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Débats - Page 86

  • LITURGIE : entre modernisme et traditionalisme

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    De Denis Crouan  :

    LITURGIE : entre modernisme et traditionalisme

    À la suite d’un article de Mgr de Sinety, ancien vicaire général de Paris, qui revient sur la question liturgique liée au récent pèlerinage de la Pentecôte à Chartres, M. Jean-Pierre Maugendre, président de « Renaissance catholique » et pèlerin depuis la recréation de ce pèlerinage, pose quatre questions : 

    https://renaissancecatholique.fr/blog/reponse-a-mgr-de-sinety-et-quelques-autres-a-propos-du-pelerinage-de-chartres/ 

    1. Pourquoi cet ostracisme [il s’agit ici de celui de Mgr de Sinety] contre la liturgie romaine traditionnelle ? 
    1. Pourquoi ce refus de voir la réalité qui est l’engouement d’un public de plus en plus large et jeune pour la messe traditionnelle ?
    1. Pourquoi cette impossibilité de dresser un bilan, objectif et serein, de la réforme liturgique loin des incantations et des arguments d’autorité ?
    1. Pourquoi est-il impossible de débattre de la continuité, ou de la rupture, entre la réforme liturgique bugninienne de 1969 et la constitution conciliaire sur la liturgie Sacrosanctum Concilium ?

    Avant d’aborder la question de fond, il convient de répondre à M. Maugendre qui - ce n’est lui faire insulte que de le dire - ne semble pas avoir de grande connaissance en liturgie. 

    Répondons à la première question de M. Maugendre par une autre question : qu’appelle-t-il « liturgie romaine traditionnelle » ? Ou, si l’on préfère, qu’est-ce qui peut faire qu’une liturgie romaine n’est pas « traditionnelle » ? Au cours de ses vingt siècles d’existence, la liturgie romaine a été célébrée de différentes manières sans que se pose la question de sa « traditionalité ». La liturgie romaine que M. Maugendre - et d’autres avec lui - qualifie de « traditionnelle » n’a été célébrée comme on la voit aujourd’hui que durant un temps relativement court : grosso modo, un siècle ; depuis sa redécouverte par Dom Guéranger (XIX° s) - avec les défauts qu’y trouvaient aussi bien le restaurateur de la vie bénédictine en France que le pape saint Pie X - jusqu’à Vatican II. Quant au chant grégorien qui est le « chant propre de la liturgie romaine », nous dit Vatican II, il ne fut rétabli que progressivement à partir de la fin du XIXe siècle : saint Pie V lui-même l’ignorait... 

    La deuxième question que pose M. Maugendre se rapporte à l’engouement des jeunes pour la messe « traditionnelle ». On peut dire sans risque de se tromper que M. Maugendre fait une erreur d’appréciation : l’engouement des jeunes porte sur une façon « traditionnelle » de célébrer la liturgie. En fait, ce dont les jeunes ne veulent plus, ce sont les célébrations bricolées qui faisaient les délices de leurs parents et grands-parents. Mais la liturgie restaurée à la suite de Vatican II attire tout autant les jeunes, dès lors qu’elle est célébrée de façon « traditionnelle », c’est-à-dire avec la dignité, l’application, le respect des rites, la place donnée au chant grégorien, l’orientation de la prière... Bref, avec tout ce que le clergé soixante-huitard a supprimé au nom, disait-il, de Vatican II. Partout où la liturgie dite « conciliaire » est célébrée de façon « traditionnelle », les églises attirent des jeunes et les vocations refleurissent : tous les prêtres qui font l’expérience de célébrer ainsi la liturgie - c’est-à-dire comme le demande le Concile - peuvent en témoigner. Et dans ces églises, les demandes de fidèles pour la messe « anté-conciliaire » se raréfient jusqu’à disparaître. 

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  • Euthanasie et « gender » : l’Église catholique s’entend mieux avec la communauté juive qu’en son propre sein

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    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso (traduction de Diakonos.be) :

    Sur l’euthanasie et le « gender », l’Église catholique s’entend mieux avec les Juifs qu’en son propre sein

    On n’en a presque pas parlé mais la déclaration conjointe de l’Église catholique et du Grand rabbinat d’Israël émise en mai à Jérusalem sur « ce qui est interdit, autorisé, obligatoire » avec les malades en fin de vie a confirmé que les deux traditions religieuses continuent à être solidaires dans leur souci de demeurer fermes contre l’euthanasie.

    À l’époque actuelle, il en faut du courage pour soutenir que « tout ce qui est techniquement réalisable n’est pas forcément éthique ». La pression de la culture dominante pour abattre toute résistance est très forte. Et pourtant, aucune des deux parties n’a fait mine de vouloir infléchir le moins du monde ses précédentes prises de position, y compris celle qui avait été définie comme « historique » en 2019 « des trois religions abrahamiques », islam y compris, contre « l’euthanasie active et le suicide médicalement assisté ».

    Les délégations qui ont signé en mai dernier la déclaration conjointe étaient présidées, côté catholique, par le cardinal Kurt Koch et, côté juif, par le grand rabbin Rasson Arussi.

    Le principe fondamental qui impose le refus de l’euthanasie est pour les deux parties la référence à Dieu « créateur et seigneur de toute vie », créée « selon l’image divine » et donc non susceptible d’être soumise, en ce qui concerne sa valeur et sa durée, à la domination de quelque personne ou groupe humain que ce soit.

    En revanche, découle de ce même principe fondamental « l’importance des soins palliatifs et de déployer tous les efforts possibles pour soulager la douleur et les souffrances ».

    La déclaration donne également l’information qu’à Jérusalem, « les délégations ont été reçues par le directeur général de l’hôpital Shaare Zedeq, où ils ont pu constater les modalités de traitement des malades en fin de vie, en conformité avec les principes énoncés ci-dessus ».

    Mais il reste à voir à quel point tout cela est effectivement partagé, aussi bien dans le monde juif que dans l’Église catholique.

    *

    En effet, au sein de l’Église, la prise de position en faveur d’une loi pro-euthanasie débattue au parlement italien, exprimée en janvier 2022 par le théologien moraliste jésuite Carlo Casalone dans « La Civiltà Cattolica », la revue des jésuites de Rome publiée moyennant le contrôle ligne par ligne du Pape et de la secrétairerie d’État, a laissé des traces.

    Dans cet article, Casalone reconnaissait que oui, la loi en débat s’écartait du magistère de l’Église catholique sur « l’illicéité du suicide assisté », mais poursuivait en soutenant – et citant le Pape François pour étayer ses dires – que « l’évaluation d’une loi de l’État exige de considérer un ensemble complexe d’éléments en faveur du bien commun » et concluait que, pour prévenir des lois encore pires, il valait mieux approuver la loi en discussion qui, à ses yeux, « ne s’opposait pas à une recherche responsable du bien commun possible ».

    Il va sans dire que quelques semaines plus tard, le 9 février 2022, dans une audience générale du mercredi dédiée à saint Joseph, « patron de la bonne mort », le Pape François s’est exprimé publiquement avec des paroles très nettes contre le suicide assisté et les autres formes d’euthanasie, réfutant les thèses de « La Civiltà Cattolica », tout en évitant de la citer.

    Et il faut ajouter que même la revue « Il Regno », qui est le porte-parole autorisé de l’aile progressiste de l’Église italienne, s’est opposée sans concession, par la plume du juriste Luciano Eusebi, à la loi débattue au parlement italien.

    Mais tout cela n’enlève rien au fait que l’euthanasie soit malgré tout devenue, à différents niveaux de l’Église catholique, une question controversée, avec diverses prises de positions, pour ou contre, en guise de matière à débat.

    Exactement comme cela est en train de se passer, sous des formes encore plus décomplexées, sur d’autres questions de morale catholique. Par exemple, dernièrement, sur l’encyclique de Paul VI « Humanae vitae » et sa condamnation de la contraception artificielle, qui a vu s’opposer d’un côté, en défense de l’encyclique, le cardinal Luis Francisco Ladaria, Préfet du dicastère pour la Doctrine de la foi, et de l’autre, en faveur d’une relecture très évolutive de cette même encyclique, le président de l’Académie pontificale pour la Vie, Vincenzo Paglia, rejoint à son tour par le cardinal Matteo Zuppi, moins catégorique que lui mais tout aussi ouvert à des variations.

    *

    Bref, sur certaines questions, les positions classiques de l’Église catholique en matière de morale trouvent davantage de consensus chez les Juifs que chez nous, comme on a pu le voir dans le cas de l’euthanasie.

    Cela est d’ailleurs confirmé par ce que déclarait le Pape Benoît XVI dans son discours avant Noël à la Curie romaine du 21 décembre 2012, le dernier de son pontificat.

    Pour mener une critique de fond aussi bien sur les attaques actuelles contre la famille que sur le « gender » en tant que « nouvelle philosophie de la sexualité », Benoît n’a rien trouvé de mieux que de citer, pour appuyer ses dires, le grand rabbin de France, Gilles Bernheim.

    Voici donc ce qu’avait déclaré, mot pour mot, le Pape Joseph Ratzinger à cette occasion :

    « Le Grand Rabbin de France, Gilles Bernheim, dans un traité soigneusement documenté et profondément touchant, a montré que l’atteinte à l’authentique forme de la famille, constituée d’un père, d’une mère et d’un enfant – une atteinte à laquelle nous nous trouvons exposés aujourd’hui – parvient à une dimension encore plus profonde. Si jusqu’ici nous avons vu comme cause de la crise de la famille un malentendu sur l’essence de la liberté humaine, il devient clair maintenant qu’ici est en jeu la vision de l’être même, de ce que signifie en réalité le fait d’être une personne humaine.

    Il cite l’affirmation devenue célèbre, de Simone de Beauvoir : ‘On ne naît pas femme, on le devient’. Dans ces paroles se trouve le fondement de ce qui aujourd’hui, sous le mot ‘gender’, est présenté comme une nouvelle philosophie de la sexualité. Le sexe, selon cette philosophie, n’est plus un donné d’origine de la nature, un donné que l’être humain doit accepter et remplir personnellement de sens, mais c’est un rôle social dont on décide de manière autonome, alors que jusqu’ici c’était à la société d’en décider. La profonde fausseté de cette théorie et de la révolution anthropologique qui y est sous-jacente, est évidente. L’être humain conteste d’avoir une nature préparée à l’avance de sa corporéité, qui caractérise son être de personne. Il nie sa nature et décide qu’elle ne lui est pas donnée comme un fait préparé à l’avance, mais que c’est lui-même qui se la crée.

    Selon le récit biblique de la création, il appartient à l’essence de la créature humaine d’avoir été créée par Dieu comme homme et comme femme. Cette dualité est essentielle pour le fait d’être une personne humaine, telle que Dieu l’a donnée. Justement, cette dualité comme donné de départ est contestée. Ce qui se lit dans le récit de la création n’est plus valable : ‘Homme et femme il les créa’ (Gn 1, 27). Non, maintenant ce qui vaut c’est que ce n’est pas lui qui les a créés homme et femme, mais c’est la société qui l’a déterminé jusqu’ici et maintenant c’est nous-mêmes qui décidons de cela. Homme et femme n’existent plus comme réalité de la création, comme nature de l’être humain. Celui-ci conteste sa propre nature. Il est désormais seulement esprit et volonté.

    La manipulation de la nature, qu’aujourd’hui nous déplorons pour ce qui concerne l’environnement, devient ici le choix fondamental de l’homme à l’égard de lui-même. L’être humain désormais existe seulement dans l’abstrait, qui ensuite, de façon autonome, choisit pour soi quelque chose comme sa nature. L’homme et la femme sont contestés dans leur exigence qui provient de la création, étant des formes complémentaires de la personne humaine. Cependant, si la dualité d’homme et de femme n’existe pas comme donné de la création, alors la famille n’existe pas non plus comme réalité établie à l’avance par la création. Mais en ce cas aussi l’enfant a perdu la place qui lui revenait jusqu’à maintenant et la dignité particulière qui lui est propre.

    Bernheim montre comment, de sujet juridique indépendant en soi, il devient maintenant nécessairement un objet, auquel on a droit et que, comme objet d’un droit, on peut se procurer. Là où la liberté du faire devient la liberté de se faire soi-même, on parvient nécessairement à nier le Créateur lui-même, et enfin par là, l’homme même – comme créature de Dieu, comme image de Dieu – est dégradé dans l’essence de son être. Dans la lutte pour la famille, l’être humain lui-même est en jeu. Et il devient évident que là où Dieu est nié, la dignité de l’être humain se dissout aussi. Celui qui défend Dieu, défend l’être humain ! »

    *

    Vie, famille et sexe ne sont pas des questions marginales dans la vie de l’Église. La désorientation qui l’a envahie doit beaucoup à la cacophonie ambiante sur ces sujets.

    Josef Seifert, un philosophe autrichien catholique réputé qui a fondé en 2017 une « Académie Jean-Paul II pour la vie humaine et la famille », parallèle à l’Académie pontificale pour la vie pilotée par Paglia, se dit très préoccupé par cette dérive de l’Église catholique et par le silence par lequel même ceux qui devraient parler restent sans réaction. Les quatre cardinaux des fameux « dubia » auront été les derniers, dit-il, « à avoir parlé avec clarté contre de telles erreurs et contre l’obscurcissement de l’enseignement catholique ».

    Et pour que ce silence soit brisé, il a envoyé au printemps dernier une lettre-appel à tous les cardinaux. Confiant que Dieu puisse susciter en eux, ou à tout le moins en certain d’entre eux, « le don du saint courage ».

  • Faut-il s’inquiéter de la crise dans l’Église ?

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    De Javier García Herrería sur didoc.be :

    Faut-il s’inquiéter de la crise dans l’Église ?

    2 juin 2023

    C’est à vous et à moi de semer dans la joie.

    Si vous pensez que l’Eglise traverse actuellement une crise si grave qu’elle ne s’en relèvera pas, je suis désolé de vous signaler qu’il y en a eu de pires. Par exemple, à l’époque de l’arianisme, 80 % des évêques étaient hérétiques. Si malgré tout vous pensez que la situation d’aujourd’hui est trop préoccupante, ne vous alarmez pas, c’est normal. Des saints aussi grands qu’Athanase ou Augustin sont morts en voyant un horizon très noir. Il est classique de croire que tout va très mal.

    En tout cas, on peut penser que la barque de Pierre — l’Église — risque de couler dans l’avenir, même si elle a survécu jusqu’à présent. C’est peut-être pour cela que Jésus-Christ a décidé de nous rassurer et a dit dans l’Évangile : « Je te le dis, tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle » (Mt 16, 18). Ces paroles constituent la meilleure assurance-vie de l’histoire.

    La papauté et la saine doctrine ont survécu à de puissants ennemis, depuis les persécutions des empereurs romains jusqu’à Napoléon lui-même. L’anecdote est célèbre : un jour, l’empereur français a dit au cardinal Consalvi : « Je vais détruire votre Église. »

    Le cardinal répondit : « Non, vous ne le pourrez pas ! »

    Alors, Napoléon répéta furieux : « Je vais détruire votre Église ! ».

    On pourrait graver dans la pierre la réponse du cardinal : « Non, vous ne le pourrez pas, car même nous, nous n’avons pas été capables de le faire ! Si des milliers de ministres infidèles et de pécheurs n’ont pas réussi à la détruire de l’intérieur, comment pensez-vous pouvoir le faire de l’extérieur ? »

    On peut souffrir l’indicible en raison des problèmes de l’Église, mais on peut aussi s’inspirer de ce que répètent si souvent les psychologues et les psychiatres : « s’il y a des choses que tu ne peux pas changer, tu peux par contre décider dans une large mesure de la manière dont elles t’affectent ». L’esprit humain peut être quelque peu autodestructeur quand il se laisse obséder par certaines questions, en particulier celles qui vous importent. La situation de l’Église peut être l’une de ces questions, et je pense donc qu’il est bon de penser que Jésus-Christ a déjà accompli le salut du genre humain il y a vingt siècles.

    Il n’est pas nécessaire de sauver l’Église, il l’a déjà fait.

    Cela signifie que la partie est gagnée (même si vous devez la jouer et mouiller votre chemise sur cette terre). Ce qui n’a pas de sens, en revanche, c’est de perdre la paix alors que vous savez que vous allez gagner la partie à coup sûr.

    Vous pourrez perdre des batailles, mais pas la guerre.

    La scène évangélique de la tempête sur le lac de Génésareth se répète sans cesse. Les disciples angoissés réveillent Jésus-Christ, persuadés qu’ils vont périr. Le plus étonnant est la réponse de Jésus après avoir calmé la tempête : « Pourquoi avez-vous peur ? N’avez-vous pas la foi ? » (Mc 4, 40). Quelle réponse ! J’aimerais bien avoir une photo montrant les visages perplexes des apôtres. Il n’est pas étonnant qu’ils n’aient pas oublié cette réponse et qu’ils l’aient immortalisée dans l’Évangile.

    Certains pourraient penser que si nous ne nous préoccupons pas de la situation de l’Église, nous courons le risque de sombrer dans la passivité, de sorte que, même si l’Église ne succombe pas, les maux qui l’affligent augmenteront et beaucoup d’âmes seront perdues. Il ne s’agit évidemment pas de cela. Il faut s’occuper — pas se préoccuper — de résoudre les problèmes de l’Église, avant tout par la prière et, dans la mesure du possible, par les œuvres.

    Je pense que le ton désespéré de beaucoup d’analyses de la situation de l’Église n’apporte rien et qu’il n’est pas très chrétien. La joie devrait être le patrimoine des croyants et nous en manquons souvent.

    Il y a beaucoup de choses très, très positives dans l’Église : depuis le travail social qu’elle accomplit jusqu’au grand nombre de vocations qui surgissent dans certaines de ses institutions. De plus, il n’y a jamais eu autant de laïcs, aussi bien formés, qui prient et reçoivent librement les sacrements avec autant d’assiduité. Et ils ne le font pas dans un contexte culturel chrétien, mais dans un contexte défavorable.

    Evidemment, si ce que l’on cherche, ce sont des signes évidents d’une future régénération complète de l’Église, je suis désolé de signaler que ce style commode et triomphaliste n’est pas typique de Dieu, même si les apôtres eux-mêmes ont trop souvent cru qu’ils verraient le triomphe humain du Christ.

    Pensez à la manière dont l’Esprit Saint a géré la crise postconciliaire. Si vous pensez que la limitation actuelle de la messe traditionnelle est très inquiétante, imaginez ce que cela a dû signifier pour les personnes pieuses de passer de l’ancien rite à celui que nous célébrons aujourd’hui. Les changements de cette réforme liturgique ont dû sembler à beaucoup comme un saut dans un abîme !

    Cependant, le temps a prouvé qu’il est possible de vivre pleinement la messe, même dans un autre rite. Même si de nombreuses nuances de la célébration — qu’il est bon de garder à l’esprit — se sont estompées, les chrétiens ont continué à se nourrir du fruit de l’Eucharistie (j’espère que vous comprenez ce que je veux dire : je pense que l’ancien rite est formidable et je ne prétends pas porter un jugement sur les mesures qui le limitent aujourd’hui).

    De plus, les opinions théologiques erratiques, sur le plan moral et pastoral, amplifiées par de nombreux médias, ont généré à juste titre un sentiment de défaitisme chez de nombreux croyants.

    Mais qu’a fait l’Esprit Saint pour faire avancer l’Église ? Il a appelé au siège de Pierre un certain Karol Wojtyla, que personne ne connaissait et qui ne figurait dans aucun pronostic.

    Et qu’est-ce que Dieu va faire maintenant pour améliorer la situation de l’Église ? Je n’en sais rien, mais j’imagine qu’essayer de le savoir doit faire rire les anges et les saints du ciel.

    Heureusement, nous n’avons pour rôle de deviner l’avenir. Il nous revient, à vous et à moi, de semer dans la joie, et non de chercher quelle partie de la récolte portera le plus de fruits. Après tout, si un humble tailleur a accompagné spirituellement Karol Wojtyla pour faire grandir sa vie intérieure et l’amener finalement au séminaire, alors n’importe quel chrétien peut être la cause dont Dieu se sert pour redresser l’Église.

    Il ne sert à rien de jouer aux devinettes. Les voies de Dieu sont impénétrables. Jésus-Christ le disait déjà à Nicodème qui lui demandait comment un homme pouvait naître de nouveau alors qu’il était vieux (une question assez logique, d’ailleurs) : « Le vent souffle où il veut : on entend sa voix, mais on ne sait ni d’où il vient, ni où il va. Il en est de même pour quiconque est né de l’Esprit. » (Jn 3, 8)

    Eh bien, vous et moi sentons le vent des choses positives dans l’Église, mais nous ne savons pas exactement comment Dieu guide l’histoire en réorientant les actions humaines. Alors, veillez à prier et à aider l’Église (en commençant par vos parents et connaissances, par votre paroisse) mais ne vous évertuez pas à faire des évaluations sombres de la situation : elles ne sont sûrement pas aussi vraies que vous le pensez et ne servent pas à résoudre quoi que ce soit.

    Javier García Herrería a été pendant 18 ans professeur de philosophie dans l’enseignement secondaire et se dédie depuis peu au journalisme. Source : https://www.exaudi.org/es/por-que-no-deben-preocuparte-las-crisis-de-la-iglesia/. Ce texte a été traduit de l’espagnol par Stéphane Seminckx.

  • Quel est le problème avec la messe de Paul VI  ?

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    Du blogue d'Emmanuel Di Rossetti :

    Quel est le problème avec la messe de Paul VI  ?

    Il y a maintenant plus de cinquante ans, l’Église catholique se dotait d’une nouvelle messe qui rompait d’une manière encore jamais vue avec la tradition de l’Ėglise. Les réformateurs n’avaient cependant pas prévu que la messe traditionnelle leur perdure. Ils étaient même persuadés du contraire. Et ils utilisèrent tous les moyens en leur possession pour arriver à leurs fins : la suppression de la messe romaine traditionnelle. Pourtant, force est de constater que cette messe continue d’attirer de nombreux fidèles, et parmi eux, des jeunes gens qui s’engagent, comme priants, comme séminaristes, à célébrer et à faire vivre cette forme du rite romain. Ces derniers sont souvent accusés d’être des fauteurs de trouble, des nostalgiques, des identitaires, et surtout, crime de lèse-majesté, d’être contre le Concile Vatican II, que l’on ne sépare plus de son propre esprit ; cet esprit du concile dont on se repaît sans jamais vraiment le qualifier, comme pour à peu près toutes les choses importantes. Dans l’Église comme ailleurs, les progressistes agissent en essentialisant leurs contradicteurs afin de les discréditer. La liturgie est le sommet et la source de la vie de l’Église comme le rappelle le dernier concile, et la liturgie est tradition. Pour dénouer la crise de la liturgie qu’elle porte en son sein, l’Église devra retisser les fils de la tradition abimée et blessée, même et surtout, si l’époque la presse de n’en rien faire.

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  • Comment les évêques vont-ils gérer la réalité de cette « minorité créative » ascendante que constituent les jeunes cathos tradis ?

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    Une tribune de l'historien Christophe Dickès sur le site du journal La Croix :

    Jeunes tradis : « Les évêques doivent chercher un nouvel équilibre »

    Malgré les limitations mises par le pape François au rite traditionaliste, Christophe Dickès estime que tout montre l’attachement des plus jeunes à cette liturgie comme en témoigne l’enquête de La Croix sur les jeunes cathos, et invite à permettre à cette minorité créative de tenir sa place dans l’Église universelle.

    04/06/2023

    À l’été 2021, dans les jours qui ont suivi la publication de Traditionis Custodes réduisant drastiquement l’usage du rite dit de saint Pie V, quelques dizaines de jeunes s’adressèrent au pape et aux évêques dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. En langue anglaise, ce petit film de moins de deux minutes prenait tout d’abord acte du fait qu’il pouvait exister une incompréhension entre la jeune génération et la plus âgée. Ensuite, ces jeunes de tous les continents témoignaient de leur fidélité au pape et aux évêques en expliquant qu’ils ne remettaient pas en cause la validité de la nouvelle liturgie.

    Ils ne se sentaient ni grincheux, ni vieux jeu et encore moins séparatistes. Enfin ils développaient la raison de leur attachement au rite extraordinaire : la transcendance qui habite ce rite, sa verticalité et son orientation vers l’Est. Nulle idéologie chez cette jeunesse, ni volonté de divergence : « Nous sommes vos brebis » disaient-ils en s’adressant au pape.

    Radicalité de la méthode romaine

    Presque deux années après, l’appel de cette jeunesse a reçu une fin de non-recevoir de la part de Rome. Pire, le texte issu des bureaux du Vatican souffrant d’angles morts juridiques, le cardinal Arthur Roche fit signer au pape un autre texte réduisant quasi à néant le pouvoir épiscopal en la matière. Pressant ainsi le citron jusqu’à ce que les pépins craquent. Beaucoup a été dit sur cette politique en décalage avec l’esprit de décentralisation que le pape a souhaité donner à son pontificat.

    Alors que l’aile progressiste ne cesse de répéter qu’il faut mettre fin à une organisation pyramidale de l’église, la subsidiarité ne semble pas être acceptée pour le monde traditionaliste. La radicalité de la méthode romaine a ainsi fait réagir jusqu’à l’ancien pape Benoît XVI qui, d’un point de vue personnel, découvrant cette décision en lisant le journal du Vatican, la considéra comme une erreur [1].

    De leur côté, de nombreux évêques ont pareillement été surpris par ce texte inattendu, justifié par une enquête auprès des diocèses mais dont les résultats n’ont jamais été rendus publics. Après la suppression de la Commission Ecclesia Dei en charge des relations avec le monde traditionaliste, les évêques semblaient voir dans cette décision une possibilité pour eux de juger des nécessités à leur niveau. Le recadrage romain d’avril dernier a finalement mis à mal la possibilité de (re) construire des ponts.

    Des jeunes attirés par le rite traditionnel

    Or, le sondage de La Croix du 26 mai dernier a montré que les pépins n’avaient pas craqué et que le mur érigé par les décisions romaines n’avait pas produit les effets escomptés. Pire si l’on peut dire, il semble que les graines germent au point que 38 % du panel de la jeunesse interrogée disent apprécier la messe en latin, alors que 40 % n’ont rien contre, même si ce rite ne correspond pas à leurs attentes. La réalité du terrain exprimée dans ce sondage révèle une complexité qui ne correspond plus à la polarité progressiste/traditionalistes datant des années 1970. Il existe à cet égard un étonnant parallèle entre cette enquête et la vidéo évoquée au début de cet article : ces jeunes donnent un visage d’une étonnante modernité, rendant compte dans le monde de leur espérance qui est en eux.

    Comme le souligne l’éditorial de Jérôme Chapuis, ce serait une erreur d’enfermer ce petit groupe traditionaliste dans des catégories hâtives comme celles de « réacs » ou de « catho identitaires ». Plus intéressant encore est que le choix de la messe en latin n’est pas seulement lié au milieu familial : en effet, un sondage américain commandé par la Fraternité Saint-Pierre en 2021 révélait que, sur la tranche d’âge 18-39 ans, seuls 16 % déclaraient aller à la messe en latin sous l’influence de leurs parents. Le facteur essentiel du choix de l’ancien rite était, pour plus de 36 % d’entre eux, le respect et la vénération.

    Une minorité créative ascendante

    Aujourd’hui, la question n’est pas tant de savoir si la messe en latin est l’avenir de l’église, mais comment le pouvoir épiscopal va gérer la réalité de cette « minorité créative » ascendante. Comment aussi traiter les nouvelles vocations en son sein, sans poser de graves problèmes de conscience pour un jeune converti dans cette sensibilité, alors que Rome doit donner son accord pour chaque nouvelle ordination.

    L’histoire des sociétés nous dit que la « persécution » d’un groupe par un pouvoir ne produit jamais l’effet escompté. Bien au contraire, elle le renforce. Ce qu’avait compris Benoît XVI dans son œuvre de pacification. D’après son secrétaire Mgr Ganswein, l’ancien pape trouvait dangereux de « confiner un groupe de fidèles dans un coin au risque qu’ils se sentent persécutés ».

    On peut ainsi estimer qu’en dehors des rares évêques zélés appliquant à la lettre les directives romaines, la réalité de la pratique oblige les parties à retrouver et cultiver une ecclésiologie de communion. Ce serait la meilleure des voies : celle de la recherche d’un nouvel équilibre. Ce chemin est étroit, mais il n’est pas impossible. Il rappellerait que tout le monde possède une place dans la maison du Père, comme un écho aux paroles du prophète Jérémie : « Je les ramènerai dans leur enclos, elles seront fécondes et se multiplieront. Je susciterai pour elles des pasteurs qui les conduiront ; elles ne seront plus apeurées ni effrayées, et aucune ne sera perdue » (23, 1-6).

    [1] Source : Mrg Ganswein, Rien d’autre que la vérité, Artège, 2023.

  • "Nous voulons rester catholiques" : un groupe de fidèles allemands rejette la "Voie synodale"

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    De Walter Sánchez Silva sur Catholic News Agency :

    Un groupe de fidèles en Allemagne rejette la Voie synodale : "Nous voulons rester catholiques".
     
    2 juin 2023

    Birgit Kelle, porte-parole du groupe laïc allemand Neuer Anfang (Nouveau départ), dans une interview accordée le 29 mai à EWTN Noticias, a expliqué que ses membres rejettent la Voie synodale initiée par l'Église en Allemagne parce qu'ils veulent "rester catholiques".

    Cette initiative laïque a été lancée il y a deux ans, alors que les évêques et divers dirigeants laïcs allemands s'étaient déjà engagés dans la voie synodale controversée.

    Organisé par le Comité central des catholiques allemands (ZdK) et la Conférence épiscopale allemande, le Chemin synodal a débuté en 2019. En mars de cette année, il a approuvé des mesures visant à intégrer l'idéologie du genre dans l'enseignement catholique, l'ordination de femmes en tant que diaconesses, la bénédiction des unions homosexuelles, la normalisation de la prédication laïque à la messe et une demande au Vatican de "réexaminer" la discipline du célibat sacerdotal.

    Kelle a déclaré à EWTN Noticias que son association cherche à faire entendre sa voix, en se concentrant "sur un véritable nouveau départ en Allemagne", car elle représente "de nombreux catholiques orthodoxes qui sont préoccupés par la voie synodale et ses décisions". La porte-parole de Neuer Anfang a également souligné que "les fonctionnaires laïcs qui faisaient partie du chemin synodal ont été nommés pour représenter les laïcs normaux, mais ce n'est pas le cas". "Les catholiques normaux qui s'assoient à l'église le dimanche ne sont pas impliqués dans ce processus, et nous n'avons donc pas été entendus", a-t-elle expliqué. Par conséquent, nous ne sommes pas "contre quelque chose", mais nous essayons d'"éduquer sur quelque chose" en nous basant sur [ce que Jésus enseigne] et sur l'unité de l'Église catholique en particulier", a-t-elle ajouté. "Nous ne suivons pas les décisions et les lignes directrices de la Voie synodale parce que nous voulons rester catholiques", a-t-elle souligné. "Le débat, les documents, les décisions, tout confirme nos craintes qu'ils [la Voie synodale] ne veulent pas une réforme de l'Église, mais une nouvelle doctrine de l'Église catholique. Et cela nous conduit, en Allemagne, à une rupture avec le reste de l'Église", a déploré la porte-parole.

    Mme Kelle a rappelé qu'en janvier, son groupe avait adressé une lettre au pape François pour lui faire part de ses préoccupations et que l'année dernière, il lui avait remis un manifeste qu'il avait préparé à ce sujet.

    En ce qui concerne leurs activités, Mme Kelle a déclaré : "Nous organisons des conférences dans le domaine académique : "Nous organisons des conférences dans le domaine académique, mais aussi des conférences spéciales pour les prêtres, car nous constatons chaque jour que certains catholiques ne veulent pas mettre en œuvre le chemin synodal et ses résolutions dans les communautés." Cependant, elle a déploré que ces catholiques "subissent beaucoup de pression lorsqu'il s'agit d'activisme pour ne pas mettre en œuvre des choses qui sont clairement contraires à l'enseignement catholique."

    La porte-parole de New Beginning a appelé "l'Église catholique dans le monde à intervenir en Allemagne". "Nous voulons faire partie de l'Église catholique mondiale et nous sommes confrontés à des évêques et à des responsables laïcs qui rejettent toutes nos objections à ce qui va à l'encontre de Rome, du pape et du Vatican", a-t-elle déclaré.

    Walter Sánchez Silva est rédacteur principal pour ACI Prensa (https://www.aciprensa.com). Avec plus de 15 ans d'expérience, il a rendu compte d'importants événements ecclésiaux en Europe, en Asie et en Amérique latine pendant les pontificats de Benoît XVI et du pape François. Courriel : walter@aciprensa.com

  • L'Église catholique est en "terrible danger d'effondrement complet dans de nombreux pays" si les cardinaux et les évêques ne s'expriment pas

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    D'Edward Pentin sur son site :

    Professeur Seifert : l'Église catholique est en " terrible danger d'effondrement complet dans de nombreux pays " si les cardinaux et les évêques ne s'expriment pas.

    30 mai 2023

    Le philosophe catholique Josef Seifert a déclaré qu'il voyait un "terrible danger d'effondrement complet de l'Église catholique dans de nombreux pays" à moins que les cardinaux ne s'expriment sur une "crise énorme" au sein de l'Église, une crise qui, selon lui, est peut-être la plus grande à laquelle elle ait jamais été confrontée.

    Dans les commentaires qui ont suivi la publication d'une lettre ouverte qu'il a écrite le 30 avril, appelant tous les cardinaux, évêques et dirigeants de l'Église à défendre la vérité de l'enseignement catholique face au relativisme et à l'éthique situationnelle qui prévalent, Seifert a observé ce qu'il a décrit comme le "silence effrayant" des cardinaux sur cette crise unique qui va "du sommet de l'Église jusqu'en bas".

    Le professeur autrichien respecté, qui a fondé en 2017 l'Académie Jean-Paul II pour la vie humaine et la famille pour faire contrepoids à l'Académie pontificale pour la vie, autrefois respectée et aujourd'hui dirigée par l'archevêque dissident Vincenzo Paglia, a déclaré que c'est son amour pour la vérité et l'Église, et le fait que des éléments clés de l'enseignement du pape François vont à l'encontre du pape saint Jean-Paul II, qui l'ont incité à mettre la plume à l'encre.

    Il a rappelé que dans son encyclique de 1993 sur l'enseignement moral de l'Église, Veritatis Splendor, Jean-Paul II avait "magnifiquement élucidé" la vérité de la reconnaissance des "actes mauvais non négociables", la défendant contre les positions éthiques relativistes qui "cherchent des échappatoires partout" afin de tenter de justifier "l'adultère, la sodomie, la contraception, l'idolâtrie, l'apostasie, la négation du purgatoire, de l'enfer et du jugement dernier."

    Faisant remonter cette dissidence aux critiques formulées à l'encontre de l'encyclique Humanae Vitae (1968) du pape Paul VI, qui soulignait que l'utilisation de la contraception artificielle était intrinsèquement mauvaise, le professeur Seifert a souligné que l'enseignement de l'Église sur ce sujet avait des racines profondes.

    "La pilule anti-bébé et d'autres, qui sont déjà décrites dans l'Ancien Testament comme gravement désordonnées, sont intrinsèquement mauvaises", a-t-il déclaré. Il a également déclaré que même les anglicans avaient publié des déclarations contre la contraception artificielle, pour ensuite apporter une "contradiction flagrante" à leur enseignement précédent lors de la conférence de Lambeth en 1930, lorsqu'ils sont devenus la première communion ecclésiale à autoriser la contraception.

    En conséquence, a-t-il dit, "une pression énorme" a été exercée sur le pape Paul VI pour qu'il adopte le même changement, mais "l'Esprit Saint l'en a empêché" et Humanae Vitae a été rédigé en maintenant l'enseignement pérenne de l'Église. En outre, a ajouté M. Seifert, "de nouvelles études montrent" que Jean-Paul II, puis Karol Wojtyla, ont "profondément influencé" cette encyclique que les catholiques pratiquants fidèles au Magistère considèrent depuis longtemps comme prophétique. Veritatis Splendor a en effet été rédigée pour contrer la dissidence contre Humanae Vitae.

    Mais le professeur Seifert, maître de conférences en métaphysique et épistémologie à la Ludwig Maximilians Universität de Munich, a déclaré que ces dissensions ont réapparu après la publication en 2016 de l'exhortation apostolique Amoris Laetitia du pape François, et François lui-même "a commencé à jeter des doutes, voire à nier, le contenu essentiel de l'Écriture sainte et de l'enseignement de l'Église."

    "Il est devenu incompréhensible pour moi qu'aucun des cardinaux, à part les quatre cardinaux dubia, ne se soit clairement exprimé contre de telles erreurs et contre l'obscurcissement de l'enseignement catholique", a expliqué le professeur Seifert. "C'est pourquoi, comme lors de la crise arienne, lorsqu'un évêque, saint Athanase, et de nombreux laïcs se sont précipités pour défendre la vérité, il était nécessaire que même les miseri laici [nous, misérables laïcs] se lèvent pour défendre la vérité".

    Seifert a expliqué que la lettre qu'il a envoyée au Collège des cardinaux a d'abord été envoyée il y a deux ans et demi à un cardinal avec lequel il était en bons termes et qui avait dit que la critique du pape François était un "grand mal qui devrait être éradiqué."

    Lorsque le cardinal a répondu respectueusement mais n'a pas agi, le professeur Seifert a décidé d'adresser la lettre à tous les cardinaux et évêques, "non pas pour qu'elle atterrisse dans des corbeilles à papier", mais parce qu'ils ont le "saint devoir" de mettre en garde leurs frères, en particulier en Allemagne, et le pape "contre toute déviation de l'enseignement perpétuel de la vérité dans l'Église."

    Compte tenu de ce qu'il appelle le "silence effrayant de la majorité des cardinaux et des évêques sur cette crise unique, du sommet de l'Église jusqu'à la base, pendant toute une décennie", il n'est pas optimiste quant à la réponse à son appel.

    Mais il a dit avoir "l'espoir que le Dieu tout-puissant, qui est la vérité, réveillera le feu de l'amour pour la vérité et pour l'Église dans le cœur de tous les cardinaux et évêques, et accordera le don du saint courage à beaucoup d'entre eux, comme il l'a déjà fait pour certains cardinaux et évêques".

    "Je ne suis pas du tout optimiste, mais j'espère vraiment que les cardinaux et les évêques n'assisteront plus passivement à la chute de l'Église que seule une intervention divine peut empêcher", a-t-il ajouté. "Dieu veut se servir de nous tous, mais il choisit surtout les cardinaux et les évêques, tout comme il a choisi saint Paul pour répandre l'Église et saint Athanase pour la sauver de l'arianisme et de la destruction.

    Interrogé sur les conséquences possibles d'une telle décision, M. Seifert a répondu : "Je vois un terrible danger d'effondrement complet de l'Église catholique dans de nombreux pays, et même de sa destruction totale dans certaines régions du monde".

    Mais il ajoute qu'il sait, non par la raison mais par une foi "cruellement éprouvée", que cela n'est "pas possible parce que la vérité elle-même nous a dit que les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre l'Église".

    Lettre ouverte du professeur Seifert aux cardinaux et aux évêques de l'Église catholique.

  • L'influence européenne sur les droits de l’homme et l’avortement en Afrique

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    Lu sur le site de l'ECLJ :

    À propos de l’influence européenne sur les droits de l’homme et l’avortement en Afrique

    1er juin 2023

    L’Occident, avec ses valeurs libérales et démocratiques, a exercé une influence considérable sur la conception des droits de l’homme dans de nombreux pays du monde, y compris en Afrique. Toutefois, cette influence suscite de nombreux débats remettant en question la pertinence des principes occidentaux face aux réalités africaines. L’Occident, porteur d’une vision des droits de l’homme axée sur les libertés individuelles et le progrès, se confronte à une Afrique qui défend une vision plus communautaire et conservatrice de ces droits. Cette dialectique entre ces deux conceptions des droits de l’homme se manifeste de manière récurrente à travers une variété de thématiques, l’avortement étant l’une des plus débattues.

    Les évolutions positives d’une appropriation de la vision occidentale libérale

    Bien que la controverse entoure l’influence occidentale sur la conception des droits de l’homme en Afrique, il est important de souligner que la vision libérale a conduit à des progrès significatifs en matière de droits civils et politiques. Par exemple, par suite de la fin de l’apartheid, l’Afrique du Sud a bénéficié d’un soutien substantiel provenant des pays occidentaux, facilitant ainsi sa transition vers une démocratie. Ce processus a abouti à l’instauration d’un système politique dans lequel les droits civiques, y compris le droit de vote, sont respectés[1]. Le cas du Bénin est également souvent cité comme une réussite en matière de transition démocratique libérale. Après une période de régime militaire autoritaire, le Bénin a connu une transition pacifique vers la démocratie en 1990, largement soutenue par les pays occidentaux. Le pays a depuis lors maintenu un système politique stable et démocratique, où les droits politiques tels que le droit de vote sont respectés, même si récemment, le Bénin a été accusé de dérive autocratique[2]. De plus, le soutien occidental aux processus électoraux, par le biais d’organisations comme l’Union européenne et les Nations unies, a également contribué à l’amélioration des droits politiques. Le Nigeria a, par exemple, bénéficié d’un soutien important en matière d’observation électorale, notamment de la part du parlement européen[3], ce qui a contribué à améliorer la qualité de ses élections au fil du temps.

    Critiques de l’influence occidentale

    L’influence de la vision occidentale des droits de l’homme fait toutefois l’objet de critiques en Afrique. Certains universitaires et militants des droits de l’homme accusent l’Occident de néocolonialisme, d’eurocentrisme et d’ignorance des valeurs et des contextes locaux. Selon eux, l’accent mis sur les droits individuels, qui est une caractéristique dominante des conceptions occidentales des droits de l’homme, ne tient pas compte de la nature communautaire de nombreuses sociétés africaines[4]. Certains observateurs africains voient aussi l’imposition des normes occidentales en matière de droits de l’homme comme une forme de néocolonialisme, arguant que l’Occident utilise la notion de droits de l’homme pour exercer une influence et un contrôle sur les pays africains. Le professeur Makau Mutua, un éminent juriste kényan, considère que le discours universel des droits de l’homme est un moyen par lequel l’Occident maintient une hégémonie intellectuelle et culturelle sur le reste du monde[5].

    D’autres critiques mettent également en évidence l’eurocentrisme des normes occidentales en matière de droits de l’homme. L’idée que l’universalisme de ces droits est souvent défini et contrôlé par les puissances occidentales est un thème fréquent dans les critiques postcoloniales des droits de l’homme. Samuel Moyn, dans son ouvrage « The Last Utopia : Human Rights in History » (2010), indique que le discours contemporain sur les droits de l’homme est largement influencé par les idées et les valeurs occidentales, et que cela a conduit à une domination occidentale sur la définition et la promotion de ces droits.

    Pourtant, l’universalisme des droits de l’homme est débattu au sein même de l’Europe. Le concept a subi de sérieuses critiques au fil des années et ressort fragilisé. La reconfiguration géopolitique de l’Europe après la Seconde Guerre mondiale, avec la partition entre l’Est et l’Ouest, a eu un impact majeur sur la conception des droits fondamentaux. Les deux blocs, bien que tous deux se réclamaient du camp des droits de l’homme, avaient des interprétations différentes de ces droits, ce qui a conduit à une fragmentation de l’universalisme. Tandis que l’Ouest mettait l’accent sur les droits civils et politiques, l’Est privilégiait les droits économiques et sociaux.

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  • Quand un historien démonte la "légende noire" espagnole

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    Du site de La Nef (Arnaud Imatz) :

    L’historien Marcelo Gullo face à la cathophobie et la légende noire espagnole 

    L’historien argentin Marcelo Gullo Omedeo a récemment battu des records de vente en Espagne avec ses livres, Madre Patria [« La mère patrie », sous-titré : Démonter la légende noire depuis Bartolomé de las Casas jusqu’au séparatisme catalan (2021)] et Nada por lo que pedir perdón (« Pas de raison de s’excuser », sous-titré : L’importance de l’héritage espagnol face aux atrocités commises par les ennemis de l’Espagne(2022)]. Ces deux ouvrages remarquables ont été significativement préfacés par deux personnalités du monde politique et universitaire hispanique, l’ancien vice-président du gouvernement et vice-président du PSOE, Alfonso Guerra et la directrice de l’Académie royale d’histoire, Carmen Iglesias. L’historienne María Elvira Roca Barea avait déjà entrepris, il y a quelques années, de remettre les pendules à l’heure en publiant deux ouvrages non-conformistes majeurs Imperiofobia y leyenda negra / « Phobie de l’empire et légende noire » (2016) et Fracasología / « Échecologie » (2019). Depuis, les initiatives résistantes semblent se multiplier dans la Péninsule. Le réalisateur, scénariste et producteur José Luis López Linares a dirigé un excellent film documentaire historique Espagne. La première globalisation (2021). L’Académie royale d’histoire a créé un portail d’internet où l’on trouve la plus grande information jamais rassemblée à ce jour sur les personnages et événements de l’histoire hispaniqueLes livres et articles en rupture avec la doxa et l’idéologie du « politiquement correct » se succèdent à bon rythmeL’argentin Marcelo Gullo est sans doute l’une des figures les plus en pointe dans cette résistance et ce combat culturel. Fin connaisseur de la biographie du souverain pontife, il n’a pas hésité à rappeler dans le titre évocateur de son dernier livre que « lorsque le pape François était le père Jorge, il considérait qu’il n’y avait pas de raison de s’excuser ». Dans un pays comme l’Espagne, qui depuis des décennies est en voie de déchristianisation et de soumission politique à l’étranger et où, comme dans le reste de l’Europe, les élites politico-culturelles sont fortement influencées par le wokisme, Gullo ne pouvait éviter de provoquer d’importants remous. Gardien de la mémoire collective hispanique, c’est sans faux-fuyants qu’il  rappelle que depuis deux siècles les interventions et agressions nord-américaines dans les pays luso-hispaniques se comptent par centaines pour les majeures et par milliers pour les mineures [La bibliographie sur le sujet est d’ailleurs considérable et on se contentera de citer ici le travail encyclopédique de l’historien argentin Gregorio Selser, Chronologie des interventions étrangères en Amérique Latine / Cronología de las intervenciones extranjeras en América Latina, 4 tomes, México, CAMENA, 2010]. Mais pour vraiment comprendre les raisons de Gullo encore faut-il lui donner la parole. Ses propos francs, directs et décapants, ne manqueront pas d’étonner voire de heurter nombre de lecteurs francophones. L’entretien ci-dessous est le premier de l’auteur à paraître dans l’Hexagone.

    Lire l'interview sur le site de La Nef

  • Pratique de l'euthanasie en Belgique : une surveillance en trompe-l'oeil

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    Du "Collectif Hippocrate" (collectif de soignants) sur Mediapart :

    25 mai 2023

    Euthanasie – La CFCEE belge : une surveillance en trompe-l’œil

    De nombreux partisans de la mort administrée affirment que l'euthanasie serait "une liberté très strictement encadrée en Europe". L'exemple de la CFCEE est très souvent cité. Ce serait la preuve que les dérives en Belgique seraient fantasmées. Cet article a pour objectif de remettre les points sur les i.

    A l’heure de nouveaux débats concernant la fin de vie, de nombreux journalistes, politiques ou simples citoyens ont décidé de se tourner vers nos voisins belges et suisses. Il est vrai que ces pays ayant légalisé soit l’euthanasie, soit le suicide assisté, sont à même de nous fournir des données empiriques sur les conséquences d’une évolution de notre législation.

    Pour défendre la légalisation de la mort administrée, l’argument de la mise en place de garde-fous est souvent avancé. Ceux-ci seraient en mesure de concilier respect de la volonté des patients et prévention des dérives. A ce titre, il est souvent fait référence à la Commission fédérale de contrôle et d’évaluation de l’euthanasie (CFCEE) belge. Les partisans de la mort administrée la présentent souvent comme une instance de contrôle efficace. La preuve ? Seul un cas d’euthanasie aurait été envoyé devant la justice, ce qui signifierait que la commission effectue son travail, et que le cadre légal est respecté. Mais voilà… tout n’est pas aussi idyllique, et cette institution présente un niveau de dysfonctionnement élevé. Nous allons les relever dans cet article. Pour cela, nous nous fonderons sur des études et des enquêtes menées entre 2007 et 2020. A l’heure où de nombreux politiques disent vouloir faire évoluer la législation sur le modèle belge, il semble nécessaire d’en montrer les dangers.

    Rappelons d’abord le droit belge en la matière : le site de la CFCEE rappelle qu’un médecin ayant pratiqué une euthanasie doit compléter un document d’enregistrement et le transmettre à la commission dans les 4 jours ouvrables suivant l’acte. Ainsi, le contrôle pratiqué par la CFCEE se fait a posteriori uniquement. Nous pourrions y voir là un premier élément problématique : si erreur il y a, il est de toute façon trop tard pour le patient euthanasié.

    Une commission juge et partie

    Le 4 octobre 2022, la CEDH a décidé de condamner la CFCEE pour son manque d’indépendance. Et pour cause : le médecin accusé par un individu d’avoir euthanasié sa mère à son insu était lui-même le président de la CFCEE. Ayant été amené à juger sa propre pratique euthanasique, il était fort improbable qu’il la considère comme illégale et s’accuse lui-même devant la justice. Par ailleurs, la patiente euthanasiée avait, peu avant son décès, fait un don à l’association pro-mort administrée LEIF, dont le président n’était autre que… ce même médecin.

    La loi belge oblige le médecin traitant à consulter un à deux autres confrères pour confirmer le caractère constant, insupportable et inapaisable de la souffrance physique ou psychique du patient. Ces confrères doivent évidemment être indépendants, tant vis-à-vis du patient que du médecin traitant. Or, dans le cas présenté ci-dessus, les deux médecins consultés collaboraient étroitement avec l’association LEIF, présidée par le médecin en charge de l’euthanasie de la patiente. Indépendance disions-nous. De manière plus générale, la présence dans la commission de médecins appartenant à des associations ouvertement pro-euthanasie pose question. Le peu de dossiers remis à la justice ne prouve pas un respect profond de la loi, comme sont tentés de le faire croire certains militants, mais montre au contraire le fonctionnement opaque et, disons-le, corporatiste, de cette commission. Celle-ci agit en effet plus comme un bouclier protégeant les confrères que comme une véritable instance de contrôle. C’est d’ailleurs ce que sous-entend Wim Distelmans, ancien président de la CFCEE : « les informations fournies par les médecins sont toujours réputées exactes par la commission. » [1]

    Globalement, les procédures instaurées ne peuvent être qu’opaques. Le caractère anonyme des formulaires à remplir rend impossible la vérification de l’indépendance de la commission, et leur caractère concis permet aux médecins de n’avoir à se justifier de rien.

    En 2018, tous ces éléments ont poussé un membre de la CFCEE à démissionner. Pour cause : ses pairs avaient refusé de transmettre à la justice le cas d’un médecin ayant euthanasié un patient sans son consentement.

    Une défaillance de contrôle

    Autre point tout aussi grave, sinon plus : les euthanasies déclarées ne représenteraient qu’une partie des euthanasies pratiquées. Wim Distelmans, toujours le même, a ainsi confirmé que « certains médecins [pratiquaient], parfois ouvertement, des euthanasies sans les déclarer à la commission de contrôle. » [2] Et d’ajouter : « les cas douteux, évidemment les médecins ne les déclarent pas, alors on ne les contrôle pas. »

    On ne parle pas ici de quelques brebis galeuses qui, malgré la légalisation de l’euthanasie, s’amuseraient à la pratiquer clandestinement. Nous parlons ici d’un pourcentage considérable de pratiques euthanasiques qui échapperaient à tout contrôle. En 2010, une enquête publiée dans le journal Palliative Medicine [3] portant sur le report des cas d’euthanasie en Flandres affirmait que seuls 52,8% des cas d’euthanasie étaient reportés. S’il faut prendre cette donnée avec des pincettes du fait de la difficulté évidente à recueillir des informations non déclarées, ce chiffre ne peut que nous alerter. En 2014, on peut lire dans une nouvelle étude parue dans le Canadian Medical Association Journal (CMAJ) [4] que les « actes mettant fin à la vie sans demande explicite du patient », bien qu’existant dans des pays non-permissifs, sont plus nombreux en Belgique qu’ailleurs. Au même moment, dans un article intitulé « Euthanasie : faut-il s’inspirer du modèle belge ? » [5], Radio France affirme qu’« 1,8% des décès en Belgique restent consécutifs à des injections létales non-déclarées. »

    On peut lire dans une étude de 2015 publiée dans le New England Journal of Medicine [6] que 25 à 35% des euthanasies en Belgique ne seraient pas déclarées. Ces chiffres ont par ailleurs été corroborés par une autre étude datée de 2018 et parue dans le Journal of Pain and Symptom Management [7]. La même année, un rapport intitulé « How accurately is euthanasia reported on death certificates in a country with legal euthanasia” et publié dans le European Journal of Epidemiology [8] confirme qu’il existe une absence substantielle de report des cas d’euthanasie en Belgique, et que les certificats de décès ne suffisent pas pour évaluer la pratique euthanasique, y compris dans les juridictions où cela est légal.

    Plus de 20 ans après la légalisation de la mort administrée, le problème n’est toujours pas réglé. Ainsi, comme le rapporte l’Institut Thomas More dans un article daté du 14 février 2023 : « la commission admet que les moyens financiers et humains dont elle bénéficie l’empêchent d’effectuer un contrôle sérieux. » [9]

     Collectif Hippocrate

    [1] Propos du Dr Wim Distelmans rapporté au journal néerlandais Standaard

    [2] Ibid

    [3] Smets, T., Bilsen, J., Cohen, J., Mette L Rurup, D., Mortier, F., & Deliens, L. (2010). “Medical Decisions at the End of Life in Flanders, Belgium - A Nationwide Post-mortem Survey of Euthanasia Cases Reported and Unreported to the Federal Review Committee.” Palliative Medicine

    [4] Chambaere K, Bernheim JL, Downar J, Deliens L. “Characteristics of Belgian "life-ending acts without explicit patient request": a large-scale death certificate survey revisited.” CMAJ Open. 2014 Oct

    [5] Says F. « Euthanasie : faut-il s’inspirer du modèle belge ? », Radio France, novembre 2014

    [6] Chambaere K., Stichele R. V., Mortier F., Cohen J., Deliens L., « Récents Trends in Euthanasia and Other End-of-Life Practices in Belgium”, The New England Journal of Medicine, 2015

    [7] Sigrid Dierickx,Joachim Cohen,Robert Vander Stichele,Luc Deliens,Kenneth Chambaere “Drugs Used for Euthanasia : A Repeated Population Based Mortality Follow-back Study in Flanders, Belgium, 1993-2013” Journal of Pain and Symptoms Management, 2018

    [8] Cohen, J., Dierickx, S., Penders, Y. W. H., Deliens, L., & Chambaere, K. (2018). How accurately is euthanasia reported on death certificates in a country with legal euthanasia: a population-based study. European Journal of Epidemiology

    [9] De Lamotte A. « La pratique de l’euthanasie en Belgique est sur la voie de dérives inquiétantes », Institut Thomas More, 14 février 2023

  • Le moment de la Pologne

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    De Filip Mazurczak sur First Things :

    LE MOMENT DE LA POLOGNE

    30 mai 2023

    En 2019, feu le cardinal George Pell a été condamné à une peine de prison pour des allégations d'abus sexuels - allégations qui ont ensuite été annulées à l'unanimité par la Haute Cour d'Australie. Si les quatorze mois que Pell a passés en prison ont été une via crucis pour lui et pour les catholiques australiens, ils ont également inspiré et revitalisé l'Église locale. Une situation similaire s'est récemment produite en Pologne. Les médias ont tenté de noircir les noms de deux Polonais, géants du catholicisme du XXe siècle, le cardinal Adam Sapieha et le pape saint Jean-Paul II. Ces calomnies ont eu un effet inattendu : elles ont entraîné une mobilisation sans précédent des catholiques polonais pour défendre la vérité.

    Début mars, la chaîne de télévision libérale américaine TVN 24 a diffusé un documentaire intitulé Franciszkańska 3. Ce film, réalisé par le journaliste Marcin Gutowski, affirme que le cardinal Adam Sapieha était un prédateur sexuel (Sapieha, archevêque de Cracovie de 1911 à 1951, est devenu un héros national pour avoir organisé l'aide humanitaire pendant les deux guerres mondiales et pour avoir courageusement défendu la souveraineté polonaise sous l'occupation allemande et sous le régime stalinien). Le documentaire affirme également que l'élève vedette de Sapieha au séminaire de Cracovie, Karol Wojtyła, a couvert trois cas d'abus sexuels commis par des prêtres durant son mandat d'archevêque de Cracovie, de 1964 à 1978 : Bolesław Saduś, Eugeniusz Surgent et Józef Loranc. 

    À peu près au moment de la diffusion du documentaire, le journaliste néerlandais Ekke Overbeek a publié le livre Maxima Culpa : What the Church Is Covering Up About John Paul II (Ce que l'Église dissimule à propos de Jean-Paul II). Ce livre a été publié par Agora Publishing, affilié au quotidien anticlérical de gauche Gazeta Wyborcza. Il est frustrant de constater que certaines publications catholiques libérales (telles que Tygodnik Powszechny, fondée par Sapieha et qui comptait parmi ses collaborateurs le jeune Karol Wojtyła) ont également pris le train en marche contre le pape. 

    Dans les jours précédant et suivant immédiatement la sortie du livre et du film, Gazeta Wyborcza et des médias libéraux comme Newsweek Polska et Onet.pl ont publié de nombreux articles à caractère sensationnel, traitant les affirmations de Gustowski et Overbeek comme des vérités indiscutables. 

    J'ai publié ici une analyse complète des accusations elles-mêmes, et elles sont loin d'être indiscutables. Selon une étude détaillée des archives secrètes de la police de sécurité communiste publiée dans le quotidien Rzeczpospolita par les journalistes Tomasz Krzyżak et Piotr Litka, il n'est pas certain que Bolesław Saduś ait été un agresseur d'enfants. Quant aux deux autres dissimulations présumées : lorsqu'il a appris les délits sexuels de Loranc, le cardinal Wojtyła l'a suspendu et l'a fait vivre en isolement dans un monastère (ses sanctions ont précédé l'arrestation de Loranc par les autorités communistes) ; et il a expulsé le troisième délinquant, Eugeniusz Surgent, incardiné dans le diocèse de Lubaczów, de son diocèse. 

    Récemment, Krzyżak et Litka ont publié une autre analyse de documents que Gutowski et Overbeek n'avaient pas consultés. Ces documents suggèrent fortement que les allégations contre le cardinal Sapieha ont été fabriquées par la police secrète communiste. En outre, l'affirmation selon laquelle le cardinal Sapieha était un prédateur sexuel a déjà été contestée par de nombreux historiens ; ils soulignent qu'il est invraisemblable que Sapieha ait abusé de séminaristes alors qu'il était âgé de 83 ans, mourant et alité, et que ses accusateurs n'étaient pas des témoins fiables. Ils notent également que le fait que le régime communiste n'ait pas utilisé ces allégations dans sa campagne anticatholique du début des années 1950 implique qu'il les considérait comme improbables.

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  • Jeanne d'Arc, une figure de foi et d'amour (30 mai)

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    Le texte intégral du « panégyrique de Jeanne d’Arc » prononcé par le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, le samedi 30 mai 2015 en la cathédrale Notre-Dame de Rouen. (source)

    Jeanne d'Arc, figure de foi et d'amour

    Le cardinal Vingt-Trois encourage les Français à redécouvrir la figure de sainte Jeanne d’Arc, dont la vie « fut d’abord une affaire de foi chrétienne », et qui a « fait la guerre par amour des gens opprimés par la violence et les destructions sauvages, amour de son roi et de son pays, amour même de ses ennemis qu’elle s’emploie à convaincre de se retirer avant le combat ».

    Dans le cadre des « Fêtes Jeanne d’Arc », le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, avait prononcé ce « panégyrique de Jeanne d’Arc » le samedi 30 mai 2015 en la cathédrale Notre-Dame de Rouen – ville où mourut la sainte.

    Dans une société de chrétiens « vivant comme si Dieu n’existait pas », la « leçon de Jeanne d’Arc » est nécessaire, a-t-il souligné : « Quand il aurait été si commode de se taire, d’oublier, voire de renier l’appel de Dieu, quand une simple abjuration semblait capable de lui sauver la vie, elle ne voulut connaître que la fidélité à Celui qui était son seul Seigneur. »

    Panégyrique de sainte Jeanne d’Arc, par le card. Vingt-Trois

    Le 30 mai 1431, après avoir été jugée par le tribunal ecclésiastique et avoir été livrée à la justice séculière des anglo-normands, Jeanne d’Arc fut brûlée vive à Rouen sur la Place du Vieux-Marché et ses cendres jetées à la Seine depuis le pont où nous lui avons rendu hommage ce matin. Un quart de siècle plus tard, la sentence fut rapportée et Jeanne d’Arc réhabilitée. Prise dans l’étau d’une guerre civile dont notre pays a malheureusement trop souvent éprouvé les dégâts, Jeanne d’Arc a très vite, -et pour longtemps-, symbolisé une figure du patriotisme et de l’unité nationale. Sa canonisation en 1920 s’inscrit aussi dans la reconnaissance de ce symbole.

    Cette canonisation a marqué un tournant dans les relations entre l’Église catholique et l’État français. Après les luttes passionnées qui avaient abouti à la loi de Séparation en 1905, les gouvernants des années vingt, héritiers politiques des grandes figures de la lutte anticléricale, n’ont pas hésité à prendre leur part de l’hommage rendu à Jeanne d’Arc. Au lieu d’ignorer, de combattre ou même d’interdire les solennités johanniques, ces gouvernants républicains trouvèrent plus utile à la société d’en faire une fête nationale et d’y associer étroitement l’État français lui-même. Le président de la République protestant, Gaston Doumergue n’hésita pas à présider personnellement en 1929 les fêtes johanniques à Orléans.

    Dans les mêmes années vingt, l’Action Française se taillait une réputation militante à coups d’agressions, verbales ou physiques. Se présentant comme le dernier rempart du nationalisme et la seule école du patriotisme, elle fustigeait l’invasion de la France par des vagues d’immigration et faisait monter la haine contre ceux qu’elle appelait les « métèques ». Elle tentait de récupérer la fête de Jeanne d’Arc, récemment canonisée, et d’en tirer une caution religieuse que son opposition déclarée à la hiérarchie catholique lui rendait d’ailleurs inaccessible.

    La laïcité de la République progressait mieux par l’inclusion des différences et leur gestion raisonnable que par l’interdit et l’exclusion des particularités. Ces gouvernants, sans renoncer à leurs convictions laïques, comprenaient que la force et la richesse d’une société dépendent plus de la vitalité de ses corps intermédiaires que de leur effacement, de leur marginalisation et moins encore de leur extinction. Leur laïcité était assez vigoureuse, -et peut-être, pour certains, était-elle devenue assez sereine !-, pour ne point trembler d’entretenir des relations publiques avec l’Église catholique.

    Il n’est pas anecdotique que Jeanne d’Arc fût l’occasion symbolique de cette nouvelle étape des relations entre l’État français et l’Église catholique. Sa figure héroïque était demeurée très vive dans la conscience collective. Les épreuves récentes et sanglantes de la Première Guerre mondiale pour la défense du territoire national donnaient à sa canonisation un ton d’authentique actualité dans une France où le patriotisme n’avait pas encore sombré dans la défaveur qui l’identifie trop commodément à un nationalisme étroit.

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