes soient exclues simplement en raison de leurs choix, qu'il s'agisse de mode de vie, de travail, de tenue vestimentaire, ou autre. La doctrine n'a pas changé, et personne n'a encore dit : « Nous attendons ce genre de changement. » Mais nous cherchons à être plus accueillants et plus ouverts, et à dire que tout le monde est le bienvenu dans l'Église. »

    Dans sa première homélie en tant que pontife, s'adressant aux cardinaux dans la chapelle Sixtine au lendemain de son élection, le pape Léon XIV a fait écho à ses précédentes remarques sur l'hostilité de la culture laïque au christianisme : « Aujourd'hui encore, il existe de nombreux contextes où la foi chrétienne est considérée comme absurde, réservée aux faibles et aux inintelligents. Des contextes où d'autres sécurités sont privilégiées, comme la technologie, l'argent, le succès, le pouvoir ou le plaisir. » 

    Cependant, lors d'une nouvelle rencontre avec les cardinaux le 10 mai, le nouveau pape a déclaré son intention de suivre l'exemple du pape François dans plusieurs domaines, notamment son « dialogue courageux et confiant avec le monde contemporain dans ses diverses composantes et réalités ».

    Le discours du pape Léon XIV de 2012, enregistré sur bande sonore, est devenu le point de départ de la première controverse de son pontificat. Les militants LGBTQ espèrent que ce discours ne reflète pas la vision du nouveau pape. La manière dont il traitera cette question, ou choisira de l'ignorer, sera un nouvel indice de sa volonté de diriger.

  • Une « profonde résonance » avec les principes de la franc-maçonnerie – Le Grand Maître salue le travail du pape François

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    De kath.net/news :

    Une « Profonde résonance » avec les principes de la franc-maçonnerie – Le Grand Maître salue le travail du pape François

    29 avril 2025

    L'encyclique « Fratelli tutti » est un manifeste dans lequel s'exprime le triple système de valeurs de la Franc-Maçonnerie : liberté, égalité et fraternité, écrit Luciano Romoli, Grand Maître de la Grande Loge d'Italie.

    La Grande Loge d'Italie des Maçons Anciens, Libres et Acceptés (AFAM) a salué le travail du Pape François comme étant « en résonance avec les principes de la Franc-Maçonnerie ».

    « La Grande Loge d'Italie de l'AFAM se joint aux condoléances mondiales à l'occasion du décès du Pape François, un Pasteur qui, par son enseignement et sa vie, a incarné les valeurs de fraternité, d'humilité et de recherche d'un humanisme planétaire », a écrit Luciano Romoli, le Grand Maître de la Grande Loge, dans un communiqué publié le 22 avril, au lendemain du décès du Pape François.

    Jorge Mario Bergoglio, venu « des extrémités de la terre », a changé l’Église et a ramené dans l’histoire les « enseignements révolutionnaires de saint François d’Assise », a poursuivi Romoli.

    L'œuvre du pape François est marquée par une « profonde résonance avec les principes de la franc-maçonnerie : la centralité de la personne, le respect de la dignité de chaque individu, la construction d'une communauté solidaire et la recherche du bien commun ». L’encyclique « Fratelli tutti » est un « manifeste » dans lequel s’exprime le triple système de valeurs de la Franc-Maçonnerie : liberté, égalité et fraternité. Surmonter les divisions, les idéologies et la pensée unidimensionnelle pour reconnaître la richesse des différences et construire une « humanité unie dans la diversité » était l’objectif de François, que poursuit également la Grande Loge d’Italie, a poursuivi Romoli.

    François a lié la foi et la raison comme des dimensions complémentaires de l’expérience humaine. Sa foi est capable de poser des questions, d’accueillir le doute et le dialogue, comme on le retrouve également dans la méthode d’initiation de la Franc-Maçonnerie, qui se fonde sur un chemin « libre de dogmes » et dont le fondement est la recherche constante de la vérité.

    Le pape François a placé cette dernière au centre de son pontificat, avec le souci de la planète et une éthique du développement fondée sur la dignité humaine. Cela se reflète dans la construction maçonnique du « Temple intérieur », qui est basée sur « la tolérance, la solidarité et la résistance à la haine et à l’ignorance ». C’est à cela que correspondait le ministère pastoral de François, écrit Romoli.

    La franc-maçonnerie soutient l’engagement de François en faveur d’un « avenir durable, juste et solidaire », tel qu’exprimé dans « l’économie de François » et la vision de la « maison commune ».

    La Grande Loge se retrouve également dans l’appel du Pape François à une « conscience planétaire » qui reconnaît l’humanité comme une communauté de destin partagé. Elle honore la mémoire de François en œuvrant « pour une éthique des limites, pour le respect des autres et pour la construction d’un temple fondé sur la solidarité, la liberté de pensée et la fraternité universelle », écrit Romoli en conclusion.

  • Comment retrouver le goût de Dieu dans un monde qui l'a chassé ? (Rod Dreher)

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    Du site de "Livres en famille" :

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    Rod Dreher

    Comment retrouver le goût de Dieu dans un monde qui l'a chassé

    “Aujourd’hui, l’Occident meurt par manque de sens, de but, de Dieu”.

    Editeur: Artège

    19,90 € TTC

    L'Occident est « désenchanté », fermé à l'idée que l'univers est bercé de surnaturel et de métaphysique. L'homme quitte les églises parce que la foi est devenue sèche et sans vie. Mais l'homme est toujours en quête de quelque chose qui le dépasse.

       Observateur expérimenté du monde actuel, Rod Dreher nous encourage à retrouver le sens de l'émerveillement. Mêlant analyses, témoignages et récits personnels (il se livre ici comme jamais), Dreher invoque l'histoire, l'anthropologie, les neurosciences et les sources du christianisme. Il nous invite à redécouvrir le lien extraordinaire qui unit le monde naturel et le monde spirituel.

       Oui, les miracles existent ! Oui, les anges bons et mauvais existent ! Le bien et le mal également… Au plus profond de la foi chrétienne se trouvent les ressources pour animer notre compréhension du monde, illuminer notre imagination et nourrir notre âme face à la tentation ésotérique et la toute-puissance de la technique contemporaines.

       Le monde n'est pas condamné à l'emprise cartésienne et au règne de l'IA. Il est bien plus mystérieux, passionnant, religieux et exaltant. Si nous savons retrouver le sens de l'émerveillement, nos yeux s'ouvriront et nous accéderons à ce que chacun d'entre nous recherche : le sens profond de notre vie.

       RÉENCHANTEMENT. De plus en plus de jeunes craquent pour les sciences occultes. Pour lutter contre cette tendance, l’essayiste américain, qui publie « Comment retrouver le goût de Dieu dans un monde qui l’a chassé », prône un retour du christianisme à la tradition mystique.

    BOULEVARD VOLTAIRE, Gabrielle Cluzel, 15 mars 2025 : 

       [...] Rod Dreher a répondu à l'invitation de Boulevard Voltaire pour parler de J.D. Vance - qui pourrait être, de son avis, le prochain président des États-Unis. Ce fin connaisseur de la vie politique américaine, mais aussi européenne, analyse également l'onde de choc mondiale que représente Donald Trump, en lequel il place beaucoup d'espoir… mais avec lucidité : il n'élude pas, notamment, l'écueil que pourrait représenter, pour les mouvements populistes européens, une détestation de Trump - et, donc, des valeurs qu'il porte - par les peuples du Vieux Continent si le président américain s'avisait de trop malmener ce dernier.

       Rod Dreher fait part, aussi, de sa grande inquiétude pour l'Europe, rongée par la menace intérieure évoquée par J.D. Vance lors de son discours de Munich. Pour lui, le sursaut ne peut passer que par une conversion intérieure profonde et un retour au christianisme dans nos sociétés, qui ne soient pas seulement une réaction superficielle à la poussée d'un islam conquérant, même si celui-ci peut en être le déclencheur. Un entretien exceptionnel à ne pas manquer !

    LE SALON BEIGE, Michel Janva, 16 mars 2025 : “Aujourd’hui, l’Occident meurt par manque de sens, de but, de Dieu”.

    Le J.D.D.  Aziliz Le Corre : Entretiens

       - Quand la perception du sacré a-t-elle commencé à s’effondrer en Occident ?

       - Cela a commencé au Haut Moyen Âge, lorsque la doctrine philosophique du nominalisme – selon laquelle il n’y a pas de sens intrinsèque, pas de logos, enchâssés dans la matière – a vaincu le réalisme métaphysique dans le débat. Cela a préparé le terrain pour la Réforme et surtout pour la révolution scientifique. S’il n’y a pas de sens intrinsèque donné par Dieu à la matière, alors nous pouvons en faire ce que nous voulons. Comme le dit l’écrivain athée contemporain Yuval Noah Harari, au début de la modernité, nous avons échangé le sens contre le pouvoir. Puis sont arrivés Descartes, avec sa séparation corps-esprit, les Lumières, le marxisme et tout le reste.

       Mais tout a commencé lorsque l’homme occidental a abandonné sa croyance dans la nature sacramentelle de la réalité : que toute la Création est une icône de Dieu, à travers laquelle Dieu peut être connu. Nous sommes en effet devenus très riches et puissants – mais spirituellement appauvris. Aujourd’hui, l’Occident meurt par manque de sens, de but, de Dieu. […]

    L'INCORRECT, 1 février 2025

    _______________________

    AU SOMMAIRE :

    • Voir la vie des choses
    • L'exil du jardin enchanté
    • A l'esprit enchanté, matière enchanté
    • l'importance du désenchantement
    • Le sombre enchantement des pratiques occultes
    • Les extraterrestres et la machine sacrée
    • attention et prière
    • Apprendre à voir
    • Des signes et des merveilles
    • Trois prophètes du réel
    • L'urgence de la mystique
    • En guise de conclusion

    commandes sur LIVRES EN FAMILLE

  • L'asile occidental. Le livre de dénonciation de Meotti : « C'est ainsi que nous effaçons tout ce que nous sommes et nos origines »

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    Du Nuovo Sismografo :

    L'asile occidental. Le livre de dénonciation de Meotti

    Selon la culture dominante, seule l'acceptation inconditionnelle de l'autre, idéalement non occidental, à travers l'islam, l'immigration et le wokisme, permet d'entrevoir l'espoir d'une rédemption et d'une régénération sur les ruines d'un monde sécularisé. Voilà l'esprit nouveau qui souffle sur l'Occident, mélange de décadence et de barbarie.

    Nous publions ci-dessous un court extrait du livre de Giulio Meotti, Manicomio Occidente - Gender, multiculturalism, woke : anatomy of a suicide, publié par les éditions Il Timone.

    *****

    Londres, capitale du Nouveau Monde, pont occidental entre l'Europe et l'Amérique. Sous la direction du maire travailliste Sadiq Khan, les panneaux d'affichage dans le métro ou sur les bus contenant de la « honte corporelle », c'est-à-dire montrant des femmes en bikini, ou de la « malbouffe », comme des hamburgers et des frites, sont interdits. En revanche, M. Khan ne voit aucun inconvénient à ce que les islamofascistes fassent de la publicité pour le « tawhid », le doigt levé vers le ciel en signe de soumission à Allah. Le métro de Londres lui-même n'a pas hésité à interdire les publicités pour les nus d'Egon Schiele, le grand peintre expressionniste autrichien, alors que la publicité « Allah est grand » ne pose aucun problème.

    Khan lui-même teint en violet la colonne de Trafalgar Square pour célébrer le Ramadan, allume les illuminations du Ramadan à Piccadilly Circus, assiste à des réunions islamiques où les femmes sont séparées des hommes, et pense que Winston Churchill est « problématique ». Le personnel travaillant pour le maire de Londres, M. Khan, a quant à lui été prié d'éviter les expressions sexistes telles que « mesdames et messieurs ». Plus question de qualifier les migrants d'« illégaux ». Au lieu de cela, il faut les appeler « personnes dont le statut d'immigration est incertain » ou « sans-papiers ». Évitez d'utiliser « hommes et femmes », préférez « gens » ou « Londoniens ». Et encore : « De même, au lieu de “ladies and gentlemen”, dites quelque chose qui n'exclut pas les personnes non binaires ». Selon le document, « les termes “mâle” et “femelle” sont datés et médicalisés ».

    Il ne s'agit pas d'un mystère amusant, mais d'un modèle qu'ils appellent désormais « diversité » dans le Nouveau Monde. Ils acceptent que la charia affiche ses bannières, mais censurent la publicité d'un gâteau de mariage parce qu'il est « malsain ». Pendant ce temps, à Grenoble, la capitale des Alpes françaises, le maire vert Éric Piolle a proposé de supprimer les fêtes chrétiennes du calendrier scolaire. Piolle a sorti du chapeau une idée ingénieuse : « Supprimons les références aux fêtes religieuses dans notre calendrier et déclarons jours fériés les fêtes laïques qui marquent notre attachement aux révolutions, à la commune, à l'abolition de l'esclavage, aux droits des femmes et aux droits des LGBT ». Au diable la Pentecôte, Noël, Pâques, l'Ascension. 

    Le maire avait déjà organisé et financé le « mois décolonial » dans sa ville, au cours duquel l'homme blanc a été « mis à l'épreuve ». Le concept est simple : l'homme blanc occidental, après avoir dépouillé ses anciennes colonies et ruiné la biodiversité, est raciste, sexiste et colonialiste à l'égard des migrants venus s'installer en Europe. La ville de Grenoble fait également campagne contre le foulard islamique dans ses affiches de rue, mais ne trouve rien de schizophrénique à créer des « écoles non mixtes ». Alors pourquoi ne pas construire aussi une nouvelle méga mosquée de 2 200 mètres carrés ? Et pourquoi ne pas empêcher la construction d'une église Saint-Pie X ? Jean Messiha, président copte du club intellectuel Vivre français, écrit : « Faisons de notre pays une exoplanète vierge prête à être colonisée par toutes les identités. Effaçons tout ce que nous sommes et nos origines et recommençons à zéro ».

    Giulio Meotti est journaliste à « Il Foglio ». Il a écrit pour des journaux internationaux tels que le Wall Street Journal et le Jerusalem Post, et collabore avec le mensuel Il Timone.

  • La Femme 2.0 : ni femme, ni mère ?

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    De gènéthique magazine :

    La Femme 2.0 : ni femme, ni mère ?

    15 mars 2025

    La Chaire de bioéthique de l’UNESCO s’attèle à de nombreux sujets très méconnus, véritables angles morts de la féminité. Le 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des Droits des Femmes, la Chaire a organisé une conférence au cours de laquelle est intervenue Laëtitia Pouliquen qui dirige le think tank NBIC Ethics, un think tank traitant de l’éthique des technologies auprès des institutions européennes. Auteur de Femme 2.0 – Féminisme et Transhumanisme [1] et de IA : Maître du temps Vers une éternité connectée ?[2], Laëtitia Pouliquen pointe les dangers du transhumanisme pour la femme en particulier. Analyse.

    Trois agendas politiques entrelacés vont chacun mener à une révolution de l’identité de la femme toujours plus profonde.

    « Mon corps m’appartient. » Mais la libération sexuelle a engendré l’exploitation reproductive.

    Après avoir « affranchi » la femme de sa fécondité, la deuxième étape consiste à déclarer le corps et le sexe comme un donné de départ non biologique mais purement culturel. La femme serait libre de choisir son genre voire de changer de sexe.

    Le transhumanisme [3] promet désormais de l’affranchir de sa condition de mortelle. Avec l’usage des technologies (NBIC) ou technologies Nano-, Bio-, Information, Cognitives ainsi que de l’utérus artificiel, la Femme 2.0 prend forme.

    Le renoncement à la fécondité

    Les femmes connaissent de réelles transformations du point de vue de leur identité propre à travers une forme de déni profond de la fécondité naturelle de leur corps et de leur maternité. Cette fragmentation de l’identité féminine est tout d’abord apparue dans la recherche du contrôle de la fécondité et d’autonomie à tout prix, pour « libérer les mères du fardeau de la maternité ».[4]

    Ainsi, la Femme 2.0 renonce à cet avantage de la maternité et à la cyclicité corporelle. La procréation féminine suit une logique de marché par la vente des produits du corps féminins, à la marchandisation de sa maternité, et au « désenfantement » du monde avec l’utérus artificiel et la sélection génétique.

    La pilule contraceptive, qui « libère » des « risques de grossesse » et des règles, fait ressembler les femmes aux hommes en contrariant le corps féminin. Et le recours à l’avortement se fait toujours plus fréquent en cas d’« échec de la pilule ». La Femme 2.0 est souvent ChildFree car elle décide délibérément de ne pas concevoir. En 2022, un sondage Ifop-Elle évaluait à 30 % de la population féminine les femmes nullipares en âge de procréer en France [5].

    Plus technologique, car il convoque toutes les technologies NBIC à son chevet, l’utérus artificiel fait l’objet de recherche très financée. En effet, l’ectogenèse, ou genèse hors du ventre de la femme, fut très vite identifiée comme un allié technologique précieux pour parachever le « désenfantement » du monde. Une parfaite aliénation transhumaniste. Parmi les dernières expériences en date, on pourra noter qu’en 2019, la Eindhoven University of Tech a mis au point le « Human Biobag » à l’aide d’un financement du programme de recherche européen EU Horizon 2020 à hauteur de 2,9 millions d’euros. Et en 2023, des scientifiques chinois de Suzhou créent une « nounou IA » pour s’occuper des embryons dans un utérus artificiel. Il s’agit d’un système d’IA capable de surveiller et de prendre soin des embryons à mesure qu’ils se transforment en fœtus en laboratoire. L’interaction humaine avec une « nounou IA » qui surveille le développement du fœtus pour qu’il soit bien « fini » à la sortie du Biobag ou avec un robot d’accompagnement doté d’IA qui produit action et « parole » en fonction des besoins de la personne affecte profondément nos comportements.

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  • "Face à l'obscurantisme woke" : quand les Presses Universitaires de France suspendent la sortie d'un livre

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    Du site "Pour une école libre au Québec" :

    Les Presses Universitaires de France (PUF) ont décidé de suspendre la sortie de Face à l’obscurantisme woke

    10 mars

    Selon Libération et Le Nouvel Obs, deux organes de presse très à gauche, les Presses Universitaires de France (PUF) ont décidé de suspendre la sortie de Face à l’obscurantisme woke, un ouvrage collectif dirigé par Emmanuelle Hénin, Xavier-Laurent Salvador et Pierre Vermeren. « Face à l’obscurantisme woke » devait sortir en avril. Ce livre dénonçait l’influence des « idéologies décoloniales, des théories de la race et du genre » dans la recherche académique. Cependant, la maison d’édition a jugé que son contenu s’alignait trop avec l’« offensive obscurantiste » menée par Donald Trump contre la science aux États-Unis.

    « En Amérique du Nord et en Europe, nous assistons à un assaut inédit contre le statut de la vérité et de la science », pouvait-on lire dans l’argumentaire commercial. Le texte avait été édité, maquetté, la jaquette avait été choisie, la sortie était annoncée sur le site des PUF et sur les réseaux sociaux. Et patatras : vendredi, au terme d’une journée de conciliabule paniqué, la direction a décidé de « suspendre » la sortie du livre – en clair, de l’enterrer.
     
    Plusieurs scientifiques et institutions académiques françaises, dont le CNRS et l’Académie des sciences, se sont mobilisés contre cette tendance, défendant les « libertés académiques ». La présence de contributeurs liés à l’Observatoire de l’éthique universitaire, un collectif associé à la droite, aurait également pesé dans la décision des PUF.

    Le livre était dirigé par les universitaires Emmanuelle Hénin, Xavier-Laurent Salvador et Pierre Vermeren, les trois principaux animateurs de l'Observatoire du Décolonialisme, créé en 2021.

    Ce même trio avait organisé en janvier 2022, avec le soutien de Jean-Michel Blanquer alors ministre de l’Éducation nationale, un colloque à la Sorbonne intitulé « Après la déconstruction ». Signé avec les PUF il y a deux ans, « Face à l'obscurantisme woke » se voulait un approfondissement de ce thème.

    Mais rien ne s'est passé comme prévu. Car, entre-temps, l'Observatoire du Décolonialisme a conclu un partenariat avec Pierre-Edouard Stérin, l'homme d'affaires français qui a entrepris de muscler financièrement et intellectuellement la droite française, en particulier à travers son programme Périclès. Un rapprochement qui a suscité une scission chez les anti-wokes. Début février, Nathalie Heinich annonçait sa démission : « La récente entrée dans le jeu du projet Périclès modifie la donne en associant l'observatoire, sans que nous l'ayons approuvé, à un programme très marqué à droite, illibéral et anti-laïque : ce pour quoi j'ai demandé que nous mettions fin à ce financement. » Déjà soumis à la pression d'auteurs de gauche de la maison depuis quelque temps, les PUF hésitaient.
     
    C'est de façon tout à fait inattendue que les choses se sont accélérées vendredi. Dans l'amphithéâtre Halbwachs du Collège de France se tenait la conférence de presse de Stand Up for Science, du nom du mouvement de scientifiques américains de gauche qui tentent de s'opposer aux prétendues « violentes attaques », selon le Nouvel Obs, menées par l'administration Trump contre la recherche américaine. Les sciences « dures », en particulier la climatologie, cible privilégiée des licenciements pilotés par Elon Musk, étaient bien sûr au premier rang. Mais les sciences sociales ne sont pas épargnées et le controversé historien Patrick Boucheron, connu pour ses saillies anti-roman national, est intervenu pour souligner leur rôle et l'importance de les défendre. Et là, au détour de son raisonnement, il a exprimé son étonnement de voir les PUF publier un tel ouvrage dans un moment pareil. « Quel sens du timing ! », a-t-il ironisé.

    Selon l'interprétation du Nouvel Obs, « Rapidement avertie de cette saillie, la direction des PUF a alors définitivement compris qu'elle s'était embarquée dans une mauvaise affaire, où elle n'aurait que des coups à prendre. Comment justifier que, au moment où la France se propose (du moins officiellement) d'accueillir les chercheurs américains licenciés chez eux, l'éditeur historique des universitaires français publie un livre qui valide les thèses du licencieur en chef ? Comment ne pas donner l'impression que l'on sert la soupe à une pensée politique qui est ni plus ni moins en train de faire un coup d'Etat outre-Atlantique ? Bref, comment ne pas tomber sous le coup d'une accusation en trumpisation accélérée, voire empressée ? »

    Voici le communiqué pudique publié ce lundi midi : « Dans le contexte politique national et international actuel et après l'officialisation du financement par l'institut Périclès (Pierre-Edouard Stérin) de l'Observatoire de l'Ehique universitaire courant février 2025, dont un certain nombre d'auteurs font partie, les Presses Universitaires de France ont décidé de suspendre la publication du livre prévu sous le titre "Face à l'obscurantisme woke", dirigé par Emmanuelle Hénin, Xavier-Laurent Salvador et Pierre Vermeren. Nous estimons que les conditions nécessaires à un accueil serein de ce livre collectif ne sont plus réunies aujourd'hui, le projet de cet ouvrage ayant été conçu il y a deux ans dans un contexte bien différent. »

     
    Présentation de l'ouvrage par l'éditeur (avant sa suspension)

    Réflexions pluridisciplinaires sur la progression d'idéologies religieuses, politiques et marchandes dans les milieux scientifiques. En analysant les conséquences du wokisme sur les sciences, les contributeurs montrent comment une telle idéologie favorise le délitement de la vérité et de la rationalité.
  • Journée de la femme : il serait grand temps de réconcilier l’égalité et la complémentarité

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    De Blanche Streb en tribune sur Aleteia.org :

    Journée de la femme : et si complémentarité et égalité se réconciliaient ? 

    (archive du 7/03/22)

    Le mardi 8 mars est célébré dans le monde entier la Journée internationale des femmes dont le thème est cette année "L’égalité aujourd’hui pour un avenir durable". L’essayiste Blanche Streb en profite pour rappeler que l’égalité entre les femmes et les hommes ne s’oppose pas à leur complémentarité.

    Chouette ! C’est la Journée internationale des femmes ! La date idéale pour mettre en avant de belles figures féminines, héroïnes de guerre ou du quotidien. Le jour parfait pour parler de la féminité, des talents particuliers et inhérents à la femme, de sa manière unique de comprendre, de vivre et d’habiter le monde et le temps. L’occasion rêvée de parler du « génie féminin » !

    Ou alors… l’occasion de ressortir les haches de guerre égalitaires, les maillots anti-mâles ou les banderoles vantant l’avortement ? En France, l’intitulé imposé dans les espaces politiques et médiatiques n’est pas celui officialisé par l’ONU en 1977, à savoir Journée internationale des femmes. Il s’est allongé pour le réduire aux seuls « droits », devenant ainsi : « Journée internationale des droits de la femme » voire même « Journée internationale de lutte des femmes pour leurs droits ». Cela en dit long.

    Une fausse opposition

    Il me semble qu’une forme d’affrontement permanent est à déplorer entre les tenants de l’égalité et ceux de la complémentarité. Pourtant, égalité et complémentarité ne s’opposent pas. Ce thème, et bien d’autres, est au cœur des préoccupations des Antigones. Depuis quelques années, ce mouvement de femmes participe activement au débat public en portant un regard, non seulement sur la féminité et sur les sujets qui s’y rattachent, mais également sur la société tout entière.

    Homme et femme nous partageons une même nature humaine, de laquelle on ne peut occulter l’importance de la sexuation.

    À contre-courant d’un féminisme bruyant et trop souvent agressif, elles ne revendiquent pas de nouveaux droits, mais se battent pour plus que cela : donner un autre sens à l’engagement des femmes dans la Cité, avec dignité et responsabilité. Avec elles, on réalise aussi que le monde ne se noie pas dans la culture ambiante de l’indifférenciation du genre. Dans un de leur Café des Antigones, les belles Anne Trewby et Iseul Turan, présidente et porte-parole, abordent « les différences sexuées au cœur de notre humanité » avec brio. Elles m’ont inspirée cette tribune.

    Sans préjugés

    Homme et femme nous partageons une même nature humaine, de laquelle on ne peut occulter l’importance de la sexuation — l’ensemble des phénomènes biologiques et symboliques qui caractérisent l’un et l’autre sexe — car la sexuation en est la dimension nécessaire et signifiante. Notre corps sexué influence notre regard sur le monde et implique des potentialités qui sont propres à chaque sexe et qui se révèleront différemment en chaque personne. C’est précisément là-dessus que peuvent se greffer des « stéréotypes » plus ou moins agaçants : les hommes sont ceci, les femmes sont cela, parfois sans nuance.

    En oubliant de contempler la part de féminin et de masculin présents en chacun et la complexité qui se manifeste en chaque personne, qui restera toujours unique au monde, dans toute sa singularité et sa beauté. C’est ce qu’oublie parfois le « camp de la complémentarité », campé sur ces préjugés. L’homme et la femme ne sont pas deux legos dont les failles de l’un comblent le trop-plein de l’autre. Ce raisonnement-là donne de l’eau au moulin des « tenants de l’égalité », enclins à balayer tout ça d’un revers de bras derrière la tentation de faire de la femme un homme comme un autre… ou même de nous faire quitter ce schéma manichéen pour glisser dans celui de la « fluidité » où nous ne serions qu’un sable mouvant de zones grises oscillant d’un côté ou de l’autre.

    Une commune dignité

    Il serait grand temps de réconcilier l’égalité et la complémentarité. Pour cela, il est nécessaire de les comprendre et de les aimer toutes deux. Au cœur de cela se joue la conviction et la protection sans relâche de la commune dignité de chaque personne, de l’homme et de la femme. « Le fait que la condition féminine soit insuffisamment prise en considération introduit des facteurs d’instabilité dans l’ordre social » écrivait Benoît XVI lors de la Journée mondiale de la paix en 2007. Avant d’ajouter :

    « Je pense à l’exploitation de femmes traitées comme des objets, poursuivait-il, et aux nombreuses formes de manque de respect pour leur dignité ; je pense également — dans un contexte différent — aux perspectives anthropologiques persistantes dans certaines cultures, qui réservent aux femmes une place encore fortement soumise à l’arbitraire de l’homme, avec des conséquences qui portent atteinte à leur dignité de personne et à l’exercice des libertés fondamentales elles-mêmes. […] La reconnaissance de l’égalité entre les personnes humaines […] constitue un élément de première importance pour l’édification de la paix. »

    Chercher l’égalité n’impose ni l’uniformité ni d’abolir la distinction entre les sexes. Au contraire. Une femme se doit d’être respectée en tant que femme. « Nous prônons la féminité pour les femmes : c’est notre nature cohérente et profonde. L’affirmer est le premier pas afin d’enrichir la société du meilleur de nous-mêmes » annoncent les Antigones. Quant à la complémentarité, essentielle, elle est un mode de compréhension des différences entre les hommes et les femmes, un système de compréhension du monde avant d’être un système d’organisation du monde, sur lequel devrait reposer une écologie politique en quête de justice, de fraternité et de paix.