De Mgr Giovanni D'Ercole* sur le site de la Nuova Bussola Quotidiana :
Le père Jean Pierre, homme de paix et prophète de l'avenir
29-11-2021
La mort et les funérailles au Maroc du moine trappiste de 97 ans qui avait échappé au massacre de Tibhirine (Algérie) en 1996 ont montré comment l'amitié entre chrétiens et musulmans peut naître lorsque la foi est vécue dans la fidélité quotidienne à l'Évangile, sans compromis, même au prix de sa vie. L'étreinte des chrétiens et des musulmans autour de sa tombe était le miracle d'une amitié possible lorsque la recherche sincère de Dieu habite le cœur humain.
Le père Jean Pierre Schumacheur repose, enterré à même la terre comme le veut la tradition des trappistes, dans le cimetière du monastère de Notre Dame de l'Atlas à Midelt, au Maroc, aux côtés de six sœurs franciscaines missionnaires de Marie qui ont consacré toute leur vie aux peuples du Maghreb. Jean Pierre est le premier trappiste à reposer dans ce cimetière. Il a lui-même souhaité reposer dans ce cimetière parce qu'il se trouve à quelques mètres seulement du cimetière de ses frères musulmans, avec lesquels il a toujours recherché une entente non pas fondée sur un dialogue théologique mais sur une amitié humaine capable de dépasser les barrières et les préjugés. Et d'assister à son enterrement, immédiatement après la célébration eucharistique présidée par l'archevêque de Rabat Card. Cristobal Lopez, en fin de matinée du 23 novembre, ce sont eux, ses amis musulmans, qui le traitaient comme un père et le vénéraient déjà comme un saint.
Pourquoi ? Qu'a fait cet humble trappiste qui a échappé au massacre de 1996 à Tibhirine, en Algérie, où sept moines, déclarés bienheureux en 2008, ont été martyrisés ? Les nombreux messages qui continuent d'arriver de toutes les parties du monde montrent que la vie de ce prêtre de 97 ans, devenu trappiste après plusieurs années d'appartenance à la congrégation des Pères Maristes, a été un témoignage de paix et une "prophétie de l'avenir". C'est ainsi que je définirais sa mort et ses rites funéraires.
Un "homme de paix", c'est ce qu'écrivent et disent de lui tous ceux qui, dans toutes les parties du monde, commentent sa mort au monastère de Notre Dame d'Atlas, lieu solitaire de présence chrétienne au milieu d'un territoire habité par des Berbères, islamisé par l'occupation des Arabes.
Jean Pierre Flachaire, qui est en France pour un traitement médical, et cela m'a donné l'occasion de respirer l'atmosphère de soins que les cinq moines, plus un ermite, ont entretenu pour leur frère âgé, dont la santé était de plus en plus fragile mais dont le tempérament était celui d'un chef sur le champ de bataille jusqu'à la fin.
Son apostolat était un dialogue par correspondance : il recevait et répondait toujours personnellement aux milliers de lettres d'amis et de connaissances avec lesquels il maintenait un contact spirituel constant. Il m'a dit un jour, en me montrant un paquet de lettres : "Je suis en correspondance régulière avec ces personnes depuis 17 ans, même si je ne les connais pas et ne les ai jamais vues. Ma mission est d'écouter, de prier et de consoler. Mais maintenant, je ne peux plus le faire.
C'est vrai, malgré lui, il a dû finir par s'y résoudre, car il ne pouvait même plus écrire, et son seul engagement était la prière. Il était à mes côtés dans le chœur et je l'ai souvent surpris dans l'obscurité de la chapelle en pleine contemplation silencieuse. Il était de plus en plus faible, on sentait la fatigue et la faiblesse de l'âge, mais de son visage transparaissait la paix intérieure qui l'habitait et qu'il était capable de communiquer à tous. Oui, c'était son charisme : vivre dans la paix et la transmettre à tous ceux qu'il rencontrait.
Le mardi 16 novembre, je me suis absenté pour participer à une session de formation pour le clergé du diocèse de Rabat, et je suis rentré tard dans la soirée du samedi 20 novembre. "Les frères ont été très gentils avec moi", c'est ce qu'il m'a dit quand je suis allé dans ma cellule pour lui dire au revoir, et ce sont ses derniers mots car pendant la nuit il a accéléré son voyage vers la rencontre avec Dieu. Il semblait qu'il nous attendait car il a immédiatement commencé à partir sans gémir ni haleter, sans les halètements de l'agonie. Il lui restait un léger sourire sur le visage, qui devenait progressivement de plus en plus absent, semblant déjà plongé dans un autre monde illuminé par le mystère de la Vie. Il est décédé alors que le moine infirmier récitait le chapelet, une dévotion mariale qui lui était très chère.