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Idées - Page 91

  • L’égalitarisme confusionnel

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    La rage égalitariste n'est pas morte avec la Révolution issue des « Lumières ». "Le retour à l'indifférenciation s'origine dans la rancoeur que l'athéisme nourrit envers les religions qui avaient institué la différence homme/animal comme un axe majeur de leur enseignement." De Jean-Michel Castaing sur le site « Liberté politique » :

    LE DESIR D'EGALITE est une terrible passion, qui peut faire tourner les têtes, et même, on sait cela en France, les faire tomber. Cette passion n'est pas morte avec Thermidor. Les Français se regardent, s'interrogent du regard silencieusement : à qui le tour d'être décapité ? Et si ce n'était plus à un monarque quelconque, fût-il laïc, ni à quelques ci-devant nouvellement déchus de leurs prérogatives ou de leur rang, de passer sous les fourches caudines des nouveaux épurateurs, mais à l’espèce tout entière ? Si le temps était en effet venu de priver le genre humain dans son ensemble de ses privilèges immémoriaux ?

    La rage égalitariste

    La rage égalitariste qui anime certaines idéologies de notre temps, ajoutée à leur obsession des discriminations, ne pouvait pas ne pas aboutir à ce résultat terrifiant : la volonté d'en finir avec la différenciation immémoriale, insupportable aux nouveaux « enragés », des espèces, des genres. C'est ainsi que des courants de pensée en sont arrivés à vouloir dénier à l'homme toute supériorité sur les bêtes. Le chat, le chien ne sont-ils pas déjà des êtres de compagnie ? Et si cette familiarité s'étendait à l'ensemble du genre « animal » ? La question de savoir si les bêtes ont une âme a-t-elle jamais été tranchée ?

    Après tout, pourquoi l'animal n'aurait-il pas autant de dignité que sapiens sapiens ?

    « Il est évident, même pour un aveugle, que l'on ne peut élargir à l'infini les droits de l'homme. Posés d'emblée comme universels, ils ne sont pas susceptibles de s'ouvrir outre mesure aux animaux, aux plantes, aux pierres et aux objets matériels ou virtuels. Les tentatives d'élargir l'universel humain à un universel inhumain reviennent à refermer l'universalité sur des fragments de particularités réelles ou imaginaires.

    Le procédé fait boule de neige. À chasser l'Européen de sa position ethnocentrique, on chasse l'homme de sa position anthropocentrique, bientôt l'être vivant de sa position biocentrique, pour aboutir à l'être minéral dans une position géocentrique ou l'être matériel dans une position matériocentrique. Pour être au clair sur cette exigence, le caillou aurait des droits à faire valoir aux hommes du fait, sans doute, de l'innocence dont le paraît Hegel [1]. »

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  • Alberto Methol Ferré serait à l'origine du jugement que le pape François porte sur le monde d'aujourd'hui

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    D'après Sandro Magister, c’est surtout un philosophe qui est à l'origine du jugement que Bergoglio porte sur le monde d'aujourd’hui :

    Il s’appelait Alberto Methol Ferré. Il était uruguayen, vivait à Montevideo et traversait fréquemment le Rio de la Plata pour aller rendre visite, à Buenos Aires, à son ami l’archevêque. Il est mort en 2009, à l’âge de 80 ans, mais un livre-interview paru en 2007, qui est d’une importance capitale pour comprendre non seulement sa vision du monde mais aussi celle de son ami devenu pape par la suite, a été réédité en Argentine et vient de l’être aussi en Italie :

    > Alberto Methol Ferré, Alver Metalli, "Il papa e il filosofo", Edizioni Cantagalli, Sienne, 2014

    > Alberto Methol Ferré, Alver Metalli, "El Papa y el filósofo", Editorial Biblos, Buenos Aires, 2013

    Lorsque Bergoglio présenta ce livre à l’occasion de la publication de sa première édition, à Buenos Aires, il en fit l’éloge en disant que c’était un texte d’une "profondeur métaphysique". Et en 2011, ce même Bergoglio, préfaçant un livre écrit par un de leurs amis communs – Guzman Carriquiry Lecour, Uruguayen, secrétaire de la commission pontificale pour l'Amérique latine, le laïc qui a le plus haut grade au Vatican –exprima sa reconnaissance au "génial penseur du Rio de la Plata" parce qu’il avait mis à nu la nouvelle idéologie dominante, après la chute des athéismes messianiques d'inspiration marxiste.

    Cette nouvelle idéologie est celle que Methol Ferrè appelait "athéisme libertin". Et que Bergoglio décrivait de la manière suivante :

    "L'athéisme hédoniste et ses suppléments d’âme néo-gnostiques sont devenus la culture dominante, avec une projection et une diffusion mondiales. Ils constituent l'atmosphère du temps où nous vivons, le nouvel opium du peuple. Non seulement la 'pensée unique' est socialement et politiquement totalitaire, mais, en plus, elle a des structures gnostiques : elle n’est pas humaine, elle propose à nouveau les différentes formes de rationalisme absolutiste sous lesquelles s’exprime l'hédonisme nihiliste décrit par Methol Ferré. Ce qui domine, c’est le 'théisme nébulisé', un théisme diffus, sans incarnation historique ; dans le meilleur des cas, créateur de l'œcuménisme maçonnique".

    Dans son livre-interview qui est réédité aujourd’hui, Methol Ferré soutient que le nouvel athéisme "a radicalement changé d’aspect. Il n’est pas messianique, mais libertin. Il n’est pas révolutionnaire au sens social, mais complice du statu quo. Il s’intéresse non pas à la justice, mais à tout ce qui permet de cultiver un hédonisme radical. Il n’est pas aristocratique mais il s’est transformé en un phénomène de masse".

    Mais peut-être l'élément le plus intéressant de l'analyse que fait Methol Ferré se trouve-t-il dans la réponse qu’il donne au défi qui est lancé par la nouvelle pensée hégémonique :

    "C’est ce qui s’est passé dans le cas de la réforme protestante, puis dans celui des Lumières séculières, et ensuite dans celui du marxisme messianique. On parvient à l’emporter sur un ennemi en prenant le meilleur de ses intuitions et en allant plus loin".

    Et, à votre avis, quelle est la vérité de l'athéisme libertin ?

    "La vérité de l'athéisme libertin est la perception du fait que l'existence a une destination intime de plaisir, que la vie elle-même est faite pour une satisfaction. En d’autres termes : le noyau profond de l'athéisme libertin est un besoin caché de beauté ".

    Certes, l'athéisme libertin "pervertit" la beauté, parce qu’il "la sépare de la vérité et du bien, et donc de la justice". Mais – avertit Methol Ferré – "on ne peut pas récupérer le noyau de vérité de l’athéisme libertin par une démarche d’argumentation ou de dialectique et moins encore en créant des interdictions, en lançant des alertes, en dictant des règles abstraites. L'athéisme libertin n’est pas une idéologie, c’est une pratique. À une pratique il faut opposer une autre pratique ; une pratique consciente d’elle-même, bien entendu, et donc intellectuellement bien équipée. Historiquement, l’Église est le seul sujet présent sur la scène du monde contemporain qui puisse affronter l'athéisme libertin. À mon avis, seule l’Église est véritablement postmoderne".

    Il y a une concordance impressionnante entre ces idées de Methol Ferré et le programme de pontificat de son disciple Bergoglio, qui refuse "la transmission inorganisée d’une multitude de doctrines qu’il faudrait imposer avec insistance" et qui insiste sur la nécessité d’une Église qui soit capable de "rendre les cœurs brûlants", de soigner toutes les sortes de maladie ou de blessure et de redonner le bonheur.

  • Justice et miséricorde

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    Le 17 mars dernier, au cours de sa messe matinale  à la maison Sainte-Marthe où il réside, le pape François a répété l’un de ses leitmotivs favoris : « Si nous tous étions miséricordieux, si les peuples, les personnes, les familles, les quartiers avaient cette attitude de la miséricorde, nous aurions tellement plus de paix dans le monde, dans nos cœurs ! Parce que la miséricorde nous porte à la paix. Rappelez-vous donc toujours de cette phrase : ‘Qui suis-je pour juger ?’ »

    Cet optimisme n’est-il pas contredit, de prime abord, par l’ordre aveugle et impassible de la nature qui semble  gouverner ce monde ?

    gustave-thibon.jpgDans « L’ignorance étoilée » (Fayard, 1974), Gustave Thibon a consacré un chapitre à la justice et à la miséricorde confrontées aux lois inexorables de l’univers. En voici quelques extraits, à partir de la  citation d’un paradoxe énoncé par Simone Weil : «  La nécessité, en tant qu’absolument autre que le bien, est le bien lui-même’ » » : le bien c’est donc le consentement intérieur à un ordre où la miséricorde et la puissance n’ont aucun lien apparent entre elles (JPSC) :

    "Cette pensée contredit l’éternel rêve de l’homme : celui d’une puissance surnaturelle qui, non seulement aurait pitié de nous, mais dont la miséricorde se traduirait par des grâces, des faveurs, voire des miracles sur le plan temporel. Le rêve d’une providence qui desserrerait pour nous l’étau de la nécessité en faisant pleuvoir dans nos mains ou dans nos âmes – c’est-à-dire au niveau de l’événement extérieur ou intérieur – des bienfaits étrangers à l’inexorable enchaînement des effets et des causes ou sans proportion avec nos efforts pour modifier cet enchaînement.

    Seigneur, ayez pitié de moi ! cela signifie presque toujours : Seigneur, séparez-moi de mon destin, épargnez-moi d’être brisé par cette nécessité que vous avez créée et à laquelle vous vous êtes soumis sous les oliviers et sur la croix, faites avorter en moi la contradiction qui est semence de Dieu dans l’homme, déchirez avant terme ce voile d’apparences qui ne doit s’ouvrir qu’à la mort, faites que le vrai me devienne vérifiable, sinon dans l’événement extérieur, du moins à la surface de la vie intérieure, dans mes sentiments, mes états d’âme : donnez à mon âme une nouvelle teinture, mais gardez-vous bien de la tuer pour qu’elle renaisse, car je ne veux pas changer d’âme, je ne veux pas d’un cœur nouveau, je veux un cœur repeint, remis à neuf du dehors, tout luisant du vernis divin. Ce qui revient à dire : que votre puissance me protège contre l’appel dévorant de votre pureté ; soyez pour moi l’apparence qui sauve et non la réalité qui tue.

    Pour que la miséricorde soit pure, il faut qu’elle soit sans puissance et, apparemment, sans effet. J’entends sans effet sur la nécessité pour être reçue, dans la plénitude sans limite, par la liberté. Sans effet sur la mort pour préparer la résurrection. Sinon les rapports entre l’âme et dieu restent sur le plan de l’avoir : ce sont des rapports entre le puissant et le faible, entre le maître et l’esclave. Car Dieu est plus faible que nous en ce monde, et sa miséricorde est celle d’un être qui ne peut rien donner, comme le mot l’indique, que son cœur.

    On peut même interpréter dans ce sens la distinction classique entre la justice et la miséricorde de Dieu. Dieu est juste en tant qu’il a délégué sa puissance à l’inexorable nécessité : dans ce domaine, pas de faveurs, pas de passe-droit ; la gratuité est absente ; l’effet, impitoyable, suit la cause et chacun recueille jusqu’au bout le fruit de ses actes. « Vous ne sortirez pas d’ici que vous n’ayez payé la dernière obole… »

    Mais Dieu est infiniment miséricordieux en tant qu’amour, dans son essence solitaire, hors de la création et de ses lois : « Je ne donne pas comme le monde donne. » La justice est la loi de la création, la miséricorde est la loi de l’incréé. Deux lois absolument étrangères et irréductibles l’une à l’autre – et qui, cependant, s’identifient dans la mesure où on accepte, par amour et par respect de la seconde, d’obéir sans restriction à la première, car alors nécessité et liberté, temps et éternité, vie et mort ne s’opposent plus : « tout est fruit pour moi de ce qu’apportent les saisons, ô nature ! » Mais il faut subir jusqu’au bout la justice de Dieu pour rencontrer sa miséricorde.

    Simone Weil dit que l’absence totale de miséricorde ici-bas est le signe de la miséricorde de Dieu. Cette absence ne peut pas être totale, car alors que saurions-nous de la miséricorde de Dieu ? Disons que la miséricorde est absente de la nature, mais présente dans le centre divin de l’âme. Pour moi, je n’ai jamais senti la miséricorde de Dieu à mon égard, mais la pitié que j’éprouve pour les misérables me fait croire que Dieu a pitié de moi comme j’ai pitié de mes frères. Je reçois la miséricorde dans la mesure où je l’éprouve. Je suis du péché qui pleure et ne juge pas – et si le péché est capable de miséricorde, quelle doit être la compassion d’un Dieu infiniment pur ?

    Loi du créateur : croissez et multipliez. La loi du sauveur est inverse : elle nous enseigne l’effacement, la décroissance (il faut que je diminue pour qu’il croisse… si le grain ne meurt…) et le retour à l’unité par la chasteté et par la mort.

    La première loi est de la vie temporelle, car Dieu ne peut créer que dans le temps ; la seconde loi est de la vie éternelle, car Dieu ne peut sauver qu’au-delà du temps.

    La première conséquence du premier précepte est de manger, car la vie temporelle ne peut se maintenir que par un carnage réciproque et perpétuel.

    La première conséquence du second précepte est de se laisser manger. Et le Christ l’a subi dans toute sa force en perpétuant l’Eucharistie par le sacrifice de la croix, en se faisant pain, en s’anéantissant dans nos bouches impures. Par là le Sauveur rachète la « faute » du Créateur, le Dieu-victime transfigure l’œuvre du Dieu-bourreau. L’homme, en mangeant, ne peut qu’entretenir quelques instants cette mort masquée et agitée qu’est la vie temporelle, mais Dieu, en se laissant manger, nous donne la vie éternelle. »

     

  • Postmodernité, relativisme et vérité

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    De didoc.be :

    Comprendre le monde contemporain (4/10)

    par Jacques Leirens

    « Postmodernité, relativisme et vérité » est le quatrième d’une série de dix articles. Dans ces textes, différents auteurs tentent une réflexion sur les idées qui configurent le monde actuel de la philosophie, de la science et de la culture, sur les principes qui orientent aujourd’hui notre manière de voir et d’agir. Ils s’interrogent aussi sur les atouts et les défis du message chrétien dans une culture postmoderne.

    On peut étudier la philosophie en Belgique sans jamais entendre prononcer le mot « vérité ». Ce vocable est banni par la mentalité postmoderne, caractérisée par le relativisme. Dans cet article sont reprises certaines idées déjà publiées dans Christianisme, vérité et relativisme.

    1. Le problème du relativisme

    Par l’attitude de sa conscience face à la vérité, le « relativiste » se distingue de la personne qui se trompe.

    Qui se trompe n’adopte pas nécessairement une attitude inadéquate face à la vérité. Qui prétend par exemple que deux plus deux font trois peut défendre cette position parce qu’il en est convaincu, bien qu’en réalité il se trompe. Et, pour prendre un autre exemple, qui prétend que Jésus-Christ n’a jamais évoqué sa divinité, qu’il n’est qu’un brave rabbin moralisateur ou un opposant au régime romain, peut l’affirmer parce qu’il pense sincèrement que c’est vrai, même si ce ne l’est pas. Dans ces deux exemples, la personne part de la conviction que la vérité est connaissable : ceux qui l’atteignent ont raison, dans la mesure où ils l’ont atteinte, et ceux qui ne l’atteignent pas ont tort. Mais, dans les deux cas, avec ce genre de personne, on peut discuter.

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  • Quand Chantal Delsol et Remi Brague débattent de la modernité

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    La modernité dans l'impasse

    Source : La Nef n°257 Mars 2014

    Chantal Delsol et Rémi Brague publient en même temps deux essais importants très critiques sur la modernité, montrant qu’une société ne peut vivre sans transcendance : Les pierres d'angle (Cerf) et Modérément moderne (Flammarion). C’était l’occasion de les faire débattre sur ce thème central.

    La Nef – Chantal Delsol, pouvez-vous nous faire la généalogie de ces valeurs auxquelles nous tenons et que vous nommez les « pierres d’angle », titre de votre livre ?

    Chantal Delsol – Je n’aime pas parler de valeurs, c’est un terme relativiste qui signifie que chacun a ses propres valeurs, mais plutôt de principes, qui sont les fondements communs. Et ce n’est pas non plus véritablement une généalogie que je fais : je cherche plutôt à dégager une origine de ces pierres d’angle. Je crois que ce qui nous caractérise en tant que civilisation occidentale, c’est d’abord notre attachement non négociable à la dignité humaine, le statut de l’homme en tant qu’être sacré, parce qu’au départ nous le croyons « créé à l’image et à la ressemblance de Dieu ». En même temps cette culture s’inscrit dans un temps fléché, qui est d’abord le temps du Salut et de l’espérance, puis celui du progrès, sécularisation du Salut. C’est la première fois, car avant et ailleurs, le temps est circulaire, c’est celui de l’éternel retour et de la fatalité. Parmi ces principes fondamentaux, il y a aussi notre reconnaissance de la vérité, je dirai même plus précisément notre reconnaissance du fait qu’elle existe, qu’on peut donc la chercher – et cette conviction nous attire vers l’universel. Ce qui me frappe, c’est que ces différents principes, propres à la civilisation judéo-chrétienne, nous n’avons pas du tout envie de nous en séparer : nous y tenons, même si nous en avons perdu les racines religieuses.

    Rémi Brague – Je suis bien d’accord : il vaut mieux parler de principes que de valeurs. Le discours catholique est aujourd’hui infesté de « valeurs », terme dont on oublie qu’il a été popularisé par Nietzsche. Quant au fond, il est vrai que chez les Grecs, la révélation n’a pas lieu à un moment précis de l’Histoire. Les dieux antiques sont l’objet de mythes qui n’ont jamais été des événements datables. Dans l’Ancien Testament, au contraire, il y a un commencement, une histoire, une communauté créée par Dieu. Il y a une libération après une captivité. Et on peut ainsi remonter en amont jusqu’à la Création qui est racontée elle aussi dans ces livres. Vous avez eu raison de rappeler, dans L’Âge du renoncement, que le temps biblique, judéo-chrétien, est en effet ce temps qui ne tourne pas en rond, mais qui est, comme vous le dites dans une heureuse expression, « fléché ».

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  • Fabrice Hadjadj : "il n'y a avait pas plus antichrétien que moi"

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    Philosophe, auteur de pièces de théâtre et écrivain français – Fabrice Hadjadj a reçu l’an dernier le prix « Spiritualités d’aujourd’hui » pour son livre Comment parler de Dieu aujourd’hui : Anti-manuel d'évangélisation; il enseigne également la philosophie au Collège St-Michel (Fribourg). Il se confie à l’Apic à l’occasion du 10e anniversaire de cet Institut qui accueille en ce moment 51 étudiants venus de divers pays européens.

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  • Les Pierres d'Angle, le nouveau livre de Chantal Delsol

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    Présentation du nouveau livre de Chantal Delsol par H. de Crémiers (source)

    Chantal Delsol voudrait aider une certaine élite de l'élite à penser juste, en un temps où presque tout le monde à renoncer même à penser,  comme elle l'avait vigoureusement montré dans son livre précédent L'Age du renoncement (Cerf, 2011).

    C'est donc à ceux qui veulent bien encore réfléchir sur l'état actuel de la société occidentale et singulièrement sur les modes intellectuelles qui la dominent et qui régissent l'élite dirigeante, que s'adresse notre philosophe ; on devrait dire plutôt notre « sage », car Chantal Delsol n'est point un professeur qui exposerait, comme les autres, des systèmes de pensée, un système, le sien ; non, sa réflexion infiniment ductile conduit le lecteur avec intelligence et toute l'érudition nécessaire à se poser les seules bonnes, vraies et belles questions sur le sens de la vie, de notre vie personnelle mais aussi sociale, politique, économique et finalement écologique, dans le sens véritable de ce terme qui ramène l'esprit au réalité de notre « maison », de notre « chez nous ». Comment vivre sans d'abord l'affirmation de ce qui constitue les fondements de notre civilisation : la personne qui définit la singulière dignité de l'être, son rapport évident, tragique et magnifique, avec le monde, l'autre, Dieu qui se révèle et qui parle, la vérité qui ne relève pas d'une structure fermée mais qui incite à la quête de ce qui rassasie l'esprit de manière universelle et donc partagée, le projet qui en découle et qui porte l'espérance humaine, dirige l'âme, l'induit à la joie, l'inscrit dans une histoire et donne à la société tout entière une dynamique de progrès. La liberté est à ce prix, psychologique, morale mais aussi bien politique, où la démocratie se conçoit et devient possible, sinon elle n'est qu'un prétexte à tous les totalitarismes, comme le passé ne l'a que trop montré, comme la tentation en revient aujourd'hui, malgré les objurgations du « plus jamais ça ». Car, franchement, cet athéisme proclamé de l'élite française, qui substitue son système intellectuel de domination du peuple à la religion dont nul ne peut se passer, est une escroquerie monstrueuse. Tout le mal de notre société est là. Qui ne le voit ? Retrouvons donc nos « pierres d'angle », notre « maison ». Faisons de « l'écologie » intelligente et sage. D'ailleurs les jeunes catholiques ont compris la leçon, eux qui, à l'école de Benoît XVI, cherchent les fondements d'une « écologie humaine ».

    Les pierres d'angle, de Chantal Delsol, le Cerf, 260 p., 20 euros.

  • A l’Université de Liège : Mgr Delville a ouvert un nouveau cycle de lunchs débats sur le rôle de l’humanisme chrétien dans la société.

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    DSCF0380 (1).JPGLe nouvel évêque de Liège, Monseigneur Jean-Pierre Delville, a inauguré un nouveau cycle de lunchs débats à l’Université de Liège. Le cycle est organisé par le groupe « éthique sociale » de l’Union des étudiants catholiques, sur le thème « Humanisme chrétien, Travail et Société ».

    La conférence de Mgr Delville était intitulée « l’humanisme dans l’engagement social de l’Eglise, hier et aujourd’hui ».  Docteur en Philosophe (UCL), théologien (Université grégorienne à Rome) et musicien (prix d’orgue du Conservatoire royal de Liège), Mgr Delville est aussi licencié en histoire de l’Université de Liège.  Au moment de sa nomination épiscopale (31 mai 2013), il était professeur ordinaire à l’Université catholique de Louvain, où il enseigna l’histoire du christianisme.

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     « Deus caritas est » : C’est le lien de l’amour qui constitue l’unicité de Dieu  dans l’altérité des personnes trinitaires. À la suite de saint Jean, Benoît XVI, dans sa première encyclique, a développé les conséquences cette affirmation, avec beaucoup d'intelligence et de fraîcheur d’âme.

    De là résulte que l’autre, dans la foi, est toujours pour nous le visage de Dieu, même s’il est parfois bien défiguré.

    Jésus est formel. Au jour du jugement, lorsque toutes les nations seront rassemblées devant lui, il dira à ceux qui sont à sa droite : «  j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ; j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » Et aux autres : « Allez-vous-en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges » (cfr  Matthieu, 25, 31-46)

    De cette Parole, qui émaille aussi sous d’autres formes tous les textes évangéliques, procède une double démarche : l’amour inconditionnel des pauvres, quels qu’ils soient, et la recherche de la pauvreté spirituelle qui purifie l’âme. Au fil de son histoire, même peuplée par tous les vices des cercles de l’enfer de Dante, la chrétienté l’a toujours su et exalté cet idéal. C’est ce que nous rappelle d’abord l’orateur. 

    Mais, au XVIIIe siècle, dans la société occidentale, a pris naissance un profond bouleversement de la condition humaine issu de ce que Paul Hazard a appelé « la crise de la conscience européenne » : la révolution des lumières philosophiques et celle de l’industrialisation qui s’en suivirent ont introduit  dans la vie sociale une rupture inédite, exaltant la liberté de l’homme pour mieux l’asservir. Aux idéologies contradictoires qui l’expriment et ambitionnent de tenir  lieu de religion à l’ère du progrès industriel et technique, l’Eglise a opposé une doctrine sociale tirée de l’Evangile. Monseigneur Delville nous montre en quoi il ne s’agit pas d’une idéologie de plus.

    JPSC

     On lira ci-dessous la transcription in extenso de l’enregistrement de sa conférence (les intertitres sont de notre fait) :

     

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  • Quand Gallimard réédite l'Enracinement de Simone Weil

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    D'Eugénie Bastié sur causeur.fr :

    Simone Weil, prophète pour notre temps

    Gallimard réédite L’Enracinement

    Alain, qui fût son maître, l’appelait la « martienne », ses camarades de Normale « la vierge rouge », la philosophe Marie-Madeleine Davy la qualifie de « prophète ». Quant à Simone de Beauvoir, elle dit d’elle dans ses Mémoires « J’enviais un cœur capable de battre à travers l’univers entier ». Syndicaliste, chrétienne, mystique, pour tous ses contemporains, Simone Weil demeure un être à part, « archangélique » et mystérieux, sorte de cerveau monté directement sur cœur, d’une capacité intellectuelle hors du commun, dénuée de tout cynisme et vouée sans conditions à un seule cause : la vérité.

    L’Enracinement, son œuvre la plus achevée, essai politique d’une lucidité vertigineuse, est republié chez Gallimard, dans le cadre d’une parution des œuvres complètes entamée en 1988. Terminé en 1943, quelques semaines avant sa mort, on le considère comme son « testament spirituel ». C’est aussi un des écrits politiques les plus saisissants du XXème siècle, dimension que s’attache à mettre en valeur l’édition admirablement annotée par Patrice Rolland et Robert Chenavier.

    Dans cet essai écrit dans une langue lumineuse, illustré par un art de la métaphore limpide, Simone Weil met le doigt dans la plaie de notre époque : le déracinement, cause principale selon elle, de la débâcle de 40. Mais, n’en déplaise aux néo-barrésiens adeptes de théories remplacistes, ici les racines ne sont pas celles de l’arbre de Monsieur Taine, où se mélangent la terre et le sang, mais plutôt des racines spirituelles et culturelles. Et le déracinement est moins dû à des logiques de métissage qu’à la technicisation progressive du monde et la bureaucratisation jacobine du « monstre froid » étatique.

    L’histoire pour Simone Weil, loin d’être linéaire, est plutôt un océan de mensonges écrits par les vainqueurs où surnagent de temps à autres des « ilots de vérités », trésors égarés de l’âme humaine qu’il s’agit de retrouver.

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  • Des individus réduits à l'état d'atomes interchangeables et anonymes...

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    "... on a mis dans la tête des gens que la société relevait de la pensée abstraite alors qu'elle est faite d'habitudes, d'usages, et qu'en broyant ceux-ci sous les meules de la raison, on pulvérise des genres de vie fondés sur une longue tradition, on réduit les individus à l'état d'atomes interchangeables et anonymes. La liberté véritable ne peut avoir qu'un contenu concret : elle est faite d'équilibres entre des petites appartenances, des menues solidarités : ce contre quoi les idées théoriques qu'on proclame rationnelles s'acharnent; quand elles sont parvenues à leurs fins, il ne leur reste plus qu'à s'entre-détruire. Nous observons aujourd'hui le résultat."
    Claude Lévi-Strauss - De près et de loin (1988).
     
    (via Metablog)

  • Théorie du genre : réponse au professeur Axel Kahn

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    Réponse au professeur Axel Kahn sur la théorie du genre (11 mn)

    Par Arnaud Dumouch, philosophie, 2014.

    Pour le professeur Axel Kahn, généticien, l’homme serait divisé en deux parties :

    1° sa vie biologique qui est déterminée par la génétique tandis que

    2° son comportement serait déterminé par son éducation et les superpositions de ses tradition et présupposés culturels.

    Cette vision dualiste n’est pas réaliste. Les plus grands philosophes ont montré en l’homme trois degrés de vie :

    1° sa vie biologique (déterminée par la génétique) ;

    sa vie sensitive (psychisme commun aux animaux supérieurs) qui est intermédiaire et qui est en partie déterminée par sa génétique et en partie par son éducation et

    sa vie spirituelle, propre à l’homme, qui est le domaine où s’épanouit la liberté.

    Ainsi, écraser la vie sensible humaine en la déterminant uniquement par un choix de la liberté (théorie du genre), est un extrémisme tout aussi grave que de déterminer la totalité du comportement humain par l’aspect génétique (attitude talibane). Dans la psychologie humaine (degré 2), il y a de l’inné (génétique) qu’il faut respecter et de l’acquis (culture) qui doit l’humaniser et l’influencer sans l’écraser. Tel est le domaine de la féminité et de la masculinité.

  • L'affaire Dieudonné, l'avis d'un catholique (Arnaud Dumouch, 2014)

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    Dieudonné : Antisémite ou antisystème ? (34 mn). Cette vidéo n'engage que son auteur, pas l'Eglise catholique.
    Analyse de la crise de l'humoriste Dieudonné comme un thermomètre du malaise de l'Europe.
    Une cause : l'Europe et son passé douloureux : La génération de mai 68 y a réagi légitimement et violemment aux horreurs des générations précédentes (capitalisme pur, Nationalisme, Nazisme) autour de l'hyper mémoire de ces malheurs et, au sommet, de la shoah. Par réaction passionnelle, elle a exalté des valeurs inverses de celles du XIX° et XX° s. 
    Une maladie : La génération suivante (qu'elle soit de Droite, de Gauche, traditionaliste, catholique, d'origine immigre musulmane et Noire) est en train de réagir à cet excès mémoriel. Mais une partie le fait en l'attribuant à un complot des élites Juives (parce que beaucoup de Juifs sont dans les élites). 
    Un thermomètre : Dieudonné a surfé sur ce courant et sa position « anti-pensée unique » a touché l'axe de la pensée de mai 68 : la mémoire de la shoah.
    Le remède : Interdire le thermomètre est contre-productif. Par contre, analyser cette maladie Occidentale de son histoire est essentiel. Le faire sans idéologies : toutes les mémoires doivent être mises en avant, et surtout les mémoires soigneusement cachées par mai 68 : Sa complicité avec le Communisme, son exaltation folle de l'hédonisme destructeur jusqu'au excès actuels.
    Le faire par des films, des humoristes, des débats. Eviter les procès et les lois mémorielles, sauf s'il peuvent soulager l'overdose actuelle du politiquement correct.

    Par Arnaud Dumouch, agrégé en sciences religieuses, 2014.