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Débats - Page 7

  • La clique de Sant'Anselmo qui mène la guerre contre le rite ancien

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    De Luisella Scrosati sur la Nuova Bussola Quotidiana :

    La clique de Sant'Anselmo en guerre contre le rite ancien

    27-02-2023

    Du secrétaire Viola aux sous-secrétaires García Macías et Marcjanowicz, jusqu'à Ravelli et Midili qui dirigent les célébrations pontificales : ils viennent tous de l'Athénée Sant'Anselmo et ne se déplacent qu'animés par un aveuglement idéologique face à la réalité. Ce sont les personnes qui font la guerre à l'ancienne Messe. 

    Toute personne, même si elle n'est pas très douée intellectuellement, est capable de comprendre que la croisade menée contre le rite ancien, depuis Traditionis Custodes jusqu'au récent Rescrit, n'est rien d'autre qu'un désir de vengeance, une fureur aveugle et morbide. Le constat est simple : l'Église catholique se retrouve presque exsangue, avec des évêques qui saluent l'homosexualité, des prêtres "choyés" qui abusent des religieuses et sont protégés par les plus hautes instances, des couvents fermés de force, des églises et des séminaires de plus en plus vides, des catholiques qui fuient l'Église.

    Si l'on exclut la Pologne, dans les pays occidentaux, la participation à la messe, au moins hebdomadaire, est nettement inférieure à 50 % : l'Italie se situe honteusement à 34 %, mais semble même faire bonne figure par rapport à l'Espagne (27 %), l'Autriche (17 %), l'Allemagne (14 %) et les deux derniers, la France et les Pays-Bas, où moins d'un catholique sur dix va à la messe dominicale.

    Avec ce scénario, le Dicastère du Culte Divin ne songe qu'à perdre du temps et des ressources pour accabler ceux qui vont à la Messe, mais selon un rite qui ne leur convient pas. Dans n'importe quelle entreprise, le préfet dudit dicastère, Mgr Arthur Roche, aurait été licencié sur le champ : non seulement incapable de revitaliser le marché, mais aussi suffisamment incompétent pour stériliser les quelques branches saines.

    A y regarder de plus près, le seul problème de Roche est qu'il est la mauvaise personne au mauvais endroit, ce qui n'est pas rien. Son impréparation liturgique radicale n'est pas un mystère ; mais à l'époque, la seule place vacante était le Culte divin, libéré par le cardinal Sarah ; et Roche a donc dû s'asseoir là, comme un batelier présidant le syndicat des guides de montagne.

    Le résultat est que d'autres personnes sont en charge du Culte Divin ; et ces autres personnes ont toutes une caractéristique commune : elles viennent de l'Athénée Pontifical Sant'Anselmo. À commencer par le secrétaire, Monseigneur Vittorio Viola, qui y enseigne la liturgie depuis 2000 et y occupe toujours la chaire de professeur de liturgie sacramentelle. Viola, en tant que professeur chargé de cours, a le droit de participer au Conseil de l'Institut, un droit qui soulève une question de conflit d'intérêts. Il y a ensuite les deux sous-secrétaires, Mgr Aurelio García Macías et Mgr Krzysztof Marcjanowicz, tous deux docteurs en liturgie de Sant'Anselmo ; Macías est également toujours professeur. Une situation tout à fait inhabituelle dans un dicastère de la Curie romaine, où les différentes écoles théologiques, philosophiques et liturgiques devraient être représentées, et qui se trouve au contraire blindé au sommet par la clique de Sant'Anselmo. Par l'intermédiaire de ses anciens élèves et de ses professeurs occupant des postes à responsabilité au sein du Culte divin, Sant'Anselmo exerce une influence unilatérale sur la liturgie mondiale et tisse des liens bien trop étroits avec la Curie, terrain fertile pour les escalades personnelles au nom des "services" rendus à la Sainte Église.

    Mais l'invasion de Sant'Anselmo est encore plus vaste. Pour remplacer Monseigneur Guido Marini, ordonné évêque et nommé à la tête du diocèse de Tortona, on trouve Monseigneur Diego Giovanni Ravelli, originaire de la Brianza, lui aussi licencié et docteur de Sant'Anselmo. Et puis, l'Office liturgique du Vicariat de Rome ne pouvait pas manquer. Servant comme directeur, depuis 2011, et responsable des célébrations liturgiques du diocèse (à partir de 2019), le père carme Giuseppe Midili, grand ami du père Marko Ivan Rupnik, également titulaire d'une licence et d'un doctorat à l'Athénée, où il est professeur ordinaire de pastorale liturgique.

    Le cas de Midili soulève également des questions sur le respect des Statuts de Saint Anselme eux-mêmes, qui, à la suite de Veritatis Gaudium, 29, affirment que, "pour être "stables" [...] les professeurs doivent être libres de tâches incompatibles avec leurs devoirs de recherche et d'enseignement". Il y a, à vrai dire, d'autres personnes dont on peut difficilement dire qu'elles respectent ce principe : le père Francesco De Feo, abbé du monastère de Grottaferrata, le père Stefano Visentin, abbé de Praglia, et S.E. Monseigneur Manuel Nin, exarque apostolique de Grèce et évêque de Carcabia.

    Pour ces messieurs de Sant'Anselmo, la liturgie a dû être quelque chose de très théorique, puisqu'ils ne peuvent pas faire face à la réalité qui afflige nos églises ; et aussi de très idéologique, étant donné la rage aveugle contre les jeunes, les enfants, les familles, qui dans leur esprit se retrouvent tous sous l'étiquette d'"opposants au Concile", juste parce qu'ils aiment l'Ancien Rite.

    Christophe Dickès, historien et journaliste français, frère du poète Damien, tente de ramener ces liturgistes de bureau à la réalité avec un splendide article paru dans rien moins que les colonnes du Figaro. Dickès souligne que le problème de ce pontificat semble être le petit monde traditionaliste qui, en France, où il est particulièrement répandu, représente environ 4% des catholiques ; donc "une minorité dans une minorité". Une minorité évidemment considérée comme subversive, puisque dangereusement ceux qui en font partie enseignent "le catéchisme à leurs enfants, leur faisant apprendre les dix commandements et les prières que les catholiques doivent connaître", et avec des sacrifices considérables essaient de préserver leurs enfants de la "culture du cachet", en les envoyant dans des écoles privées ou parentales, qu'ils doivent autofinancer.

    Ces familles aiment aller à la messe traditionnelle. Tous snobs ? Tous anti-conciliaires ? Tous lefebvristes ? En vérité, après leur ordination sacerdotale en 1988, ces personnes " ont voulu montrer leur fidélité au Saint-Siège en manifestant leurs besoins spirituels, comme le permet le droit canonique (can. 212 § 2) ". Fidélité qui aujourd'hui est payée par des claques retentissantes.

    Mais que trouvent-ils dans la messe en rite ancien ? Il y a là, reconnaît Dickès, "une verticalité et une sacralité" qui sont moins évidentes dans le rite approuvé par Paul VI. De plus, c'est décidément " un rite moins clérical ", un rite dans lequel tout " personnalisme est banni : les fidèles prient dans un face-à-face avec Dieu ", sans que le prêtre ne prétende être leur interface.

    Il est en effet curieux que, précisément au cours du pontificat qui a fait de la synodalité son pivot - sous la devise "Elargis l'espace de ta tente" !  - et de l'anticléricalisme son uniforme, ce sont précisément eux qui sont frappés. Et sans aucune pitié. Personne n'a pensé à recevoir une délégation d'entre eux, à écouter leurs demandes, à répondre à leurs besoins, comme c'est le devoir précis des pasteurs de le faire. Rien. Seuls deux représentants de la Fraternité Saint-Pierre ont été reçus. "Quant aux laïcs, les mères de prêtres, âgées de 50 à 65 ans, qui ont marché 1500 kilomètres de Paris à Rome pour déposer une pétition aux pieds du Vicaire du Christ, ont été reçues pendant à peine trois minutes. 1500 kilomètres pour une poignée de secondes".

    Ce comportement révèle la fausse rhétorique qui est maintenant devenue la règle à Rome : on dit que tout le monde doit trouver une place dans l'Église, mais pas le "Tridentin" ; on parle de valoriser les laïcs, mais pas ceux qui vont à l'ancienne Messe ; on se démène pour montrer combien les familles et les enfants sont appréciés et aimés, mais seulement ceux qui vont à la "nouvelle Messe" ou qui ne mettent même pas les pieds à l'église. Pas d'accueil, pas de pitié, pas d'écoute de ceux qui sont traités d'"indiétristes" chaque semaine ; envers ceux de la messe latine, il semble n'y avoir qu'un seul commandement : "rééduquez-les. Par la force des choses ou par la ruse. La synodalité semble être à la mode, mais "ils" n'ont qu'un seul droit : celui de souffrir en silence", conclut Dickès.

    Il semble y avoir à Rome une version particulière de la parabole du fils prodigue, où le père chasse le fils aîné parce qu'il en a assez de l'avoir toujours avec lui.

  • L’étrange Ostpolitik du Pape François

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    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso, traduit par Diakonos.be :

    L’ours russe et le léopard papal. L’étrange Ostpolitik du Pape François

    La visite de Joe Biden à Kiev et ensuite à Varsovie, le double discours de guerre de Vladimir Poutine, le fantomatique plan de négociation de Xi Jinping : l’anniversaire de l’agression de la Russie contre l’Ukraine a vu les plus grandes puissances mondiales monter sur le devant de la scène. Et le Pape ?

    Le jour même où le président des États-Unis marchait aux côtés de Volodymir Zelensky dans les rues de la capitale ukrainienne, l’agence russe Tass publiait l’information selon laquelle le Pape François s’était déclaré désireux de faire étape, au retour de son prochain voyage apostolique en Mongolie, à Vladivostok, à l’Extrême-Orient de la Russie, pour visiter le parc national consacré à la protection des léopards, à l’un desquels il a déjà donné un nom : Martin Fierro, le personnage « gaucho » du poème argentin du même nom si cher à Jorge Mario Bergoglio.

    Incroyable mais vrai. Cette information de l’agence Tass ne relève pas du théâtre de l’absurde mais bien d’un fragment de la diplomatie personnelle que le Pape François est en train de mettre en œuvre, convaincu de pouvoir de la sorte ouvrir une spirale de la paix de la part de Moscou.

    En fait, l’homme qui a fait part à la Tass du désir du Pape de visiter le parc des léopards à Vladivostok en « citant une conversation personnelle » avec lui, c’est Leonid Sevastyanov, c’est-à-dire l’homme sur lequel compte le Pape François dans cette opération diplomatique.

    Sevastyanov a déclaré à une autre agence russe, Ria Novosti, le 15 février dernier que « le Pape a un plan de propositions pour une résolution pacifique du conflit entre la Russie et l’Occident et il a confirmé son désir de négocier avec les autorités russes et sa disponibilité pour se rendre à Moscou ».

    Il a déclaré qu’il entretenait « une correspondance abondante avec le Pape ». Et il a cité le passage d’une lettre reçue du Pape : « Comme je voudrais me rendre à Moscou pour parler à Poutine du plan pour une solution pacifique en Europe ! ».

    On ne sait rien de ce « plan » papal. Mais en mai dernier, dans une longue interview filmée accordée à Cristina Giuliano de l’agence italienne Aska News, Sevastyanov a également montré une lettre dans laquelle le Pape François le définissait comme un « ambassadeur de la paix » et le remerciait, ainsi que son épouse, la soprano Svetlana Kasyan, pour sa contribution à promouvoir une solution au conflit.

    « Je pense que le Vatican doit devenir le symbole du dialogue », a déclaré Sevastyanov dans cette interview. « Il faudrait convaincre le Conseil de sécurité de l’ONU de charger l’État du Vatican, comme État neutre, d’être un modérateur susceptible de mettre autour de la table Joe Biden, Vladimir Poutine et Xi Jinping ».

    Voilà quelle serait la valeur ajoutée du Vatican : être « un juge ‘super partes’ ».  D’autant plus que « Poutine a toujours fait preuve d’un grand respect envers le Pape. Il n’a jamais parlé du Pape comme l’a fait le patriarche Cyrille. Et il faudrait exploiter ce respect ».

    Une visite de François à Moscou, a ajouté Sevastyanov, aurait une grande « valeur symbolique ». Il est vrai que certains pourraient l’interpréter comme un signe de faiblesse de Poutine, « mais moi je sais que le Pape est quelqu’un de bien, de très diplomate, et qu’il ne fera jamais rien qui puisse mettre la Russie en difficulté ».

    En réalité, le Pape François n’a jamais fait mystère de son grand désir de se rendre à Moscou. Le 5 février dernier, lors de la conférence de presse dans le vol de retour de son voyage au Congo et au Soudan du Sud, il a de nouveau raconté que déjà « le deuxième jour de la guerre je suis allé à l’ambassade de Russie pour dire que je voulais aller à Moscou pour parler avec Poutine, à condition qu’il y ait une petite fenêtre pour négocier. Le ministre Lavrov m’a alors répondu : « bien », que oui, il y attachait de l’importance, mais « nous verrons plus tard ». Ce geste était un geste réfléchi, en me disant « je le fais pour lui » ».

    Cependant, dans cette même interview à Aska News, Sevastyanov a aussi défini la guerre en cours en Ukraine comme « un péché », il a reproché au patriarche orthodoxe de Moscou d’être trop lié à l’État russe et il a pris la défense du Pape contre les critiques de Moscou lui reprochant d’avoir rencontré les épouses des combattants du bataillon Azov accompagnée de Pyotr Verzilov, le dissident russe qui tire les ficelles des transgressives Pussy Riot.

    Mais malgré ces dissonances apparentes, Sevastyanov reste un homme du régime de Moscou, aussi bien dans le domaine politique que religieux. Voici comment Stefano Caprio, l’un des plus grands spécialistes de la nation russe, prêtre de rite slave-byzantin, ancien professeur à Moscou et ensuite à Rome à l’Institut pontifical oriental, décrit le profil de Sevastyanov, dans une note publiée le 18 février par Asia News, l’agence de l’Institut pontifical des Missions étrangères.

    « Leonid Sevastyanov est le président de l’Union mondiale des vieux-croyants, une formation schismatique de l’orthodoxie russe qui a toujours prôné la supériorité de la foi et des autres traditions russes sur toutes les autres, y compris celle des autres Églises orthodoxes. C’est en réalité aussi un historien collaborateur du patriarche Cyrille, qui l’a accueilli comme séminariste quand il était métropolite de Smolensk, malgré qu’il provienne d’une famille schismatique, et qui l’a invité à étudier à l’Université pontificale grégorienne de Rome, où il a obtenu en 2002 une maîtrise en philosophie politique. Il a ensuite achevé sa formation à la Georgetown University de Washington, par un doctorat en relations internationales, et il est consultant de la Banque mondiale.

    Sevastyanov est l’homme de confiance du patriarche et du président Poutine en personne, qui a manifesté à plusieurs reprises sa proximité avec la communauté des vieux croyants. Ces schismatiques du quinzième siècle, persécutés pendant des siècles, expriment aujourd’hui l’âme profonde du christianisme russe, à tout le moins dans sa version radicale et militante qui prend de plus en plus le pas sur la version canonique et œcuménique de l’Église patriarcale. Son rapport de confiance avec le Pape François se base également sur l’admiration du pape pour son épouse, Svetlana Kasyan, une chanteuse lyrique populaire, qui s’est rendue à plusieurs reprises à Rome pour rendre visite au Pape ».

    On pourrait ajouter que Sevastyanov est le directeur exécutif de la Fondation Saint-Grégoire, liée au département des relations étrangères du Patriarcat de Moscou, et il n’a jamais fait mine de se distancier de thèses telles que celles que Poutine a exprimées pour la dernière fois dans son discours du 21 février, applaudi par le patriarche Cyrille au premier rang :

    « L’élite occidentale ne cache pas son véritable objectif, qui est […] une menace existentielle pour notre Pays, […] un désastre spirituel. […] Il consiste en la destruction de la famille, de l’identité culturelle et nationale, en la perversion et l’abus d’enfants, y compris la pédophilie, tous ces éléments sont considérés comme normaux dans leur vie. Ils contraignent leurs prêtres à bénir les mariages entre personnes de même sexe. […] L’Église anglicane est même en train d’étudier l’idée d’un Dieu au genre neutre. Que dire ? Dieu me pardonne, mais ils ne savent pas ce qu’ils font’.

    De l’avis de Caprio, l’intention non dite des autorités de Moscou c’est « d’embrigader également le Pape de Rome dans la grande restauration d’un christianisme traditionnaliste et intransigeant » : une proposition qui ne correspond que fort peu au style réformateur du Pape Bergoglio, mais qui, à mieux y regarder, épouse son hostilité profonde à la « domination politique et culturelle de l’Occident philo-américain » qui est également « la véritable raison de l’agressivité des russes ».

    Pour bien se rendre compte de la distance entre l’Ostpolitik personnelle du Pape François et celle pratiquée entretemps par les organes diplomatiques du Saint-Siège, on lira l’interview que le ministre des affaires étrangères du Vatican, l’archevêque Paul R. Gallagher, a accordée le 22 février à Gerard O’Connell pour la revue « America » :

    > Interview: Vatican foreign minister on a year of war in Ukraine, the growing nuclear threat and relations with Putin

  • Le Vatican se méfie des évêques sur la messe en latin. Mais le mécontentement grandit

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    Les nouvelles restrictions au rite tridentin voulues par le préfet Arthur Roche donnent plus de pouvoir à Rome, mais mécontentent fidèles et prêtres. Un article de Nivo Spunti ce 26 février, lu sur le site web « Il Sismografo »

    « La nouvelle était dans l'air depuis un certain temps, mais l'annonce officielle n'est arrivée que cette semaine. En effet, mardi dernier était le jour de la publication d'un Rescrit avec lequel le Pape a entériné la ligne dure de son préfet du Dicastère du Culte Divin et de la Discipline des Sacrements, le Cardinal Arthur Roche sur l'application de la controversée Traditionis custodes . C'est le motu proprio avec lequel, en juillet 2021, François a de facto abrogé la libéralisation de la messe dite latine accordée par son prédécesseur en 2007 avec le Summorum pontificum.

    Des fêtes plus difficiles

    Les custodes Traditionis, avec Benoît XVI vivant, avaient déjà été accueillies avec douleur par des prêtres et des fidèles amoureux de la forme extraordinaire de l'unique rite romain. Ce document confiait le contrôle de ce type de célébrations aux « gardiens de la tradition » ou aux évêques diocésains, définis comme les seuls à pouvoir autoriser les célébrations eucharistiques avec l'usage du missel promulgué par saint Jean XXIII en 1962. Il appartenait aussi d'autoriser les prêtres qui célébraient déjà la messe dite latine, tandis que pour ceux ordonnés après l'introduction du motu proprio une consultation avec Rome était nécessaire avant que le feu vert ne soit donné. Et les évêques devaient toujours surveiller les groupes stables, s'assurer de l'absence de contestations sur la validité de la réforme liturgique et du Concile Vatican II et permettre les célébrations en Vetus Ordo en dehors des églises paroissiales.

    Malgré le coup évident porté aux soi-disant traditionalistes par le renversement de ce qui était prévu dans le Summorum pontificum avec lequel Benoît XVI avait pris soin de rechercher l'harmonie entre cette sensibilité liturgique particulière des fidèles avec la pastorale ordinaire de la paroisse, en le Vatican il y en a eu qui en cette année et sept mois depuis la promulgation de la Traditionis custodes a jugé que son application n'était pas suffisamment exhaustive.

    Plus de pouvoir à Rome, moins aux évêques

    Le préfet du Dicastère pour le Culte divin et la Discipline des sacrements, le cardinal britannique Arthur Roche, a dû être mécontent de la manière dont les évêques diocésains ont mis en pratique le motu proprio si déjà cinq mois plus tard, en décembre 2021, il a entendu le besoin faire publier la Responsa ad dubia avec des notes explicatives annexées dans lesquelles les évêques diocésains ont reçu l'ordre de refuser la célébration des sacrements autres que l'Eucharistie aux groupes stables. Vraisemblablement, les réponses de Roche n'étaient pas suffisantes pour s'assurer que les évêques diocésains appliquaient les custodes Traditionis dans le sens voulu par le Dicastère du Culte Divin et ainsi, suite à une audience accordée au cardinal britannique par François lundi dernier, une nouvelle douche froide est arrivée pour les fidèles qui aiment la messe dite latine : un Rescrit publié dans L'Osservatore Romano dans lequel on sent le besoin de rappeler que « l'octroi de la licence aux prêtres ordonnés après » le motu proprio traditionis custodes et « l'usage d'une église paroissiale ou l'érection d'une paroisse personnelle pour la célébration de l'Eucharistie à l'aide du Missale Romanum de 1962 » sont des dispenses réservées à Rome et sur lesquelles l'évêque diocésain ne peut décider lui-même, mais il doit demander au Dicastère dirigé par Roche.

    Un soulignement qui semble pourtant en contradiction avec l'esprit proclamé par le motu proprio originel et avec ce que François affirmait dans la lettre de présentation où il avait écrit qu'avec la Traditionis Custodes il avait voulu « affirmer qu'il appartient à l'évêque, comme  promoteur, gardien et modérateur de la vie liturgique dans l'Église, de régler les célébrations liturgiques ». Le fait que l'intervention de Roche intervienne si peu de temps après la promulgation du motu proprio et de sa Responsa ad dubia pourrait être interprété comme un rejet des manières dont les évêques se sont comportés jusqu'à présent, au point de ressentir le besoin de réitérer que presque toutes les décisions sur les célébrations sous forme extraordinaire appartiennent à Rome.

    Mécontentement

    Le rescrit a provoqué l'inévitable mécontentement des prêtres et des fidèles liés à la messe dite latine, mais pas seulement. En effet, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'Église, beaucoup se sont interrogés sur l'opportunité de nouvelles mesures restrictives moins de deux ans après l'entrée en vigueur de la Traditionis custodes . De plus, certains ont évoqué des urgences beaucoup plus importantes auxquelles l'Église doit faire face.

    François lui-même s'est montré conscient des controverses soulevées par le rescrit. Lors d'une audience générale mercredi, le pape a déclaré que "tout dans l'Église doit se conformer aux exigences de l'annonce de l' Évangile , non pas aux opinions des conservateurs ou des progressistes, mais au fait que Jésus atteint la vie des gens" parce que "  L'Evangile n'est-il pas une idée, ce n'est pas une idéologie : c'est une annonce qui touche le cœur et vous fait changer d'avis ». En attendant, les nouvelles restrictions à la messe latine semblent loin d'avoir atteint cet objectif de « service de l'unité" que François s'est fixé : en témoigne, par exemple, la réaction critique de l'évêque de la Providence, Monseigneur Thomas Joseph Tobinqui a noté dans un tweet à quel point « la façon dont le Vatican traite la messe traditionnelle en latin ne me frappe pas comme 'le style de Dieu' ».

    Ref. Le Vatican se méfie des évêques sur la messe en latin. Mais le mécontentement grandit

  • Le cardinal Müller prévient que le nouveau rescrit sur Traditionis custodes rabaisse les évêques et porte atteinte à leur responsabilité pastorale

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    De Javier Arias sur InfoVaticana :

    Le cardinal Müller prévient que le nouveau rescrit sur Traditionis custodes rabaisse les évêques et porte atteinte à leur responsabilité pastorale

    24 février, 2023

    Le récent rescriptum approuvé par François et le Préfet du Dicastère pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, le Cardinal Roche, continue de provoquer des réactions.

    Le nouveau document, qui renforce le motu proprio Traditinis custodes, établit que l'utilisation d'une église paroissiale ou l'érection d'une paroisse personnelle pour la célébration de l'Eucharistie selon le Missale Romanum de 1962 et l'octroi de la licence aux prêtres ordonnés après la publication du Motu proprio Traditionis custodes pour célébrer selon le Missale Romanum de 1962, seront de la responsabilité de Rome.

    Ce blog a déjà publié cette semaine comment cette décision renforce encore le contrôle centralisateur de Rome au détriment de la liberté de décision et d'action des évêques.

    InfoVaticana a contacté le Cardinal Müller pour avoir son avis sur cette décision du Pape et du Cardinal Roche. L'ex-préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi nous a répondu que "le Pape Benoît XVI a donné à la papauté une grande réputation, même parmi les agnostiques éloignés de l'Eglise (Paolo Flores D'Arcais, Jürgen Habermas, Piergiorgio Odifreddi) par sa haute compétence théologique et son honnêteté intellectuelle". 

    Faisant allusion à Benoît XVI, Müller soutient qu'"il n'était pas nécessaire pour lui d'insister sur l'obéissance formelle de manière autoritaire, car même l'obéissance de la foi à Dieu, qui est décisive pour le salut, n'exige pas une servilité aveugle, mais une dévotion à Dieu Trinité en usant de la raison et du libre arbitre, c'est-à-dire une obéissance raisonnable (Vatican II, Dei Verbum, 5)". 

    D'autre part, le cardinal allemand affirme que "lorsqu'il s'agit de l'obéissance à l'autorité ecclésiastique, il faut distinguer entre l'obéissance religieuse, "qui se réfère à la soumission à l'autorité de la foi révélée, et la volonté de suivre volontairement le pape et les évêques également en matière de discipline de l'organisation ecclésiastique et de l'ordre de la liturgie".  "Nous faisons la distinction entre la substance des sacrements, sur laquelle le pape et les évêques n'ont aucun pouvoir de disposition, et le rite liturgique, qui s'est développé historiquement en divers rites légitimes au sein de l'unique Église catholique", ajoute le cardinal. 

    Le cardinal Müller affirme que "le pape Benoît a surmonté les tensions qui étaient apparues d'une manière théologiquement compétente et pastoralement sensible en faisant la distinction entre les formes ordinaire et extraordinaire du rite latin". Le cardinal Müller décrit la présente décision comme une "intolérance brutale" à l'encontre de ceux qui préfèrent la messe traditionnelle. Il ajoute qu'il s'agit d'une décision "pastoralement contre-productive", et "d'un exemple effroyable d'incompétence théologique dans la distinction entre la substance du sacrement dont on ne peut disposer et la richesse des formes des rites liturgiques".

    En ce sens, le cardinal Müller n'hésite pas à souligner que ce nouveau document "dégrade les évêques ou les ordinands locaux de second rang en pétitionnaires auprès de la plus haute autorité (c'est-à-dire la bureaucratie du Dicastère pour le Culte)". Le cardinal allemand souligne que cette décision "porte atteinte à la responsabilité pastorale de l'épiscopat" et "obscurcit le véritable sens de la papauté, qui est de représenter et de réaliser l'unité de l'Église dans la vérité de la foi et la communion sacramentelle".

    Enfin, Mgr Müller regrette que "la reconnaissance de l'autorité papale ne soit pas promue, mais affaiblie à long terme", car elle peut donner l'impression d'une sorte de leadership autocratique.

  • Que change le nouveau rescrit du pape François ? Pourquoi préférer la messe traditionnelle à la nouvelle messe ?

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    Du site de l'Homme Nouveau :

    Que change le nouveau rescrit du pape François ? Pourquoi préférer la messe traditionnelle à la nouvelle messe ? Les réponses du Club des Hommes en noir avec cette semaine autour de Philippe Maxence, les abbés Barthe et Guelfucci, le père Thomas et Jean-Pierre Maugendre.

  • Le pape appréhende une modification substantielle de l'Homo Sapiens et insiste sur la responsabilité éthique des scientifiques

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    SALUTATION DE SA SAINTETÉ LE PAPE FRANCOIS À UNE DÉLÉGATION DE LA SOCIÉTÉ MAX PLANCK

    Jeudi 23 février 2023

    Mesdames et Messieurs, bonjour et bienvenue !

    Je remercie le Président, le Professeur Martin Stratmann, pour ses aimables paroles. Je suis très sensible à votre visite, qui me permet une fois de plus d'exprimer l'estime du Saint-Siège pour la recherche scientifique et, en particulier, pour le travail de la Société Max Planck, au sein de laquelle des milliers d'individus, au sein de divers Instituts, s'engagent pour l'avancement des sciences et le progrès dans des domaines de recherche spécifiques.

    Pour cette raison, j'encourage la Société Max Planck à maintenir, comme elle l'a toujours fait, les plus hauts standards d'intégrité scientifique, afin qu'elle puisse rester libre de toute influence inappropriée, qu'elle soit de nature politique ou économique. Il s'agit d'une exigence essentielle à chaque étape du travail scientifique, de la recherche initiale à la publication des résultats et à la manière dont ils sont utilisés. Je crois qu'à notre époque, le soutien à la science pure doit être défendu et, si possible, accru. En effet, sans préjudice de la science appliquée, la science pure devrait être reconnue comme un bien public, dont les contributions doivent être mises au service du bien commun.  Votre Société peut certainement accomplir beaucoup à cet égard.

    L'annonce de la naissance prochaine de ce que l'on appelle la "pensée hybride", résultant de la combinaison de la pensée biologique et non biologique, comme moyen d'éviter que l'être humain ne soit supplanté par l'Intelligence Artificielle, soulève des questions importantes tant pour l'éthique que pour la société dans son ensemble. Il faut reconnaître qu'une fusion entre les capacités cognitives humaines et la puissance de calcul des machines pourrait modifier substantiellement l'espèce Homo sapiens. On ne peut donc manquer de se poser la question du sens ultime, c'est-à-dire de la direction vers laquelle tout cela tend. Pour ceux qui se reconnaissent dans le projet transhumaniste, ce n'est pas une source d'inquiétude. Il n'en va pas de même, en revanche, pour ceux qui sont attachés au projet néo-humaniste, selon lequel la séparation de l'agir et de l'intelligence est inacceptable.  Si la capacité de résoudre des problèmes est séparée de la nécessité d'être intelligent pour le faire, l'intentionnalité et donc la nature éthique de l'action seront abolies. Je suis certain que la Société Max Planck voudra apporter une contribution fondamentale à cette discussion.

    Une dernière considération. Comme on le sait, l'époque de la "seconde modernité" a vu se développer dans certains milieux scientifiques un principe de responsabilité "technique" qui ne laisse aucune place au jugement moral sur ce qui est bien ou mal. L'action, surtout dans les grandes organisations, serait évaluée en termes purement fonctionnels, comme si tout ce qui est possible était, pour cette raison même, éthiquement licite. L'Église ne pourra jamais accepter une telle position, dont les conséquences tragiques ne sont que trop évidentes.  Le type de responsabilité qui, aujourd'hui, doit revenir au premier plan de notre culture est la responsabilité pour le soin des autres, qui va au-delà de la simple comptabilité des résultats obtenus. Car, en fin de compte, nous sommes responsables non seulement de ce que nous faisons, mais aussi, et surtout, de ce que nous pouvons faire et que nous choisissons de ne pas faire.

    Chers amis, je vous remercie encore pour cette visite et je vous présente mes meilleurs vœux pour vos travaux. Que l'Esprit Saint vous assiste dans vos recherches et dans vos différents projets. Je vous bénis cordialement, et je vous demande, s'il vous plaît, de prier pour moi.

  • La pratique de l'euthanasie et ses dérives inquiétantes

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    D'Aymeric de Lamotte, directeur de l'Institut Thomas More, dans la Libre de ce 24 février, p. 35 :

    Les dérives inquiétantes de la pratique de l’euthanasie

    La tendance contemporaine qui crée inlassablement de nouveaux droits individuels pousse le législateur à étendre la pratique de l’euthanasie et à vouloir banaliser celle-ci.

    Si autrefois, l’Europe, traversée d’anthropologie humaniste, défendait la vie jusqu’à son terme naturel, l’évolution moderne des mœurs a incité les États à légiférer sur l’assistance médicale au suicide. Ainsi, en 2002, le gouvernement Verhofstadt I a décidé de doter la Belgique d’une loi dépénalisant l’euthanasie et encadrant son exécution. En quinze ans, de 2004 à 2019, le nombre d’euthanasies déclarées chaque année a été multiplié par sept et dépasse les deux mille cas par an depuis 2015, sans compter un quart à un tiers d’euthanasies clandestines (en 2022, 2 966 euthanasies ont été déclarées à la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie, NdlR). Le récent témoignage d’Olympe, youtubeuse française de 23 ans, qui a exprimé le désir d’avoir recours à l’euthanasie en Belgique (notons que le cas d’Olympe ne tombe pas dans le périmètre de la législation belge, NdlR) nous invite à ausculter la pratique de l’euthanasie sur le sol belge vingt ans après sa dépénalisation.

    L’autonomie de l’individu, dans le respect de la volonté du médecin de pratiquer l’acte, est le pilier principal sur lequel repose le régime actuel. Seule une personne majeure capable - ou un mineur sans limite d’âge "doté de discernement" depuis 2014 -, se trouvant dans une situation médicale sans issue, peut être euthanasiée à condition que la demande soit "réfléchie et répétée". Aux termes de la loi, la personne adulte doit endurer une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée. Le mineur, quant à lui, ne peut en théorie pas demander l’euthanasie pour seule souffrance psychique ou à un stade non terminal de la maladie. La pratique vingtenaire du cadre juridique ébauché dans ces lignes a été analysée de manière très complète par l’Institut européen de bioéthique dans un dossier récent (1). L’espace réduit de ce papier ne nous permet que d’ébaucher quatre dérives identifiées.

    D’une part, le contrôle a posteriori de la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie est défaillant. En effet, celuici ne se réalise que sur la seule base de la déclaration des médecins, sans être en mesure de vérifier les informations transmises. Par ailleurs, les médecins membres de la Commission pratiquant des euthanasies font face à de sérieux conflits d’intérêts : ils sont amenés à évaluer la conformité de leurs propres euthanasies. Enfin, la Commission admet que les moyens financiers et humains dont elle bénéficie l’empêchent d’effectuer un contrôle sérieux.

    D’autre part, la loi belge reconnaît la liberté de conscience du médecin ne souhaitant pas participer à une euthanasie quand celui-ci la considère incompatible avec la déontologie médicale et le serment d’Hippocrate. Néanmoins, une modification de la loi, votée le 15 mars 2020, contraint désormais les établissements de santé à accepter la pratique de l’euthanasie en leur sein. Cette modification est une atteinte inadmissible à la liberté constitutionnelle de s’associer et de déterminer sa mission. En outre, sur le plan individuel, cette modification entrave concrètement l’exercice du refus de donner la mort - et dès lors l’exercice de la liberté de conscience - pour tout médecin exerçant dans un hôpital ou une maison de retraite qui doit nécessairement autoriser l’euthanasie.

    Par ailleurs, le fait d’associer l’euthanasie au "droit de mourir dans la dignité" nous tend un piège en présentant une fausse alternative : le choix de l’euthanasie ou celui de la souffrance insoutenable. Or, les découvertes scientifiques jusqu’à aujourd’hui permettent pratiquement d’éradiquer toute forme de douleur physique et les soins palliatifs permettent une prise en charge efficace et globale des douleurs du patient. En outre, penser que la dignité suit la courbe ascendante ou descendante de l’état de santé de la personne alors qu’elle en est au contraire intrinsèque et inaliénable est une conception erronée.

    Enfin, la tendance contemporaine qui crée inlassablement de nouveaux droits individuels pousse le législateur à étendre la pratique de l’euthanasie et à vouloir banaliser celle-ci. À titre d’exemple, l’Open VLD plaide pour l’euthanasie sans motif lié à l’état de santé, fondé sur la seule "fatigue de vivre" de la personne. En réalité, cette évolution révèle surtout une sorte de fatigue relationnelle, une sorte d’abandon du plus faible qui se meurt dans sa solitude, une dégradation de notre rapport à la vulnérabilité et à la fragilité.

    (1) Institut européen de bioéthique, "L’euthanasie, 20 ans après : pour une véritable évaluation de la loi belge", mai 2022 - note réalisée par Léopold Vanbellingen, chargé de recherche.

  • L’Institut Européen de Bioéthique et un groupe de soignants belges rencontrent la ministre française Agnès Firmin Le Bodo à propos de la fin de vie en Belgique

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    L’Institut Européen de Bioéthique et un groupe de soignants belges rencontrent la ministre française Agnès Firmin Le Bodo à propos de la fin de vie en Belgique

    Communiqué de presse

    Alors que la France s’interroge sur une possible dépénalisation de l’euthanasie, plusieurs experts et professionnels de la santé de Belgique ont rencontré la ministre française Agnès Firmin Le Bodo, en charge du débat sur la fin de vie, ce mardi 21 février 2023 à la Fondation Universitaire (Bruxelles). Co organisé par l’Institut Européen de Bioéthique (IEB) et le Professeur Benoît Beuselinck, médecin oncologue à l’UZ Leuven-KULeuven, cet événement a permis de présenter la situation belge concernant la fin de vie à la ministre et à sa délégation.

    Comme a pu le préciser Léopold Vanbellingen, juriste de l’IEB, la loi n’a pas mis fin aux euthanasies clandestines et, vingt ans après sa dépénalisation, l’euthanasie n’est plus « une solution d’exception ». Au contraire, on constate une extension inquiétante de cette pratique - notamment vers les personnes qui ne sont pas en fin de vie -, dont témoignent les nouveaux chiffres record pour l’année 2022 (près de 3000 euthanasies officiellement déclarées).

    La ministre s’est d’ailleurs interrogée sur le pourcentage important d’euthanasies clandestines (25 à 35%) toujours constaté malgré la loi ainsi que sur les raisons invoquées pour accéder à l’euthanasie. Comme l’a souligné le professeur Beuselinck, le critère de «maladie grave et incurable » tend peu à peu à s’effacer, en pratique, devant celui d’absence de qualité de vie.

    Dans ce contexte, la question se pose de savoir comment encadrer une telle pratique. Les membres de la délégation française (ministre, députés et soignants) ont remercié les experts présents de leur avoir permis de s’informer au plus près de la réalité vécue par les patients et les soignants belges à ce sujet.

    Cette rencontre a été l’occasion de s’interroger sur le rôle du médecin et sur la possibilité de continuer à promouvoir l’accompagnement et les soins palliatifs, dans un contexte où la mort par euthanasie apparaît comme une solution de plus en plus évidente et efficace face à la souffrance. Interrogés par la ministre sur le fait de savoir si les soins palliatifs étaient assez développés en Belgique, plusieurs experts ont souligné que de nombreux progrès sont encore nécessaires dans ce domaine, mais aussi dans le soulagement de la souffrance psychologique et existentielle des patients.

    Alors qu’un des membres de la délégation française s’interrogeait sur la façon dont la population belge considérait l’euthanasie, médecins et infirmiers belges présents dans la salle ont témoigné avec force du fait que la promotion et la médiatisation régulières de l’euthanasie conduisent de plus en plus chaque citoyen à se demander s’il choisira ou non l’euthanasie pour sa fin de vie.

    Enfin, cette rencontre a permis d’aborder la question de la liberté de conscience du personnel soignant. Plusieurs médecins ont témoigné des pressions subies régulièrement de la part de collègues, de patients, ou de familles qui exigent l’euthanasie pour leur proche. L’exception à l’interdit de tuer que proposait la loi dépénalisant l’euthanasie semble, dans les faits, s’être inexorablement transformée en droit du patient à ce qu’un médecin mette fin à sa vie. Plusieurs experts présents ont ainsi invité les décideurs français à tenir compte de cette réalité au moment de légiférer sur la fin de vie.

    L’Institut Européen de Bioéthique continuera quant à lui à proposer son éclairage sur la prise en charge de la fin de vie en Belgique et en Europe, afin de soutenir les patients et les soignants, et d’informer au mieux les citoyens et les décideurs sur ces enjeux.

    Léopold Vanbellingen, juriste pour l'Institut Européen de Bioéthique 

    La Ministre Agnès Firmin Le Bodo et les membres de la délégation française 

  • Traditionis custodes : « Le rescrit du Pape n’a pas été une grande surprise »

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    Lu sur le site web aleteia, cet article signé Agnès Pinard Legry publie ce 24.02.23 :

    « Dans un rescrit publié mardi 21 février le Saint-Siège a renforcé le contrôle de l’application du motu proprio Traditionis custodes. "Ce document confirme seulement ce qui avait été dit dans Traditionis Custodes tout en rappelant que certaines dispenses relèvent exclusivement du Siège Apostolique", explique à Aleteia l’abbé Benoît Paul-Joseph, supérieur du district de France de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre (FSSP). Entretien.

    Le pape François a décidé par un rescrit en date du 21 février que les prêtres ordonnés après la promulgation du motu proprio Traditionis custodes – le 16 juin 2021 – devront demander l’autorisation au Saint-Siège pour pouvoir célébrer la messe tridentine. Les évêques doivent ainsi demander une autorisation au dicastère pour le Culte divin et la discipline des sacrements pour que de jeunes prêtres célèbrent avec le Missel romain de 1962, ainsi que pour l’utilisation ou l’érection d’une église paroissiale pour la messe tridentine. « Ce rescrit confirme simplement les normes générales établies par le Motu Proprio concernant les autorisations relevant du Siège Apostolique », explique à Aleteia l’abbé Benoît Paul-Joseph, supérieur du district de France de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre (FSSP).

    Aleteia : Que retenez-vous du rescrit publié ce mardi 21 février ?
    Cela n’a pas été une grande surprise, puisque des rumeurs circulaient depuis quelques semaines sur la publication d’un texte romain visant à encadrer de façon plus stricte la liturgie selon l’ancien ordo. J’en retiens, tout d’abord, qu’il s’agit d’un rescrit, c’est-à-dire, en quelque sorte, d’un procès-verbal faisant état, par écrit, de décisions prises au cours d’une discussion. Publié avec l’autorisation du Saint-Père, le document est signé par le préfet du Dicastère pour le Culte divin. Ensuite, ce rescrit confirme simplement les normes générales établies par Traditionis Custodes concernant les autorisations relevant du Siège Apostolique, à savoir l’octroi de la permission aux prêtres ordonnés après la publication du Motu Proprio de célébrer la messe selon le missel romain de 1962, et l’usage des églises paroissiales pour la liturgie romaine selon l’ancien rite.

    Cela va-t-il changer beaucoup de choses pour la FSSP ?
    Le 11 février 2022, donc après la publication de Traditionis Custodes et des Responsa ad dubia (18 décembre 2021), actes qui font l’objet des explications du présent rescrit, le pape François, dans un décret signé de sa main, a accordé, à tous les membres de la Fraternité Saint-Pierre, la faculté de célébrer la messe et d’administrer les sacrements selon les livres liturgiques en usage en 1962. Tout prêtre membre de la Fraternité Saint-Pierre jouit donc de cette autorisation qui a été donnée, je le répète, par le Saint-Père lui-même, après le Motu Proprio du 16 juillet 2021 et après les Responsa. Par ailleurs, le décret du Pape précise que cette permission vaut pour les oratoires propres de la Fraternité Saint-Pierre, et que partout ailleurs il faudra le consentement de l’Ordinaire du lieu, c’est-à-dire de l’évêque. Cette disposition du décret du Saint-Père donne à l’évêque diocésain la faculté d’autoriser, par lui-même, la célébration de la liturgie selon l’ancien ordo par des prêtres de la Fraternité Saint-Pierre dans les églises de son diocèse qui lui semblent adaptées.

    Notre attachement à la liturgie ancienne n’a rien d’idéologique ; il s’agit pour nous de vivre en profondeur des richesses spirituelles dont elle nous abreuve.

    Comment analysez-vous ces allers-retours ?
    À vrai dire, le rescrit du 21 février 2023 confirme seulement ce qui avait été dit dans le Motu Proprio Traditionis Custodes tout en rappelant que certaines dispenses (autorisation de célébrer la messe selon l’ancien ordo pour un prêtre ordonné après la publication de Traditionis Custodes, ou l’accueil de cérémonies selon l’ancien ordo dans les églises paroissiales) relèvent exclusivement du Siège Apostolique. C’est d’ailleurs le Saint-Père lui-même qui autorise par son décret du 11 février 2022 tous les membres de la Fraternité Saint-Pierre à user des livres liturgiques de 1962 et, avec le consentement de l’Ordinaire du lieu, de pouvoir célébrer en telle ou telle église de son diocèse. Le Saint-Père a pris cette décision compte tenu de notre histoire et de notre spécificité, en particulier la fidélité de nos fondateurs au successeur de Pierre au moment des sacres de quatre évêques par Mgr Lefebvre sans mandat pontifical. Le pape François nous a dit lors de l’audience privée du 4 février 2022 que cette attitude de nos fondateurs devait être « honorée, protégée, encouragée ». Cette histoire est commune à toutes les communautés ex-Ecclesia Dei, qui relèvent depuis lors, par leur droit propre (Constitutions définitivement approuvées par le Saint-Siège), d’un régime spécifique dérogeant à la loi générale en vigueur.

    Alors que nous entrons en Carême, quelle est votre Espérance ?
    Elle est de saisir les grâces de ce temps liturgique si fécond, en prenant de la distance par rapport à l’agitation du temps, pour revenir à l’essentiel, pour vivre davantage en présence du Seigneur, en nous retirant un peu à l’écart, en le suivant au désert. La liturgie romaine traditionnelle peut ici nous être d’un puissant secours, puisqu’une messe propre est prévue pour chaque jour du Carême, avec de magnifiques textes à méditer, dont nous allons nous nourrir. Notre attachement à la liturgie ancienne n’a rien d’idéologique ; il s’agit pour nous de vivre en profondeur des richesses spirituelles dont elle nous abreuve. Ce Carême en est l’occasion, et pour nous tous, c’est l’heure d’une conversion intérieure, qui nous établira dans la vraie Paix. »

    Ref. Traditionis custodes : « Le rescrit du Pape n’a pas été une grande surprise »

     

  • "Tout doit être conforme aux exigences de l'Évangile et non aux opinions des conservateurs ou des progressistes"

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    De Franca Giansoldati sur Il Messaggero :

    Le pape François défend ses choix après la répression contre les traditionalistes, "l'Évangile n'est pas de droite ou de gauche, plus de polarisations".

    22 février 2023

    Cité du Vatican - Au lendemain de la répression du rite latin avec laquelle une muselière définitive a été mise sur le courant traditionaliste, le pape François justifie sa décision en expliquant que "dans l'Église, tout doit être conforme aux exigences de l'Évangile et non aux opinions des conservateurs ou des progressistes, mais au fait que Jésus atteint la vie des gens. C'est pourquoi tout choix, tout usage, toute structure et toute tradition doivent être évalués dans la mesure où ils favorisent l'annonce du Christ". Lors de l'audience générale qui tombe ce matin sur le Mercredi des Cendres, début du Carême, la réflexion papale développée devant les fidèles dans la Salle Paul VI se concentre sur l'annonce de l'Esprit Saint, selon un passage de l'Évangile de Matthieu (Lecture : Mt 28,18-20).

  • Mais qui sont donc ces catholiques traditionalistes ?

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    De Christophe Dickès sur le Figaro Vox (via le Forum Catholique) :

    «Pourquoi retirer aux traditionalistes ce que Jean-Paul II et Benoît XVI avaient accordé?»

    23/02/2023

    Le carême des catholiques traditionalistes commence dans la peine. En charge des questions liturgiques au Vatican, le cardinal Roche qui, dans les faits, n’a jamais caché son opposition à l’œuvre de Benoît XVI, vient de publier un nouveau texte validé par le pape François sur la pratique de l’ancien rite. Contrairement à l’esprit même que le pape a souhaité donner à son pontificat, il réduit drastiquement la liberté des évêques et leur autonomie en la matière. Mais qui sont donc ces catholiques traditionalistes?

    À l’échelle de l’Église de France, ils font partie des rares pratiquants réguliers. Soit moins de 4 % des catholiques français. Ils sont donc une minorité d’une minorité. Ils catéchisent leurs enfants en leur apprenant les dix commandements et les prières que les catholiques doivent connaître. À cet égard, ils pratiquent souvent en famille. Certains d’entre eux, souhaitant préserver leurs enfants de la cancel culture qui se développe dans l’environnement scolaire, mettent leurs enfants dans les écoles hors contrat. Ces écoles étant très chères, ils font donc des sacrifices et se privent. Ils savent cependant que l’instruction vaut tous les trésors du monde, notamment l’instruction religieuse assurée par des prêtres.

    Ces gens assistent surtout à la messe en latin. Non pas parce qu’ils préfèrent la langue universelle de l’Église, ni par snobisme. Non. Parce qu’il existe une verticalité et une sacralité dans le rite improprement qualifié de tridentin, moins évidentes dans le rite «communautaire» de la messe Paul VI. Ils aiment aussi ce rite parce qu’il est le moins clérical: le prêtre, en effet, leur tourne le dos au moment du Canon. Dans l’ancien rite, nul personnalisme: les fidèles prient dans un face-à-face silencieux avec Dieu.

    Or, depuis près de deux ans, ces gens se sont vus retiré par Rome ce que les deux papes précédents avaient accordé après de longues et bienveillantes tractations. Rappelons que ces gens, après le fameux «schisme» de Mgr Lefebvre en 1988, avaient voulu montrer au Saint-Siège leur fidélité en faisant part de leurs besoins spirituels comme le permet le droit canon (C. 212 § 2). Cet acte de fidélité avait été récompensé à sa juste mesure par le pouvoir pontifical. Ces gens savent aussi que, depuis les origines du christianisme et le concile de Jérusalem (acte 15), l’Église tire son unité non pas de la liturgie mais bien de la profession d’une même foi (CEC 814). Pour cette raison, ils savent qu’il existe dans l’Église plusieurs rites romains (anglican, zaïrois) et de très nombreux autres rites reconnus par Rome: alexandrin, byzantin, arménien, etc.

    Aujourd’hui, ces gens sont pointés du doigt. On aurait pu se demander pourquoi ils remplissent leurs églises quand bien d’autres se vident. On aurait pu aussi se demander si ces gens ne font pas partie de ce que Benoît XVI a appelé les minorités créatives: écoles, groupes de scouts, chorales, assistance aux personnes âgées, œuvres missionnaires, médias et surtout… conversions et vocations. Les tradis font fleurir leur figuier, mais il semble que cela n’ait pas d’importance.

    Surtout, comme saint Paul appelé à Jérusalem par les colonnes de l’Église (Galates 2), on aurait pu essayer de recevoir les chefs des instituts et des fraternités concernées pour les entendre. On aurait même pu leur demander de faire des efforts en travaillant sur certains points. Au même titre que la Fraternité saint Pie X ou les anglicans furent engagés à travailler avec Rome sur une réintégration, toujours sous le pontificat de Benoît XVI. On aurait pu, en cas de mauvaise volonté, faire une correction fraternelle, voire une réprimande et même faire preuve de sollicitude pastorale. Ce qui est œuvre de justice dans le droit canon (C. 1 341). Mieux, comme la parole est aujourd’hui aux laïcs, on aurait pu aussi inviter quelques-uns de ces fidèles de la base, représentatifs de ce courant si singulier de l’Église.

    Il n’en fut rien: seul le supérieur de la Fraternité Saint-Pierre a été reçu. Il a eu gain de cause. Quant aux laïcs, des mères de prêtres âgées de 50 à 65 ans, qui ont fait 1500 km à pied de Paris à Rome afin de déposer au pied du vicaire de Pierre une supplique, ont été reçues à peine trois minutes. 1500 kilomètres pour une poignée de secondes… Dans ce groupe, goutte d’eau d’espérance dans un océan d’indifférence, il y avait même une fidèle de la communauté de l’Emmanuel qui, prise de compassion, avait souhaité faire un bout de chemin avec ce petit monde étrange. Cette femme avait créé un pont. Elle fut accueillie par des larmes et aimée selon les mots de Tertullien: « Voyez comme ils s’aiment» (Apologétique, n. 39 § 7).

    Aujourd’hui, on donne à ces tradis des noms pour mieux les disqualifier. Ils sont nihilistes nous explique-t-on ou bien encore restaurationnistes. Un critique anglais les considère même comme des nouveaux jansénistes! On leur dit de reconnaître le concile Vatican II alors que l’écrasante majorité d’entre eux n’a lu et ne lira jamais le concile Vatican II. Pas plus quela plupart des fidèles qui assistent à la messe Paul VI. On leur reproche leur ecclésiologie sans se demander si les 96 % des catholiques qui ne pratiquent pas en ont une. On souhaite au fond les rééduquer. De gré ou de force. La synodalité est semble-t-il à la mode, mais «eux» n’ont qu’un seul droit: celui de la souffrance dans le silence.

  • Le cardinal Roche voulait une constitution apostolique, il n'a eu qu'un rescrit

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    Lu sur Riposte Catholique :

    Rescrit : une humiliation pour le cardinal Roche ?

    Benoît-et-moi a traduit une analyse parue sur The Wanderer à propos du rescrit du pape François sur la liturgie traditionnelle :

    Un bref rescriptum ex audiencia Sanctissimi a été rendu public aujourd’hui. Ce type de document est une décision du Pontife romain communiquée oralement à un ecclésiastique de la Curie romaine reçu en audience, qui laisse ensuite une trace écrite de cette résolution orale (ce qu’on appelle l’oraculum vivae vocis), de sorte qu’elle est considérée comme valable à des fins de preuve et qu’elle est également efficace devant les tiers. En bref, il s’agit du document de rang le plus bas dans l’arsenal complexe dont dispose le Pontife Romain, qui peut être modifié demain par lui-même ou par son successeur.