De John L. Allen sur Crux :
Quand un cardinal néerlandais réagit à "Fiducia Supplicans"
21 janvier 2024
L'influence du cardinal néerlandais Wim Eijk, âgé de 70 ans, est manifeste dans la réponse soigneusement formulée par les évêques néerlandais à Fiducia Supplicans et qui est parvenue à marquer un net contraste sans pour autant tomber dans une dissidence ouverte. (Précédemment, à ce même propos, le cardinal Eijk était déjà intervenu pour "recadrer" les évêques flamands (1) (ndB)).
Jusqu'à présent, la plupart des observateurs du Vatican s'accordaient à dire que le grand favori des conservateurs pour le prochain pape était le cardinal Péter Erdő de Budapest, 71 ans, un avocat canoniste de talent qui occupe le poste de primat de Hongrie depuis 2002 et qui a été reconnu comme un leader fort tant au niveau national qu'au niveau de l'Église mondiale. (Mgr Erdő a notamment été le rapporteur, ou président, des deux synodes ultracontentieux des évêques sur la famille en 2014 et 2015).
Toutefois, à la suite de la déclaration sur Fiducia Supplicans, le prélat néerlandais semble susceptible de bénéficier d'un second regard de la part des conservateurs à la recherche d'un candidat qui mènerait l'Église dans une direction différente, mais sans trop de coups de fouet ecclésiastiques.
Avant de poursuivre, deux mises en garde.
Tout d'abord, la déclaration du 16 janvier n'a pas été publiée personnellement par Mgr Eijk mais par les 11 évêques catholiques des Pays-Bas, et il n'est peut-être pas tout à fait juste d'attribuer à Mgr Eijk la responsabilité personnelle d'un effort collectif. Bien sûr, cela n'empêchera pas la plupart des gens de le faire de toute façon. C'est le problème quand on est le gros poisson d'un petit étang : tout le monde suppose que tout ce qui se passe dans cet étang, en bien ou en mal, est de votre fait.
Deuxièmement, il n'y a aucune raison de supposer que les motivations d'Eijk pour rejoindre la déclaration étaient politiques, et certainement aucune raison de croire qu'il s'agissait d'augmenter sa cote en tant que papabile, c'est-à-dire candidat à la fonction de prochain pape. Pourtant, tout ce que fait un cardinal comporte inévitablement un sous-texte politique, qu'il le veuille ou non. C'est d'autant plus vrai que le pape vieillit et que sa santé se dégrade, ce qui l'amène inévitablement à penser à la suite de son pontificat.
Si la déclaration du 16 janvier peut inciter les catholiques conservateurs à porter un nouveau regard sur Eijk, c'est en grande partie en raison de l'équilibre entre la retenue et la clarté du document.
Tout d'abord, la déclaration ne compte que 292 mots dans sa traduction anglaise, ce qui illustre ce que les correcteurs ont essayé de faire comprendre aux jeunes auteurs prolixes depuis des générations : En effet, il n'est pas toujours nécessaire d'avoir beaucoup de mots pour dire beaucoup de choses.
Notamment, il n'y a aucune critique du pape François ou du cardinal argentin Víctor Manuel Fernández, le préfet du Dicastère du Vatican pour la doctrine de la foi qui a publié Fiducia Supplicans, et aucune utilisation de termes incendiaires tels que "hérésie", "erreur" ou "apostasie".
En fait, il n'y a aucune répudiation explicite de Fiducia Supplicans, et les évêques prennent même la peine de déclarer qu'"avec le pape François", ils veulent "souligner l'importance pastorale de la proximité et de l'accompagnement".
Pourtant, dans le même temps, il ne fait aucun doute que les évêques adoptent une position différente sur la question cruciale de savoir qui, exactement, serait l'objet des bénédictions non liturgiques envisagées par Fiducia Supplicans. Le document du Vatican fait référence à plusieurs reprises à un "couple" et à des "couples" recevant de telles bénédictions, alors que la déclaration néerlandaise ne fait référence qu'à des individus, employant soigneusement la troisième personne du singulier ("il/elle" et "son") afin de souligner le point.