De Christophe Henning sur le site du journal La Croix :
Marthe Robin accusée de « fraude mystique »
Un long travail d’enquête mené par Conrad De Meester dénonce la vénérable Marthe Robin, coupable de plagiat et de fraude mystique. Son livre posthume (1) suscite déjà, avant même sa sortie, une vive émotion.
2/10/2020
Le message spirituel de Marthe Robin ne serait pas de Marthe. Ses écrits seraient le résultat d’un patchwork habile mais frauduleux, à partir de dizaines d’auteurs mystiques. Presque trente ans après sa mort, tandis que Rome a reconnu, en 2014, les vertus héroïques de la « sainte » de la Drôme, un livre, à paraître le 8 octobre, dénonce, selon son auteur, une imposture.
La mise en cause émane d’un carme déchaux, le père Conrad De Meester (1936-2019), spécialiste de la mystique, qui a travaillé sur les écrits de Thérèse de Lisieux et Élisabeth de la Trinité… Pas surprenant qu’il ait été sollicité en 1988 pour étudier les textes de Marthe Robin en vue de son procès en béatification.
Une enquête scrupuleuse
Quand il décède en décembre 2019, son supérieur découvre le manuscrit sur lequel l’auteur a travaillé jusqu’à ses derniers jours : l’enquête sur Marthe Robin, c’est l’œuvre d’une vie. Dans un tiroir, le contrat signé en 2012 avec les éditions du Cerf. En résultent 400 pages d’un livre implacable, fruit d’une enquête précise et scrupuleuse, menée avec le plus grand respect, en dépit d’une conclusion sans concession : Marthe Robin a trompé son monde.
La paralysie, les stigmates, l’absence de nourriture pendant un demi-siècle excepté l’hostie consacrée, les visions : le frère carme n’est pas le premier à se poser des questions. Un capucin, le frère Marie-Bernard, l’ayant rencontrée dans les années 1940 finit par douter : « Dans cette affaire, ne me suis-je pas avancé imprudemment ? » Le postulateur, le père Bernard Peyrous, dans un livre publié en 2006, s’interrogeait déjà : « Si ses jambes sont paralysées, il est certain que Marthe tente de se déplacer quand ses bras lui répondent. (…) Elle agit donc ainsi la nuit, dans les périodes où cela est possible. »
Mais ce ne sont pas les aspects surnaturels qui mobilisent Conrad De Meester : ce sont ses écrits qui vont trahir Marthe Robin. Plus il avance dans leur lecture, plus une impression trouble se dégage : De Meester a déjà lu cela quelque part. « La quantité d’emprunts effectués, et le fait que Marthe elle-même ne les avait jamais signalés, me déconcertait », relève-t-il, avant de se lancer dans un décryptage minutieux.