Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Société - Page 108

  • Les funérailles du cardinal Pell ont fait cathédrale comble à Sydney

    IMPRIMER

    De Kevin J. Jones sur Catholic News Agency :

    Des milliers de personnes pleurent le cardinal Pell aux funérailles de Sydney : "N'ayez pas peur" était sa devise. 

    2 février 2023

    La messe d'enterrement du défunt cardinal George Pell a attiré des milliers de personnes en deuil, remplissant à ras bord la cathédrale Sainte-Marie de Sydney. 

    Des dirigeants de la société civile, des amis et des membres de la famille de Pell se sont souvenus du dévouement du cardinal australien à l'Église et à l'Évangile et de son courage face à de nombreux obstacles, notamment plus d'un an de prison avant sa disculpation.

    "George Pell était mon frère. C'était un prince de l'Église. Un homme bon et saint, et un fier Australien", a déclaré David Pell lors de la messe de funérailles du cardinal jeudi, selon le journal The Catholic Weekly.

    "'N'ayez pas peur' était la devise de George. Ces mots sont mentionnés 365 fois dans la Bible", a poursuivi le frère de Mgr Pell. "Ce sont des mots puissants et nous devons nous en souvenir alors que nous poursuivons la lutte quotidienne".

    S'adressant au cardinal, il a ajouté : "Tu as combattu le bon combat. Aide-nous à accepter la bataille. Repose en paix." 

    Le cardinal est décédé le 10 janvier à Rome à l'âge de 81 ans d'un arrêt cardiaque suite à des complications lors d'une opération de la hanche.

    L'archevêque de Sydney, Mgr Anthony Fisher, a célébré la messe pontificale des funérailles chrétiennes à la cathédrale Sainte-Marie de Sydney. La liturgie de quatre heures comprenait un motet d'offertoire spécialement composé par Sir James MacMillan, basé sur la devise du cardinal "N'ayez pas peur" et le texte de la Sagesse 3:1-4.

    Trente évêques, 220 prêtres et des dizaines de séminaristes ont assisté aux funérailles. L'assemblée comprenait des religieuses, des théologiens, des enseignants d'écoles catholiques et des familles. Des représentants d'agences catholiques et de communautés ethniques étaient présents à la messe, ainsi que les résidents de David's Place, une communauté pour les sans-abri et les marginaux de Sydney.

    Dans son homélie, Mgr Fisher a décrit son prédécesseur Pell comme un "lion de l'Église" qui a proclamé l'Évangile "sans honte, avec véhémence et courage jusqu'à la fin".

    "Il avait aussi un grand cœur, assez fort pour se battre pour la foi et endurer la persécution, mais assez doux pour prendre soin des prêtres, des jeunes, des sans-abri, des prisonniers et des chrétiens imparfaits", a déclaré l'archevêque.

    David Pell a décrit son frère comme un joueur "passionné" de football australien. 

    "Il croyait en l'État de droit, en l'équité pour tous et, dans le jargon des règles australiennes, il jouait la balle, et non l'homme", a-t-il déclaré. "Il pouvait ne pas être d'accord avec votre opinion, mais il n'était pas en désaccord avec vous en tant que personne".

    Pell a été nommé cardinal par le pape Jean-Paul II en octobre 2003, alors qu'il était archevêque de Sydney. Dix ans plus tard, le pape François a nommé Pell membre de son Conseil des cardinaux et, l'année suivante, il l'a chargé des finances du Vatican. Son travail là-bas lui a valu des éloges et de l'admiration, en particulier sa découverte apparente de 1,5 milliard de dollars d'actifs dans des comptes du Vatican non déclarés auparavant.

    En 2017, Pell a quitté Rome pour l'Australie afin de défendre son innocence face aux accusations selon lesquelles il aurait abusé sexuellement de deux garçons de 13 ans après la messe dominicale à Melbourne en 1996 et 1997.

    Il a été condamné en 2018. Après 404 jours de prison, le cardinal a été acquitté en 2020, lorsque la Haute Cour australienne a annulé à l'unanimité la condamnation de Pell. 

    La même année, un rapport de la Commission royale sur les abus sexuels a rendu publiques ses conclusions sur Pell, y compris des allégations selon lesquelles il était au courant des abus sexuels commis par des clercs dans les années 1970 et 1980, et n'aurait pas agi. Pell a rejeté ces allégations, les jugeant "non étayées par des preuves".

    Il est retourné vivre à Rome plus tard en 2020.

    Fisher a déclaré que le cardinal a marqué "404 jours passés en prison pour un crime qu'il n'a pas commis" malgré "la campagne médiatique, policière et politique pour le punir, qu'il soit coupable ou non."

    Le frère de Pell, David, a déclaré que la famille "savait que ce n'était pas vrai".

    "Nous avons dû rester stoïques face à la campagne incessante visant à salir la vie de George, en particulier avec les plus jeunes membres de notre famille", a-t-il déclaré. 

    Dans le même temps, le frère de George Pell a souligné les "magnifiques" journaux de prison du cardinal qui ont résulté de son incarcération. Il a remercié les partisans catholiques et non catholiques de Pell, notamment ceux qui ont envoyé plus de 4 000 lettres de soutien. Certaines lettres provenaient d'anciens codétenus de Pell.

    "Nous compatissons avec les victimes légitimes et avons une horreur totale des criminels. Notre propre famille n'a pas été immunisée contre ce mal", a déclaré David Pell. Il est "tout simplement faux" de dire qu'il a manqué de sympathie pour les victimes, a déclaré le frère de Pell, affirmant que le cardinal a été "injustement condamné pour les manquements de ses prédécesseurs".

    Le frère de Pell a également rappelé le bonheur de son frère à servir comme archevêque de Sydney.

    "Il était chez lui ici. Il aimait Sydney, et à en juger par l'effusion d'amour lors de sa mise en bière et aujourd'hui, Sydney l'aimait."

    Environ 2 000 personnes sont arrivées sur le parvis de la cathédrale pour obtenir une place à l'intérieur. Beaucoup sont restées et ont participé à la messe même si elles ne pouvaient pas entrer dans la cathédrale.

    Parmi les principaux dignitaires présents figuraient les anciens premiers ministres John Howard et Tony Abbot, ainsi que Peter Dutton, chef du parti libéral d'opposition. L'actuel Premier ministre Anthony Albanese et le Premier ministre de Nouvelle-Galles du Sud Dominic Perrottet ont tous deux envoyé des représentants.

    Lors des funérailles, Tony Abbot a parlé de la place de Pell en Australie, le qualifiant de "l'un de nos plus grands fils". Il a laissé entendre que le défunt cardinal avait été "transformé en bouc émissaire de l'Église elle-même", a rapporté le journal britannique The Guardian. Le 14 janvier. Le pape François a présidé le rite de l'éloge final et de l'adieu.

    Environ 150 manifestants critiquant le cardinal Pell et le catholicisme se sont rassemblés à l'extérieur. Certains portaient des banderoles disant que le cardinal devrait "brûler en enfer". Quatre ou cinq personnes en deuil se sont vivement opposées à certains manifestants et la police est intervenue et a arrêté un homme portant un parapluie arc-en-ciel, rapporte The Catholic Weekly. 

    David Pell a déclaré que le cardinal était un ami du pape François et qu'il avait été accueilli par le pape au Palais apostolique après son retour de prison à Rome. "À son arrivée, il a été stupéfait, car il a bénéficié de l'appoint d'une cohorte de gardes suisses, ce qui n'est réservé qu'aux chefs d'État en visite."

    Le pape François, dans un message de condoléances du 11 janvier, a loué le "dévouement de Pell à l'Évangile et à l'Église" et a noté son travail sur la réforme économique du Saint-Siège.

    Le cardinal Giovanni Battista Re, doyen du Collège des cardinaux, a célébré une messe de requiem à Rome, dans la basilique Saint-Pierre.

    Kevin J. Jones est un rédacteur principal de la Catholic News Agency. Il a bénéficié en 2014 d'une bourse de journalisme Egan de Catholic Relief Services.

  • Vietnam : le diocèse de Xuan Loc enterre 700 fœtus avortés dans la ville de Bien Hoa

    IMPRIMER

    Du site des Missions Etrangères de Paris :

    Le diocèse de Xuan Loc enterre 700 fœtus avortés dans la ville de Bien Hoa

    03/02/2023

    Le dimanche 29 janvier à Bien Hoa, dans le diocèse de Xuan Loc (dans le sud-est du Vietnam), le père Joseph Nguyen Van Tich, du comité pro-vie diocésain, a célébré l’enterrement de 700 fœtus en présence de plusieurs milliers de militants et volontaires. Selon le groupe, qui a débuté ses activités en 2011, le cimetière compte plus de 62 000 enfants non nés. « Les enterrer, c’est demander pardon pour la peine et la souffrance que nous leur faisons endurer, et c’est aussi prier pour la sécurité des autres enfants », a confié le père Tich.

    Le 29 janvier dans l’église de Bac Hai, le père Joseph Nguyen Van Tich (à gauche) et le père Vincent Nguyen Minh Tien bénissent des fœtus morts avant leur enterrement.

    Dimanche 29 janvier, un groupe pro-vie du diocèse de Xuan Loc a célébré une messe spéciale de requiem et l’enterrement de 700 fœtus avortés dans l’église de Bac Hai, dans la ville de Bien Hoa (dans le sud-est du Vietnam). Les participants se sont également engagés à sensibiliser la nation communiste sur la dignité humaine, alors qu’on compte de nombreux jeunes parmi les demandes d’avortement dans le pays.

    Plusieurs centaines de militants pro-vie de différentes confessions étaient présents. Le cimetière compte plus de 62 000 enfants non nés. Avant les enterrements, les fœtus morts ont été nettoyés avec de l’alcool et enveloppés dans du linge blanc. Ils ont aussi reçu un nom et ont été disposés dans l’église avec des fleurs, afin de permettre aux gens de prier pour eux.

    « Enterrer des fœtus, c’est demander pardon aux enfants non nés pour la peine et la souffrance que nous leur faisons endurer, et c’est aussi prier pour la sécurité des autres enfants », explique le père Joseph Nguyen Van Tich, qui a concélébré la messe avec le père Vincent Nguyen Minh Tien.

    Même si les habitants ont pris dix jours de congé pour célébrer la fête du Têt (le Nouvel an lunaire) en janvier, les interruptions prématurées de grossesses n’ont pas cessé et les volontaires ont collecté près de 700 fœtus le mois dernier dans les cliniques et hôpitaux de la région, précise le père Tich.

    Près de 300 000 avortements par an au Vietnam

    Le pays asiatique, qui compte près de 99,4 millions d’habitants, enregistre un triste record avec environ 300 000 avortements par an, dont une majorité de filles âgées entre 15 et 19 ans. Parmi elles, entre 60 et 70 % sont toujours scolarisées, selon les études. Les volontaires du groupe vietnamien expliquent collecter entre 700 et 1 500 fœtus par mois, dont des enfants mort-nés, selon le père Tich, qui a lancé ces activités pro-vie au Vietnam en 2011.

    Le prêtre souligne que le groupe diocésain a aussi sauvé plusieurs centaines d’enfants de l’avortement et fourni un logement sûr à plus de 2 000 mères célibataires, abandonnées par leurs partenaires et leurs proches pour avoir refusé de mettre fin à leur grossesse.

    Au Vietnam, les avortements en début de grossesse ont été déclarés comme un droit des femmes dans le cadre de la loi de 1989 sur la santé. Plus de 14 millions d’habitants du Vietnam – le troisième pays le plus peuplé d’Asie du Sud-Est – sont âgés entre 10 et 19 ans, ce qui représente près de 14,4 % de la population. Selon une étude menée en 2021 pour les Objectifs de développement durable des Nations unies, on comptait un avortement pour mille filles de 15 à 19 ans au Vietnam en 2021.

    Le père Tich explique que le comité pro-vie du diocèse offre également un soutien psychologique et spirituel à ceux qui ont été impliqués dans un avortement. Le prêtre note toutefois qu’il est triste que des parents paient des soignants pour supprimer leurs enfants. Durant les enterrements, le 29 janvier, il a insisté sur le fait que l’interruption volontaire de grossesse est un crime grave contre l’humanité.

    (Avec Ucanews)

  • Un pape a-t-il jamais entendu le récit de telles atrocités ?

    IMPRIMER

    De Jean-Marie Guénois sur le site du Figaro via Il Sismografo :

    En Afrique, le Pape François «sous le choc» des violences subies et racontées par de jeunes rescapés

    1er février 2023

    Mercredi, le chef de l'Église catholique, en visite en République démocratique du Congo, a rencontré des jeunes victimes des conflits qui ravagent l'est du pays depuis trois décennies. -- Mercredi, le chef de l'Église catholique, en visite en République démocratique du Congo, a rencontré des jeunes victimes des conflits qui ravagent l'est du pays depuis trois décennies. 

    Un pape a-t-il jamais entendu le récit de telles atrocités ? Mercredi, à la nonciature de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, François a reçu une délégation de victimes. Il devait initialement les rencontrer à Goma, ville du Nord-Kivu, à l'est du pays mais l'insécurité qui y règne l'a empêché de célébrer la messe prévue dans un camp de réfugiés. De fait, les témoignages de victimes entendus en direct par François ont donné une idée aussi précise que terrible de l'insoutenable terreur qu'ils ont vécue. 

    Ladislas Kambale Kombi, 17 ans, raconte comment son «grand frère a été tué» puis, ajoute : «mon père a été tué en ma présence (…) par des hommes en pantalon training et chemise militaire». Le jeune homme se souvient : «depuis ma cachette, j'ai suivi comment ils l'ont découpé en morceaux, puis sa tête tranchée a été placée dans un panier». Il dit ne plus dormir et «ne pas comprendre une telle méchanceté, cette brutalité quasi animale». La voix nouée, il assure avoir « pardonné à (nos) bourreaux». Léonie Matumaini, encore à l'école primaire, ajoute : «Tous les membres de ma famille ont été tués en ma présence». 

    Le témoignage de Bijoux Makumbi Kamala, est ensuite lu par son amie. Elle raconte comment elle a été « violée comme un animal» pendant 19 mois par le chef de la bande de «rebelles» qui l'avait kidnappée. Elle relate que «les enfants» dont les parents ont été tués «sont exploités dans les mines», les filles subissant «le calvaire des violences sexuelles». 

    L'abbé Guy-Robert Mandro Deholo, dont les mains ont été «mutilées», lit le témoignage de Désiré Dhetsina, disparu aujourd'hui : «j'ai vu la sauvagerie, des gens découpés comme on découpe la viande à la boucherie», des «femmes mutilées sans aucune raison». Deux d'entre elles lèvent leur bras… Sans main. Silence de mort dans l'assistance. 

    Enfin, Aimée, lit un dernier témoignage, celui d'Emelda M'karhungulu, «retenue comme esclave sexuelle», qui raconte : «on nous faisait manger la viande des hommes tués.» Celui qui refusait, «on le découpait et on nous le faisait manger». Mais elle termine contre toute attente : «nous pardonnons à nos bourreaux tout ce qu'ils nous ont fait». 

    Le reflet glaçant des lames 

    Ces récits atroces se terminent par le dépôt, devant une croix du Christ placée à la droite du pape, d'instruments identiques à ceux qui ont blessé ou tué : machette, couteaux, marteau, lance, hachoir… Le reflet des lames posées à même le carrelage est glaçant. En quarante voyages pontificaux, peu de scènes n'auront été aussi poignantes. 

    Toutes ces victimes ont moins de trente ans. L'âge de ces violences et guerres multiples dans l'Est de la RDC, zone ravagée par la convoitise de l'extrême richesse des sous-sols et de ses minerais rares. Selon les estimations, il y a eu entre cinq et dix millions de morts, à la 2e place du classement de l'horreur de ce continent après le génocide du Rwanda. 

    Lire la suite

  • L'avortement libre et sans limite entre en vigueur au Minnesota

    IMPRIMER

    De gènéthique.org :

    Minnesota : l’avortement sans limite entre en vigueur

    2 février 2023

    Mardi, le gouverneur du Minnesota, Tim Walz, a signé une loi visant à « protéger » l’avortement et la contraception.

    Ce texte, baptisé « PRO Act » pour « Protect Reproductive Actions », dispose que « chaque individu a le droit fondamental de prendre des décisions autonomes concernant sa propre santé reproductive ». Un terme qui englobe l’avortement et la contraception.

    L’avortement est désormais possible « pour n’importe quelle raison pendant les neuf mois de la grossesse », indique la sénatrice Julia Coleman qui s’est opposée au projet. S’il s’agit de mineures, aucun consentement parental n’est requis. Les parents n’ont pas même l’obligation d’être informés, que leur fille subisse un avortement ou une stérilisation.

    La Maison blanche a salué la signature de cette nouvelle loi.

    Aucune concession

    Dans le Minnesota, les démocrates détiennent le contrôle des deux chambres. Les représentants ont adopté le texte par 69 voix contre 65 il y a environ deux semaines, le Sénat samedi dernier, avec 34 votes favorables. 33 sénateurs s’y sont opposés au terme de 15 heures de débat.

    Les républicains ont tenté d’amender le projet à 35 reprises. En vain à chaque fois. Ils ont proposé d’interdire l’avortement au cours du troisième trimestre sauf en cas de danger pour la vie de la femme enceinte, d’interdire l’avortement uniquement en raison du sexe ou du handicap du fœtus, ou de rétablir l’information des parents de mineures.

    « Nous avions même des amendements disant que si l’on veut avorter à un stade avancé, il faut le faire dans un hôpital pour la sécurité de la femme », indique Julia Coleman. Tous ont été rejetés.

    Des restrictions jugées inconstitutionnelles

    En 1995, une décision de la Cour suprême du Minnesota connue sous le nom de Doe v. Gomez, avait établi que « la Constitution de l’Etat protège le droit à l’avortement ».

    En outre, l’été dernier, un juge du tribunal de district a déclaré inconstitutionnelles « plusieurs restrictions mises en place par les législatures précédentes ». Parmi elles, le délai de réflexion de 24 heures avant de subir un avortement, ou encore l’obligation d’informer les parents de mineures.

  • Controverse sur l'avortement libre : quand deux évêques s'affrontent

    IMPRIMER

    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso (traduction de diakonos.be) :

    Même l’avortement libre est devenu matière à controverse. Deux évêques s’affrontent en duel

    On pourrait bien sûr trouver étonnant qu’un évêque ait jugé nécessaire d’intervenir pour défendre une doctrine à première vue indiscutable au sein de l’Église : l’intangibilité de toute nouvelle vie humaine dès sa conception. Cet évêque est Mgr Domenico Sorrentino (photo), 74 ans, titulaire du diocèse d’Assise, Nocera Umbra, Gualdo Tadino et Foligno, ancien secrétaire au Vatican de la Congrégation pour le culte divin. Il l’a fait dans un article de deux pages dans la revue catholique historique de la ville natale de saint François, « Rocca », dans le dernier numéro en date du 1er février.

    Il avait pourtant une bonne raison de le faire, et non des moindres. Parce que quelques mois plus tôt, dans cette même revue, un autre évêque très estimé, Mgr Luigi Bettazzi, 99 ans, le dernier évêque italien encore en vie à avoir pris part au Concile Vatican II, n’a pas hésiter à contester cette même doctrine, en prétendant qu’on ne devient une « personne humaine » qu’après « le quatrième/cinquième mois » de grossesse, et que donc avant cette date, l’avortement n’est pas un homicide et pas même un péché, s’il est accompli pour de bonnes raisons.

    C’est dans cette même revue « Rocca » que Mgr Bettazzi a soutenu cette thèse explosive le 15 août dernier. Et à la mi-novembre, toujours dans la même revue, un autre théologien moraliste renommé, Giannino Piana, est intervenu pour lui prêter main-forte. Settimo Cielo l’avait signalé le 23 novembre dans cet article :

    > Avortement libre jusqu’au cinquième mois. Un évêque et un théologien expliquent pourquoi

    L’évêque d’Assiste objecte et explique à Bettazzi et Piana que les raisons qu’ils avancent ne peuvent pas être approuvées. Certes, admet-il, la doctrine catholique « connaît un développement », mais pas « dans la direction opposée » que celle qu’ils proposent, c’est-à-dire à rebours, en résumant comme ils le font « la théorie médiévale de l’animation retardée du fœtus ». Parce que les découvertes scientifiques modernes ont confirmé que « dès la conception, nous sommes en présence d’un être humain à part entière, avec son patrimoine génétique propre qui le caractérise pour toute la vie », dès le début « autre » par rapport à la mère.

    Et ce nouvel être humain, poursuit Mgr Sorrentino, est depuis sa conception également une « personne ». Il l’est pour des raisons « philosophiques et juridiques, en connexion avec la génétique et la biologie ». Il l’est également pour ceux qui ne croient pas en une âme immortelle infusée par Dieu dans l’ovule à peine fécondé.

    À l’objection suivant de Mgr Bettazzi, du fait que de nombreux ovules fécondés se perdent avant de nidifier dans l’utérus de la mère : « Alors même la nature tue 40% des êtres humains ?», Mgr Sorrentino répond : « Qui nous autorise à considérer les ovules qui n’ont pas nidifié comme étant simplement perdus ? Nous ne pouvons qu’entrer sur la pointe des pieds dans la logique de la nature et du Créateur, quand il s’agit du mystère de la vie dans son expression aussi multiforme et en grande partie insaisissable. Ici, nous nous trouvons vraiment entre terre et ciel ».

    Lire la suite

  • Catholicisme et "inclusion"

    IMPRIMER

    De George Weigel sur First Things :

    L'"INCLUSION" ET LE CATHOLICISME

    1er février 2023

    Dans le temps, les petits catholiques ont appris que l'Église avait quatre "qualités" : L'Église est une, sainte, catholique (comme dans "universelle") et apostolique. Ces qualités découlent du Credo de Nicée-Constantinople, que nous récitons à la messe du dimanche et des solennités liturgiques. Le Catéchisme de l'Église catholique enseigne que l'Église "ne possède pas" ces caractéristiques "inséparablement liées" "d'elle-même" ; plutôt, "c'est le Christ qui, par l'Esprit Saint, fait son Église une, sainte, catholique et apostolique, et c'est lui qui l'appelle à réaliser chacune de ces qualités" (CEC 811).

    Vous noterez que le terme "inclusif" n'est pas une des qualités de l'Église donnée par le Christ, alors que le terme "universel" l'est. Les distinctions, comme toujours, sont importantes.

    L'universalité doit caractériser la mission évangélique de l'Église, car le Seigneur nous a ordonné d'aller "faire de toutes les nations des disciples" (Mt 28,19). Et un certain type d'inclusivité dénote une réalité ecclésiale cruciale : " Car tous ceux d'entre vous qui ont été baptisés dans le Christ ont revêtu le Christ. Il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme libre, il n'y a ni homme ni femme ; car tous, vous ne faites qu'un dans le Christ Jésus" (Ga 3,28). De plus, l'Église est appelée par le Seigneur à servir tout le monde, et pas seulement les siens ; comme l'a souligné le sociologue historique Rodney Stark, les soins paléochrétiens apportés aux malades qui n'appartenaient pas à la communauté croyante ont attiré des convertis dans l'Antiquité classique, alors que les malades étaient généralement abandonnés, même par leur propre famille.

    Ces expressions de l'inclusivité ecclésiale (ou de la catholicité, ou de l'universalité) ne sont toutefois pas ce que la culture occidentale contemporaine entend par "inclusion". Tel qu'il est typiquement utilisé aujourd'hui, le terme "inclusion" est un code pour accepter la définition de soi de chacun comme si cette définition de soi était manifestement cohérente avec la réalité, était intrinsèquement incontestable, et commandait donc l'affirmation.

    Dans ce contexte, il convient de noter que le Seigneur Jésus a parfois pratiqué une sérieuse exclusion. Ainsi, il a exclu de la béatitude un type de pécheur : "Celui qui blasphème contre le Saint-Esprit n'a jamais le pardon" (Marc 3,29). Et sa condamnation de l'impitoyable : " Retirez-vous de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges " (Mt 25, 41). Et le sort de celui qui scandalise l'innocent : "Il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attache au cou une meule de moulin et qu'on le jette dans la mer" (Luc 17,2). Et sa détermination à jeter "le feu sur la terre" (Luc 12,49) et à brûler tout ce qui est contraire au Royaume de Dieu.

    La question de l'"inclusion" et de l'auto-compréhension de l'Église a été récemment soulevée par un article publié en Amérique par le cardinal Robert McElroy, car la sensibilité exposée dans l'article du cardinal n'est pas celle de la Bible, des Pères de l'Église, du Concile Vatican II ou du Catéchisme. C'est la sensibilité de l'obsession de la culture woke pour l'"inclusion".

    L'article suggère, bien qu'elliptiquement, qu'en raison des préoccupations concernant l'inclusion, l'ordination des femmes au sacerdoce ministériel et l'intégrité morale du sexe gay sont des questions ouvertes. Mais ce n'est pas l'enseignement établi de l'Église catholique. Comment un homme très intelligent qui a prêté des serments solennels dans lesquels il a accepté cet enseignement et promis de le faire respecter peut-il penser autrement ?

    Comme la culture woke contemporaine, l'article du cardinal semble considérer la théorie du genre comme une forme séculaire de vérité révélée. En fait, les théories du "genre" construit culturellement et de la "fluidité du genre" contredisent carrément la révélation divine : "Il les créa mâle et femelle" (Gen. 1:27).

    L'article fait des affirmations extravagantes (et sans source) sur l'"animosité" généralisée contre "les communautés LGBT", jugeant ces attitudes "viscérales" "démoniaques". Mais le cardinal McElroy n'a rien à dire sur les pressions culturelles, professionnelles et légales sévères (et facilement documentables) qui s'exercent sur ceux qui refusent de participer à la culture woke concernant l'ordre propre à l'amour humain.

    L'hymne de la woke inclusion-mania est le concept enfantin de liberté de Frank Sinatra : "Je l'ai fait à ma façon." Brûler de l'encens sur l'autel d'un tel infantilisme ne va pas amener des hommes et des femmes au Christ qui a lié la liberté à la vérité : "vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres" (Jean 8:32). L'Église catholique est une communion d'hommes et de femmes, qui luttent tous contre la faiblesse humaine face aux vicissitudes de la condition humaine. Mais cette communion de disciples a également reçu du Seigneur lui-même les vérités qui libèrent vraiment, des vérités qui ne sont pas sujettes à être affirmées ou niées par des groupes de discussion. Comme l'auteur biblique l'a rappelé à ses lecteurs (et à nous), "ne vous laissez pas égarer par toutes sortes d'enseignements étranges" (Héb. 13:9), qui mettent en péril l'évangélisation.

    L'"inclusion" woke n'est pas une authentique catholicité.                

    George Weigel est Distinguished Senior Fellow du Ethics and Public Policy Center de Washington, D.C., où il est titulaire de la chaire William E. Simon en études catholiques.

  • Être chrétien dans le monde : le refuge et le risque

    IMPRIMER

    Article de Pierre Manent lu  dans la revue mensuelle « La Nef » :

    Wurzburg-Baviere-Eglise-et-mairie-©Pixabay-620x330.jpg

    La situation actuelle rend le pari bénédictin désirable et plausible, mais il n’est pas sans risque de glissement vers le communautarisme. Et un chrétien ne peut fuir ses responsabilités d’ordre temporel, et notamment politiques.

    La situation présente de l’Église catholique dans notre pays me semble déterminée par les trois paramètres suivants : d’abord la diminution rapide de la présence sociale du catholicisme depuis les années 60, diminution quantitative qui approche d’un seuil où la disparition du fait catholique devient envisageable ; ensuite, l’irruption d’un facteur historiquement inédit, l’islam, qui occupe une place croissante, visiblement croissante, dans la société française ; enfin, l’intronisation de l’idéologie des droits de l’homme comme principe exclusif de la légitimité politique, sociale et morale, installant chaque « moi » dans une immanence sûre de son droit.

    De quelque côté que se tourne le catholique français, il voit gonfler une menace qui peut lui sembler insurmontable, venant simultanément de l’intérieur, de l’extérieur et de lui-même ! La tentation est grande de répondre à cette triple offensive par le recours à la stratégie éternelle du parti le plus faible : la défensive, le refuge dans une place forte. De fait, nous avons encore des ressources suffisantes pour construire une forteresse catholique de bonne apparence : à l’abri derrière ses remparts, nous ne serions plus démoralisés par l’indifférence ou l’hostilité de la société globale, les musulmans nous redeviendraient extérieurs et étrangers comme ils l’étaient encore il y a quarante ans, et en « serrant les boulons » d’une vie chrétienne délivrée des équivoques et des timidités, en formant entre nous cette « société chrétienne » que la France n’est plus, nous serions en mesure de réorienter nos vies en direction du Transcendant.

    Nécessité des appuis sociaux

    Ce dernier argument est à prendre au sérieux. En effet, aussi surnaturelle qu’elle soit dans sa source et ses ressorts intimes, la vie chrétienne dépend inévitablement d’appuis sociaux mis à notre disposition par l’organisation collective dont nous sommes membres : des lieux de culte, des moyens financiers, des administrateurs compétents, des pasteurs respectés, et en général tout ce qui contribue à l’autorité sociale de l’institution religieuse. C’est seulement lorsqu’ils sont soumis à une persécution systématique – une situation, on le sait, qui n’exclut pas une grande fécondité spirituelle – que les chrétiens sont entièrement privés de tels appuis. C’est d’ailleurs la nécessité de trouver de tels appuis qui jadis a conduit l’Église à réclamer l’aide du pouvoir politique, aide qu’elle a obtenue au prix souvent d’un obscurcissement de sa vocation propre qui a fait à son crédit une blessure incurable. Personne aujourd’hui ne réclame ni ne propose un tel appui politique. Il est inenvisageable. C’est pourquoi le dépérissement de la vitalité sociale de l’Église, cette vitalité sociale qui lui avait permis durant la première partie du siècle dernier de s’adapter avec quelque succès à son exclusion de la sphère politique, est un tel motif d’inquiétude ou d’angoisse pour les catholiques aujourd’hui, une inquiétude ou une angoisse qui rend l’« option bénédictine » désirable et plausible.

    Pourtant, si celle-ci aurait pour effet – c’est son propos – de concentrer les forces des catholiques et de leur redonner un sentiment de force, ce regain serait, je crois, de courte durée. Cette option me paraît présenter trois inconvénients.

    1.Tout regroupement défensif comporte un risque de fermeture sectaire, avec l’affaiblissement inévitable de l’exigence intellectuelle et même morale puisque nous serions désormais « entre nous ». Dès lors que nous renonçons à convaincre, persuader ou seulement intéresser ceux qui sont « dehors », un grand ressort de perfectionnement est perdu. En outre, nous prétendrions moissonner avant que ne soit parvenu à maturité ce renouveau de la vie intellectuelle catholique qui constitue l’aspect le plus encourageant de la situation présente du catholicisme.

    2.Étant entendu que nous avons besoin d’appuis collectifs ou sociaux, il ne faut pas exagérer leur contribution à la vie chrétienne. Quelle que soit la situation politique et sociale, mener une vie vraiment chrétienne reste la chose du monde la plus difficile et la plus improbable, elle reste ce fragile miracle qui éclaire et renouvelle incessamment la vie du monde. Si les catholiques ou en général les chrétiens sont sincères, ils admettent que de notre peu de foi, d’espérance et de charité, il n’y a pas d’autre responsable que notre peu de foi, d’espérance et de charité. Le seuil de la vie chrétienne n’est donc pas l’accusation du « monde » ou de la « société » mais la pénitence, « la conversion qui mène à la vie » (Actes, 11, 18).

    3. Il n’y a pas de remède, et il n’en faut point chercher, à la situation exposée du chrétien. Elle entraîne une double obligation, de fidélité à l’Église et de mission à l’égard du prochain, mission aussi urgente et périlleuse aujourd’hui qu’au temps des apôtres. Ne convoitons pas, craignons plutôt l’impression de force recouvrée que susciterait aisément un « rassemblement » catholique. L’autorité de Paul nous l’assure, nous sommes toujours assez nombreux pour que la force de Dieu se donne à voir dans notre faiblesse.

    Du reste, notre responsabilité de chrétiens n’est pas moins politique ou civique que proprement religieuse. Cette Europe qui nous tourne le dos, ne lui tournons pas le dos à notre tour. Si nous voulons donner un sens généreux à ce qui autrement risque de rester un slogan, les « racines chrétiennes de l’Europe », nous devons nous tenir pour responsables de ce qui se passe en Europe, co-responsables avec les autres citoyens préoccupés du sort commun, mais aussi spécialement responsables en tant que chrétiens qui revendiquent la part à nulle autre pareille – bien et mal mêlés – que leur religion a prise dans l’approfondissement de l’âme européenne.

    L’obligation civique des chrétiens

    C’est ici que surgit le nœud où se nouent le rapport de l’Église à elle-même, à sa vie propre, et son rapport à l’Europe. Les chrétiens ne sauraient se consacrer exclusivement à l’approfondissement de leur vie sacramentelle, aussi primordiale soit-elle. En tant que citoyens et en tant que chrétiens ils ne peuvent abandonner l’Europe à son sort. Ils ont une obligation inséparablement civique et chrétienne de préserver ce que, faute d’une meilleure expression, j’appelle la « marque chrétienne » de l’Europe. Or, l’infléchissement imposé par le présent pontificat a redoublé la difficulté de cette tâche. D’une part, ad intra, on obscurcit ou on « floute » la règle sacramentelle, on efface ces seuils qui donnent son sens et son relief à la vie intérieure de l’Église ; d’autre part, ad extra, on égalise les religions, on manifeste son indifférence à leur contenu dogmatique et moral, on se montre supérieurement indifférent à la composition religieuse de la population européenne. Ainsi les articulations politiques et religieuses du monde présent sont-elles ignorées ou brutalisées. Cette humanité politiquement et religieusement informe est le sujet et le véhicule d’une religion sans autre contenu qu’affectif ou sentimental. Dans une telle involution, l’affadissement de l’exigence religieuse ne fait qu’un avec l’obscurcissement du regard politique. On le voit, l’urgence pour les citoyens chrétiens de l’Europe n’est pas moins civique que religieuse. Il s’agit pour eux de préserver ou ranimer la marque chrétienne des nations européennes, et inséparablement de préserver ou ranimer la légitimité politique de celles-ci. Au lieu de chercher refuge dans une « petite société chrétienne », accepter d’être citoyen et chrétien dans la grande société, inhospitalière comme elle l’a toujours été.

    Pierre Manent

    © LA NEF n°303 Mai 2018, mis en ligne le 31 janvier 2023

  • Hommage du cardinal Sarah à Benoît XVI, descendant de saint Augustin

    IMPRIMER

    Benoît XVI a touché l’âme du cardinal Robert Sarah : parce qu’elle lui ressemble, dans la même simplicité et la fraîcheur naturelle de la foi des africains. Lu in « La Nef, n° 355 Février 2023 :

    20221229T1230-OBIT-BENEDICT-1753632.jpg« De nombreux hommages soulignent com­bien Benoît XVI fut un grand théologien. C’est indubitable. Son œuvre durera. Ses livres lumineux sont déjà des classiques. Mais il ne faut pas se tromper. Sa grandeur n’est pas d’abord dans la pénétration universitaire des concepts de la science théologique, mais plutôt dans la profondeur théologale de sa contemplation des réalités divines. Benoît XVI avait le don de nous faire voir Dieu par sa parole, de nous faire goûter sa présence par ses mots. Je crois pouvoir affirmer que chacune des homélies que j’ai entendue de sa bouche fut une véritable expérience spirituelle qui a marqué mon âme. En cela, il est un véritable descendant de saint Augustin, ce Docteur dont il se sentait si proche spirituellement.

    Sa voix, à la fois fragile et chaleureuse, parvenait à nous faire sentir l’expérience théologale qu’il avait lui-même vécue. Elle venait vous saisir au plus intime du cœur pour vous conduire en présence de Dieu. Écoutons-le : « À notre époque où, dans de vastes régions de la terre, la foi risque de s’éteindre comme une flamme qui ne trouve plus où s’alimenter, la priorité qui prédomine est de rendre Dieu présent dans ce monde et d’ouvrir aux hommes l’accès à Dieu. Non pas à un dieu quelconque, mais à ce Dieu qui a parlé sur le Sinaï ; à ce Dieu dont nous reconnaissons le visage dans l’amour poussé jusqu’au bout en Jésus-Christ crucifié et ressuscité. »

    Benoît XVI n’était pas un idéologue rigide. Il était amoureux de la vérité qui, pour lui, n’était pas un concept mais une personne rencontrée et aimée : Jésus, le Dieu fait homme. Souvenons-nous de son affirmation magistrale : « À l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive. » Benoît XVI nous a conduit à faire l’expérience de cette rencontre de foi avec le Christ Jésus. Partout où il allait, il allumait cette flamme dans les cœurs. Auprès des jeunes, des séminaristes, des prêtres, des chefs d’États, des pauvres et des malades, il a ranimé la joie de la foi avec force et discrétion. Se faisant oublier pour mieux laisser briller le feu dont il était porteur. Il rappelait : « c’est uniquement en faisant une certaine expérience que l’on peut ensuite comprendre. » Il n’a cessé de rappeler que cette expérience de rencontre avec le Christ ne contredit ni la raison ni la liberté. « Le Christ n’enlève rien, il donne tout ! »

    Il était parfois seul, comme un enfant face au monde. Prophète de la vérité qui est le Christ face à l’empire du mensonge, messager fragile face aux pouvoirs calculateurs et intéressés. Face au géant Goliath du dogmatisme relativiste et du consumérisme tout puissant, il n’avait d’autres armes que la parole. Ce David des temps modernes osait interpeller : « le désir de la vérité appartient à la nature même de l’homme et toute la création est une immense invitation à rechercher les réponses qui ouvrent la raison humaine à la grande réponse qu’elle cherche et attend depuis toujours : la vérité de la Révélation chrétienne que l’on trouve en Jésus de Nazareth permet à chacun de recevoir le mystère de sa vie. Comme vérité suprême, tout en respectant l’autonomie de la créature et de sa liberté, elle engage à s’ouvrir à la transcendance. On comprend pleinement la parole du Seigneur : vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres ! »

    Mais le mensonge et la compromission ne l’ont pas toléré. Hors de l’Église, mais aussi en son sein, on s’est déchaîné. On a caricaturé ses propos. On les a déformés et ridiculisés. Le monde a voulu le faire taire parce que son message lui était insupportable. On a voulu le bâillonner. Benoît XVI a ranimé alors en notre temps la figure des papes de l’Antiquité, martyrs écrasés par l’Empire romain agonisant. Le monde, comme Rome autrefois, tremblait devant ce vieil homme au cœur d’enfant. Le monde était trop compromis avec le mensonge pour oser entendre la voix de sa conscience. Benoît XVI a été un martyr pour la vérité, pour le Christ. La trahison, la malhonnêteté, le sarcasme, rien ne lui aura été épargné. Il aura vécu le mystère de l’iniquité jusqu’au bout.

    Alors, nous avons vu l’homme discret révéler pleinement son âme de pasteur et de père. Comme un nouveau saint Augustin, la paternité du pasteur a déployé en lui la maturité de sa sainteté. Qui ne se souvient de cette soirée où, ayant rassemblé des prêtres du monde entier sur la place Saint-Pierre, il pleura avec eux, rit avec eux et leur ouvrit l’intimité de son cœur de prêtre ? Nombreux sont les jeunes qui lui doivent leur vocation sacerdotale ou religieuse. Benoît XVI rayonnait comme un père au milieu de ses enfants quand il était entouré de prêtres et de séminaristes. Jusqu’au bout, il a voulu les soutenir et leur parler des profondeurs de son cœur appelé à suivre le Christ dans le don de lui-même jusque dans la souffrance pour les autres. « Pour que le don n’humilie pas l’autre, je dois lui donner non seulement quelque chose de moi, mais moi-même… Le Christ, en souffrant pour nous tous, a conféré un sens nouveau à la souffrance, il l’a introduite dans une dimension nouvelle, dans un ordre nouveau : celui de l’amour. » 

    Benoît XVI a aimé les familles, les malades. Il faut, pour le comprendre, l’avoir vu visiter les enfants hospitalisés. Il faut l’avoir vu leur offrir à chacun un cadeau. Il faut avoir aperçu la discrète larme d’émotion qui faisait briller son regard plein de bonté.

    C’est à lui, il faut s’en souvenir, que nous devons la lucidité de l’Église sur la pédocriminalité. Il a su appeler le péché par son nom, rencontrer et écouter les victimes et punir les coupables sans cette complicité qui se masque parfois sous une contrefaçon de miséricorde.

    Malgré cela, ou peut-être à cause de cet amour de la vérité, il a été toujours plus méprisé. Alors, le prophète, le martyr, le père si bon, s’est fait maître de prière. Je ne puis oublier cette soirée à Madrid où devant plus d’un million de jeunes enthousiastes, il a renoncé au discours qu’il avait préparé pour les inviter à prier en silence avec lui. Il fallait voir ces jeunes du monde entier, silencieux, à genoux derrière celui qui leur montrait l’exemple. Ce soir-là, par sa prière silencieuse, il a enfanté une nouvelle génération de jeunes chrétiens : « Seule l’adoration nous rend véritablement libres ; elle seule nous donne les critères pour notre action. Dans un monde où les critères d’orientation viennent à manquer et où existe la menace que chacun fasse de soi-même sa propre mesure, il est fondamental de souligner l’adoration. »

    Son insistance sur l’importance de la liturgie trouve là sa raison profonde. Il savait que, dans la liturgie, l’Église se retrouve face à Dieu. Si, en ce lieu, elle n’est pas à sa juste place, alors elle court à sa ruine. Il répétait souvent que la crise de l’Église était fondamentalement une crise liturgique, c’est-à-dire une perte du sens de l’adoration. « Le mystère est le cœur d’où nous tirons notre force ! », aimait-il à répéter. Il a tant œuvré pour redonner aux chrétiens une liturgie qui soit selon ses propres termes « un véritable dialogue du Fils avec le Père ».

    Face à un monde sourd à la vérité, face parfois à une institution ecclésiastique qui refusait d’entendre son appel, Benoît XVI a finalement choisi le silence comme ultime prédication. En renonçant à sa charge, en se retirant dans la prière, il a rappelé à tous que « nous avons besoin d’hommes qui dirigent leur regard droit sur Dieu et apprennent en lui ce qu’est la véritable humanité. Nous avons besoin d’hommes dont l’intelligence soit éclairée par la lumière de Dieu et à qui Dieu ouvre le cœur de manière que leur intelligence puisse parler à l’intelligence des autres et que leur cœur puisse ouvrir le cœur des autres ». Sans le savoir, le pape traçait ainsi son propre portrait, ajoutant même : « c’est seulement des saints, c’est seulement de Dieu que vient la véritable révolution, le changement décisif du monde. »

    Benoît XVI aura-t-il été la dernière lueur de la civilisation chrétienne ? Le crépuscule d’une époque révolue ? Certains voudraient le croire. Il est vrai que, sans lui, nous nous sentons orphelins, privés de cette étoile qui nous guidait. Mais désormais, sa lumière est en nous. Benoît XVI, par son enseignement et son exemple, est le Père de l’Église du troisième millénaire. La lumière joyeuse et paisible de sa foi nous éclairera longtemps.

    Cardinal Robert Sarah »

     Ref. Benoît XVI : le descendant de saint Augustin

  • "Le Christ est devenu une figure pratiquement inconnue pour la plupart des Néerlandais d'aujourd'hui" (cardinal Eijk)

    IMPRIMER

    De Solène Tadié sur le National Catholic Register :

    Le 'Conseil Pastoral' et l'effondrement de la foi catholique aux Pays-Bas

    Un événement national qui s'est déroulé de manière autonome au lendemain de Vatican II et qui est comparé par les commentateurs au chemin synodal allemand est considéré comme un catalyseur de la déchristianisation massive du pays au cours des dernières décennies.

    Cardinal Willem Eijk, shown speaking at a press conference at Friezenkerk, the Dutch Church near St. Peter's Square, on Oct. 23, 2015, told the Register this mont, ‘Christ has become a virtually unknown figure to most Dutch people today.’
    Le cardinal Willem Eijk, que l'on voit s'exprimer lors d'une conférence de presse à Friezenkerk, l'église néerlandaise située près de la place Saint-Pierre, le 23 octobre 2015, a déclaré au Register ce mois-ci : " Le Christ est devenu une figure pratiquement inconnue pour la plupart des Néerlandais aujourd'hui. (photo : Bohumil Petrik / CNA)

    1er février 2023

    Les derniers rapports et statistiques des Pays-Bas concernant la pratique religieuse laissent peu de place à l'optimisme.

    En effet, les données publiées avant la visite ad limina des évêques néerlandais en novembre ont estimé le nombre de catholiques pratiquants dans le pays à seulement 2,7% pour 2022. 

    Et, selon les données du "World Values Survey" analysées en janvier par le Center for Applied Research in the Apostolate, la participation à la messe aux Pays-Bas est la plus faible parmi les 36 pays à forte population catholique, avec seulement 7 % des catholiques qui s'identifient comme tels participant à la messe chaque semaine. 

    Si cette tendance s'inscrit dans un contexte européen de déchristianisation généralisée, le pays semble souffrir d'une désaffection plus profonde de la foi catholique que dans les pays voisins. Certains experts voient dans cette chute libre de la foi une conséquence directe du "Conseil pastoral" national qui s'est tenu dans les années 1960 à la suite du Concile Vatican II, dirigé par des clercs et des théologiens qui visaient à moderniser l'Église en modifiant sa doctrine.

    Selon le dernier rapport des évêques néerlandais, bien que les catholiques romains constituent désormais le plus grand groupe de croyants chrétiens (20,8 %) dans ce pays à forte tradition calviniste, le nombre de catholiques pratiquants a chuté de plus d'un tiers (36 %) pendant la crise sanitaire entre 2019 et 2022. La baisse annuelle était auparavant d'environ 6 %.

    Parmi les autres chiffres alarmants, le nombre de baptêmes a chuté de 19 680 en 2012 à 6 310 en 2021, et le nombre de mariages catholiques est passé de 2 915 à 660 pour la même période. 

    Quelques mois plus tôt, le diocèse d'Amsterdam annonçait que plus de 60% de ses églises fermeraient dans les cinq années à venir en raison de la baisse de fréquentation des fidèles, du manque de congrégations et de dons. 

    Les racines d'une hémorragie

    Commentant ce que l'on pourrait qualifier d'hémorragie dans une interview accordée au Register, le cardinal Willem Eijk, primat des Pays-Bas et président de la Conférence épiscopale néerlandaise, a déclaré que tous les diocèses du pays étaient touchés par les fermetures et que ce n'était qu'une question de temps avant que le déclin ne se manifeste. 

    Selon le cardinal néerlandais, le déclin de l'Église aux Pays-Bas remonte aux événements survenus au milieu des années 1960, avec pour effet immédiat qu'en l'espace d'une décennie seulement, entre 1965 et 1975, la fréquentation des églises a diminué de moitié. Cette tendance dramatique s'est poursuivie de manière constante jusqu'à aujourd'hui, bien que de manière moins radicale que durant la première décennie. Ces presque 60 ans d'érosion constante de la foi ont conduit le cardinal Eijk à l'amère conclusion que "le Christ est devenu une figure pratiquement inconnue pour la plupart des Néerlandais d'aujourd'hui."

    Lire la suite

  • L'Arche publie un rapport de 900 pages divulguant les pratiques déviantes de Jean Vanier

    IMPRIMER

    De Jean-Marie Guénois sur le site du Figaro :

    Un rapport d'experts révèle l'ampleur d'un scandale sexuel impliquant Jean Vanier

     

    « Aucune personne handicapée » n'aurait été victime de Jean Vanier ni du père Thomas Philippe, veut rassurer L'Arche, œuvre fondée par ces deux personnalités en 1964 pour accueillir des personnes en situation de handicap. Un argument qui ne saurait éclipser le scandale : cette célèbre association a publié lundi un rapport d'experts de 900 pages (disponible sur arche-france.org) accablant quant aux comportements sexuels de ces deux hommes.

    L'un, Jean Vanier (1928- 2019), était un laïque célibataire canadien, jugé comme un « saint vivant » à la fin de sa vie. L'autre, le père Thomas Philippe (1905-1993), était un religieux dominicain français, très connu et controversé.

    Jean Vanier ? « Vingt-cinq ­femmes majeures, célibataires, mariées ou consacrées, non handicapées, ont ainsi été identifiées pour avoir vécu, à un moment de leur relation avec Jean Vanier, une situation impliquant un acte sexuel ou un geste intime entre 1952 et 2019 », écrit le rapport. Avec cette « hypothèse » : « Ce nombre de vingt-cinq est inférieur au nombre réel de femmes concernées. » Quant au mentor de Jean Vanier, le père dominicain Thomas Philippe, « l'exploration du matériau d'enquête a permis d'identifier vingt-trois personnes, hommes et femmes, abusées sexuellement (par le religieux, NDLR), dont un petit nombre recoupe le chiffre de 33 victimes déjà identifiées à Rome par le Saint- Office dans les années 1950 (il avait subi alors une sanction canonique, NDLR). Les nombres ici cités sont nettement en deçà du nombre de personnes abusées sexuellement par Thomas Philippe. »

    En réalité, cette affaire avait ­explosé en février 2020, avec la publication de plusieurs témoignages accusateurs mais qui éma­naient seulement de victimes. L'Arche internationale avait alors commissionné six spécialistes, dont l'historien Florian Michel, et ouvert ses archives ainsi que ­celles de l'ordre dominicain, pour établir la vérité.

    Quelle vérité ? Le rapport écrit : « Les situations, les gestes et les actes sont hétérogènes. Certains actes d'agression ou d'abus sexuels ont eu lieu dans le cadre d'une relation d'emprise, d'autres non, mais ils s'inscrivent dans un continuum de violences sexuelles marqué par l'expérience de l'emprise, de l'abus d'autorité et, plus généralement, par la confusion des sphères spirituelles, affectives et sexuelles. »

    Et le document détaille les ­actes : « La posture régulièrement décrite est celle de Jean Vanier - c'est le cas aussi avec Thomas Philippe et Marie-Dominique ­Philippe (son frère, également ­prêtre) -, à genoux, tête posée sur la poitrine nue de la personne » qu'il suit en entretien spirituel. « Les gestes tactiles s'intensifient pendant la prière et l'accompagnement (ils se tiennent les mains, têtes rapprochées, les fronts se touchent, ils se prennent dans les bras l'un l'autre). Les différents récits évoquent une gamme similaire d'attouchements, recouvrant en particulier des “baisers sur la bouche chaque fois plus appuyés, passionnels”, “voluptueux, passionnés”, et des caresses sur les zones érogènes de chacun, particulièrement la poitrine féminine. Dans plusieurs cas, les attouchements ont progressé vers des actes d'agression sexuelle. La nudité partielle, l'absence de coït ainsi que la justification spirituelle de l'abus sexuel conduisent Jean Vanier à considérer qu'il s'agit là d'une pratique non sexuelle. »

    Les signataires du rapport ­expliquent encore : « Parce qu'il considère ces expériences comme de la “sexualité chaste”, Jean ­Vanier y a invité indifféremment des femmes célibataires, en couple, mariées ou ayant prononcé des vœux religieux de chasteté, des femmes ayant déjà une sexualité active ou des femmes n'ayant jamais eu d'expérience sexuelle avec un partenaire. »

    «Folie érotique»

    Mais comment Jean Vanier, un laïque canadien très connu et respecté dans le monde catholique pour son œuvre auprès des personnes handicapées, a-t-il pu se livrer à de telles pratiques ? Sur la base de courriers « intimes » entre Jean Vanier et Thomas Philippe, l'analyse des six experts met en lumière la dérive de leurs liens : ils sont passés d'une « filiation spirituelle » à une « initiation de Jean Vanier aux pratiques mystico-sexuelles de son père spirituel ». Ce dernier, rapporte la commission d'experts, « dit avoir vécu en 1938 à Rome une union mystico-sexuelle avec la Vierge Marie qui lui aurait révélé un “secret” : Jésus et Marie auraient eu des relations mystico-sexuelles dans le but de réhabiliter la chair et d'inaugurer les relations mystico-amoureuses qui se vivront dans le Royaume ».

    Le document ajoute : « Une religieuse abusée au début des années 1950 témoigne qu'il arguait que les caresses ont pour fonction de transsubstantier son corps de femme en celui de Marie, assimilant ainsi ces échanges sexuels à un sacrement. La même continue en indiquant qu'il cherchait à justifier ce modèle incestueux en affirmant qu'il n'y avait aucune ligne de démarcation entre amour maternel et amour conjugal, qu'il y avait l'amour tout court, qui exigeait une totale liberté ».

    Les experts pointent son ­« délire » et sa « folie érotique ». Jusqu'au sordide. Un commissaire du Saint-Office, l'ancêtre de la congrégation romaine de la Doctrine de la foi, note, en 1955, qu'il est « informé d'un avortement intervenu en 1947, auquel est donné un sens “mystique” avec une vénération du fœtus mort comme quelque chose de sacré, lié au “secret de la T. S. Vierge”. L'enfant avorté est le fruit des relations sexuelles entre Thomas Philippe et Anne de R. L'ancienne prieure du carmel de Nogent-sur-Marne, Mère Thérèse, confirme les faits et reconnaît son implication ». 

  • Les quatre défis du voyage du pape François en Afrique

    IMPRIMER

    (Jean-Marie Guénois, Le Figaro) ANALYSE :

     Le déplacement du Saint-Père sur le continent africain revêt une importance particulière. -- Le pape François entame ce mardi un périple africain qui doit d’abord le conduire en République démocratique du Congo, jusqu’à vendredi, puis au Soudan du Sud. Il doit rentrer à Rome dimanche soir. Ce voyage aurait dû avoir lieu en juillet 2022, mais il avait été annulé à la dernière minute suite, officiellement, aux problèmes de genou de François, mais les questions de sécurité avaient pesé. À 86 ans, toujours handicapé, François n’a donc pas voulu trahir sa promesse de venir au Soudan du Sud, notamment, pays pour lequel il s’est personnellement impliqué pour la paix. Un accord fut signé à Rome en 2020, mais peu respecté depuis. Ce dossier lui tient à cœur - et à celui de la communauté Sant Egidio qui agit en coulisses - au point que François, lors d’une réunion préparatoire à Rome, le 19 avril 2019, s’était prosterné devant le président Salva Kiir et le chef des rebelles, Riek Machar, du Soudan du Sud pour leur… embrasser les pieds. Un geste totalement inédit pour un pape, hors liturgie. François aime les actes marquants. Il en faudra pour répondre aux quatre défis de son quarantième voyage international.

    Premier défi: honorer le continent africain. François le visite pour la cinquième fois depuis son élection, il y a presque dix ans, le 13 mars 2013, mais l’Afrique n’a pas vraiment été sa priorité. Ses nominations romaines le démontrent: il n’a plus aucun cardinal africain à la tête des dicastères. Il en a remercié deux, les cardinaux Robert Sarah et Peter Turkson, sans les remplacer de ce point de vue. Ce que les Africains n’apprécient pas compte tenu de ce qu’ils représentent dans l’Église. Quant à ses voyages, l’Afrique est le continent que François aura le moins visité, alors qu’il est allé six fois, par exemple, en Asie centrale et Asie, sa priorité géo-ecclésiale, avec la Chine en ligne de mire.

    Deuxième défi: l’affermissement des catholiques pour contenir la montée des évangéliques. Si la République démocratique du Congo est encore le premier pays catholique francophone du monde, en termes de fidèles, la situation s’altère. Avec 52 millions de catholiques sur plus de 105 millions d’habitants, cette religion vient de passer sous la barre des 50 % de la population parce que la montée des protestants évangéliques est plus rapide que la progression des catholiques. 22 % des Congolais sont protestants, un sur cinq est évangélique. Comme partout, ces derniers font preuve d’un grand dynamisme. L’Église est puissante mais elle ne peut se reposer sur ses lauriers. Elle peut compter sur 77.000 «catéchistes», qui sont très importants en Afrique, ce sont eux les véritables vecteurs des communautés, et 6 162 prêtres, deux fois moins qu’en France pour des besoins bien supérieurs. Elle gère aussi 40 % des établissements de santé et 30 % des écoles publiques.(*)

    Un pontificat très bousculé ces derniers temps

    Troisième défi: le soutien de l’Église dans son rôle de stabilisateur politique. La réalité de la République démocratique du Congo (RDC) et celle du Soudan du Sud, où les catholiques sont majoritaires à 52,4 %, ne sont pas comparables, mais l’implication de l’Église dans la vie sociale et politique a des similitudes, applicables à d’autres pays du continent. En RDC l’Église jouit d’une autorité hors norme, parce qu’elle a toujours été l’une des figures de résistance aux régimes autoritaires depuis les années 1960. Seulement indépendant depuis 2011, le Soudan du Sud semble n’avoir connu que la guerre, l’instabilité, les morts par millions, agité qu’il est à présent par plusieurs ethnies rivales, les Dinka, les Nuer et aujourd’hui les Murle. Avec un sous-sol… d’une richesse extrême! Les accords de paix (Addis Abeba en 2018, Rome en 2020) soutenus par l’Église semblent caducs. Les élections, prévues en 2023, ont été reportées à 2025. Mais l’Église veut concourir au dialogue entre ennemis, envers et contre tout.

    Quatrième défi: la confirmation du leadership du pape François. La mort de Benoît XVI, la grogne de certains cardinaux, le scandale du jésuite Rupnik (où François nie toute responsabilité), la santé du pape, nourrissent un climat romain délétère. Sur la défensive, François vient de se justifier point par point dans une longue interview accordée à l’agence Associated Press, le 24 janvier. La chaleur des catholiques africains ne sera pas de trop pour redonner de l’élan à un pontificat très bousculé ces derniers temps.

    (Le Figaro) »

    (*) S’agissant des confessions religieuses, traitées au "deuxième défi": à défaut de recensions  rigoureuses postérieures au régime colonial (1960) la fiabilité des chiffres avancés de l’une à l’autre source varie considérablement: la remarque vaut tout spécialement pour les sectes protestantes volatiles du type « églises du réveil » et autres (NdBelgicatho).

  • Tolérance zéro pour l'homosexualité : le Soudan du Sud a déjà exprimé son refus au pape

    IMPRIMER

    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso (traduction de Diakonos.be) :

    Tolérance zéro pour l’homosexualité. Le Soudan du Sud a déjà dit son non au Pape

    L’interview qu’il a accordée le 24 janvier à Associated Press va causer bien des soucis au Pape François quand il atterrira ce 3 février à Djouba, au Soudan du Sud, la seconde étape, après le Congo, de son prochain voyage en Afrique.

    Dans cette interview, le Pape a purement et simplement déclaré que « l’homosexualité n’est pas un crime » et qu’il est donc « injuste » que « plus de 50 pays » la condamnent et la punissent, parmi lesquels « dix ou douze, plus ou moins », carrément par la peine de mort.

    Et donc, a-t-il ajouté, les évêques de ces pays doivent réagir contre ces lois et la culture qui les produit.

    Ces paroles du Pape ont fait le tour du monde et sont parvenues jusqu’au Soudan du Sud où l’homosexualité constitue un délit punissable de jusqu’à 14 ans de prison. Et vendredi 27 janvier, lors d’une conférence de presse à l’issue d’une réunion de cabinet présidée par le président Salva Kiir, le ministre de l’information Michael Makuei Lueth a déclaré : « Si lui, le Pape, vient ici nous dire que le mariage entre personnes de même sexe, l’homosexualité est légale, nous dirons non ».

    « Dieu ne s’est pas trompé », a poursuivi le ministre. « Il a créé l’homme et la femme et leur a dit de se marier l’un à l’autre et de peupler la terre. Deux partenaires du même sexe peuvent-il faire naître quoi que ce soit ? Notre constitution est très claire et dit que le mariage est pour les personnes de sexes différents et que chaque mariage homosexuel est un crime, c’est un crime constitutionnel ».

    M. Makuei a cependant ajouté que « ce n’est pas pour cela que le Pape viendra au Soudan du Sud », parce que son objectif principal est de prêcher la paix. Et il le fera avec le primat de l’Église anglicane Justin Welby et le modérateur de l’Église presbytérienne d’Écosse Iain Greeshields : « un événement historique », parce que « ces trois personnes étaient à Rome quand nos chefs s’y sont rendus et à présent ils viennent de nouveau ici ensemble, et cela signifie que c’est quelque chose de spécial pour le Soudan du Sud ».

    Il faisait ainsi référence à la visite du président Salva Kiir et du vice-président Riek Lachar au Vatican en avril 2019, pour participer à une retraite spirituelle que le Pape avait conclue en s’inclinant pour leur baiser les pieds à tous deux (voir photo).

    Ces deux représentants, appartenant à des tribus rivales, étaient en guerre et la guerre s’était poursuivi les années suivantes, faisant 400.000 morts et deux millions de déplacés.

    Mais pour en revenir à la question de l’homosexualité, il faut préciser que l’Église anglicane elle-même est fortement divisée sur la question.

    Au Royaume-Uni et en Amérique du Nord, ceux qui veulent faire tomber tous les tabous et bénir à l’église les mariages entre personnes de même sexe dominent. Cependant, en Afrique, où vivent trois quart des anglicans du monde entier, l’opposition est très forte et empêche qu’une décision partagée soit prise.

    Le 18 janvier à Londres, un compromis a été proposé : une simple prière facultative pour les unions civiles entre personnes de même sexe.
    Comme on peut le constater aisément, la division actuelle dans l’Église anglicane est très semblable à celle de l’Église catholique sur la même question. Le Dicastère pour la doctrine de la foi a interdit les bénédictions des unions homosexuelles, mais en Allemagne, en Belgique et dans d’autres pays elle est justifiée et pratiquée de la même manière, et le Pape François laisse faire, et même, quand il a rencontré les évêques Belges fin novembre, il leur a fait comprendre qu’il leur donnait son approbation.

    Le 5 février, lors de la conférence de presse prévue dans l’avion de retour à Rome, le Pape François aura à ses côtés Welby et Greenshields. Et il y a fort à parier que les questions sur l’homosexualité ne manqueront pas.