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Idées - Page 11

  • La chrétienté a largement participé au développement de la civilisation européenne

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    Un entretien avec Jean-François Chemain (propos recueillis par Côme de Bisschop) sur le site de la revue Conflits :

    Comment la chrétienté a façonné l’Europe.

    22 MAI 2023

    La chrétienté a largement participé au développement de notre civilisation : unité de l’Europe, primauté de la paix, laïcité ou encore droits de l’homme, sont autant de principes qui en découlent. À l’heure où le christianisme est en déclin en Europe, Jean-François Chemain fait le point sur ses apports civilisationnels et la légitimité de leur avenir. 

    Jean-François Chemain est docteur en histoire, écrivain et professeur à l’Ircom. Son dernier ouvrage, Ces idées chrétiennes qui ont bouleversé le monde, vient de paraître aux éditions Artège. 

    Vous écrivez que « toute la civilisation européenne est pétrie de christianisme ». Comment « Europe » et « chrétienté » sont-ils devenues synonymes ? 

    Le terme « Europe », dans son sens moderne, a été utilisé pour la première fois sous la plume de saint Colomban, un moine irlandais, dans deux lettres au pape (590 et 614), où il définissait celle-ci comme l’espace soumis à l’autorité spirituelle de ce dernier. Cela excluait l’islam naissant, et ses conquêtes futures au détriment de la chrétienté, mais aussi l’Empire byzantin, berceau de l’orthodoxie, dans lequel l’Église était soumise à l’Empereur.  Pour être plus précis, « Europe » est synonyme de « chrétienté d’Occident ».

    Pour le christianisme, la guerre n’est jamais souhaitable et doit rester un ultime recours. Si elle devient nécessaire, celle-ci doit être justifiée. Qu’est-ce qu’une « guerre juste » pour les chrétiens ? Ces deux mots ne sont-ils pas antinomiques ? 

    Le christianisme a très tôt défini une conception de la « guerre juste ». Saint Augustin a en effet adapté au christianisme une antique conception romaine, qui qualifie ainsi une guerre défensive, déclenchée par une autorité légitime, quand on a épuisé en vain tous les moyens pacifiques, et afin de réparer une injustice subie. Une pensée reprise et formalisée par saint Thomas d’Aquin. Cela exclut toute guerre de conquête, même soi-disant « sainte ».

    Le message évangélique de la religion chrétienne est un message de paix, comme le précise l’évangile selon Saint Matthieu : « Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu ». À ce titre, comment les chrétiens justifient-ils l’épisode des croisades ou encore celui des guerres de religion et de ses violences ? 

    Les croisades, qu’on se plaît à présenter comme un triste prototype de guerre « sainte », n’ont de fait été vécues que comme une guerre « juste », destinée à protéger les pèlerins chrétiens empêchés de se rendre sur leurs Lieux Saints par les développements du djihâd musulman – qui est, lui, une authentique guerre sainte. Quant aux guerres de religion, l’Église catholique en porte, comme les autres Églises chrétiennes, une part de responsabilité. Mais elles doivent aussi beaucoup à la prétention des chefs d’État de se mêler de religion, et de vouloir que tous leurs sujets croient la même chose qu’eux. Et puis, enfin, ce n’est pas parce qu’on est chrétien qu’on se comporte comme un saint : au moins a-t-on conscience de son péché !

    La Révolution française n’a pas eu pour ambition de s’appliquer uniquement aux Français, mais bien à l’humanité tout entière. Existe-t-il un lien entre la vocation universelle de la Révolution et celui du catholicisme ? 

    Effectivement, « catholique » signifie « universel ». Et donc, moins paradoxalement que logiquement, si la France est « la fille aînée de l’Église » (catholique), alors ce qui est français est aussi universel. D’où la prétention de la Révolution d’être universelle (cf. la Déclaration des droits de l’Homme, valable pour l’Humanité entière, quand le Bill of rights anglais ne s’appliquait qu’au peuple anglais), mais aussi cette conception universaliste qu’a la République de la nation française : en ferait partie, si l’on en croit, par exemple, le sociologue « autorisé » Patrick Weil, toute personne, d’où qu’elle vienne, qui adhère à ses valeurs. Et ce bien plus qu’un Français « de souche », qui apparaît furieusement « local » et n’a en outre pas choisi de venir pour faire allégeance à des « valeurs ».

    L’imaginaire collectif considère souvent la démocratie comme étant la fille d’Athènes, qui serait réapparue  miraculeusement en 1789 en France. Cependant, si la démocratie a été utilisée par les Grecs, ils n’en faisaient pas un impératif, l’important était de diriger selon le bien commun. Ainsi, comment le christianisme, par son choix du mode électoral au sein des institutions religieuses, a-t-il permis de mettre en avant la démocratie, longtemps tombée en désuétude, comme une évidence morale ? 

    Le compendium de l’Église catholique présente la démocratie comme un système préférable aux autres. C’est contraire à une idée reçue, qui voudrait que celle-ci ait eu partie liée avec la monarchie, et que la démocratie ait été une conquête réalisée contre elle. On ne peut pas nier que cela ait été le cas au XIXesiècle, mais dans le contexte particulier du traumatisme post-révolutionnaire. 

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  • Transcender le politique : un entretien avec David Engels

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    Du site "Academia Christiana" :

    David Engels (né le 27 août 1979 à Verviers) est un historien belge, professeur de recherche à l'Instytut Zachodni à Poznan après avoir été professeur à l'Université libre de Bruxelles.

    Dans cette vidéo, il est question du rôle de l'histoire dans notre déshérence contemporaine mais aussi de la question des écrans, de conseils de lecture, de personnages historiques inspirants et de la situation géopolitique de la Pologne.

    Retrouvez ici les conseils de lectures :

    - J.R.R. Tolkien - Le Seigneur de anneaux

    - Oswald Spengler - Le Déclin de l'Occident

    - Aldous Huxley - La Philosophie éternelle

  • "Bannir une expression religieuse ou laïque de l’espace public constitue un déni de démocratie" (Eric de Beukelaer)

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    Une chronique d’Eric de Beukelaer, prêtre (1), en "contribution externe", sur le site de La Libre :

    Oui à la laïcité. Non au laïcisme.

    Le laïcisme est la tentation de se créer une nouvelle religion d’État... laïque, où le libre-examen a valeur de dogme absolu. Je m'inscris totalement en faux par rapport à cela.

    Diverses voix veulent inscrire la laïcité dans notre Constitution. Je me suis toujours méfié de cela, y voyant un piège laïciste. L’actualité récente me conforte dans cette attitude. De zélés avocats du libre-examen ont récemment désapprouvé que les évêques interviennent dans un débat aussi éthiquement chargé, que l’allongement de la dépénalisation de l’avortement. Quand je m’en suis indigné, un professeur de droit constitutionnel a même invoqué la possibilité de poursuites aux termes de l’article 268 du code de droit pénal. Le laïcisme est une vision doctrinaire de la laïcité, considérant que l’absence de religion est l’unique chemin pour construire le bien commun. Il condamne, ce faisant, tous représentants d’un culte à une forme de “dhimmitude”. Étant étrangères à la construction du bien commun, les religions ne seront tolérées, que si elles ne polluent pas l’espace publique et restent confinées aux sacristies. Bref, le laïcisme est la tentation de se créer une nouvelle religion d’État… laïque, où le libre-examen a valeur de dogme absolu.

    A contrario, et avec la tradition catholique, je défends la laïcité politique, soit une saine différenciation entre politique et convictions religieuses. C’est la raison critique qui fait battre le cœur de la démocratie. “L’homme est un animal politique”, enseignait Aristote, “parce qu’il est un animal qui raisonne”. (Politiques, I 2). Le seul langage capable de fonder une démocratie, est le langage de la raison. Sa grammaire logique et sa visée critique font en sorte que la raison offre à des personnes de convictions différentes d’écouter l’autre sans a priori, afin d’arriver à prendre avec lui une décision commune au bien de la Cité. C’est la raison qui donne, non pas de voir en l’autre d’abord le “juif”, le “chrétien”, le “musulman”, ou le “libre-exaministe”, mais bien le citoyen qui défend son point de vue avec des arguments accessibles à toute personne normalement intelligente, quelle que soit sa conviction religieuse ou philosophique. C’est également la raison qui donne de distinguer le domaine de la science et celui de la foi. Les religions et autres convictions philosophiques n’ont pas compétence pour trancher des questions scientifiques (le “comment cela fonctionne”), comme, par exemple, la théorie de l’évolution. Leur registre de discours concerne le sens des choses (le “pourquoi il en est ainsi”).

    La laïcité politique est un rempart contre la tentation de prendre l’État de droit en otage. Cela vaut pour les religions (danger théocratique), comme pour le libre-examen (tentation laïciste). Bannir une expression religieuse ou laïque de l’espace public, constitue un déni de démocratie – le glissement vers une forme de démocrature soft. De plus, il s’agit d’une impasse sociétale. Quand elles ne sont plus irriguées par la spiritualité que charrient les religions ou convictions non religieuses, les sociétés implosent par perte de sens. Un athée me confia récemment qu’il se sentait radicalement seul face aux décisions existentielles. Je lui ai répondu que l’humanisme chrétien voyait en chacun une “personne” (un être de relation), plutôt qu’un individu (un atome séparé des autres). Avec d’autres, le christianisme apporte à la société une vision de l’homme, qui dépasse l’opposition abstraite entre individu et collectivité. L’humain concret est relationnel, d’où l’insistance du personnalisme chrétien sur la société civile. Les religions et chapelles libre-exaministes en font partie. Ne les excluons donc pas de l’espace public et de ses débats, au risque de faire le lit des dérives autocratiques. Suite aux récentes polémiques, un intellectuel en marge de la démocratie, m’écrivit : “voilà la preuve que le débat démocratique est une farce. Tout n’est que conflit et il s’agit de le gagner”. Amis laïques, ne lui donnons pas raison.

    (1) http://www.ericdebeukelaer.be/

  • Un examen papal public de conscience ?

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    Lu sur le site web du National Catholic Register :

    "Le pape François a choisi de laisser passer son 10e anniversaire sans grande cérémonie et peu de commentaires publics. Pourtant, par la suite, il a semblé réfléchir à sa décennie au Siège de Pierre et déplorer que son pontificat soit marqué par des divisions croissantes dans la vie de l'Église. Cela a été plus évident lors de sa récente visite apostolique en Hongrie. Il a également formé ce qui pourrait être considéré comme un examen de conscience papale pendant la Semaine Sainte.

    Quelque chose comme un examen de conscience public peut faire partie des anniversaires papaux importants. A l'occasion de son 20e anniversaire en 1998, saint Jean-Paul II a prêché :

    « Après 20 ans de service dans la Chaire de Pierre, je ne peux manquer de me poser quelques questions aujourd'hui... Êtes-vous un enseignant de la foi diligent et vigilant dans l'Église ? Avez-vous cherché à rapprocher la grande œuvre du Concile Vatican II des hommes d'aujourd'hui ? Avez-vous essayé de satisfaire les attentes des croyants au sein de l'Église, et cette soif de vérité qui se fait sentir dans le monde extérieur à l'Église ? … C'est mon devoir, de faire tout ce que je peux pour que, lorsque le Fils de l'homme viendra, il trouve la foi sur la terre.

    En 1978, quelques semaines à peine avant sa mort, saint Paul VI a marqué le 15e anniversaire de son élection avec une insistance passionnée sur le fait qu'il était resté fidèle au dépôt de la foi à une époque de grande agitation :

    « C'est la foi de l'Église, la foi apostolique. L'enseignement est conservé intact dans l'Église par la présence en elle de l'Esprit Saint et par la mission spéciale confiée à Pierre, pour qui le Christ a prié. … Tel est le dessein infatigable, vigilant et dévorant qui nous a portés en avant durant ces 15 années de notre pontificat. « J'ai gardé la foi ! pouvons-nous dire aujourd'hui, avec la conscience humble mais ferme de n'avoir jamais trahi "la sainte vérité".

    La mort prématurée du bienheureux Jean-Paul Ier et l'abdication du pape Benoît XVI signifiaient qu'aucun des deux n'avait d'anniversaires significatifs en tant que pape.

    Sans faire explicitement référence à son 10e anniversaire, le pape François a utilisé son homélie de la messe chrismale du jeudi saint pour parler des divisions dans l'Église. Et il s'est inclus parmi ceux qui doivent se demander s'ils sont responsables de les fomenter.

    "Nous péchons contre l'Esprit qui est communion chaque fois que nous devenons, même involontairement, des instruments de division", a déclaré le Saint-Père, s'incluant lui-même comme une cause potentielle de division. « Demandons-nous : dans mes paroles, dans mes propos, dans ce que je dis et écris, y a-t-il le sceau de l'Esprit ou celui du monde ?

    Ironiquement, il a donné un exemple de cela dans cette même homélie, ses propres mots causant des blessures et des frictions. Il a déclaré que "nous, les prêtres, sommes impolis", du moins "le plus souvent". Plus de quelques prêtres contesteraient cela, sans parler d'un grand nombre de paroissiens dont l'expérience est tout à fait différente.

    Néanmoins, la rhétorique papale est de moindre importance par rapport aux divisions sérieuses qui sont apparues ces dernières années - des divisions sur la doctrine, la liturgie et la gouvernance, qui compromettent toutes la communion.

    Dans une adresse au clergé et aux religieux de Hongrie, le pape François a fait cette évaluation brutale de l'esprit de division ecclésiale qu'il avait observé ces dernières années :

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  • Philo à Bruxelles, 16 mai : « Les sagesses du Proche-Orient et le livre de Job » avec Stéphane Mercier

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    ­Philosophie à Bruxelles

    Retrouvons-nous le mardi 16 mai, à 19h30, pour la 

    Conférence de Stéphane Mercier sur le thème

    « Les sagesses du Proche-Orient et le livre de Job »

    Adresse sur place :
    À la Bécasse
    Rue de Tabora 11, 1000 Bruxelles
    salle à l’étage

    Je m’inscris

    Depuis chez vous :

    Vous pouvez également suivre la conférence en direct ici.

    L’héritage stoïcien en régime chrétien

    Cette conférence aborde la question du mal, qui a intrigué et affligé l'humanité depuis la transgression originelle. En se concentrant sur le livre de Job, l'un des textes de l'Ancien Testament, elle explore comment cette œuvre permet de dépasser les réflexions antiques sur le mal. En replaçant le livre de Job dans le contexte des sagesses du Proche-Orient, on comprend mieux comment il aide à surmonter les inquiétudes des sages mésopotamiens face aux tragédies qui frappent les hommes sans raison apparente.

    Cette conférence vous intéresse ?

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    Quand ? : Mardi 16 mai à 19 h 30

    ? : À la Bécasse, Rue de Tabora 11, 1000 Bruxelles (Salle à l’étage)

    Infos supplémentaires

    Séance de questions & réponses à la fin de la conférence, sur place. Pour les téléspectateurs, envoyez vos questions par chat, en direct sur YouTube ou par SMS, Telegram, Signal, emailformulaire de contact etc.)

    Plus d’informations

  • L'âme escamotée ?

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    Du site des éditions du Cerf :

    L'abolition de l'âme

    L'abolition de l'âme

    de Robert Redeker

    352 pages - mars 2023

    24,00€

    Où est passé le mot « âme » ? Pourquoi a-t-il été escamoté ? Comment s’est-il évaporé de notre langue, volatilisé de notre culture, évanoui de notre quotidien ? Que signifie sa disparition ? Et que nous dit-elle de l’humanité contemporaine ?

    Il n’y est pas allé d’une subite révolution. Il s’est agi d’un lent mais implacable effacement. Celui que Robert Redeker dévoile et démontre ici en refaisant l’histoire de ce mot perdu. Peu à peu, on a doté l’âme, vocable crucial, d’apparents compléments qui ont fini par se révéler de complets substituts. On lui a préféré l’ego, le moi, le sujet, la conscience puis l’inconscient et, dernièrement même, le cerveau. Ainsi, de Descartes à Derrida, des premiers modernes aux ultimes déconstructionnistes, la spiritualité dévitalisée, le monde désanimé, l’homme désincarné n’ont cessé de croître sur l’âme désertée.

    Mais la réalité de l’âme, elle, n’est pas éteinte. Elle s’est seulement absentée de notre pensée. Elle demeure le chiffre secret de la vie vivante et le restera tant qu’il ne sera pas trop tard.

    Cet essai libre et libérateur nous invite à souverainement la redécouvrir, la retrouver, la sauver.

    Philosophe, Robert Redeker est l’auteur d’une oeuvre remarquée en France comme à l’étranger où plusieurs de ses livres ont été traduits, parmi lesquels les ouvrages majeurs que sont L’Éclipse de la mort et Les Sentinelles d’humanité.

    Lire :  Robert Redeker : « L’abolition de l’âme précède et conditionne l’abolition de l’homme »

  • Quelle vision de l'homme dans l'Islam ?

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    De Marion Duvauchel, historienne des religions, sur le Salon Beige  :

    Anthropologie de l’islam, anthropologie dans l’islam

    L’islamologie « classique » (celle des XIX et XXsiècles) ne s’est jamais vraiment intéressée à la vision de l’homme dans l’islam, préoccupée qu’elle était de philologie et de constituer une bibliothèque de textes. L’idée d’une « anthropologie de l’islam » n’a tout au plus que quelques décennies et de ce fait, elle s’inscrit dans le paradigme de la « science de l’homme » élaborée depuis deux siècles, qui définit les pratiques et méthodes de l’ethnologie et en conditionne les débats comme les enjeux.

    L’anthropologie de l’islam n’est pas la nôtre. Elle n’est pas portée par deux mille ans d’histoire philosophique ni marquée par la rencontre au IIe siècle de la sagesse chrétienne et de la sagesse grecque qui a coulé les concepts sémites dans l’univers linguistique de l’hellénisme ; contrairement à la nôtre, elle n’a pas élaboré un humanisme singulier, aujourd’hui battu en brèche mais qui n’en a pas moins plusieurs siècles d’existence et de débat.

    Si l’on considère la structure de la pensée biblique, ses tendances constitutives, les raisons pour lesquelles saint Thomas d’Aquin, après son maitre Albert le Grand, a choisi comme guide en philosophie plutôt Aristote que Platon s’éclairent : la doctrine platonicienne de la matière, du sensible, du mal, de l’âme et du corps, était incompatible avec le réalisme biblique et avec l’amour de toute la tradition hébraïque pour la création sensible. Le premier acte de l’Ancien Testament est un texte justement célèbre, « le récit de la Création ». Ce que l’on appelle la Genèse est la réponse sémitique à la question que se sont posés les présocratiques, appelés aussi, les philosophes physiciens : celle de l’origine du monde. Mais contrairement à la dépréciation du monde grec puis du manichéisme, la formule « Dieu vit que cela était bon » établit un fondement solide pour une connaissance du monde sensible et même de la matière, capital pour le développement futur de la physique. C’est par ailleurs se méprendre que de croire que ce texte évoque l’origine de l’homme : il fournit les principes d’intelligibilité de la nature humaine, et donc des clés de compréhension et de connaissance de l’homme, à commencer par la nature véritable de la différenciation sexuelle. « Homme et femme (ish et isha)  il les créa ». La femme dans la Bible ne peut s’interpréter que comme ce qui est au plus intime de l’homme, son vis-à-vis, son interlocutrice, son aide dans le difficile et exaltant travail proposé d’accomplir la création.

    La Genèse implique une métaphysique et une idée du temps. Le monde n’est pas le produit d’un conflit d’éléments mus par le hasard – concession à la mathématique des jeux – et de la sombre nécessité des vieux mythes babylo-helléniques. Le monde est le lieu d’émergence, de développement et d’accomplissement de la liberté humaine, dans la création, dans l’histoire, et dans le monde humain, famille, cité, unités organiques différentes telles qu’elles apparaissent dans les climats et sous des cieux historiques divers. Le christianisme contient un principe d’ordre, de logique, de différenciation et donc de liberté, qui, bien compris est destructeur de toute oppression.

    Rien de tel dans l’islam.

    Le Coran n’a rien de comparable au « Dieu vit que cela était bon » qu’on trouve dans la Genèse. Pour l’Islam, la mort résulte d’un problème de difficultés techniques que le Créateur n’a pu résoudre. Il n’y a aucune liberté véritable dans la création islamique. Il en ressort un rapport à la parole bien précis : à quoi bon convaincre si tout est déterminé. À quoi bon agir si l’arbitraire divin gouverne la totalité du monde et des destinées humaines.

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  • Adieu le chemin synodal germanique : le pape balise le fonctionnement romain du prochain synode

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    « Lucetta Scaraffia: lors du prochain synode, les membres laïcs voteront - hommes et femmes - mais choisis d'en haut :

    (AdnKronos) Les innovations introduites en vue du prochain Synode des évêques « ont un impact significatif dans le sens où les femmes et les laïcs pourront voter. Mais ils seront choisis d'en haut, par le Pape lui-même ». Lucetta Scaraffia, historienne, qui a toujours été à l'avant-garde pour que les femmes soient reconnues de manière substantielle et significative dans l'Église, freine tout enthousiasme face aux innovations introduites lors du prochain synode des évêques en octobre. « Il y a une forte compression de la centralisation. Ce sera le pape lui-même qui indiquera quels représentants des dicastères devront y participer alors qu'avant c'étaient les dicastères qui le faisaient - précise à Adnkronos l'historien qui a également consacré un livre au synode et à sa dynamique -.Les femmes seront alors 50 % des 70 membres non-évêques qui participeront : elles resteront toujours une minorité, une minorité. De plus, ce sont des femmes choisies par le Pape qui ne consulteront pas les nombreuses organisations et associations de femmes qui existent dans l'Église. Cette centralisation peut réduire considérablement la portée de l'innovation. Je trouve aussi incroyable ce fait du Pape synodal qui centralise de plus en plus ».

    Lucetta Scaraffia rapporte son expérience lors d'un synode passé pour mettre en évidence ce qui doit être corrigé : les religieux l'ont rapporté. Je ne vois aucun changement à ce système aujourd'hui. J'ai beaucoup protesté à l'époque et ils m'ont fait parler. Nous devrons voir ce qui se passe." De manière générale, en pensant aux changements introduits, Scaraffia parle d'une « amélioration, mais il y a un resserrement de la centralité. La vie catholique est pleine d'organisations de femmes, pourquoi ne pas leur demander qui choisir ? Et puis il n'y a pas de nouvelles règles pour les groupes de travail ».

    Ref. https://ilsismografo.blogspot.com/2023/04/vaticano-lucetta-scaraffia-nel-prossimo.html

    Lire également : Synode : le droit de vote sera élargi aux laïcs

  • Les conquérants et colonisateurs espagnols ne sont-ils venus en Amérique que pour piller et décimer ses peuples ?

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    De Claudia Peiró sur Herodote.net :

    L'Histoire bafouée

    La langue espagnole victime de la « légende noire »

    25 avril 2023.

    La « légende noire » (leyenda negra) née dans l’Amérique anglo-saxonne, raciste et ségrégationniste, fait son grand retour en Amérique latine, le continent par excellence du métissage. Comme dans le reste de l'Occident, les blancs (ici les Espagnols) s'y voient accusés des pires méfaits au nom de la cancel culture et à l'encontre de la vérité historique…

    Lors du dernier Congrès international de la langue espagnole (Cadix, 27-30 mars 2023), deux orateurs, un Argentin et un Mexicain, journalistes et écrivains, ont proposé de changer le nom de la langue espagnole au motif qu'il est parlé dans plus de vingt pays et que la langue espagnole, qui est à proprement parler le « castillan », serait une langue coloniale imposée « par le sang et le feu ».

    Dans de nombreuses villes des États-Unis, animées par des communautés italiennes, le Columbus Day ou « Jour de Colomb » était célébré chaque année le deuxième lundi d'octobre : ​​c'était une source de fierté qu'un Génois - Christophe Colomb - ait été le premier Européen à fouler le sol américain le 12 octobre 1492. Mais en 2017, cette célébration a été annulée dans certaines villes comme Los Angeles.

    En Argentine aussi, l'iconoclasme anti-hispanique a conduit en 2014, sous la présidence de Cristina Kirchner, au déplacement du monument érigé en hommage à Christophe Colomb devant la Casa Rosada, siège du gouvernement national. Cet ensemble de sculptures était un don de la communauté italienne.

    Ce changement soudain de perspective vient de la montée des revendications identitaires et de la nouvelle sensibilité woke

    Main dans la main avec le mouvement afro-américain Black Lives Matter, qui a gagné en force à partir de 2014, le wokisme a émergé aux États-Unis, de l'anglais woke ou awake, c'est-à-dire « éveillé » et lucide sur les injustices sociales, les discriminations et le racisme. Il s'est concentré sur la détection des préjugés cachés ou innés : par exemple, le blanc naît privilégié à cause de sa couleur de peau et s'il ne l'avoue pas, c'est qu'il est raciste ; un homme qui a des gestes chevaleresques ou courtois envers une femme se rend coupable d’une forme de machisme. Et ainsi de suite.

    L'autre leitmotiv du wokisme est l'exigence de repentir et une demande de pardon pour les crimes commis dans le passé. Sans se soucier de tomber dans l'anachronisme, les militants des groupes identitaires et même les gouvernants exigent le mea culpa public des descendants de ceux qui dans le passé auraient exploité, soumis et discriminé les ethnies et autres minorités que les « éveillés » prétendent représenter.

    D'où la renaissance de la « légende noire » : elle postule, à l'encontre de la réalité historique, que les conquérants et colonisateurs espagnols ne sont venus en Amérique que pour piller et décimer ses peuples, commettant vols, destructions et génocides. Le plus piquant est que cette légende a été formulée il y a déjà plusieurs siècles par les Anglo-Saxons qui, eux, ont pour de bon exterminer leurs Indiens.

    un extrait :

    L’acclimatation de la « légende noire » en Amérique latine tient à l'influence culturelle des États-Unis (soft power) mais aussi à la montée des mouvements populistes de gauche dans les deux premières décennies de ce siècle. À la présidente argentine Cristina Kirchner, qui a lancé la vindicte contre Christophe Colomb, s'ajoutent le Bolivien Evo Morales qui a promu un racisme rétrograde et revanchard, et plus récemment, le président mexicain Andrés Manuel López Obrador, fils d'immigrés espagnols qui ne se lasse pas d'exiger des excuses du roi d'Espagne et de l'évêque de Rome. (...) 

    Les gouvernements hispano-américains ne voient pas que la « légende noire » nie leur Histoire. En effet, à la différence de l’Amérique anglo-saxonne, toutes les nations hispaniques sont le résultat du métissage issu de la Conquête et voulu par les gouvernants espagnols. Ces nations doivent leur spécificité à des décisions comme celle des Rois Catholiques d’accorder aux Indiens le statut de vassaux de la Couronne, d’interdire leur asservissement et, surtout de favoriser le métissage dès le départ. « Mariez des Espagnols avec des Indiennes et des Indiens avec des Espagnoles », ordonna Isabelle de Castille en 1503 à Nicolás Ovando, gouverneur d'Hispaniola (aujourd'hui la République dominicaine et Haïti), jugeant les mariages mixtes « légitimes et recommandables car les Indiens sont des vassaux libres de la couronne espagnole ».

  • L’Identité chrétienne des Hongrois

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    L’identité chrétienne des Hongrois: une diffusion KTO « Le pape se rend en Hongrie du 28 au 30 avril 2023 soulignant par-là l’importance de ce pays dans l’identité chrétienne de l’Europe. Pourtant c’est souvent à cause de cette identité chrétienne et sa mise en avant par le premier ministre que la Hongrie est la cible de nombreuses critiques venant surtout de l’ouest de l’Europe et dirigées le plus souvent contre Viktor Orban aux méthodes singulières qualifiées « d’illibérales ». Le peuple hongrois dans son ensemble est souvent pris à partie et sommé de se justifier aux yeux d’une opinion publique qui le soupçonne de complaisance. Ce documentaire ambitionne de dépasser la vision caricaturale que les Hongrois donnent, parfois, d’eux-mêmes dans les médias occidentaux et montrer, tout en nuances, leur vrai rapport avec leur identité chrétienne. Une coproduction KTO/PONS BARIG EUROPE 2023 - Réalisée par Françoise Pons :

  • Rod Dreher, l'Américain qui veut soulever l'Europe conservatrice depuis la Hongrie

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    rod_dreher.jpg"L'écrivain à l'origine du concept de «pari bénédictin» s'est établi à Budapest à l'automne 2022, séduit par le pays de Viktor Orbán. Avec son «pari bénédictin», Rod Dreher apporte une stratégie à une partie des chrétiens déroutés par les mutations sociétales en Occident. | Elekes Andor via Wikimedia Commons :

    En Europe ou aux États-Unis, le terreau est fertile pour une mobilisation des conservateurs, mais dans ce monde vibrionnant, il manque souvent des pensées et des stratégies de référence. D'un côté comme de l'autre de l'Atlantique, l'écrivain américain Rod Dreher parvient à aimanter lecteurs et adeptes de sa pensée stratégique.

    On croit trop souvent que la pensée conservatrice américaine est à l'image des punchlines des conventions de l'association de défense du port d'armes, la National Rifle Association of America (la NRA), ou de la réunion annuelle organisée par les conservateurs, la Conservative Political Action Conference (la CPAC). En vérité, il existe nombre de penseurs conservateurs américains à l'œuvre substantielle et structurée. C'est le cas de Rod Dreher, qui s'est fait connaître voici quelques années en France avec la parution de son ouvrage Comment être chrétien dans un monde qui ne l'est plus – Le pari bénédictin, édité dans l'Hexagone en 2017.

    Communautés pour chrétiens déboussolés par la modernité

    Initialement protestant, puis catholique, et enfin orthodoxe de confession, Rod Dreher postulait dans cet ouvrage très original que, face à la déchristianisation du monde, les chrétiens devaient se regrouper en communautés à l'écart du monde, enlever leurs enfants du système éducatif et faire vivre ces phares spirituels dans un monde à la dérive. Ce «pari bénédictin», comme il le nomme, avait vocation à répondre au légitime questionnement des chrétiens, parfois déboussolés par l'évolution du monde et la modernité, et soumis à des attaques nourries de la part des progressistes ou des woke.

    La pensée de Rod Dreher est, de par sa sophistication, aux antipodes des meetings de l'ex-président Donald Trump, lequel doit être déjà bien en peine d'expliquer succinctement qui est saint Benoît. Son livre a été accueilli avec intérêt en France et son sujet débattu aussi librement qu'honnêtement. Il a participé de la réflexion du monde catholique français post-Manif pour tous. Accords ou désaccords, parfois profonds, avec ce «pari bénédictin» ont permis de discerner quels possibles s'offraient aux chrétiens d'Europe et, d'abord, de France.

    Il existe un large éventail de conservatismes aux États-Unis et tous ne se ressemblent pas, loin s'en faut:

    Des paléoconservateurs aux néoconservateurs, des plus pratiquants à ceux qui sont relativement distants par rapport à la religion, les courants sont nombreux dans le pays.

    Agir face au «totalitarisme mou»

    Avec son «pari bénédictin», Rod Dreher apporte une stratégie à une partie des chrétiens déroutés par les mutations sociétales en Occident. Il pointe d'abord le déclin des valeurs traditionnelles et chrétiennes dans nos sociétés et les menaces qui planent, selon lui, sur la famille ou l'éducation.

    D'après le conservateur, les valeurs adverses sont une attaque massive sur celles portées par les croyants. Il conviendrait donc d'entrer en résistance face à une forme de «totalitarisme mou» qui s'en prendrait aux chrétiens, aux hétérosexuels et, s'il reconnaît qu'il ne s'agit pas d'un totalitarisme comme celui de l'URSS des grandes persécutions, il note que la parole évangélique se confrontait alors directement au KGB tandis que désormais, elle se perd dans le brouillard. D'où l'idée de créer des communautés solidaires chrétiennes à l'écart du monde moderne pour résister. Il cite volontiers Hannah ArendtRené GirardLéon Bloy et sait séduire, au-delà des États-Unis, jusqu'à nombre de catholiques français et ailleurs.

    Face à ce «totalitarisme mou», Rod Dreher encourage en somme à devenir chrétien dissident. C'est l'objet de son second ouvrage, paru en 2021: Résister au mensonge – Vivre en chrétiens dissidents. La réécriture de romans après la mort de leurs auteurs, la chasse sourcilleuse à l'emploi de certains mots, la mise à l'index d'autres, la dénonciation d'enseignants nourrissent considérablement les rangs de ses lecteurs.

    Coup de foudre à Budapest

    Le fait marquant dans l'évolution de Rod Dreher est que ce conservateur américain, qui devrait être comblé par la flambée conservatrice dans son pays, est séduit par la Hongrie de Viktor Orbán et son illibéralisme. Force est de constater que le voyage à Budapest est au conservateur des années 2020 ce que l'excursion à Caracas était au progressiste des années 2000, avec sans doute l'inévitable part d'illusions, la volonté d'ignorer certaines données géographiques et historiques. Toujours est-il que la Hongrie attire différentes familles de la pensée conservatrice, y compris dans sa variante identitaire.

    Comme beaucoup de conservateurs américains (hors néoconservateurs), Rod Dreher est en phase avec le pouvoir hongrois à la fois sur le plan sociétal et sur le plan géopolitique. Dans le magazine d'opinion The American Conservative, il dénonçait ainsi, le 8 mars, les «mensonges» des « liberals » américains à propos de la Hongrie, mais aussi de la guerre en Ukraine. Rod Dreher reproche à ses compatriotes de vouloir ignorer la société hongroise comme ils ont ignoré les Afghans –bien que lui-même tende à projeter sur Charles Maurras, par exemple, sa propre vision des choses, qui en est relativement éloignée.

    S'il a une vision radicale, au sens étymologique du terme, de la mutation que doivent accomplir chrétiens et conservateurs –qu'il tend à confondre, selon une logique propre à ce camp aux États-Unis–, Rod Dreher réussit parfaitement à stimuler le débat dans son pays et en Europe. Incitant à la création de communautés en quasi autarcie pour faire vivre le christianisme à l'abri des excès de la modernité, il a invité à la «dissidence» notamment en matière éducative, puis s'est installé en Hongrie en 2022.

    Puisque l'écrivain n'est pas adepte d'un conservatisme dans un seul pays, on peut comparer sa théorie comme sa pratique à une sorte de foquisme conservateur. Mois après mois, il a, sur les jeunes générations, une influence que certains intellectuels trotskistes (entre autres) eurent sur la jeunesse de leur époque. En matière idéologique, les réflexions stratégiques se comportent parfois comme un balancier."

    En savoir plus: 

    Monde Hongrie Etats-Unis conservatisme chrétiens religion

    Ref. Rod Dreher, l'Américain qui veut soulever l'Europe conservatrice depuis la Hongrie

  • Anselme de Cantorbery et son argument ontologique

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    Saint Anselme de Cantorbéry (1033-1109)

    Abbé, bénédictin, archevêque et Docteur de l'Eglise

    Né à Aoste en Piémont, il devint bénédictin au Bec en Normandie, sous le bienheureux Herluin. Il fut d'abord abbé du Bec et, en 1093, il succéda à Lanfranc au siège de Cantorbéry. A cause de sa résistance contre l'empiétement des droits ecclésiaux par le roi Guillaume le Roux, il fut exilé sur le Continent. En 1098, il participa au Concile de Bari et, à la demande du pape, effaça les doutes théologiques des évêques italo-grecs. A la mort de Guillaume le Roux, il regagna Cantorbéry sur l'invitation du nouveau roi, Henri 1er, qui devint cependant son opposant en matière des investitures. Un second exil pour cette raison se termina par un retour triomphal en 1106. Malgré sa carrière quelque peu tumultueuse, Anselme fut un des saints les plus appréciés de son temps. L'histoire de l'Eglise considère en outre que sa pensée théologique établit le lien entre saint Augustin et saint Thomas d'Aquin. Il a été déclaré Docteur de l'Eglise en 1720. Plusieurs de ses ouvrages théologiques et philosophiques ont toujours leur importance. Nous devons sa biographie à son secrétaire, le jeune moine Eadmer de Christ Church à Cantorbéry.

    On doit à ce docteur de l'Eglise d'avoir formulé le fameux argument ontologique ainsi présenté par Jonathan Kitt sur raisonsdecroire.org :

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