Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Idées - Page 47

  • L'imposture du scientisme

    IMPRIMER

    De genethique.org (bibliographie) :

    La restauration de l’homme – C.S. Lewis contre le scientisme

    MICHAEL D. AESCHLIMAN  Transhumanisme

    Editions Tequi http://www.librairietequi.com/A-65971-la-restauration-de-l-homme.aspx

    Mai 2020

    292 pages

    Cet essai dénonçant l’imposture du scientisme est passionnant. S’appuyant sur les écrits de nombreux auteurs anglo-saxons, dont notamment C.S. Lewis, l’auteur formule de façon très simple ce que l’on avait souvent confusément senti sans parvenir à l’exprimer clairement : l’explication du monde et de l’homme par la science seule ne peut pas être satisfaisante. En effet, la négation de la transcendance que cette théorie exige non seulement n’est pas acceptable philosophiquement, mais elle induit des conséquences dramatiques sur la façon dont est considérée la personne humaine.

    L’auteur démontre comment, à partir des philosophies des Lumières, via Sade, Nietzsche, Marx, Sartre, jusqu’aux déconstructivistes, l’idéologie considérant le savoir scientifique comme le seul valable a conduit à considérer l’homme comme un simple objet de la nature équivalent à tout autre, permettant la naissance des idéologies totalitaires et leurs ravages. Allant plus loin encore, il affirme de façon convaincante que le libéralisme libertaire contemporain prend lui aussi sa source dans cette idéologie, considérant à son tour que Dieu n’existe pas et prenant comme mesure du Bien et du Mal le désir individuel, risquant ainsi de nous conduire à de nouveaux drames. La négation de Dieu et l’absolutisation de la nature a conduit à la quête de puissance des idéologues totalitaires du XXème siècle, elle conduit à la quête du plaisir au XXIème siècle, les uns et les autres utilisant la technique pour parvenir à leurs fins : « Les garde-frontières de la laïcité devraient se rappeler que, lorsque l’on nie, ignore, moque ou attaque la dimension et l’horizon métaphysique ou religieux des hommes, des sociétés et des cultures, il n’est plus aucune garantie de paix et de bonne volonté qui sont loin d’être des attributs « naturels » de l’homme ».  

    Bien sûr, suivant les nombreux auteurs, littéraires, philosophes et scientifiques qu’il cite, Michael D. Aeschliman ne nie pas l’importance des connaissances scientifiques, mais il les remet à leur juste place : le savoir scientifique n’est qu’une catégorie de la connaissance rationnelle. Epousant la thèse de C.S. Lewis issue de la pensée de philosophes classiques, il pense que la raison humaine, à travers ce qu’on appelle le bon sens ou le sens commun, est capable de percevoir le Bien transcendant. C’est en suivant cette idée qu’il est possible de réaffirmer la place unique de la personne humaine, que redevient possible la « restauration de l’homme », quand le scientisme et son corollaire contemporain la primauté de la technique pour réaliser tous les désirs individuels sans critère moral ne parviendront qu’à « l’abolition de l’homme », titre d’un ouvrage de C.S. Lewis.

  • Coronavirus : du conte de fée au cauchemar ?

    IMPRIMER

    COVID-19, DU CONTE DE FÉE AU CAUCHEMAR ?

    14 mai 2020

    Plongés dans une pandémie qui a sidéré le monde et alors que la France amorce sa « stratégie » de déconfinement, Dominique Folscheid, philosophe et auteur de Made in labo[1]propose de revenir sur les ambiguïtés d’une situation inédite pour essayer d’envisager l’avenir.

    Généthique : Quelles réflexions vous inspire cette irruption soudaine du virus dans notre monde ?

    Dominique Folscheid : Pour décrire ce qui se passe, on pourrait prendre l'image du match de boxe : sitôt sorti de Chine, le coronavirus a mis le monde entier K.-O debout avant de l'envoyer au tapis. Du match, on passe alors au conte de Perrault, La Belle au bois dormant

    Vous connaissez l'histoire : une méchante fée avait jeté un sort à la princesse encore au berceau, lui assurant qu'à l'âge de quinze ans, elle se piquerait le doigt sur un fuseau et en mourrait. Heureusement, une bonne fée était intervenue pour modifier la sentence de mort : la princesse avait été plongée dans un sommeil de cent ans, comme tous ses serviteurs, contaminés par elle, tous cloîtrés dans son château.

    Cette histoire peut nous servir de parabole. Le virus c'est la mauvaise fée, qui promet la mort à ceux qui s'adonnent au travail du fuseau, symbole de la domination technoscientifique de la nature. La bonne fée représente toutes les mesures prises pour « sauver des vies », qui ont figé sur place le cours normal de la vie du monde, confiné les gens en leur château, si étriqué soit-il, et plongé dans un coma artificiel les malades placés en réanimation.

    Reste à expliquer pourquoi les choses se sont ainsi passées.

  • La dignité humaine. Heurs et malheurs d’un concept maltraité

    IMPRIMER

    Du site de la Revue Catholica :

    Parution : La dignité humaine. Heurs et malheurs d’un concept maltraité

    9 Mai 2020

    Parution de cet ouvrage collectif réalisé sous la direction de Bernard Dumont, Miguel Ayuso, Danilo Castellano. Au registre des idées reçues, l’affirmation selon laquelle la dignité humaine est une découverte des Lumières tient une place de choix. Mais on n’a pas attendu Kant pour considérer que l’être humain tient une place éminente dans la Création, et le christianisme voit dans la personne du Verbe incarné l’Exemplaire même de toute dignité. Par contraste, la philosophie moderne a voulu placer la racine de la dignité dans l’autonomie, c’est-à-dire dans l’affranchissement de toute loi extérieure à la volonté humaine, et non plus dans l’honneur d’accomplir librement ce qui est bien.

    La postmodernité voit s’exacerber sous nos yeux les contradictions provoquées par ce « concept maltraité », utilisé à toutes les sauces mais inapte à poser des bornes infranchissables à toute espèce de transgression. Par des chemins de traverse, ce retournement de perspective a progressivement pénétré l’Église catholique, en particulier sous l’influence de Jacques Maritain, et a pesé sur le concile Vatican II, grâce notamment aux efforts du jésuite américain John Courtney Murray, suscitant plus de difficultés que d’heureux effets. Faut-il alors dire avec Steven Pinker que « la dignité est une stupidité » ? Mieux vaudrait plutôt reprendre la question sur des bases plus assurées.

    > Commander l’ouvrage

    Lire la recension de Cyrille Dounot (n. 147)

  • Du confinement au déconfinement spirituel : tenir bon en quarantaine. Quelques conseils de l’Opus Dei

    IMPRIMER

    La propagation du COVID-19 a poussé de nombreux pays à prendre des mesures radicales pour endiguer la contagion et éviter la saturation des services sanitaires. En Belgique, le plan cherche à limiter le plus possible les déplacements et les réunions de personnes.  Même si un processus de déconfinement est prudemment amorcé, depuis quelques jours, les conseils que donne l’Opus Dei sur son site « didoc.be » restent utiles pour une bonne gestion spirituelle de ce temps d’épreuve qui n’est pas achevé. Extraits :

    « Hospitalisé, isolé chez soi, en quarantaine ou en prévention, en télétravail, en scolarité à distance, ou retenu à la maison pour prendre soin des enfants ou des petits-enfants, cette inactivité forcée, dans un contexte d’incertitude économique, fait courir le risque de sombrer dans le pessimisme ou la peur, ou encore de céder à une forme d’activisme numérique à la recherche de la dernière nouvelle.

    Or il s’agit de tirer parti de ces circonstances exceptionnelles en pratiquant le civisme de façon responsable, en tirant profit de son temps et en s’unissant à ceux qui sont moins bien lotis par la prière.

    L’Opus Dei veut aider chacun à trouver Dieu dans ses circonstances habituelles de travail et de vie familiale. Dans les circonstances présentes, qui ne sont ni habituelles ni ordinaires, saint Josémaria nous apprend aussi à tirer de toutes les situations, même les pires, quelque chose de positif, car Dieu nous y attend et nous y assiste. Dieu a sans doute une bonne raison de permettre tout cela ; tâchons d’y faire face avec sens surnaturel, dans la bonne humeur et l’espérance.

    L’expérience de saint Josémaria

    En avril 1937, saint Josémaria vécut un isolement semblable, dans des circonstances encore plus dramatiques. À Madrid, la guerre civile l’obligea à se réfugier dans la Légation du Honduras. Avec quatre jeunes gens de l’Opus Dei et Santiago, son frère cadet, il y demeura plus de quatre mois, partageant avec une centaine de personnes une seule salle de bains et couchant sur des tapis de sol étalés dans quelques mètres carrés.

    Eduardo Alastrué, l’un des quatre, raconte ce qu’ils ont vécu :

    « Certains passaient leur temps à ruminer, en silence, leur découragement et leur malheur. D’autres se défoulaient en récriminant contre leurs malheurs présents et passés, d’autres se plaignaient sans arrêt de leur sort, de leur carrière brisée, de leurs biens perdus, de leur avenir incertain et menacé. La peur, suscitée par leurs souffrances et les persécutions subies, les poussait à considérer le monde extérieur à notre asile comme un lieu inhospitalier. Très souvent, cette peur se doublait d’une horreur de l’adversaire, d’une haine impuissante sur-le-champ, mais qu’ils comptaient bien assouvir, un jour, dans la revanche. »

    Au contraire, le climat que saint Josémaria créa autour de lui ne fut que positif et plein d’espérance. Afin de bien occuper leurs journées, il fixa avec eux un horaire avec des temps pour la vie intérieure, pour l’étude, notamment l’apprentissage des langues vivantes, et pour la détente.

    « Qu’elle est monotone, ma vie, aujourd’hui ! disait-il dans une méditation prêchée à ceux qui l’entouraient. Comment arriver à faire fructifier les dons de Dieu dans ce repos forcé ? N’oublie pas que tu peux être comme un volcan sous la neige (…). En effet, à l’extérieur, le gel de la monotonie peut sans doute te glacer, mais à l’intérieur, le feu n’arrêtera pas de te consumer et tu n’auras de cesse que de compenser ce manque d’activité extérieure par une activité intérieure très intense (...) ».

    Un an plus tard, dans une lettre adressée aux membres de l’Opus Dei que la guerre avait dispersés, il écrivait que pour y arriver il fallait prendre soin de sa vie intérieure. C’est l’origine du point 294 de Chemin :

    « On ne voyait pas les plantes toutes couvertes de neige. Et le paysan, propriétaire du champ, dit tout joyeux : ‟Maintenant, elles poussent en dedans.” — J’ai pensé à toi, à ton inactivité forcée… — Dis-moi, pousses-tu, toi aussi, ‟en dedans” ? »

    InfoFR.jpg

    Ref. Tenir bon en quarantaine. Quelques conseils

    JPSC

  • Temps pascal en confinement; feuillet du samedi (9 mai) de la 4e semaine : les paradoxes du catholicisme, la paix et la guerre, selon Benson

    IMPRIMER

    2020_05_09_10_18_01_Greenshot.pngTELECHARGER le PDF

  • Michel Houellebecq : « Nous ne nous réveillerons pas, après le confinement, dans un nouveau monde ; ce sera le même, en un peu pire. »

    IMPRIMER

    De Michel Houellebecq sur France Inter :

    « Je ne crois pas aux déclarations du genre « rien ne sera plus jamais comme avant » - Michel Houellebecq

    Michel Houellebecq est écrivain. C'est la première fois qu'il s'exprime depuis le début de la pandémie. Dans cette lettre, il récuse l’idée de l’avènement d’un monde nouveau après la crise du coronavirus. Son texte et la lecture proposée par Augustin Trapenard, sont reproduits dans leur version intégrale.

    EN UN PEU PIRE

    réponses à quelques amis

    Il faut bien l’avouer : la plupart des mails échangés ces dernières semaines avaient pour premier objectif de vérifier que l’interlo­cuteur n’était pas mort, ni en passe de l’être. Mais, cette vérification faite, on essayait quand même de dire des choses intéressantes, ce qui n’était pas facile, parce que cette épidémie réussissait la prouesse d’être à la fois angoissante et ennuyeuse. Un virus banal, apparenté de manière peu prestigieuse à d’obscurs virus grippaux, aux conditions de survie mal connues, aux caractéristiques floues, tantôt bénin tantôt mortel, même pas sexuellement transmis­sible : en somme, un virus sans qualités. Cette épidémie avait beau faire quelques milliers de morts tous les jours dans le monde, elle n’en produisait pas moins la curieuse impression d’être un non-événement. D’ailleurs, mes estimables confrères (certains, quand même, sont estima­bles) n’en parlaient pas tellement, ils préféraient aborder la question du confinement ; et j’aimerais ici ajouter ma contribution à certaines de leurs observations.

    Frédéric Beigbeder (de Guéthary, Pyrénées-Atlantiques). Un écrivain de toute façon ça ne voit pas grand monde, ça vit en ermite avec ses livres, le confinement ne change pas grand-chose. Tout à fait d’accord, Frédéric, question vie sociale ça ne change à peu près rien. Seulement, il y a un point que tu oublies de considérer (sans doute parce que, vivant à la campagne, tu es moins victime de l’interdit) : un écrivain, ça a besoin de marcher.

    Ce confinement me paraît l’occasion idéale de trancher une vieille querelle Flaubert-Nietzsche. Quelque part (j’ai oublié où), Flaubert affirme qu’on ne pense et n’écrit bien qu’assis. Protesta­tions et moqueries de Nietzsche (j’ai également oublié où), qui va jusqu’à le traiter de nihiliste (ça se passe donc à l’époque où il avait déjà commencé à employer le mot à tort et à travers) : lui-même a conçu tous ses ouvrages en marchant, tout ce qui n’est pas conçu dans la marche est nul, d’ailleurs il a toujours été un danseur dionysiaque, etc. Peu suspect de sympathie exagérée pour Nietzsche, je dois cependant recon­naître qu’en l’occurrence, c’est plutôt lui qui a raison. Essayer d’écrire si l’on n’a pas la possi­bilité, dans la journée, de se livrer à plusieurs heures de marche à un rythme soutenu, est fortement à déconseiller : la tension nerveuse accumulée ne parvient pas à se dissou­dre, les pensées et les images continuent de tourner douloureuse­ment dans la pauvre tête de l’auteur, qui devient rapidement irritable, voire fou.

    La seule chose qui compte vraiment est le rythme mécanique, machinal de la marche, qui n’a pas pour première raison d’être de faire apparaître des idées neuves (encore que cela puisse, dans un second temps, se produire), mais de calmer les conflits induits par le choc des idées nées à la table de travail (et c’est là que Flaubert n’a pas absolument tort) ; quand il nous parle de ses conceptions élaborées sur les pentes rocheuses de l’arrière-pays niçois, dans les prairies de l’Engadine etc., Nietzsche divague un peu : sauf lorsqu’on écrit un guide touristique, les paysages traversés ont moins d’importance que le paysage intérieur.

    Catherine Millet (normalement plutôt parisienne, mais se trouvant par chance à Estagel, Pyrénées-Orientales, au moment où l’ordre d’immobilisation est tombé). La situation présen­te lui fait fâcheusement penser à la partie « anticipation » d’un de mes livres, La possi­bilité d’une île.

    Lire la suite

  • Dieu et la question du mal

    IMPRIMER

    Covid-19©Pixabay-620x330.jpgLa pandémie de Covid-19 (coronavirus) pousse à s’interroger : comment Dieu peut-il permettre de telles calamités ? La présence du mal, en effet, est l’un des arguments le plus souvent avancés pour refuser l’existence de Dieu. Aucune réponse n’est totalement satisfaisante si l’on n’admet pas une part de mystère. De Paul Clavier sur le site web du mensuel « La Nef » :

    « L’animal humain, courageux et loyal entre tous, éprouve quelquefois des difficultés à assumer ses responsabilités. Aussi n’a-t-il pas craint d’attribuer le mal au Destin ou à quelque autre puissance surnaturelle. Jupiter lançait la foudre, Poséidon faisait trembler la Terre, Mars déclenchait les conflits armés, Apollon envoyait la peste, l’Éternel endurcissait le cœur de Pharaon, ou frappait à mort les nouveau-nés… En vain Platon proclamait-il dans sa République que « Dieu n’est pas en cause, n’est pas responsable », il fallait une explication, et le Ciel – coupable idéal – était forcément derrière ces événements fâcheux. Ce réflexe n’est d’ailleurs pas totalement infondé : quand on médite sur les déchaînements de la nature ou de la folie, on peut se dire que tant de haine ou de destruction font entrer en jeu des forces plus qu’humaines.

    Avec le temps, les hommes ont voulu exonérer Dieu de toute cruauté. Peut-être ont-ils réalisé qu’ils avaient jusque-là projeté sur Dieu leur propre désir de vengeance ou d’éradication de l’ennemi. Dieu a fini par devenir « le bon Dieu », dernier refuge de toute bonté. Mais alors si Dieu est bon, d’où vient le mal ? Ce qui est sûr, c’est qu’il paraît choquant de dire : Dieu pourrait intervenir, mais il ne le fait pas. Il semble plus approprié de plaider l’impuissance de Dieu. C’est une réponse qu’on entend souvent : Dieu ne peut rien face au mal. C’est une réponse humaine, dotée d’une forte valeur compassionnelle. Mais justement : n’est-elle pas trop humaine ?

    LE SCÉNARIO DE L’IMPUISSANCE DIVINE

    Dieu fragile, impuissant, désormais incapable d’assurer l’entretien et la réparation de sa création ? L’idée a pu séduire. Après avoir rendu Dieu responsable des pires maux, on a entrepris de l’exonérer de toute responsabilité en la matière. Dieu aurait pris sa retraite : voilà qui pourrait expliquer bien des choses. Par exemple, que la création soit abandonnée à elle-même, que les catastrophes ravagent la planète, que les méchants ne soient plus comme jadis frappés par le châtiment divin, et que des millions d’innocents subissent un sort épouvantable sans que le Ciel intervienne. Dans Le Concept de Dieu après Auschwitz (1984), Hans Jonas affirmait que « Dieu n’est pas intervenu, non pas parce qu’il ne voulait pas, mais parce qu’il ne pouvait pas ». Il ne s’agit pas d’un renoncement temporaire à exercer sa toute-puissance, mais d’un abandon irréversible de prérogative. Cette renonciation est, selon Jonas, le prix à payer pour octroyer la liberté à l’homme : « Dans le simple fait de permettre à la liberté humaine d’exister, il y a un renoncement à la puissance divine. » Bref, il s’agirait d’un départ en retraite inéluctable, rationnellement nécessaire : « Pour que le monde soit, Dieu a dû renoncer à son propre être ; il s’est dévêtu de sa divinité. »

    Lire la suite

  • Covid-19 : la maturité face aux fake news et aux théories complotistes

    IMPRIMER

    De Jean-Paul Pinon sur le site de "Nous citoyens" (wecitizens.be) :

    ARTICLE - CORONAVIRUS : MATURITÉ FACE À LA DÉSINFORMATION

    30/04/2020

    Nous assistons à un déferlement de fake-news et à des prises de positions ‘émotionnelles’. Trop de citoyens forment un jugement sur base d’informations biaisées. Que penser des théories complotistes ? La maturité s’oppose aux prises de position conditionnées par des messages trompeurs, la peur, les émotions, le grégarisme, le court terme. Sans maturité (civique), la démocratie est dangereuse. Ceux, qui comme nous, croient encore aux vertus de la démocratie, espèrent que la population grandira en maturité au travers de la présente crise.

    Fake news

    Les crises, comme celle du Covid-19, génèrent la peur[1], le sentiment de l’urgence, la curiosité. Pas étonnant que les cyniques s’emparent de cette opportunité pour intensifier leur propagande. Les fausses nouvelles (‘fake news’) ont plus d’impact qu’en temps normal. Selon le département de la Sûreté de l’Etat[2], « des groupements, dirigés ou non par des trolls étrangers, ont recours à des campagnes de désinformation pour étendre leur influence. Un maximum de désinformations relatives au COVID-19 sont diffusées via les médias sociaux dans le but de monter les uns contre les autres certains groupes de la population. » Des exemples typiques sont les opérations de propagande russe, faisant des comparaisons internationales destinées à démontrer la supériorité du gouvernement russe. Parmi d’autres exemples, il y a l’insinuation que la crise sanitaire serait amplifiée par l’immigration, etc.

    Sens de responsabilité

    Le sens de responsabilité intègre l’idée qu’on doit assumer les conséquences de ses décisions, et de ses erreurs. Il s’ensuit qu’on agit plus prudemment, qu’on réfléchit à deux fois avant de poser un jugement. Au niveau des citoyens, on constate une plus grande maturité chez les Suisses. Ils participent directement aux grandes décisions. Ils ne peuvent pas se réfugier derrière la critique des gouvernants, pour expliquer les éventuels déboires politiques.

    Modèle suisse

    Une capsule vidéo[3] de la TV suisse donne cinq raisons pourquoi la Suisse est en meilleure position pour gérer efficacement la crise. (1) D’abord, les Suisses ont plus confiance dans leur gouvernement (75% en Suisse, contre 42% comme moyenne internationale). (2) Les Suisses ont (en moyenne) un plus grand sens civique, un esprit solidaire, un sens de la cohésion. Ils ne dépendent donc pas complètement du contrôle pour se soumettre aux mesures décrétées par le gouvernement. (3) En politique, la logique de l’opposition est remplacée par celle de la coopération. (4) La tradition de consensus est renforcée par le fait que tous les grands partis sont tous représentés dans le gouvernement. Cela génère des décisions pragmatiques. (5) L’endettement public en Suisse est de 30% du PIB, contre une moyenne de 80% dans l’Union européenne, et 100% en Belgique. La Suisse dispose donc d’une excellente marge de manœuvre pour soutenir l’activité économique en temps de crise.

    Lire la suite

  • Une réflexion en marge de la pandémie du Coronavirus : Dieu et le mal, un double mystère

    IMPRIMER

    9782866795269.jpgEn concluant son essai apologétique « Les raisons de croire » publié chez Fayard (1e édition en 1987) Mgr André Léonard, alors professeur de métaphysique et de philosophie à l’UCL, illustre ces questions que posent déjà des enfants eux-mêmes lorsque leur conscience s’éveille à l’étrangeté de la condition humaine :

    Les raisons de croire ont leurs limites. Le mal, sous toutes ses formes, demeure énigmatique. Pourquoi Dieu a-t-il pris le risque de créer un monde où le mal était « nécessairement possible »? Et, quoi qu’il en soi de ses promesses eschatologiques, pourquoi laisse-t-il ce monde transitoire, où nous sommes, aller encore vers sa fin, avec son cortège de maux et de souffrance, au lieu d’instaurer tout de suite les cieux nouveaux et la terre nouvelle inaugurés par la Résurrection de Jésus ?

    Pourquoi, écrit André Léonard, au moment où nous nous révoltons, nous mets-tu le doigt sur la bouche en nous montrant ton Fils crucifié, criant sur la croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? ». Pourquoi tardes-tu à faire éclater universellement la résurrection de ton Christ ? Je ne sais et je m’humilie devant toi. Et surtout, poursuit-il, pourquoi encore cet enfant martyrisé, cette fille violée, ces handicapés à perpétuité, ces hommes exploités ou écrasés, pourquoi ? Je connais la réponse : « à cause du pouvoir du mal, à cause du péché des anges et des hommes, à cause de notre péché à tous, à cause du mystère d’iniquité qui, forgé par Satan, accueilli par Adam et ratifié par chacun de nous, emprisonne l’univers et le tient provisoirement asservi à la vanité ».

     Mais quel sera donc le sens ultime de tant de souffrances et de cette histoire dont, toi-même Seigneur, tu as porté le poids ?

    Je ne sais, avoue le théologien, mais je crois que je puis te faire confiance jusqu’au bout car tu en as payé le prix de ton amour crucifié : le prix du sang de Jésus. Mais c’est aussi pourquoi le doute peut s’infiltrer dans mon esprit, la pensée peut me venir de trouver excessive la confiance que tu nous demandes et la tentation peut me guetter de rejoindre tous ceux qui se détournent de toi. Malgré tout, je souscris aux raisons que j’ai de croire en toi et je te prie qu’en mon nom propre et au nom de mes frères ma réponse soit toujours celle de Pierre à la question de Jésus : « Jésus dit alors aux Douze : « voulez-vous partir, vous aussi ? ». Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as, toi, les paroles de la vie éternelle. Nous croyons, nous, et nous savons que tu es le Saint de Dieu » (Jn 6, 6-69).

    JPSC

    « Credo, Domine, adjuva incredulitalem meam » : je crois Seigneur, viens au secours de mon incrédulité (St. Marc, ch. 9, verset 23).

  • L'Université à l'heure de la pensée unique

    IMPRIMER

    De "Campus Vox" via le site "Pour une école libre au Québec" :

    Entretien : Mathieu Bock-Côté, « l’université est de plus en plus hostile à un authentique pluralisme intellectuel »

    29 Apr 2020

    Campus Vox : Vous dénoncez souvent la pensée unique et la politique de la pensée dans le monde universitaire, en quoi ce concept est-il par nature antinomique avec celui de l’université ?

    Mathieu Bock-Côté : Théoriquement, mais je dis bien, théoriquement, l’université devrait être le lieu du libre examen de toutes les idées, de tous les problèmes, sous le signe d’un savoir qui se sait par définition inachevé, qui n’a jamais la prétention d’être une vérité révélée, définitive, incontestable. Si elle était fidèle à elle-même, elle verrait dans la curiosité intellectuelle une authentique vertu philosophique. Telle n’est pas la réalité, hélas. En philosophie politique comme en sciences sociales, certaines tendances idéologiques qui ne veulent pas se reconnaître comme telles sont absolument hégémoniques et dominent complètement la vie académique. Elles travaillent à exclure ceux qui ne s’y reconnaissent pas et plus encore, ceux qui les défient, en les transformant en parias académiques. De manière plus large, il faudrait parler de l’idéologisation des sciences sociales, qui paradoxalement, prétendent plus que jamais se conformer à une exigence de scientificité tout en contribuant à la normalisation théorique d’abracadabrantes lubies. Ne nous laissons pas bluffer.

    N’oublions pas non plus le rôle de certains groupuscules étudiants associés à l’ultragauche ou à certaines franges extrêmes de « l’antiracisme » ou du « féminisme » qui entendent encadrer la parole sur les campus, en distinguant ceux qui ont le droit de s’exprimer et ceux qui ne l’ont pas. De leur point de vue, la liberté d’expression n’est qu’une ruse « conservatrice » servant à légitimer l’expression de propos haineux ou discriminatoires — c’est ainsi qu’ils ont tendance à se représenter tous les discours qui s’opposent à eux frontalement. Ces groupuscules au comportement milicien n’hésitent pas à verser dans la violence, et pas que verbale, et cela, avec la complaisance d’une partie du corps professoral, qui s’enthousiasme de cette lutte contre les « réactionnaires » et autres vilains. Ils entrainent avec eux des étudiants emportés par une forme d’hystérie collective dont les manifestations font penser à la scène des deux minutes de la haine chez Orwell. Nous pourrions parler d’ivresse idéologique : des idées trop vite ingérées et mal comprises montent à la tête de jeunes personnes qui se transforment en vrais fanatiques.

    On comprend, dès lors que l’université est de plus en plus hostile à un authentique pluralisme intellectuel. Cela ne veut pas dire qu’on ne trouve pas de nombreux professeurs qui font un travail admirable, dans le domaine qui est le leur, mais que certaines questions jugées sensibles seront laissées de côté, tant le prix à payer est élevé pour les explorer librement. Évidemment, certains parviennent à se faufiler dans ce système de plus en plus contraignant. Convenons qu’ils ne sont pas si nombreux et qu’ils le seront de moins en moins. Et les jeunes chercheurs qui entrent dans la carrière comprennent vite quelle posture adopter s’ils veulent être admis dans l’institution. Certaines adoptent des positions qui ne sont pas vraiment les leurs, dans l’espoir de donner des gages idéologiques pour favoriser leur reconnaissance institutionnelle. Ils se croient rusés, mais à force de faire semblant, ils finissent par croire à ce qu’ils disent et se laisser piéger par leur propre stratégie. Il vaudrait la peine de relire La pensée captive de Czeslaw Milosz sur la schizophrénie propre aux milieux intellectuels dans les régimes idéocratiques.

    Lire la suite

  • Les églises fermées, un signe de Dieu ?

    IMPRIMER

    Halik 105809_halik-web-sipa-ap22291417-000004.jpgL’Église catholique doit sortir de son confinement spirituel, estime Tomás Halík, prêtre issu de l’ « Eglise clandestine » tchèque créée sous le régime communiste (*) et professeur de sociologie à l’Université Charles de Prague . Concernant les effets sociaux de la pandémie du coronavirus, le site web du magazine « La Vie » publie la traduction d’un article du professeur Halik, suscitant déjà le débat en Europe et aux Etats-Unis :  

    (*) Au plus fort de la persécution communiste, le gouvernement tchécoslovaque aurait eu le projet de déporter les catholiques pour les éparpiller aux quatre coins du pays, loin de toute structure d'Église. Pour assurer « au cas où » une vie sacramentelle, la hiérarchie décida alors d'ordonner des prêtres et des évêques « clandestins » ; pour mieux brouiller les pistes et ne pas être repérés par la police, certains candidats retenus étaient des hommes mariés

    Quatre-vingt prêtres et quatre évêques, tout mariés, furent ainsi ordonné en grand secret.

    Après la chute du communisme, s'est posée la question de leur place dans une Église qui n'admet pas de clergé marié. La solution trouvée fut de les réordonner pour les intégrer dans une juridiction gréco-catholique taillée sur mesure.

    Une trentaine de prêtres clandestins mariés n'ont pas accepté d'être « réordonnés sous condition » dans l'Église gréco-catholique et perpétuent une « Église des catacombes ». JPSC.

    Voici l’article :

    « Lors de grandes calamités, il est naturel de se préoccuper d’abord des besoins matériels pour survivre. Mais on ne vit pas que de pain. Le temps est venu d’examiner les implications plus profondes de ce coup porté à la sécurité de notre monde. L’inéluctable mondialisation semble avoir atteint son apogée. La vulnérabilité générale d’un monde global saute maintenant aux yeux. Quel genre de défi cette situation représente-t-elle pour le christianisme, pour l’Église et pour la théologie ?

    L’Église devrait être un « hôpital de campagne ». Par cette métaphore, le pape veut dire que l’Église ne doit pas rester dans un splendide isolement, mais doit se libérer de ses frontières et apporter de l’aide là où les gens sont physiquement, mentalement, socialement et spirituellement affligés. Oui, c’est comme cela que l’Église peut se repentir des blessures infligées tout récemment par ses représentants aux plus faibles.

    Si l’Église doit être un « hôpital », elle doit bien sûr offrir les services sanitaires, sociaux et caritatifs qu’elle a offerts depuis l’aube de son histoire. Mais en tant que bon hôpital, l’Église doit aussi remplir d’autres tâches. Elle a un rôle de diagnostic à jouer, en identifiant les « signes des temps ». Un rôle de prévention, en créant un « système immunitaire » dans une société où sévissent les virus malins de la peur, de la haine, du populisme et du nationalisme. Et un rôle de convalescence, en surmontant les traumatismes du passé par le pardon.

    Les églises vides, un signe et un défi

    L’an dernier, juste avant Pâques, Notre-Dame de Paris a brûlé. Cette année, pendant le Carême, il n’y a pas eu d’offices religieux dans des centaines de milliers d’églises sur plusieurs continents, ni dans les synagogues et les mosquées. En tant que prêtre et théologien, je réfléchis à ces églises vides ou fermées comme un signe et un défi de Dieu.

    Lire la suite

  • "Nous sommes sortis à petit bruit du régime démocratique et libéral"

    IMPRIMER
    Pierre Manent: GRAND ENTRETIEN – Le philosophe* analyse la crise inédite que nous vivons et le rapport à la politique qu’elle révèle. Pour lui, nous subissons un retour des «traits les moins aimables de notre État», notamment avec le confinement, mesure «primitive» et «brutale».

    LE FIGARO. – La crise que nous vivons semble acter un retour de l’État, après des décennies de théorisation de son désengagement. «Nous devons rebâtir notre souveraineté nationale et européenne», a même admis le président Emmanuel Macron. L’idée de nation est-elle en train de faire son grand retour?

    Pierre MANENT. – En attendant le «jour d’après», nous observons le retour des traits les moins aimables de notre État. Au nom de l’urgence sanitaire, un état d’exception a été de fait institué. En vertu de cet état, on a pris la mesure la plus primitive et la plus brutale: le confinement général sous surveillance policière.

    La rapidité, la complétude, l’allégresse même avec lesquelles l’appareil répressif s’est mis en branle font un pénible contraste avec la lenteur, l’impréparation, l’indécision de la politique sanitaire, qu’il s’agisse des masques, des tests ou des traitements éventuels. Des amendes exorbitantes frappent des écarts innocents ou bénins. Il est interdit de sortir de chez soi sans passeport, mais le rétablissement des frontières nationales est toujours jugé un péché mortel. Je ne pense pas que la crise réhabilite cet État-là.

    Quant à la nation, elle a été abandonnée, discréditée, délégitimée depuis deux générations, comme a été abandonnée, discréditée, délégitimée toute idée de politique industrielle.

    Nous avons renoncé à l’idée même d’indépendance nationale. Ah, n’être plus qu’un nœud mol et souple de compétences «pointues» dans les échanges mondiaux! Oh, surtout ne jamais ralentir les flux!

    Nous découvrons que nous sommes dépendants de la Chine pour presque tout ce dont nous avons besoin? Mais nous nous sommes organisés pour être ainsi dépendants! Nous l’avons voulu! Croyez-vous que, lorsque nous sortirons exsangues de la destruction économique occasionnée par la crise sanitaire, il y aura beaucoup de volontaires pour remonter la pente que nous descendons depuis quarante ans?

    Lire la suite