Du Cardinal Robert Sarah sur le Figaro Vox via "Le Scrutateur" :
Robert Sarah: «L’épidémie du Covid-19 ramène l’Église à sa responsabilité première: la foi»
TRIBUNE - Trop souvent, l’Église a voulu prouver qu’elle était «de ce monde» en se consacrant à des causes consensuelles plutôt qu’à l’apostolat, déplore le cardinal guinéen*.
L’Église a-t-elle encore une place en temps d’épidémie au XXIe siècle? Contrairement aux siècles passés, l’essentiel des soins médicaux est désormais assumé par l’État et le personnel de santé. La modernité a ses héros sécularisés en blouse blanche, et ils sont admirables. Elle n’a plus besoin des bataillons charitables des chrétiens pour soigner les malades et enterrer les morts. L’Église serait-elle devenue inutile à la société?
Le Covid-19 reconduit les chrétiens à l’essentiel. En effet, depuis longtemps, l’Église est entrée dans un rapport faussé au monde. Confrontés à une société qui prétendait n’avoir pas besoin d’eux, les chrétiens, par pédagogie, se sont efforcés de démontrer qu’ils pouvaient lui être utiles. L’Église s’est montrée éducatrice, mère des pauvres, «experte en humanité» selon l’expression de Paul VI. Elle avait bien raison de le faire. Mais peu à peu les chrétiens ont fini par oublier la raison de cette expertise. Ils ont fini par oublier que si l’Église peut aider l’homme à être plus humain, c’est en définitive parce qu’elle a reçu de Dieu les paroles de la vie éternelle.
L’Église s’est engagée dans les luttes pour un monde meilleur. À bon droit, elle a soutenu l’écologie, la paix, le dialogue, la solidarité, et l’équitable répartition des richesses. Tous ces combats sont justes. Mais ils pourraient faire oublier la parole de Jésus: «Mon royaume n’est pas de ce monde». L’Église a des messages pour ce monde, mais uniquement parce qu’elle a les clefs de l’autre monde. Les chrétiens ont parfois pensé l’Église comme une aide donnée par Dieu à l’humanité pour améliorer sa vie d’ici-bas. Et ils ne manquaient pas d’arguments tant la foi en la vie éternelle éclaire la juste manière de vivre en ce siècle.
Mourir de désespoir et de solitude
Le Covid-19 a mis à nu une maladie insidieuse qui rongeait l’Église: elle se pensait comme «de ce monde». Elle voulait se sentir légitime à ses yeux et selon ses critères. Mais un fait radicalement nouveau est apparu. La modernité triomphante s’est effondrée devant la mort. Ce virus a révélé que, malgré ses assurances et ses sécurités, le monde d’ici-bas restait paralysé par la peur de la mort. Le monde peut résoudre des crises sanitaires. Il viendra certainement à bout de la crise économique. Mais il ne résoudra jamais l’énigme de la mort. La foi seule a la réponse.
Illustrons ce propos très concrètement. En France, comme en Italie, la question des maisons de retraite, les fameux Ehpad, a été un point crucial. Pourquoi? Parce que se posait directement la question de la mort. Les résidents âgés devaient-ils être confinés dans leur chambre au risque de mourir de désespoir et de solitude? Devaient-ils rester en contact avec leurs familles, au risque de mourir du virus? On ne savait pas répondre.