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Idées - Page 93

  • Pour une politique respectueuse d’une transcendance

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    foto-lc3a9onard (1).jpgDe Monseigneur André-Joseph Léonard, archevêque de Malines-Bruxelles, Primat de Belgique :

    « Comme beaucoup d’autres citoyens, je suis navré des nombreux abus commis actuellement en matière de démocratie parlementaire. Je pense à tous ceux qui atteignent le sens du couple et de la famille et le respect dû à la dignité de la personne humaine à tous les stades de son développement. Mais je pense aussi à l’enlisement affligeant d’une politique européenne, prolixe en règlements de toute sorte (parfois utiles, certes), mais manquant d’âme , de souffle et d’idéal. Comment les citoyens se passionneraient-ils  pour une politique européenne si bureaucratique, si mercantile ? Plus est en nous ! N’oublions jamais que la politique, au sens fort, est l’œuvre suprême de la raison et donc lieu majeur d’espérance(….)

    Comment promouvoir une vie politique de qualité ? Les chrétiens doivent y apporter leur contribution, en fonction de leurs convictions propres, ce qui mérite d’ailleurs le respect de tous. Car ce serait une grave erreur de vouloir exclure ces convictions de la vie publique, comme si, dans une société séculière, seuls les agnostiques et les athées avaient droit à la parole. Chacun, même dans une enceinte parlementaire, a le droit de faire valoir  ses convictions pourvu qu’elles soient argumentées et ouvertes au débat, selon les exigences mêmes de la raison.

    Mais comment cela est-il possible si, quelles que soient leurs options philosophiques (laïques, franc-maçonnes, agnostiques, athées, islamiques ou chrétiennes), tous ne reconnaissent pas ensemble qu’il y a un ordre idéal du juste qui transcende l’ordre politique ? Ces mots peuvent effrayer certains et réveiller la crainte d’une immixtion de la religion en politique. Mais qu’a signifié, en 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme sinon que l’humanité reconnaissait l’existence de droits qui ne dépendent pas du pouvoir politique, mais sont liés à l’humanité même de l’homme ? Bref, un ordre politique correct dépend de l’engagement de tous, quelles que soient leurs convictions, pour l’existence d’une loi naturelle précédant métaphysiquement toute loi positive. Sinon, sans le sens d’une transcendance, le danger nous guette d’une démocratie arrogante, estimant qu’un vote suffit à fonder le droit."

    In Mgr André-Joseph Léonard, Agir en chrétien dans sa vie et dans le monde,éd. Fidélité, Namur 2011, pp. 65 et sq.

    Petit rappel à la veille d’u n triple scrutin, régional, national et européen. JPSC

  • Qui suis-je pour juger ?

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    Cette petite phrase du pape François, sans doute mal comprise mais déclinée ensuite sur tous les tons, fait aujourd’hui le tour du monde.

    Dans son livre d’entretiens avec Peter Seewald, « Voici quel est notre Dieu » (Plon/Mame, 2001), le cardinal Joseph Ratzinger, futur Benoît XVI, remet les idées en place :

    « -Peter Seewald : Jésus a dit un jour, du haut de la montagne : « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés, car du jugement dont vous jugez, on vous jugera, et de la mesure dont vous mesurez, on usera pour vous ! » (Mt 7, 1-2). C’est vite dit, mais ne nous faut-il pas aussi juger ?

     « -Joseph Ratzinger : C’est incontestable. Jésus lui-même, selon Matthieu 18, a défini la règle de la communauté : il dit de prendre le frère entre quatre yeux et de le corriger ; s’il n’écoute pas, qu’on le fasse dans un cercle plus étendu, et ainsi de suite. Des règles, en particulier des règles juridiques, sont nécessaires à l’homme. Il s’agit ici d’une autre dimension : nous n’avons pas à nous instituer juges du monde entier, mais il nous faut respecter aussi, en jugeant, le mystère de l’autre. Même lorsque la justice, pour maintenir l’ordre, doit juger, elle ne condamne pas la personne, mais certains de ses actes en essayant de trouver la réponse adéquate ; nous devrions en tout cas respecter le mystère du non-dit dont Dieu seul est juge.

    Le deuxième membre de ce précepte présuppose que nous ne devons pas oublier que nous aussi nous serons jugés de la même manière que nous avons jugé. C’est une invitation à garder la juste mesure, de connaître les bonnes limites, de faire preuve du vrai respect envers l’autre. Jésus nous fournit donc  une règle intérieure pour juger quand cela s’avère indispensable. Elle consiste à reconnaître sans cesse cette dernière instance ».

     JPSC 

  • L’eurovision : une vision barbante de l’Europe

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    D’Anne-Laure Debaecker sur le blog du bimensuel « L’Homme Nouveau » :

    « Comme pressenti et annoncé, l’attrait pour le phénomène de foire a pris le dessus à l’eurovision.

    Bonne dernière du concours pour la première fois de son histoire avec seulement deux points, la France a fait un mauvais calcul en choisissant comme candidats les Twin Twin avec leur chanson « Moustache ». Outre une prestation douteuse tenant plus du braillement que d’une véritable chanson, dotée de surcroît de paroles ineptes, ils n’avaient pas le bon profil pour s’assurer d’une victoire. Gageons qu’en choisissant une chanteuse lesbienne – ou au moins bisexuelle –, issue de l’immigration, la France se serait donné tous les moyens d’être à la hauteur de l’évènement.

    Une véritable foire

    Mais peut-on vraiment parler de hauteur quand ce concours semble donner la part belle aux phénomènes de foire et aux forums politiques ? Entre les interprètes russes qui se sont fait huer, l’ouverture de la cérémonie offerte à la candidate ukrainienne et le vainqueur autrichien, la « femme à barbe » transsexuelle répondant au doux nom de Conchita Wurst. Faut-il le préciser ? L’eurovision est tout particulièrement plébiscitée par le lobby homosexuel. Nouvelles et étranges conceptions de la neutralité artistique…

    Si, à l’origine, ce concours permettait de découvrir des artistes talentueux et des chansons audibles – Abba, Céline Dion, ou encore France Gall y ont participé –, il s’est mué avec les années en un vaste spectacle de revendications politiques et de bien-pensance, dont la part culturelle et musicale a été réduite à la portion congrue. Il n’y a qu’à lire la presse généraliste pour le réaliser : tous sont dithyrambiques au sujet de l’incroyable leçon de tolérance offerte par l’élection de Conchita mais peu prolixes quant à une éventuelle critique musicale de l’évènement. Un chercheur allemand, Ernst Gluckman, a d’ailleurs estimé que l’aspect artistique ne pesait que pour 5%  dans la détermination des points.

    Un « hymne à la tolérance »

    Le Parlement européen à son tour s’est empressé de s’engouffrer dans la brèche, saluant la victoire autrichienne comme un « hymne à la tolérance » et invitant à faire de même pour les élections européennes du 25 mai prochain, indiquant ainsi clairement sa conception du politiquement correct bruxellois…

    Finalement, ce concours est un bon reflet de nos maux actuels : une France représentée par des guignols qui la ridiculisent, une perte d’objectivité d’instances dirigeantes, une démission culturelle, une bien-pensance et un politiquement correct érigés en dogmes »

    Ref. L’eurovision : une vision barbante de l’Europe.

    Et, comme dirait Poutine, l’Europe est devenue folle…

    JPSC

  • La civilisation occidentale, la laïcité et l'Europe selon Chantal Delsol

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    « La Vie » interroge Chantal Delsol à l’occasion de la parution de son dernier ouvrage « Les pierres d’angle. A quoi tenons-nous? » (Cerf)

    Votre dernier livre porte sur ce que vous appelez les « pierres d’angle » de la civilisation occidentale, des principes parfois inconscients qui, au-delà des opinions des uns et des autres, rassemblent à peu près tout le monde. Pensez-vous que ces pierres d’angle peuvent s’étendre aux autres cultures ?

    Il est vrai qu’après la chute du mur de Berlin, nous y avons cru. Nous pensions que tous les pays allaient devenir des démocraties. C’est exactement l’inverse qui est arrivé. Il y a un recul brutal depuis vingt ans, et l’on voit que plusieurs régions du monde sont assez indifférentes, voire hostiles à ces valeurs-là. C’est malheureux, mais c’est un fait.

    Prenons l’idée de laïcité. Peut-elle, selon vous, s’étendre au-delà du monde occidental ?

    La laïcité est intimement liée à une religion transcendante. Lorsque votre religion est immanente, elle est forcément inséparable du politique. Mais la transcendance ne suffit pas encore. Seule une religion de la parole (et non pas une « religion du livre ») peut ménager un espace au politique. Si votre livre a été dicté par Dieu, expliquez-moi comment vous allez vous y prendre pour créer une distance par rapport à ce livre ? À l’inverse, la parole interprète l’écriture, le livre n’étant pas une parole divine. La religion et l’État sont indissociables dans les pays musulmans. Quand un de ces pays tente d’aménager les deux, le politique et le religieux, cela donne quelque chose d’hybride. Il s’occidentalise.

    Et inversement, quand la religion se met en retrait, comme c’est le cas en France ?

    La laïcité à la française est un athéisme. L’existence même de l’expression « laïcité à la française » montre bien qu’il se passe chez nous quelque chose de particulier. Ailleurs, on parle simplement de sécularisation. En France, quand Manuel Valls se rend à Rome, la critique dit qu’il a « dépassé son rôle ». Je ne crois pas qu’il y ait d’autres pays où l’on puisse entendre ce genre de commentaire. Cette attitude s’explique par notre histoire. Les guerres de religions – particulièrement féroces en France – y sont forcément pour quelque chose. Mais que l’Église soit minoritaire aujourd’hui ne me pose aucun problème. Plus nous serons minoritaires, moins nous ferons les malins. Je ne rêve pas de ces moines qui montent sur des tonneaux et crient sur les avenues. Les chrétiens n’ont qu’à rester modestes, être vertueux chacun à sa place, et cela finira bien par se savoir.

    [...]

    Quel est votre jugement sur l’Union européenne ?

    Telle qu’elle est aujourd’hui, la machine européenne ne peut qu’exploser. La structure technocratique que nous avons mise en place veut imposer aux peuples un système d’émancipation beaucoup trop radical, alors même que les peuples tiennent à leur enracinement. L’idéologie technocratique qui nous gouverne va extrêmement loin, trop loin, dans sa conception libérale et individualiste.

    Quelle serait alors votre Europe idéale ?

    Une Europe fédérale, assurément ! Actuellement, nous avons des peuples qui doivent se soumettre à une définition stricte du chocolat. Mais ils sont incapables de se mettre d’accord pour aller faire la guerre en Bosnie ou aider les Ukrainiens. Pour construire une véritable Europe, il faudrait faire exactement l’inverse. Dans une Europe fédérale, les peuples iraient de concert protéger tel ou tel pays, mais ils seraient libres de définir le chocolat comme ils l’entendent. Ce que je reproche au système actuel, c’est l’uniformisation. Son but ultime est de ridiculiser les marges qui ne sont pas en accord avec le centre.

    [...]

    Réf. La civilisation occidentale, la laïcité et l'Europe selon Chantal Delsol

    Ni la démocratie, ni l'Europe ne sont des fins en soi. L’intégralité de cet entretien dans le n° 3585 de « La Vie »

    JPSC

  • Belgique : quand les citoyens se réveillent…

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    À partir du 10 mai 2014, un GPS électoral est mis en ligne par les partenaires 'NousCitoyens' asbl et Sudpresse. En Belgique francophone, c’est le seul système d’aide au vote permettant de sélectionner l’ensemble des candidats aux élections du 25 mai. Il est couplé au Répertoire Politique déjà mis en ligne le 4 avril par 'NousCitoyens'.

    'NousCitoyens' dépend évidemment de la collaboration des candidats pour compléter les rubriques. Les candidats sont répertoriés gratuitement et peuvent à tout moment éditer leur profil. Les utilisateurs du système ont un accès gratuit aux profils de tous les candidats, mais limité à certaines rubriques. Pour visualiser les données de contact, le CV, les scores électoraux ils doivent se connecter en tant que membre cotisant de 'NousCitoyens'.

    'NousCitoyens'

    ‘WeCitizens – WijBurgers – NousCitoyens’ asbl est un observatoire citoyen agissant comme ‘test-achats’ de l’électeur et ‘quality-surveyor’ de la gestion publique dans l’ensemble du pays. Créée en novembre 2012, l’asbl est pluraliste, indépendante de toute institution et membre d’associations internationales telles que Democracy International. Elle mobilise des citoyens de tous les bords, convaincus que la transparence est indispensable pour le bon fonctionnement de la démocratie. 'NousCitoyens' ne prend pas position sur les choix politiques : elle n’est ni de gauche, ni de droite, ni du centre.

    Les candidats et mandataires politiques n’ont pas de pouvoirs au sein de l’association. Les partis sont toutefois représentés dans un « Groupe de liaison politique » qui sert d’interface entre l’asbl et les partis.

    Pour son financement, l’association invite les citoyens à cotiser comme membres. Les cotisations donnent droit d’accès complet au Répertoire politique et au FiscoFlash (un bulletin d’actualité fiscale). Les cotisations varient selon les catégories : particuliers, associations & institutions, entreprises, etc. La cotisation de base est de € 15.

    Afin d’assurer une bonne qualité de ses informations, l’asbl s’appuie sur un comité scientifique, composé de professeurs universitaires, de journalistes et autres experts.

    Sudpresse

    Sud Presse S.A., appartenant au groupe Rossel, édite les journaux : La Capitale, La Meuse, La Province, La Nouvelle Gazette et Nord Eclair. Le tirage global est de 116.000 exemplaires.

    Selon le Centre d’Information sur les Médias (CIM), Sudpresse atteint un niveau de 618.000 lecteurs journaliers (en incluant le site web et les applications digitales).

    Contact : Jean-Paul Pinon, administrateur délégué, 0497 527751

    JPSC

  • Quel regard sur le monde animal ?

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    Le « chamour » est mort et l’abbé Guillaume de Tanoüarn a béni sa tombe…

    10154384_10152429599364813_2385619349017702773_n (1).jpgComment s'appelait-il le chamour? Il n'avait pas de nom. Un nom eût semblé réducteur. Il était "le chat". Parvenu à l'âge vénérable de 19 ans, âge splendide pour un chat, atteint d'un cancer du foie qui l'empêchait même de boire, il s'est éteint sans souffrance sous la seringue du vétérinaire. Ses propriétaires ont tenu à l'enterrer, à côté d'un autre chat, mort dix ans auparavant. J'ai béni la tombe de cette créature de Dieu, d'une simple mais sentie bénédiction. Il suffisait de regarder les deux petits de la maison, quatre et sept ans, leur sérieux, leur gravité, pour comprendre que cette si simple cérémonie était sous le signe de la piété.

    Ce court hommage ne relevait absolument pas de je ne sais quel fétichisme animiste. Le chat, réceptacle de tendresse, se charge de toutes les affections dont il est entouré. Il devient quelque chose d'humain, par toutes les caresses dont il a été sujet et objet. Il est un appel à la solidarité avec le monde animal dont nous sommes issus. Une occasion aussi de mesurer l'extraordinaire mystère qui nous a faits "humains". Nous sommes tellement supérieurs aux chats et aux chiens qui partagent souvent notre existence. Et en même temps (il suffit d'écouter un animal ronfler) nous leur sommes tellement proches. Un texte de l'Ecclésiaste dit cela avec force:

    "Le sort de l'homme et le sort de la bête sont un sort identique ; comme meurt l'un ainsi meurt l'autre et c'est un même souffle qu'ils ont tous les deux. La supériorité de l'homme sur la bête est nulle, car tout est vanité. Tout s'en va vers un même lieu : tout vient de la poussière, tout s'en retourne à la poussière. Qui sait si le souffle de l'homme monte vers le haut et si le souffle de la bête descend en bas, vers la terre?" (Eccl. 3, 19 sq.)

    L'Ecclésiaste semble ici ne pas croire en l'immortalité de l'âme humaine. Cela avait beaucoup marqué Cajétan. On retrouve en tout cas l'anthropologie fondamentale énoncée au Commencement du Livre, en Genèse 2, 7 :

    "Yahvé Dieu modela l'homme avec la poussière du sol, il insuffla dans ses narines une haleine de vie et l'homme devint une âme vivante".

    L'homme est cet individu absolument unique fait de poussière et de souffle. Le souffle? C'est l'esprit. La poussière avec le souffle? C'est l'âme, la psyché, avec les tours et les détours, les sinuosités du souffle dans la poussière.

    Mais l'animal? N'est-il pas aussi souffle et poussière? C'est en tout cas la question que pose Qohélet. L'animal, comme l'homme, vient de la poussière et retourne à la poussière. Et qui dit que le souffle de l'homme s'élève et s'élèvera au dessus de la poussière? Qui sait si le souffle de l'homme descend en bas comme le souffle de l'animal? On retrouve chez Qohelet le grand existentialisme biblique, sublimé par le Christ : tu es ce que tu fais. Tu deviens ce que tu aimes. "Là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur".

    Regarder l'animal en face, c'est accepter de considérer aussi la précarité de notre situation d'animaux plus ou moins raisonnables. Pour prétendre à être vraiment autre chose que l'animal, il faut nous laisser racheter. Nous ne nous sauvons pas nous-mêmes, pas tout seuls. Sans le Christ, qui nous fait vivre, que serions-nous?

    Et lorsque l'on a éprouvé cette fraternité par le bas avec l'animal, lorsque l'on a compris que sans le Christ et sans son salut, nous sommes tous des bêtes, juste "des êtres pour la mort" (Heidegger), alors que nous reste-t-il à faire? Il nous faut sauver l'animal. Pourquoi cette oeuvre de Dieu n'aurait-elle pas droit à un salut? Peut-on penser que Dieu fait toutes ces belles choses en vain? Peut-on donner raison à l'Ecclésiaste qui ne voit en toutes choses que "vanité et poursuite du vent"? Chaque animal, chaque végétal, chaque composition de paysage est une pensée de Dieu. En tant que telle, elle ne meurt pas. "Les concepts des créatures sont des concepts de Dieu" dit Cajétan sublimement en jouant sur le sens du génitif. Il avait compris la transcendance analogique du Logos mieux que beaucoup.

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  • Jean-Paul II, les Lumières et la liberté de conscience

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    JPII-AMsj-2_large (1).jpgEn marge de la canonisation du pape Wojtyla, un article du Père André Manaranche sj publié par le site « Liberté Politique » :

    « LA DONNE d’abord entre la raison et la foi. La raison se définissait elle-même par son étroitesse (« dans les limites de la simple raison ») et rejetait tout ce qui ne pou­vait entrer dans ce corset logique. Mais en devenant une « philosophie séparée », elle s’enflait en même temps qu’elle se mutilait. Alors la foi a humilié la raison comme étant un rationalisme prétentieux. Puis elle a fustigé cette raison pour la timidité de son agnosticisme. Ce qu’a fait Vatican I.

    Le retour de la raison

    Restait à Jean Paul II de réquisitionner tout l’apport culturel des sagesses pour venir au secours d’une mentalité libérale qui avait perdu — et même rejeté — tout repère objectif pour ne plus se fier qu’au consensuel ou au procédural. Le navire suivait alors non plus l’étoile polaire mais son fa­nal avant. Le pape défunt aura ainsi retourné l’argumentation en exaltant ce “paganisme” (Platon, Aristote, les stoïciens...) que la pastorale, elle, prenait comme une stupidi­té. Ceci en philosophie et aussi en morale, si l’on en juge par Veritatis splendor.

    Nous n’avons pas fini de réaliser ce renversement, nous les chrétiens et encore plus certains athées résolus qui n’ont pas dépassé l’athéisme du charbonnier ou l’athéisme du café du commerce, nous provoquant à reprendre une vieille apologétique devenue risible. En se fermant à la foi, la raison perd son dynamisme et sa noblesse : elle sous-raisonne, elle dé-raisonne ou bien elle arraisonne tout avec morgue.

    Jean Paul II — comme Édith Stein — auront dû, pour rendre possible la recherche de la vérité, changer de voie d’accès. Partis de la phénoménologie (Husserl, Max Scheler), avec une incursion dans la mystique (Jean de la Croix, Thérèse d’Avila), ils retrouveront en finale saint Thomas d’Aquin, mais avec une ouverture que n’auront pas forcément nos thomistes occidentaux.

    En morale familiale, Jean Paul II reprendra d’une autre manière les thèses de Paul VI, et son langage ne soulèvera pas le même chahut parce qu’il aura intégré la valeur de la sexualité humaine, cette valeur qui fonde l’exigence au lieu de l’abolir.

    L’amitié politique

    Ceci concerne du même coup la vie politique, que les Grecs ne dissociaient pas d’a­vec la vertu. Le mot « éthique » n’est pas confessionnel : il se trouve chez Aristote (en­tre autres), et ce n’est pas une invention de curés rétrogrades. Le lien de la société, c’est l’amitié politique (philia politikè) et non pas le conflit, ni le profit, ni le simple contrat.

    Le monde actuel a beau se dire libéral en s’opposant aux idéologies brune ou rouge, il devient vite, en congédiant les valeurs, ce que Jean Paul II appelait un « tota­litarisme sournois » ou une « démocratie creuse », et sa prétendue tolérance est en fait une intolérance. Ce qui est dit neutre ou laïc, c’est l’amoralité et l’athéisme, alors que ces deux choses fonctionnent d’une manière inquisitoriale. Il n’y a pas que le nazisme et le marxisme à être totalitaires, donc homicides. La « culture de mort » opère les mêmes dégâts, même s’ils sont moins spectaculaires.

    L’homme, route de l’Église

    La tâche commune à tous, c’est la défense de l’homme. Et « l’homme est la route fondamentale de l’Église », d’une Église « experte en humanité ». La nouvelle évangélisation n’est pas seulement religieuse : elle se joue au niveau de l’humanisme.

    Alors Jean Paul II redéfinit l’Église dans son être et dans sa tâche. Église et État ne sont plus deux « sociétés parfaites » juxtaposées et indépendantes, comme sous Léon XIII : le Christ est le « Récapitulateur » dont parlait Pie XI au début de son pontificat, et de ce fait, même s’il y a une certaine autonomie du temporel (Gaudium et Spes 36), ce n’est pas là un cloisonnement étanche.

    D’abord la foi a le devoir et le droit de s’inculturer à la société, au lieu de demeurer cachée dans des clubs sans se concréti­ser en rien. Le Christ n’est pas un gourou débarquant à Roissy avec son visa et sommé de demeurer « politiquement correct » sous peine — non pas d’être crucifié — mais d’être reconduit à la frontière. C’est ce passé de culture chrétienne que refusent bien des politiques — et de tout bord — afin que ce passé indéniable ne soit pas mentionné : c’est une erreur à tuer par le silence.

    Le droit de la conscience

    L’Église garde aussi le droit, sans pour autant sortir de son rôle, d’émettre un jugement sur des lois et des pratiques qui lèsent la justice élémentaire et la dignité humaine, car l’homme est son affaire. Elle est allée, avec Jean Paul II, jusqu’à demander l’objection de conscience du personnel médical en ce qui concerne l’avortement et l’euthanasie, objection qui ne devrait pas être pé­nalisée.

    Délaissant l’ostpolitik du cardinal Casaroli qui, pour des raisons bassement « pas­torales », faisait à l’adversaire d’insupportables concessions pour avoir la paix ou bé­néficier encore de quelques avantages, Jean Paul II a choisi délibérément le franc-parler et la prise en compte de la morale : justice et liberté. Et son attitude énergique a été payante. De même qu’au nom de la réconciliation ou de l’œcuménisme, il n’a pas consen­ti à pénaliser la partie fidèle, celle qui était demeurée dans le giron de l’Église ou celle qui demandait d’y revenir. Il a été franc du collier.

    Et tout cela se tient rigoureusement. Merci, Jean Paul II. » 

    Réf.Le pape qui a changé la donne

    « Qui suis-je pour juger ? ».  Prise dans l'absolu, la petite phrase du pape François qui fait maintenant le tour de la planète, est évidemment fausse.

     Dans son testament spirituel « Mémoire et Identité » (Flammarion , 2005, p. 162) Jean-Paul II a écrit : « La loi établie par l’homme a des limites précises que l’on ne peut franchir. Ce sont les limites fixées par la loi naturelle, par laquelle c’est Dieu lui-même qui protège les biens fondamentaux de l’homme ».  

    Reste qu’elles le sont allègrement, au nom de la liberté de conscience : celle de nier tout fondement objectif au bien et au mal : une attitude qui, quoi qu’on dise de la miséricorde, est intenable. Aucune société, humaine et a fortiori divine ne peut se passer de jugement. JPSC

  • La JOC belge n'est plus ni ouvrière ni chrétienne

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    51959_joc-belgique_440x260.jpgD’Anna Latron sur le site de l’hebdomadaire « La Vie » :

    “Notre nom correspond-il à la réalité ? À la JOC aujourd’hui ? À cette définition ? Après débats et votes, le Conseil National a répondu NON.” Ce questionnement, détaillé dans le dernier numéro de Red' Action, magazine trimestriel du mouvement, a abouti à une révolution sémantique: depuis le 15 février, la JOC belge ne signifie plus “Jeunesse ouvrière chrétienne” mais “Jeunes Organisés Combatifs”.

    Débat sur l'identité

    Fondée en 1925 par un prêtre belge, Joseph Léon Cardijn, la JOC voulait aider les jeunes ouvriers à faire le lien entre leur quotidien et le message de l’Evangile. Mais alors que la procédure en béatification du fondateur a été ouverte il y a quelques mois, le mouvement, s'est choisi un nouveau nom, plus en phase avec ses combats actuels.

    “Un enjeu important était aussi de pouvoir nous définir, non pas par ce que nous ne sommes pas, mais bien par ce que nous sommes,précise le magazine du mouvement. Il était clair qu’une grande partie des jeunes ne se retrouvaient pas dans les termes ‘’chrétien’’ et ‘’ouvrier’’.”

    Issus de milieux précarisés et sans emploi, beaucoup de membres ne se s’identifiaient plus à la référence ouvrière du mouvement. Quant à l’adjectif chrétien, il était perçu comme empêchant l’inclusion de Jocistes d’autres confessions.

    Le mouvement suit en cela le scoutisme belge qui, en 2012, a supprimé la référence à Dieu de sa loi scoute.

    “Depuis deux ans, les jeunes jocistes d'aujourd'hui ont décidé de mettre en place un long processus de réflexion sur l'identité de la JOC”, explique le mouvement dans un communiqué de presse. Un débat interne sous forme de questionnaires aux membres et de rencontres avec les militants historiques.

    Mise en lumière par ce nouveau nom, la combativité devient la principale valeur du mouvement dans un contexte de crise. “Les JOC cherchent à organiser tous ceux qui sont révoltés et veulent combattre toutes les formes d'oppressions causées notamment par le système capitaliste, précise le communiqué. Il ne s'agit pas juste de dénoncer les injustices que les jeunes vivent, mais aussi de lutter concrètement pour les abolir.”

    Une béatification remise en cause ?

    La décision de la JOC interpelle InfoCatho.be, un site d'information continue des médias catholiques belges. “Cette prise de distance des “Jeunes Organisés Combatifs” avec les valeurs de leur fondateur pourrait-elle remettre en cause la procédure en béatification de Joseph Cardijn ?” En effet, le tribunal ecclésiastique pour examiner les vertus, les mérites et l'enseignements de Mgr Cardijn a été installé en janvier dernier par Mgr Léonard, archevêque de Malines-Bruxelles.

    “On pourrait estimer que les choses sont mal embarquées, analyse InfoCatho.beMais ce serait réducteur puisque une procédure en béatification a plus pour but d’évaluer les mérites spirituels de la personne que de juger les associations ou communautés qu’il a fondé. Même si les deux peuvent être liés.”

    Et le site d'évoquer l'exemple de l'ONG “Action Damien”, qui n’a pas hésité à prendre ses distances avec ses origines catholiques. Ce revirement n’a pas empêché la canonisation de son fondateur, le père Damien de Molokaï, apôtre des lépreux, en 2009.

    Réf. La JOC belge n'est plus ni ouvrière ni chrétienne

    Le Cardinal Joseph Cardijn, dont on instruit présentement le procès en béatification, doit se retourner dans sa tombe. Mais, pour le reste, que représente encore ce groupuscule gauchiste et qui se soucie même de ce que pourrait éventuellement en dire la  « plate bande » des évêques  belges (comme la surnommait déjà Mgr Léonard lors de son accession à l’épiscopat, en  1991) ? JPSC.

  • L’égalitarisme confusionnel

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    La rage égalitariste n'est pas morte avec la Révolution issue des « Lumières ». "Le retour à l'indifférenciation s'origine dans la rancoeur que l'athéisme nourrit envers les religions qui avaient institué la différence homme/animal comme un axe majeur de leur enseignement." De Jean-Michel Castaing sur le site « Liberté politique » :

    LE DESIR D'EGALITE est une terrible passion, qui peut faire tourner les têtes, et même, on sait cela en France, les faire tomber. Cette passion n'est pas morte avec Thermidor. Les Français se regardent, s'interrogent du regard silencieusement : à qui le tour d'être décapité ? Et si ce n'était plus à un monarque quelconque, fût-il laïc, ni à quelques ci-devant nouvellement déchus de leurs prérogatives ou de leur rang, de passer sous les fourches caudines des nouveaux épurateurs, mais à l’espèce tout entière ? Si le temps était en effet venu de priver le genre humain dans son ensemble de ses privilèges immémoriaux ?

    La rage égalitariste

    La rage égalitariste qui anime certaines idéologies de notre temps, ajoutée à leur obsession des discriminations, ne pouvait pas ne pas aboutir à ce résultat terrifiant : la volonté d'en finir avec la différenciation immémoriale, insupportable aux nouveaux « enragés », des espèces, des genres. C'est ainsi que des courants de pensée en sont arrivés à vouloir dénier à l'homme toute supériorité sur les bêtes. Le chat, le chien ne sont-ils pas déjà des êtres de compagnie ? Et si cette familiarité s'étendait à l'ensemble du genre « animal » ? La question de savoir si les bêtes ont une âme a-t-elle jamais été tranchée ?

    Après tout, pourquoi l'animal n'aurait-il pas autant de dignité que sapiens sapiens ?

    « Il est évident, même pour un aveugle, que l'on ne peut élargir à l'infini les droits de l'homme. Posés d'emblée comme universels, ils ne sont pas susceptibles de s'ouvrir outre mesure aux animaux, aux plantes, aux pierres et aux objets matériels ou virtuels. Les tentatives d'élargir l'universel humain à un universel inhumain reviennent à refermer l'universalité sur des fragments de particularités réelles ou imaginaires.

    Le procédé fait boule de neige. À chasser l'Européen de sa position ethnocentrique, on chasse l'homme de sa position anthropocentrique, bientôt l'être vivant de sa position biocentrique, pour aboutir à l'être minéral dans une position géocentrique ou l'être matériel dans une position matériocentrique. Pour être au clair sur cette exigence, le caillou aurait des droits à faire valoir aux hommes du fait, sans doute, de l'innocence dont le paraît Hegel [1]. »

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  • Alberto Methol Ferré serait à l'origine du jugement que le pape François porte sur le monde d'aujourd'hui

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    D'après Sandro Magister, c’est surtout un philosophe qui est à l'origine du jugement que Bergoglio porte sur le monde d'aujourd’hui :

    Il s’appelait Alberto Methol Ferré. Il était uruguayen, vivait à Montevideo et traversait fréquemment le Rio de la Plata pour aller rendre visite, à Buenos Aires, à son ami l’archevêque. Il est mort en 2009, à l’âge de 80 ans, mais un livre-interview paru en 2007, qui est d’une importance capitale pour comprendre non seulement sa vision du monde mais aussi celle de son ami devenu pape par la suite, a été réédité en Argentine et vient de l’être aussi en Italie :

    > Alberto Methol Ferré, Alver Metalli, "Il papa e il filosofo", Edizioni Cantagalli, Sienne, 2014

    > Alberto Methol Ferré, Alver Metalli, "El Papa y el filósofo", Editorial Biblos, Buenos Aires, 2013

    Lorsque Bergoglio présenta ce livre à l’occasion de la publication de sa première édition, à Buenos Aires, il en fit l’éloge en disant que c’était un texte d’une "profondeur métaphysique". Et en 2011, ce même Bergoglio, préfaçant un livre écrit par un de leurs amis communs – Guzman Carriquiry Lecour, Uruguayen, secrétaire de la commission pontificale pour l'Amérique latine, le laïc qui a le plus haut grade au Vatican –exprima sa reconnaissance au "génial penseur du Rio de la Plata" parce qu’il avait mis à nu la nouvelle idéologie dominante, après la chute des athéismes messianiques d'inspiration marxiste.

    Cette nouvelle idéologie est celle que Methol Ferrè appelait "athéisme libertin". Et que Bergoglio décrivait de la manière suivante :

    "L'athéisme hédoniste et ses suppléments d’âme néo-gnostiques sont devenus la culture dominante, avec une projection et une diffusion mondiales. Ils constituent l'atmosphère du temps où nous vivons, le nouvel opium du peuple. Non seulement la 'pensée unique' est socialement et politiquement totalitaire, mais, en plus, elle a des structures gnostiques : elle n’est pas humaine, elle propose à nouveau les différentes formes de rationalisme absolutiste sous lesquelles s’exprime l'hédonisme nihiliste décrit par Methol Ferré. Ce qui domine, c’est le 'théisme nébulisé', un théisme diffus, sans incarnation historique ; dans le meilleur des cas, créateur de l'œcuménisme maçonnique".

    Dans son livre-interview qui est réédité aujourd’hui, Methol Ferré soutient que le nouvel athéisme "a radicalement changé d’aspect. Il n’est pas messianique, mais libertin. Il n’est pas révolutionnaire au sens social, mais complice du statu quo. Il s’intéresse non pas à la justice, mais à tout ce qui permet de cultiver un hédonisme radical. Il n’est pas aristocratique mais il s’est transformé en un phénomène de masse".

    Mais peut-être l'élément le plus intéressant de l'analyse que fait Methol Ferré se trouve-t-il dans la réponse qu’il donne au défi qui est lancé par la nouvelle pensée hégémonique :

    "C’est ce qui s’est passé dans le cas de la réforme protestante, puis dans celui des Lumières séculières, et ensuite dans celui du marxisme messianique. On parvient à l’emporter sur un ennemi en prenant le meilleur de ses intuitions et en allant plus loin".

    Et, à votre avis, quelle est la vérité de l'athéisme libertin ?

    "La vérité de l'athéisme libertin est la perception du fait que l'existence a une destination intime de plaisir, que la vie elle-même est faite pour une satisfaction. En d’autres termes : le noyau profond de l'athéisme libertin est un besoin caché de beauté ".

    Certes, l'athéisme libertin "pervertit" la beauté, parce qu’il "la sépare de la vérité et du bien, et donc de la justice". Mais – avertit Methol Ferré – "on ne peut pas récupérer le noyau de vérité de l’athéisme libertin par une démarche d’argumentation ou de dialectique et moins encore en créant des interdictions, en lançant des alertes, en dictant des règles abstraites. L'athéisme libertin n’est pas une idéologie, c’est une pratique. À une pratique il faut opposer une autre pratique ; une pratique consciente d’elle-même, bien entendu, et donc intellectuellement bien équipée. Historiquement, l’Église est le seul sujet présent sur la scène du monde contemporain qui puisse affronter l'athéisme libertin. À mon avis, seule l’Église est véritablement postmoderne".

    Il y a une concordance impressionnante entre ces idées de Methol Ferré et le programme de pontificat de son disciple Bergoglio, qui refuse "la transmission inorganisée d’une multitude de doctrines qu’il faudrait imposer avec insistance" et qui insiste sur la nécessité d’une Église qui soit capable de "rendre les cœurs brûlants", de soigner toutes les sortes de maladie ou de blessure et de redonner le bonheur.

  • Justice et miséricorde

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    Le 17 mars dernier, au cours de sa messe matinale  à la maison Sainte-Marthe où il réside, le pape François a répété l’un de ses leitmotivs favoris : « Si nous tous étions miséricordieux, si les peuples, les personnes, les familles, les quartiers avaient cette attitude de la miséricorde, nous aurions tellement plus de paix dans le monde, dans nos cœurs ! Parce que la miséricorde nous porte à la paix. Rappelez-vous donc toujours de cette phrase : ‘Qui suis-je pour juger ?’ »

    Cet optimisme n’est-il pas contredit, de prime abord, par l’ordre aveugle et impassible de la nature qui semble  gouverner ce monde ?

    gustave-thibon.jpgDans « L’ignorance étoilée » (Fayard, 1974), Gustave Thibon a consacré un chapitre à la justice et à la miséricorde confrontées aux lois inexorables de l’univers. En voici quelques extraits, à partir de la  citation d’un paradoxe énoncé par Simone Weil : «  La nécessité, en tant qu’absolument autre que le bien, est le bien lui-même’ » » : le bien c’est donc le consentement intérieur à un ordre où la miséricorde et la puissance n’ont aucun lien apparent entre elles (JPSC) :

    "Cette pensée contredit l’éternel rêve de l’homme : celui d’une puissance surnaturelle qui, non seulement aurait pitié de nous, mais dont la miséricorde se traduirait par des grâces, des faveurs, voire des miracles sur le plan temporel. Le rêve d’une providence qui desserrerait pour nous l’étau de la nécessité en faisant pleuvoir dans nos mains ou dans nos âmes – c’est-à-dire au niveau de l’événement extérieur ou intérieur – des bienfaits étrangers à l’inexorable enchaînement des effets et des causes ou sans proportion avec nos efforts pour modifier cet enchaînement.

    Seigneur, ayez pitié de moi ! cela signifie presque toujours : Seigneur, séparez-moi de mon destin, épargnez-moi d’être brisé par cette nécessité que vous avez créée et à laquelle vous vous êtes soumis sous les oliviers et sur la croix, faites avorter en moi la contradiction qui est semence de Dieu dans l’homme, déchirez avant terme ce voile d’apparences qui ne doit s’ouvrir qu’à la mort, faites que le vrai me devienne vérifiable, sinon dans l’événement extérieur, du moins à la surface de la vie intérieure, dans mes sentiments, mes états d’âme : donnez à mon âme une nouvelle teinture, mais gardez-vous bien de la tuer pour qu’elle renaisse, car je ne veux pas changer d’âme, je ne veux pas d’un cœur nouveau, je veux un cœur repeint, remis à neuf du dehors, tout luisant du vernis divin. Ce qui revient à dire : que votre puissance me protège contre l’appel dévorant de votre pureté ; soyez pour moi l’apparence qui sauve et non la réalité qui tue.

    Pour que la miséricorde soit pure, il faut qu’elle soit sans puissance et, apparemment, sans effet. J’entends sans effet sur la nécessité pour être reçue, dans la plénitude sans limite, par la liberté. Sans effet sur la mort pour préparer la résurrection. Sinon les rapports entre l’âme et dieu restent sur le plan de l’avoir : ce sont des rapports entre le puissant et le faible, entre le maître et l’esclave. Car Dieu est plus faible que nous en ce monde, et sa miséricorde est celle d’un être qui ne peut rien donner, comme le mot l’indique, que son cœur.

    On peut même interpréter dans ce sens la distinction classique entre la justice et la miséricorde de Dieu. Dieu est juste en tant qu’il a délégué sa puissance à l’inexorable nécessité : dans ce domaine, pas de faveurs, pas de passe-droit ; la gratuité est absente ; l’effet, impitoyable, suit la cause et chacun recueille jusqu’au bout le fruit de ses actes. « Vous ne sortirez pas d’ici que vous n’ayez payé la dernière obole… »

    Mais Dieu est infiniment miséricordieux en tant qu’amour, dans son essence solitaire, hors de la création et de ses lois : « Je ne donne pas comme le monde donne. » La justice est la loi de la création, la miséricorde est la loi de l’incréé. Deux lois absolument étrangères et irréductibles l’une à l’autre – et qui, cependant, s’identifient dans la mesure où on accepte, par amour et par respect de la seconde, d’obéir sans restriction à la première, car alors nécessité et liberté, temps et éternité, vie et mort ne s’opposent plus : « tout est fruit pour moi de ce qu’apportent les saisons, ô nature ! » Mais il faut subir jusqu’au bout la justice de Dieu pour rencontrer sa miséricorde.

    Simone Weil dit que l’absence totale de miséricorde ici-bas est le signe de la miséricorde de Dieu. Cette absence ne peut pas être totale, car alors que saurions-nous de la miséricorde de Dieu ? Disons que la miséricorde est absente de la nature, mais présente dans le centre divin de l’âme. Pour moi, je n’ai jamais senti la miséricorde de Dieu à mon égard, mais la pitié que j’éprouve pour les misérables me fait croire que Dieu a pitié de moi comme j’ai pitié de mes frères. Je reçois la miséricorde dans la mesure où je l’éprouve. Je suis du péché qui pleure et ne juge pas – et si le péché est capable de miséricorde, quelle doit être la compassion d’un Dieu infiniment pur ?

    Loi du créateur : croissez et multipliez. La loi du sauveur est inverse : elle nous enseigne l’effacement, la décroissance (il faut que je diminue pour qu’il croisse… si le grain ne meurt…) et le retour à l’unité par la chasteté et par la mort.

    La première loi est de la vie temporelle, car Dieu ne peut créer que dans le temps ; la seconde loi est de la vie éternelle, car Dieu ne peut sauver qu’au-delà du temps.

    La première conséquence du premier précepte est de manger, car la vie temporelle ne peut se maintenir que par un carnage réciproque et perpétuel.

    La première conséquence du second précepte est de se laisser manger. Et le Christ l’a subi dans toute sa force en perpétuant l’Eucharistie par le sacrifice de la croix, en se faisant pain, en s’anéantissant dans nos bouches impures. Par là le Sauveur rachète la « faute » du Créateur, le Dieu-victime transfigure l’œuvre du Dieu-bourreau. L’homme, en mangeant, ne peut qu’entretenir quelques instants cette mort masquée et agitée qu’est la vie temporelle, mais Dieu, en se laissant manger, nous donne la vie éternelle. »

     

  • Postmodernité, relativisme et vérité

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    De didoc.be :

    Comprendre le monde contemporain (4/10)

    par Jacques Leirens

    « Postmodernité, relativisme et vérité » est le quatrième d’une série de dix articles. Dans ces textes, différents auteurs tentent une réflexion sur les idées qui configurent le monde actuel de la philosophie, de la science et de la culture, sur les principes qui orientent aujourd’hui notre manière de voir et d’agir. Ils s’interrogent aussi sur les atouts et les défis du message chrétien dans une culture postmoderne.

    On peut étudier la philosophie en Belgique sans jamais entendre prononcer le mot « vérité ». Ce vocable est banni par la mentalité postmoderne, caractérisée par le relativisme. Dans cet article sont reprises certaines idées déjà publiées dans Christianisme, vérité et relativisme.

    1. Le problème du relativisme

    Par l’attitude de sa conscience face à la vérité, le « relativiste » se distingue de la personne qui se trompe.

    Qui se trompe n’adopte pas nécessairement une attitude inadéquate face à la vérité. Qui prétend par exemple que deux plus deux font trois peut défendre cette position parce qu’il en est convaincu, bien qu’en réalité il se trompe. Et, pour prendre un autre exemple, qui prétend que Jésus-Christ n’a jamais évoqué sa divinité, qu’il n’est qu’un brave rabbin moralisateur ou un opposant au régime romain, peut l’affirmer parce qu’il pense sincèrement que c’est vrai, même si ce ne l’est pas. Dans ces deux exemples, la personne part de la conviction que la vérité est connaissable : ceux qui l’atteignent ont raison, dans la mesure où ils l’ont atteinte, et ceux qui ne l’atteignent pas ont tort. Mais, dans les deux cas, avec ce genre de personne, on peut discuter.

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