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Idées - Page 3

  • L'édition revue et largement complétée des "Habits neufs du terrorisme intellectuel" vient de paraître

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    Des propos recueiillis par Christophe Geffroy sur le site de la Nef (février 2025) :

    Les habits neufs du terrorisme intellectuel | Jean Sévillia | Perrin

    Les habits neufs du terrorisme intellectuel : entretien avec Jean Sévillia

    Jean Sévillia, journaliste, essayiste et historien, est chroniqueur au Figaro Magazine, il nous offre ici une édition largement revue de son best-seller de 2000, la moitié de l’ouvrage étant inédite.

    La Nef – Qu’est-ce que le « terrorisme intellectuel » et quelle en est l’origine ? Comment reliez-vous ce phénomène à celui du « politiquement correct » ?
    Jean Sévillia – Il s’agit d’un mécanisme qui s’est mis en place dans l’immédiat après-guerre, quand le parti communiste occupait une position hégémonique dans le monde intellectuel. Il consistait à classer dans le camp du Bien, au prix de mensonges, d’omissions et d’amalgames, tous ceux qui avaient combattu l’occupant pendant la guerre, et a contrario de placer dans le camp du Mal tous ceux qui avaient collaboré avec les nazis, que ce soit vrai ou non. Cette vision manichéenne a permis de ranger le communisme dans les valeurs positives et l’anticommunisme dans les négatives. Par la suite, l’idéologie dominante a changé. Après le stalinisme, dans les années 1960, on est passé au tiers-mondisme avec le culte de Mao ou Fidel Castro ; dans les années 1970 au déconstructivisme façon pensée 68 ; dans les années 1980 à l’antiracisme et à l’antifascisme (en l’absence de fascisme) ; dans les années 90 au droit-de-l’hommisme, etc. À chaque fois, les opposants étaient caricaturés, diabolisés et rangés dans le camp du Mal par les représentants du prétendu camp du Bien. Le terrorisme intellectuel est la mise en œuvre du politiquement correct du moment par une minorité qui exerce une véritable dictature dans le domaine des idées.

    Le « terrorisme intellectuel » est-il le fait de la seule gauche ?
    Dans l’absolu, non. Il se trouve qu’en France, pour un certain nombre de raisons historiques et sociologiques, les secteurs de la société qui contribuent à forger les mentalités et les représentations des citoyens sont massivement orientés à gauche : l’Éducation nationale, la presse écrite et le système médiatique (plus des deux tiers des journalistes votent à gauche et même très à gauche), l’Université, le monde de la recherche scientifique, les grandes institutions culturelles, le milieu associatif. En face, la droite institutionnelle ne s’est jamais vraiment intéressée au débat d’idées, partant du principe qu’il vaut mieux abandonner la culture à la gauche, comme on donne un os à ronger à son chien, pour mieux se concentrer sur la gestion économique du pays et la géopolitique. Fatale erreur qui a laissé libre cours à une succession de vagues idéologiques qui ont imprégné la société en profondeur. J’ajoute que la droite populiste ne se signale pas spécialement par son appétit pour le débat intellectuel. Par conséquent, si la droite a participé au terrorisme intellectuel, c’est passivement, en n’apportant pas de réponse de fond aux idées fausses, en ignorant les enjeux concrets qui existent derrière les questions intellectuelles.

    Comment le « terrorisme intellectuel » a-t-il évolué entre 2000, année de la première édition de votre livre, et aujourd’hui ? Quels sont ses nouveaux avatars et que disent-ils de notre époque ?
    Sur le plan idéologique, nous avons assisté à une forte accentuation des questions dites sociétales dans le sens d’un bouleversement des repères anthropologiques traditionnels (mariage pour tous, PMA, transition de genre, etc.), et à l’apparition, au sein de la nébuleuse du wokisme, d’un courant explicitement racialiste et communautaire (l’islamo-gauchisme). Pour le reste, la dominante idéologique n’a pas varié. Ce qui est nouveau, c’est la démultiplication des moyens de communication (naissance des chaînes d’information en continu, développement du tout écran et notamment du téléphone mobile que tout le monde a sur soi et qui est à la fois un poste de radio, un téléviseur et un ordinateur connecté à Internet). Nouveauté également, l’invention, au début des années 2000, des réseaux sociaux, devenus depuis un phénomène massif. Autant de canaux qui, aspect positif, sont des moyens d’expression pour la pensée libérée du politiquement correct, mais aussi, versant négatif, autant de portes d’entrée du terrorisme intellectuel. Les réseaux sociaux, par ailleurs, qui cultivent la polémique et la petite phrase qui feront du buzz mais qui peuvent aussi déboucher sur des procès car nous assistons à une judiciarisation croissante du débat d’idées, ne sont guère une école de formation des esprits. Dès lors qu’ils existent, il faut les utiliser, mais à bon escient, sans jamais en être prisonnier.

    Voyez-vous un signe d’espoir ?
    Oui, parce que des brèches ont été ouvertes, depuis une quinzaine d’années, dans la citadelle du politiquement correct, et que les plus anciens combattants ont été rejoints par une jeune génération brillante. C’est un progrès, mais cela ne signifie pas que la bataille est gagnée.

    Propos recueillis par Christophe Geffroy

    Jean Sévillia, Les habits neufs du terrorisme intellectuel, préface de Mathieu Bock-Côté, Perrin, 2025, 414 pages, 23 €.

  • Le réalisme de Thomas d'Aquin, antidote aux maux d'aujourd'hui

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    De Tommaso Scandroglio sur la Nuova Bussola Quotidiana :

    Le réalisme de Thomas d'Aquin, antidote aux maux d'aujourd'hui

    La philosophie et la théologie de saint Thomas sont aujourd'hui mal comprises, à la fois parce qu'elles ont une logique de fer, aujourd'hui perdue, et parce qu'elles reposent sur un postulat inattaquable : quelque chose est là. Contrairement aux idéologies, c'est le fait de la réalité qui est à la base de ses arguments.

    27 janvier 2024

    Ce dimanche, l'Église célèbre la mémoire liturgique de saint Thomas d'Aquin (1224/1226 - 7 mars 1274), dont le 750e anniversaire de la mort sera également célébré en mars. Bien sûr, une seule année ne suffira pas à célébrer sa grandeur, et encore moins à se souvenir de lui dans un petit article comme celui-ci.

    Parmi les innombrables aspects d'une importance radicale que nous trouvons dans son enseignement, nous aimerions cependant en souligner un ici. Les théories philosophiques sont en définitive valables ou erronées pour deux raisons. Pour leurs prémisses et/ou pour le processus argumentatif qui va des prémisses aux conclusions. Parfois, les prémisses, c'est-à-dire le point de départ du raisonnement, sont valables. (...) Il peut arriver que les conclusions ne soient pas conséquentes aux prémisses. Le processus logique du raisonnement est alors fallacieux.

    D'autres fois, les prémisses elles-mêmes sont erronées : par exemple, "Dieu n'existe pas". Il va de soi que, compte tenu de cette prémisse erronée, tous les arguments ultérieurs, bien que et précisément parce qu'ils sont absolument cohérents avec la prémisse, seront erronés. Si Dieu n'existe pas, tout naît et se règle par hasard.

    Thomas est également d'actualité pour ces deux raisons. D'une part pour sa maîtrise inégalée dans l'articulation d'un raisonnement serré, marqué par une logique de fer, où chaque passage argumentatif est toujours prouvé et jamais apodictique. C'est d'actualité parce que cette capacité est largement perdue aujourd'hui, même chez les savants et les gens ordinaires, où l'émotivité, c'est-à-dire la raison asservie aux passions, aux sentiments, est maîtresse. La tête, aujourd'hui, a fini dans le ventre.

    D'autre part - et c'est sur cet aspect que nous voudrions nous attarder un peu plus ici - la philosophie et la théologie de Thomas provoquent ses contemporains parce que la prémisse sur laquelle repose toute, mais vraiment toute, sa réflexion est inattaquable, une prémisse qui est au contraire fortement attaquée par la culture contemporaine. La seule prémisse existante pour tout raisonnement est la suivante : il y a quelque chose. L'être est la première donnée de la raison et constitue une évidence incontournable. Notez le réalisme absolu : Thomas ne part pas de la foi, de la Révélation, de Dieu (parce qu'il n'est pas évident, dit-il), des théories d'autres maîtres, de la pensée, des sens, mais de la réalité parce qu'elle est une donnée objective et non subjective. La réalité se présente à l'homme pour ce qu'elle est. Il est vrai que nous la connaissons subjectivement, mais elle ne perd pas son objectivité pour autant. Au cours des siècles, les objections formulées pour réfuter cette évidence ont été gaspillées. Par exemple : la réalité que nous percevons n'est qu'un rêve, elle n'existe pas. C'est en effet un grand objectif personnel, car en disant cela, on affirme implicitement deux réalités : que le rêve et le rêveur existent.

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  • Les mugissements du "grand boeuf muet de Sicile"

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    Source : classes.bnf.fr

    "Né en 1225 à Aquino, près de Naples, en Italie, Thomas d’Aquin appartient à l’une des plus importantes familles d’Italie. Il étudie d'abord la grammaire, les sciences naturelles, la science arabe et la philosophie grecque chez les dominicains de Naples.

    À dix-neuf ans, il est reçu parmi les novices de l’ordre dominicain, déclenchant une vive opposition de sa famille, qui le fait enlever sur la route qui le conduit à Paris. Il prononce toutefois ses voeux en 1243 et étudie à Paris, puis à Cologne, où il a pour maître Albert le Grand et pour condisciples Ambroise de Sienne et Thomas de Cantimpré.

    Il est taciturne et ses compagnons le surnomment « le grand boeuf muet de Sicile ». Mais dans une argumentation qu’il soutient publiquement, il répond avec une dialectique si pointue et si lumineuse qu’Albert le Grand se tourne tout ému vers ses élèves et leur prédit que « les mugissements de ce boeuf retentiront dans tout l’univers ». Comme son maître, il est ouvert à la renaissance des oeuvres de l’Antiquité, celles d’Aristote notamment.

    En 1248, il commence à enseigner à Cologne puis revient à Paris, où il est reçu bachelier et occupe une chaire de théologie. En 1257, il obtient le grade de docteur et dirige une des deux écoles du collège de Saint-Jacques. Dès lors, sa renommée s’étend dans toute l’Europe et les papes qui se succèdent l’appellent à leurs côtés.

    Il consacre les neuf dernières années de sa vie à la rédaction de sa grande oeuvre, la Somme de théologie. Il meurt le 2 mars 1274 à quarante-neuf ans, en se rendant au concile de Lyon, où il avait été convoqué comme expert.

    La pensée théologique de Thomas d'Aquin repose sur deux axes fondamentaux :

    • une confiance active en la raison,
    • une référence permanente à la nature.

    Sa vision optimiste réconcilie foi et raison en mettant les ressources de la raison au service de l’intelligence de la foi, au point de constituer la théologie en science véritable - science des choses divines construite à l’aide de raisonnements et de démonstrations conformes aux principes aristotéliciens.

    On pourrait dire que si saint Augustin a eu la volonté de « christianiser » Platon en l'introduisant dans ses théories religieuses, saint Thomas d'Aquin « christianisa » à son tour Aristote, huit siècles plus tard, avec cette même volonté d'harmoniser le savoir, la sagesse antique et la foi chrétienne."

    "Il devient de plus en plus malaisé de déguiser le fait que Thomas d'Aquin fut l'un des grands libérateurs de l'esprit humain, en réconciliant raison et religion. Il lui ouvrit les voies de l'expérimentation scientifique, il rendit aux impressions sensibles leur dignité de fenêtres de l'âme, et à l'intellect son droit divin de se nourrir de faits vérifiés. Il permit à la Foi d'assimiler la substantifique moelle de la plus dense et de la plus trapue des philosophies antiques.»

    Chesterton, Saint-Thomas d'Aquin, Paris, Plon 1939, p.30

  • Wikipedia : une fabrique de la désinformation qui peut être corrigée

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    De Stanislas Gabaret sur la Sélection du Jour :

    Wikipédia : un laboratoire de la désinformation qui peut être corrigé

    Forte d'un succès fulgurant depuis son lancement le 15 janvier 2001, Wikipédia vient de célébrer son 24e anniversaire. Consultée environ 500 millions de fois par jour, l'encyclopédie collaborative en ligne offre — en apparence — une information neutre, fournie et précise. Mais dans la réalité, sur Wikipédia comme dans la rue, les militants actuels — souvent d'extrême gauche — font passer leurs idées avec une efficacité redoutable.

    Elle est le premier résultat qui s'affiche après une recherche sur internet. Wikipédia est devenue « La » référence des encyclopédies en ligne avec un concept révolutionnaire : n'importe qui peut écrire sur n'importe quel sujet, à condition de respecter les principes fondateurs du site. Les articles nouvellement créés sont aussitôt mis en ligne avec une seule règle d'or : le contenu doit rechercher la neutralité et s'appuyer sur des sources fiables et vérifiables. Dans sa version francophone, l'encyclopédie compte 3,8 millions de visiteurs et voit environ 17 000 contributeurs effectuer au moins une modification dans le mois. Pourtant, ce chiffre est en baisse, laissant la place à un noyau restreint d'utilisateurs actifs et aux militants les plus virulents. C'est regrettable, d'autant plus que la plateforme repose sur la collaboration de tous : chacun, en tant que simple utilisateur, peut modifier les pages, sauf celles qui sont protégées.

    Les 150 administrateurs de la plateforme — bénévoles pour la grande majorité d'entre eux — empêchent le vandalisme et peuvent réguler la diffusion de fausses informations. Mais ils ne sont pas partout ni forcément exempts de partis pris. L'outil est pourtant apprécié : Wikimédia France (l'association qui finance Wikipédia dans notre pays) a eu l'agrément de l'Éducation Nationale et reçu près de 600 000 € de dons de particuliers en 2022. Une récente enquête du Point (en sélection) permet d'en savoir plus.

    Entreprises, personnalités, sujets divers et variés… Les exemples regorgent de pages modifiées par des groupes suivant un agenda idéologique. Ceux-ci ont recours à un faisceau de sources selon eux tout à fait fiables. On y retrouve Télérama, Mediapart, Arrêt sur images, Reporterre, Libération… C'est sur ce dernier que la page dédiée aux OQTF se fonde pour affirmer qu'il « n'y a pas de lien entre OQTF et délinquance ». Avant l'enquête du Point, un contributeur sous pseudonyme, identifié comme chimiste dans un laboratoire du CNRS à Marseille, avait pris soin de supprimer de cette même page la référence aux affaires de la petite Lola et de la jeune Philippine. Ces deux jeunes filles avaient respectivement été tuées par une Algérienne et un Marocain qui étaient sous l'obligation de quitter le territoire. Le profil de plusieurs contributeurs/activistes correspond à celui d'individus diplômés du supérieur qui ne s'investissent pas forcément dans leurs domaines de compétence, mais plutôt dans des croisades personnelles. Un autre exemple est celui d'un certain « Factsory » — maître de conférences en informatique à l'université de Lille — qui s'est entêté à présenter le glyphosate comme produit cancérogène, contre l'avis de l'Agence européenne des produits chimiques.

    En 2021 (voir LSDJ n°1367), le cofondateur de Wikipédia, Larry Sanger, expliquait que son but originel était d'aider les visiteurs à se faire leur propre opinion, avec — sur un sujet controversé — une présentation équilibrée de différents points de vue. Mais il déplorait en même temps que les équipes de modérateurs se soient politisées. Selon l'un des membres du conseil d'administration de Wikimédia Canada, « on laisse subsister de l'information qui n'est pas toujours fiable, mais on fait le pari que d'autres vont améliorer ce qui est imparfait ». Pari raté souvent, du moins quand les groupes militants ne trouvent pas de contrepoids de la part d'avis politiques divergents.

    Cela se vérifie dans les pages consacrées aux médias de droite, fondées pour la plupart sur l'avis d'une presse recouvrant tout le spectre de la gauche, jusqu'à la plus radicale. Ainsi, Le Point est taxé d'« islamophobe » (la source mentionnée est l'étude d'une universitaire, militante LGBTIQ+ et auteur d'une thèse sur la discrimination à l'embauche des musulmans), Causeur « classé à l'extrême droite » (selon Le Monde, L'Obs, Libération, Les Inrocks, Télérama, Arrêt sur images,...) ou Valeurs Actuelles, qualifié de « faussaire » dans son traitement du réchauffement climatique (selon Basta !, Mediapart, Politis et Reporterre). L'inverse ne se vérifie pas, la presse de gauche n'est pas décrite en fonction de son homologue de droite : la page consacrée au site web Arrêt sur images est un cas d'école, tellement elle est lisse. Pourtant, son fondateur est l'un des journalistes qui a le plus flatté la complaisance de gauche envers l'islamisme.

    Sur Wikipédia, Jordan Bardella est à la tête du « principal parti d'extrême droite en France », avec — en hyperlien sur l'expression « extrême droite » — la définition suivante : « une droite de refus, de rejet. Rejet des institutions gouvernementales ou constitutionnelles, rejet de la démocratie, haine des étrangers (xénophobie), remise en cause de l'ensemble des institutions civiles, administratives, sociales, économiques et religieuses […]. » Voilà ce pour quoi voteraient près de 11 millions d'électeurs du Rassemblement National, alors même que le leader du RN n'a jamais été condamné pour de tels positionnements et qu'un parti qui les revendiqueraient aujourd'hui serait interdit. Dans le même temps, l'encyclopédie évite de qualifier Jean-Luc Mélenchon de leader d'extrême gauche, même si elle se montre critique à certains égards…

    Le traitement est le même sur la page en anglais des personnalités américaines. Les portraits d'Elon Musk ou Donald Trump sont nourris par ceux qu'en font leurs opposants. Le second a notamment droit à la description la plus acerbe : « Plusieurs universitaires et historiens le classent comme un des pires présidents de l'histoire américaine [...]. Bon nombre de ses commentaires et actions ont été qualifiés de provocateurs sur le plan racial, racistes et misogynes. Il a promu des théories du complot et fait des déclarations fausses et trompeuses [...], à un niveau sans précédent dans la politique américaine. » Ses affaires judiciaires sont soigneusement rappelées, mais aucune mention du fait qu'il soit le seul président américain à ne pas avoir déclenché de guerres depuis près de quarante ans.

    La page consacrée à Joe Biden est nettement moins critique, ce qui est logique dans la mesure où les avis sur son image publique reposent sur le New York Times et non sur ce qu'en pensent les Républicains. Celle de son fils Hunter omet les éléments les plus gênants découverts sur son ordinateur portable. Kamala Harris bénéficie elle d'une description qui pourrait presque paraître élogieuse. Son rôle comme première vice-présidente femme, à la fois afro-américaine et d'origine asiatique, est particulièrement mis en avant, contrairement aux raisons de sa défaite calamiteuse face à D. Trump.

    Face à ces pratiques d'orientation idéologique, voire de désinformation, quel avenir se dessine pour Wikipédia ? Renoncer à sa démocratisation pourrait être contre-productif. Cependant, qu'est-ce qui empêche tout un chacun de contrebalancer l'information parfois biaisée du site en apportant, autant que faire se peut, des contenus objectifs et fiables ?

    Wikipédia, plongée dans la fabrique d’une manipulation

    >>> Lire l'article sur le site du Point

  • Pourquoi s'indigner des horreurs nazies et taire celles du communisme ?

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    De Chantal Delsol, publié sur le site de La Nef :

    Communisme et nazisme : pourquoi une telle différence de traitement ?

    La Nef n°373 Octobre 2024, mis en ligne le 20 décembre 2024.

    La différence de traitement entre le nazisme et le communisme est toujours propre à nous stupéfier. Depuis un demi-siècle on ne s’indigne que des horreurs nazies, alors que celles du communisme sont pratiquement passées sous silence. On n’en finirait pas de citer les innombrables films sur la Shoah, tandis que les goulags sont passés presque inaperçus. Certains auteurs plus sincères et moins trouillards, comme Ernst Nolte, qui avaient le front de signaler en passant que Hitler a trouvé ses méthodes terrifiantes chez Staline, ou bien que le régime soviétique a fait beaucoup plus de morts que le nazisme, ont été vilipendés. Un manichéisme persistant désigne le diable dans le nazisme, et dans le soviétisme, un régime qui, en voulant le bien des humains, s’est fourvoyé par naïveté…

    Comment expliquer cela ? Sans doute par l’origine de chacun des totalitarismes. Il faut revenir, pour le comprendre, à l’origine de la modernité, c’est-à-dire à la saison révolutionnaire (XVIIIe siècle). Le mouvement d’émancipation qui secoue alors l’Occident est vu comme la promesse du bonheur humain. Les Lumières suscitent au XIXe siècle en Occident cet immense mouvement que l’historien Olivier Grenouilleau appelle la grande moralisation du monde : abolition de l’esclavage, lutte contre l’alcoolisme, émancipation des femmes, puis, un peu plus tard, lutte contre la peine de mort, la torture, etc. En même temps, monte (en partant de l’Allemagne) un courant anti-Lumières, qu’on peut situer entre Jacobi et Herder : volonté de sauver les traditions religieuses et morales. Or il se trouve que ces deux courants vont se donner au XXe siècle, par exacerbation, chacun leur extrême. Le communisme représente l’extrême des Lumières et le nazisme, l’extrême des anti-Lumières. Le communisme invente une utopie de l’émancipation totale. Le nazisme invente lui aussi une utopie en voulant restaurer des traditions fantasmées – vouloir revenir au passé est aussi utopique qu’aller vers un avenir idéalisé : on peut aimer le passé, mais de toutes façons, nous n’y retournerons pas.

    Naturellement, l’un et l’autre entrent en folie et en horreurs. Mais en tant qu’excès de l’émancipation, le communisme n’est pas haï : il a manqué de mesure, certes – c’était par compassion pour les humains. À l’inverse, en tant qu’excès des anti-Lumières, le nazisme est considéré comme suppôt de Satan. C’est la réputation extraordinaire dont bénéficient les Lumières en Occident qui explique la différence de traitement entre les deux totalitarismes. Naturellement cette différence de traitement n’est pas honnête. Elle n’a pas de légitimité, mais elle a des causes.

    Je voudrais ajouter un point. Il y a une dizaine d’années, j’ai été invitée à un colloque à la frontière de la Pologne et de l’Ukraine, sur la similarité des deux totalitarismes. Il y avait là un tiers de Russes, un tiers de Polonais et un tiers d’Allemands. Après avoir disserté pendant trois jours pour dire à quel point nazisme et communisme se ressemblaient, il y a eu un dîner d’adieu au cours duquel un Russe a été invité à chanter en s’accompagnant de sa guitare. Il a chanté un vieux chant léniniste dans lequel il est dit que les Polonais doivent être esclavagés et tués, d’une violence extrême, et à ma grande surprise, les Polonais se sont mis à chanter avec les Russes, pleins de joie – certains mêmes montaient sur les tables pour taper du pied avec le rythme. J’ai demandé la parole et j’ai demandé si on pouvait demander aux Allemands de chanter ensemble un chant nazi : à ces mots, comme on pouvait s’y attendre, tous les Allemands ont piqué le nez sur leur assiette. Alors je leur ai demandé pourquoi les deux totalitarismes, dont ils venaient de démontrer la similitude pendant trois jours, étaient si différemment traités. Ils m’ont donné leurs raisons. Le nazisme, disaient-ils, a duré douze ans. Cela peut être considéré, dans une vie humaine, comme une parenthèse, terrible évidemment, mais une parenthèse, qu’on peut rejeter loin de soi. Tandis que le communisme a duré plus d’un demi-siècle : le temps pour un humain d’entendre les berceuses de sa mère, d’aller à l’école, de tomber amoureux, de fonder une famille, de découvrir ses cheveux blancs. Bref : toute la vie, et chacun n’a qu’une seule vie, il n’est donc pas possible de dire que tout y était cafardeux et terrible. On se remémore les bons moments sous le communisme parce qu’on n’a eu que cela. Cela explique, je crois, en partie, pourquoi les Russes ne rejettent pas le communisme comme les Allemands rejettent le nazisme. Ce régime a duré si longtemps qu’il faisait partie intégrante de leur vie. Il faut naturellement ajouter à cela leur nationalisme, qui les empêche de juger leur propre régime, et l’interdiction qui leur a été faite de savoir vraiment ce qui s’était passé pour en tirer des leçons, comme en Allemagne.

    L’extrême gauche et l’extrême droite reçoivent les mêmes faveurs ou défaveurs que les totalitarismes correspondants. Mélenchon, ce sont les Lumières, et Le Pen, les anti-Lumières. Le crédit ou le discrédit attenants sont de l’ordre du symbole et ne regardent plus les réalités. Nous sommes dans le mythe.

    Lire également : Un cardinal portugais défend sa décision de participer à un rassemblement du Parti communiste

  • "Paradise Cancelled" explore le fossé entre le christianisme et la postmodernité

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    De sur le CWR :

    Paradise Cancelled explore le fossé entre le christianisme et le postmodernisme

    Anthony Schratz analyse habilement les défauts de « l’individualisme expressif » et aborde directement ce que les chrétiens devraient faire dans la situation difficile actuelle.

    Nous vivons dans un monde devenu fou. Cette folie a été annoncée il y a un siècle par le poète irlandais William Yeats dans  La Seconde Venue :  « Tout se disloque. Le centre ne peut tenir. / L’anarchie se déchaîne sur le monde. » Il nous faut comprendre ce qui s’est passé.

    Dans  Paradise Cancelled,  Anthony Schratz fait précisément cela en analysant d’abord les fondements intellectuels et spirituels de la vision du monde chrétienne et ceux de la vision du monde postmoderne (qu’il appelle « individualisme expressif »), puis en expliquant pourquoi il est impossible pour ces deux visions du monde de coexister pacifiquement.

    La vision chrétienne du monde décrite par Schratz est en tous points conforme au Magistère. Elle proclame que l'univers a été créé par un Être transcendant, infiniment bon et puissant, un Dieu qui est aussi une Trinité de personnes enracinée dans une communion d'amour d'où sont issus l'univers et l'homme. Elle proclame également que Dieu a créé l'homme à son image et à sa ressemblance, l'appelant à la béatitude céleste avec Lui après une vie vertueuse sur terre.

    L’homme possède un corps matériel et mortel, ce qui fait de lui un élément de la nature comme les autres animaux. Mais, contrairement à ces derniers, il a été créé « à l’image de Dieu », ce qui signifie qu’il est doté d’un intellect lui permettant de saisir les réalités universelles et immatérielles, et d’un libre arbitre lui permettant de choisir librement entre le bien et le mal, c’est-à-dire d’obéir ou de désobéir à son Créateur.

    En choisissant de désobéir au Créateur, Adam et Ève ont introduit le péché dans le monde. C’est ce qu’on appelle le péché originel. La vision chrétienne du monde est incompréhensible sans cette doctrine du péché originel. Bien que nous ayons encore des facultés remarquables, nous avons tendance à les utiliser pour faire le mal. Au fond, nous savons que quelque chose ne va pas chez nous. Nous naissons sans vie divine dans l’âme parce que la vie humaine que nous avons héritée de nos premiers parents est « déconnectée » de Dieu. Le résultat, comme l’a dit Alexandre Soljenitsyne dans une phrase célèbre, est que « la ligne séparant le bien du mal ne traverse pas les États, ni les classes, ni les partis politiques, mais traverse chaque cœur humain ».

    L’homme étant incapable de remédier à ce mal aux conséquences infinies, seule une intervention divine pourrait le réconcilier avec son Créateur. Ainsi, Dieu lui a promis un Sauveur qui lui rendrait son amitié originelle. Dieu s’est approprié un peuple qui, fortifié par la Loi et les prophètes, devait préparer l’humanité à recevoir ce Sauveur. Après s’être révélé aux hommes par les prophètes, Dieu s’est révélé à eux en prenant leur nature humaine, ce qui a donné naissance à une nouvelle Alliance entre Dieu et l’homme. Cette Alliance est représentée par l’Église, qui continue l’œuvre de la rédemption en proclamant que seul le Christ peut nous conduire au bonheur éternel.

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  • Sortez de vos pantoufles

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    De Mark Bauerlein sur First Things (traduction "de travail" avec Deepl.com) :

    Sortez de vos pantoufles

    3 décembre 24

    Pour beaucoup de gens, le confinement de la pandémie Covid a signifié « le triomphe de la peur et la jouissance paradoxale d'une vie entravée ». C'est ce qu'affirme Pascal Bruckner dans 'Le sacre des pantoufles : du renoncement au monde', que j'ai lu et que je suis heureux de mentionner ici. C'est un petit livre d'un peu plus d'une centaine de pages, écrit par l'un des penseurs sociaux français les plus perspicaces. Pour lui, le Covid s'aligne sur le 11 septembre, l'alarme climatique et le conflit ukrainien en tant qu'événements encourageant le retrait de la place publique et de la vie sociale (non numérique), la « fermeture des esprits et des espaces ». Nous ne cherchons pas, nous n'aspirons pas, nous n'imaginons pas, nous n'inventons pas, nous survivons. Vivre derrière des portes closes était autrefois perçu comme un appauvrissement de la vie. Aujourd'hui, c'est synonyme de sécurité et de loisir, d'autant plus que les écrans nous détournent à tout moment.

    Nous sommes entrés dans une ère stérile, conclut Bruckner, une époque d'éros affaibli et d'expériences banales. En lisant ses observations, je n'ai pu m'empêcher de marmonner mon accord. Il consacre même un passage à l'une des plus grandes nouvelles américaines, « Bartleby, the Scrivener », d'Herman Melville. Bartleby s'enfonce dans une résistance passive et obstinée qui aboutit à sa mort. 

    Si nous ne retrouvons pas une participation active et un engagement public généralisé, le désespoir et la dissipation ne feront que se poursuivre. Les forces de la défaite sont puissantes, tout comme les tentations de l'écran. Le conseil de Bruckner : Accepter le risque, éviter la dépendance, être avec les autres (amis et inconnus). Bref, sortez de vos pantoufles.

    « Ne voudriez-vous pas goûter à cette intensité ? » demande Simon Critchley dans son étude intitulée, tout simplement, Mysticism. Elle comprend des discussions sur Maître Eckhart, Julian de Norwich, Annie Dillard et T. S. Eliot, ainsi qu'un examen minutieux de ce qu'est le mysticisme, de ce que signifie le concept. Le mysticisme est un itinéraire ou un voyage, dit Critchley, qui recherche la présence de Dieu (pas nécessairement l'union avec Dieu, comme on l'affirme souvent). Il fait l'éloge de William James, qui a accordé à l'expérience mystique la possibilité de vérités supérieures que l'observation ordinaire ne peut atteindre. Il cite le mystique Dionysius : « Abandonnez tout [...]. Dieu méprise les idées ». Il s'interroge également sur le sort du mysticisme dans un monde moderne qui a tellement marginalisé le sol le plus fertile pour le voyage mystique : les monastères. (Critchley note - sans enthousiasme - une alternative commune, à savoir la culture de l'expérience esthétique et d'un moi « façonné »).

    Le livre contient également une thèse historique importante, liée précisément à cette avancée de la modernité. Citant Michel de Certeau, Critchley affirme que le mysticisme n'a pas été reconnu comme une forme discrète d'expérience avant le XVIIe siècle. Sa conception en tant que telle « marque un changement fondamental dans les attitudes occidentales à l'égard du sacré ». Lorsque les théologiens et les penseurs ont fait de cette intensité dévotionnelle une condition particulière, le sens du mystère propre à tous les modes de culte a été diminué et perdu. Nous commençons à considérer les mystiques du passé, les Pères du désert, les Franciscains, etc. comme qualitativement différents du reste des fidèles, au lieu d'être des chrétiens plus disciplinés et plus intenses. Critchley lui-même a eu une expérience mystique à l'âge de vingt-quatre ans dans la cathédrale de Canterbury, mais il a jugé par la suite qu'il s'agissait d'un ravissement esthétique et non d'une épiphanie. Il a ensuite suivi Nietzsche et la mort de Dieu. Le fait qu'il revienne au mysticisme dans ce volume volumineux et qu'il considère l'impiété comme une terrible déception (« Je n'ai jamais été un athée triomphant ») montre que la question n'est pas close, du moins pas pour lui. Il ajoute un angle personnel à l'étude, une recherche de compréhension dans une époque qui glisse de plus en plus vers le nihilisme.

    Un jour, une notification s'est affichée sur le téléphone portable de Carlos Whittaker, lui indiquant qu'il passait en moyenne sept heures et vingt-trois minutes par jour devant un écran. Cela l'a choqué et l'a conduit à l'expérience relatée dans Reconnected : Comment 7 semaines sans écran avec des moines et des fermiers amish m'ont aidé à retrouver l'art perdu d'être humain. Il a d'abord passé deux semaines avec vingt moines bénédictins dans le désert du sud de la Californie, puis deux autres semaines à travailler avec des fermiers amish à Mt. Hope, dans l'Ohio, et enfin trois semaines chez lui, avec sa famille, le tout sans écran. Pas de téléphone portable, pas d'ordinateur, pas de courrier électronique, pas d'alertes.  

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  • Saint Clément d'Alexandrie "le pédagogue" (4 décembre)

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    Lors de l'audience générale du mercredi 18 avril 2007, le pape Benoît XVI a consacré sa catéchèse à ce Père de l'Eglise (source) :

    Chers frères et sœurs,

    Après le temps des fêtes, nous revenons aux catéchèses habituelles, même si apparemment, il règne encore un climat de fête sur la Place. Avec les catéchèses, nous revenons, comme je l'ai dit, au filon commencé auparavant. Nous avons tout d'abord parlé des douze apôtres, puis des disciples des apôtres, et à présent des grandes personnalités de l'Eglise naissante, de l'Eglise antique. Dans la dernière, nous avions parlé de saint Irénée de Lyon, nous parlons aujourd'hui de Clément d'Alexandrie, un grand théologien qui naquit probablement à Athènes vers le milieu du deuxième siècle. Il hérita d'Athènes cet intérêt prononcé pour la philosophie, qui devait faire de lui l'un des hérauts du dialogue entre foi et raison dans la tradition chrétienne. Encore jeune, il rejoignit Alexandrie, la "ville symbole" de ce carrefour fécond entre différentes cultures qui caractérisa l'époque hellénistique. Il y fut le disciple de Pantène, jusqu'à lui succéder dans la direction de l'école catéchétique. De nombreuses sources attestent qu'il fut ordonné prêtre. Au cours de la persécution de 202-203, il quitta Alexandrie pour se réfugier à Césarée, en Cappadoce, où il mourut vers 215.

    Les œuvres les plus importantes qui nous restent de lui sont au nombre de trois:  le Protreptique, le Pédagogue et les Stromates. Même s'il ne semble pas que cela fût l'intention originelle de l'auteur, le fait est que ces écrits constituent une véritable trilogie, destinée à accompagner de manière efficace la maturation spirituelle du chrétien. Le Protreptique,  comme  le dit la parole elle-même, est une "exhortation" adressée à celui qui commence et cherche le chemin de la foi. Mieux encore, le Protreptique coïncide avec une Personne:  le Fils de Dieu, Jésus Christ, qui se fait l'"exhortateur" des hommes, afin qu'ils entreprennent de manière décidée le chemin vers la Vérité. Jésus Christ lui-même se fait ensuite Pédagogue, c'est-à-dire l'"éducateur" de ceux qui, en vertu du Baptême, sont désormais devenus des fils de Dieu. Enfin, Jésus Christ est aussi Didascalo, c'est-à-dire le "Maître" qui propose les enseignements les plus profonds. Ceux-ci sont rassemblés dans la troisième œuvre de Clément, les Stromates, parole grecque qui signifie "tapisseries":  il s'agit, en effet, d'une composition non systématique de thèmes divers, fruit direct de l'enseignement habituel de Clément.

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  • « Identitaire » : la nouvelle invective facile ?

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    D'Elisabeth Geffroy sur le site de La Nef  (décembre 2024):

    « Certaines plumes et certaines voix semblent en ce moment trouver un « identitaire » derrière chaque pierre. Les catholiques ne font pas exception, et les « catholiques identitaires » sont de plus en plus pointés du doigt. Or d’une part le recours excessif à cet épithète manifeste une paresse intellectuelle qui fait obstacle à l’exercice normal de la pensée et à la tenue honnête du débat politique. D’autre part, l’urgence devrait être à sauver cet adjectif plutôt qu’à le salir, et à redonner aux « identités » leur lettres de noblesse et leur rôle social.

    Il en va des insultes comme des tables basses ou des chapeaux : elles sont sujettes à certains effets de mode, et il est plus ou moins plaisant de les regarder défiler. Nous sommes actuellement les témoins quelque peu désabusés de la percée opérée par un nouveau favori : « identitaire ». L’épithète peut être fier, il est devenu incontournable, et certains esprits peinent désormais à écrire plus de cinq lignes d’éditorial ou de chronique sans recourir à lui pour qualifier l’adversaire identifié. Certains catholiques se sont empressés de transposer cette invective dans leur champ propre, guettant partout les « catholiques identitaires ». Le couperet tombe vite, et chacun mettra le curseur où il le veut – c’est là un privilège des termes mal définis. Plus important, plus révélateur que le sens véritable du mot, est son usage. La magie du terme réside dans son double effet simultané. En reléguant un interlocuteur dans les ténèbres identitaires, vous faites d’une pierre deux coups : d’une part, vous le marquez d’un sceau d’infamie et le sortez du cercle de la raison et de la respectabilité, d’autre part, et c’est tout l’enjeu, vous vous mettez à distance de lui et envoyez un signal très clair, qui manifeste votre propre appartenance à l’honorabilité intellectuelle et politique. En un seul mot, vous compromettez votre adversaire tout en vous mettant à l’abri du soupçon. Notons que ce manège est rarement l’indice d’un esprit libre et courageux.

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  • Le catholicisme est-il encore acceptable pour les élites technocratiques de notre époque laïque et post-chrétienne ?

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    De Casey Chalk sur le CWR :

    I Came To Cast Fire (Je suis venu jeter le feu) présente aux lecteurs l'œuvre unique de René Girard
    La race, l'ethnie, le sexe et le genre sont les catégories identitaires que l'Occident post-chrétien utilise pour déterminer qui est le plus digne de notre sympathie et de notre célébration, ce que le philosophe catholique français appelle un « masque séculier de l'amour chrétien ».

    29 novembre 2024


    Le catholicisme est-il encore acceptable pour les élites technocratiques de notre époque laïque et post-chrétienne ?

    Certainement pas la prétention catholique de connaître et de sauvegarder de manière unique la vérité absolue sur la foi et la morale. Ni dans la répudiation par l'Église catholique de la revendication par la révolution sexuelle de « droits » universels à la liberté sexuelle, à la contraception ou à l'avortement. Non, la seule façon sûre de représenter sa foi catholique sur la place publique aujourd'hui est d'affirmer sa sympathie pour la victime : le pauvre, la veuve, le membre opprimé d'une classe minoritaire.

    Si l'on met de côté l'incohérence flagrante de ce sentiment - pourquoi la vie intra-utérine n'est-elle pas une victime digne d'être protégée ? Tant que l'Église catholique organise des réunions d'alcooliques anonymes, parraine des collectes de nourriture et de vêtements ou apporte son aide aux victimes de catastrophes naturelles, elle peut être célébrée, même par les personnes sans religion.

    Pourquoi en est-il ainsi ?

    Une réponse convaincante réside dans la pensée du philosophe catholique français René Noël Théophile Girard. I Came to Cast Fire : Une introduction à René Girard, par le père Elias Carr, chanoine régulier de Saint-Augustin, offre une excellente introduction accessible à ce célèbre, bien que parfois énigmatique, anthropologue de renommée Johns Hopkins et Stanford.

    La théorie de Girard, qui a influencé des personnalités aussi éminentes que J.D. Vance et Peter Thiel, propose une grande analyse de l'histoire humaine, de la préhistoire ancienne à nos jours, définie par trois étapes. La première d'entre elles est ce qu'il appelle la mimesis, dans laquelle les humains développent des désirs mimétiques, ou imitatifs des désirs des autres, un processus qui se produit par l'observation d'autres humains, ainsi que par des histoires partagées. Ces désirs mimétiques facilitent les rivalités, car les individus ne peuvent s'empêcher de rivaliser pour les objets de ces désirs : possessions, intérêts romantiques, gloire.

    Au fur et à mesure que ces rivalités s'accumulent, elles s'intensifient et menacent de détruire la communauté de l'intérieur. C'est alors qu'intervient la deuxième étape du développement humain : le bouc émissaire, qui est tenu pour responsable de la crise à laquelle la société est confrontée. Le bouc émissaire, qu'il s'agisse d'un individu ou d'un groupe, est une minorité au sein de la communauté, une personne qui en vient à être considérée comme ne faisant pas vraiment partie de la communauté et qui peut donc être diabolisée, expulsée ou détruite. Selon Girard, les sociétés ne comprenaient pas ce phénomène, elles le pratiquaient simplement afin d'expérimenter une sorte de catharsis ; ou bien elles ne le pratiquaient pas et s'effondraient en raison de violences intestines.

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  • À quoi ressemblent la morale et la politique dans une culture post-consommation et sans intérêt ? Et que faut-il faire pour y remédier ?

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    De Larry Chapp sur le CWR :

    À quoi ressemblent la morale et la politique dans une culture post-consommation et sans intérêt ? Et que faut-il faire pour y remédier ?

    (Image : Josh Applegate / Unsplash.com)
    Nihilisme profond et scientisme trompeur

    Notre culture est nihiliste. C’est un principe fondamental qui guide presque tout ce que j’écris.

    Le nihilisme profond de la modernité est l’air que nous respirons – notre vision du monde profonde de ce qui constitue le réel – et pourtant l’Église continue d’agir comme si tout ce dont nous avions besoin était une meilleure catéchèse dans le cadre du statu quo du catholicisme conventionnel. Cela implique que le problème est celui d’une simple ignorance des faits doctrinaux plutôt que d’une profonde aliénation de l’âme par rapport à la description que l’Église fait du réel. Nous devons reconnaître que la plupart des jeunes catholiques, en particulier, sont des adeptes d’une vision du monde différente de celle de l’Église et que cette vision du monde est toxique pour la foi. C’est pourquoi ils considèrent la confirmation, non pas comme le sacrement final de l’initiation, mais comme le sacrement final de l’émancipation de cette religion qui semble si en décalage avec la culture qu’ils ont embrassée.

    Cette vision du monde est animée par ce que l’on appelle aujourd’hui le « scientisme » – la philosophie selon laquelle seule la science empirique nous donne accès au réel – et elle est la religion de fait de l’Occident moderne. Le philosophe italien Augusto del Noce l’a identifiée comme telle, observant dans La crise de la modernité que les éléments anti-surnaturalistes dans son cadre, lorsqu’ils sont combinés avec les philosophies modernes purement immanentistes, constituent pour nos élites culturelles un « point de non-retour » tel qu’« aujourd’hui il n’est plus possible » de croire en « telle doctrine religieuse » ou « telle mythologie » en particulier, mais aussi en rien de nature transcendante en général.

    Del Noce note également que cette confluence de la philosophie et du scientisme a donné naissance à la mythologie de la périodisation de la pensée humaine, selon laquelle, pour ses praticiens, il existe une progression claire de l'histoire humaine qui imite les étapes de la vie humaine. Cette progression passe du stade infantile du mythe à la phase adolescente de la religion, puis à la phase de jeune adulte de la philosophie moderne, pour finalement culminer dans la maturation de l'espèce humaine dans la science empirique comme seul arbitre de la vérité.

    Il s’agit du récit progressiste classique de l’histoire humaine et du mythe d’origine qui régit notre culture.

    De plus, ce schéma de périodisation est utilisé pour légitimer l’idée qu’il n’y a effectivement pas de retour en arrière vers les notions de Dieu. Le progrès linéaire/conceptuel est à la fois formel et matériel et on ne peut pas plus revenir à un stade antérieur du développement humain que l’on ne peut redevenir un enfant. Et même si, au nom d’une tolérance éclairée, on « autorise » un espace au sein du tissu social pour que les personnes religieuses persistent dans leurs habitudes obscurantistes, elles doivent être traitées de plus en plus comme de simples bizarreries antiques aux limites de la raison qui ne doivent plus jamais être admises dans les couloirs du gouvernement ou même, de plus en plus, sur la place publique en tant qu’interlocuteurs sérieux.

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  • Rencontre avec Pierre Manent, l’un des principaux penseurs politiques de notre temps (KTO)

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    De KTO TV :

    Rencontre avec Pierre Manent

    17/11/2024

    Cette semaine, dans Rencontre avec, Régis Burnet reçoit l’un des principaux penseurs politiques de notre temps : Pierre Manent. Normalien, agrégé de philosophie, il a été l’assistant et le disciple de Raymond Aron. Dans ces nombreux ouvrages, il se présente tour à tour comme un défenseur passionné de la pensée libérale, mais aussi comme un critique sévère des droits de l’homme. Il est aussi l’auteur de nombreux ouvrages, qui visent à articuler une pensée cohérente, à la fois philosophique, politique et religieuse. Sa pensée puise à des sources aussi diverses qu’Aristote, Saint Thomas d’Aquin ou encore Léo Strauss. "Ce que je reproche à ce que sont devenus aujourd’hui les droits de l’homme, c’est qu’au lieu d’être à la base de la construction d’un corps civique, d’un modèle de vie comme la République, ils en sont devenu l’horizon et l’objectif ! En conséquence, ils sont devenus le prétexte d’une extension indéfinie des droits individuels. Paradoxalement, au lieu de garantir le bien commun, ils tendent à devenir l’instrument de son dévoiement."