Du père Bruno Saintôt s.J. sur ce blog :
Pourquoi se faire vacciner ? Raison, liberté, égalité, fraternité
Trois confinements depuis mars 2020, plus de 111 700 morts dus au Covid-19, des séquelles prolongées chez certaines personnes, des conséquences économiques ou psychologiques dramatiques pour d’autres, une quatrième vague prévisible de contaminations due au variant Delta, des résistances déterminées à la vaccination et aux dispositifs sanitaires et politiques de limitation de la transmission. Dans ces conditions, comment évaluer éthiquement la décision du Président de la République et la ratification parlementaire de la création d’un « passe sanitaire » en attente de la décision du Conseil Constitutionnel, le 5 août 2021 ?
Faut-il s’alarmer d’une « dictature sanitaire », d’une « société de l’hygiénisme sécuritaire », d’une « vraie rupture historique pour notre modèle de société » (F.-X. Bellamy), d’une disproportion avérée entre la restriction des libertés individuelles fondamentales et la dangerosité du virus qui la justifie, d’une dérive autoritariste qui empêcherait progressivement la levée des restrictions temporaires à nos libertés fondamentales, d’une exploitation non régulée des données personnelles après l’ouverture de cette brèche ?
Faut-il soutenir la défiance croissante envers toutes les institutions scientifiques, sanitaires, politiques qui tentent, avec la certitude de l’efficacité vaccinale et devant les difficultés des contestations peu accessibles au débat raisonné, de tracer un chemin pour éviter à la fois un désastre sanitaire, un effondrement économique et un discrédit politique ?
Faut-il considérer les scientifiques contestataires de l’utilité du vaccin et dénonciateurs de sa dangerosité insoupçonnée (Pr Montagnier, Pr Perronne, Pr Joyeux, Dr Alexandra Henrion-Caude, etc.) comme des éveilleurs lucides ou comme des personnalités qui usent parfois de leur autorité pour se dispenser des critères requis pour la validation scientifique ?
Parmi les citoyens, les chrétiens pourraient-ils faire entendre une voix commune grâce à leurs ressources spirituelles et éthiques ou sont-ils eux-mêmes voués à se diviser irrémédiablement entre dénonciateurs et promoteurs, entre alarmistes et optimistes, entre complotistes et légitimistes, entre défenseurs des libertés et promoteurs de la fraternité ? Comment pourraient-ils s’aider à résister aux puissances incontrôlées des émotions et de la peur ? Comment pourraient-ils, avec d’autres, prendre position de façon raisonnée en évitant les extrêmes et en contribuant de façon critique et argumentée au bien commun ?
La question fondamentale, qui reprend ces questions et qui a été l’objet des débats sur le Projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, déposé le mardi 20 juillet 2021 et voté définitivement le 25 juillet 2021, pourrait s’énoncer ainsi : au regard des connaissances scientifiques et de l’évaluation politique de la situation sanitaire, sociale et économique, dans quelles mesures est-il légitime au niveau éthique et au niveau juridique de restreindre temporairement certaines libertés individuelles fondamentales en instaurant un « passe sanitaire » ?
Une double exigence de raison et de discernement éthique s’impose.
Une exigence de raison
L’exigence des arguments scientifiques et médicaux
Aucune décision éthique et juridique ne peut être prise sans l’examen rigoureux des connaissances scientifiques et médicales disponibles. Il faudrait donc commencer par tenter de répondre rigoureusement à de nombreuses questions. Quel est le mode de propagation du virus et de ses variants ? Quelle est l’efficacité du vaccin ? Quels sont les effets indésirables connus à court terme et prévisibles à long terme ? Y a-t-il des raisons de craindre des risques majeurs à long terme ? Quelle est la balance bénéfices/risques pour soi et pour les autres ? Quelles sont les personnes à vacciner en priorité ? Quels sont les critères connus pour ne pas vacciner certaines personnes qui présentent des risques à la vaccination ? Comment analyser les différentes statistiques disponibles ? Comment évaluer les différents modèles mathématiques de propagation du virus et de ses variants ? Le vaccin à ARNm peut-il modifier l’ADN des personnes vaccinées, diminuer leur fécondité, transmettre des modifications génétiques à leur descendance ? etc.