Des scientifiques travaillent à la création d’embryons mi-homme mi-singe
Pour le groupe de chercheurs américains, chinois et espagnols qui a fait état de progrès significatifs dans la création de chimères à partir de cellules humaines, les bénéfices du projet surpassent le vertige éthique qu’il suscite.
Atlantico : Un groupe de chercheurs américains, chinois et espagnols a fait état de progrès significatifs dans la création de chimères homme-singe à partir de cellules humaines. Le terme chimère, d’origine mythologique, n’est pas forcément clair pour le grand public. De quoi s’agit-il exactement ?
Dr Laurent Alexandre : Pour l’instant, nous restons à un stade pré-embryonnaire puisque les embryons ont été tués à 20 jours. Il a été injecté dans des embryons de singes des cellules souches humaines. Ces cellules se sont développées, se sont intégrées dans l’embryon de singe et ont donc modifié sa structure en le rendant chimérique.
C’est-à-dire que cet embryon comportait à la fois des cellules de singe et des cellules humaines. On a observé que les cellules se multipliaient et que les cellules humaines communiquaient avec les cellules de singe dans cet embryon chimérique. L’expérimentation n’est pas allée jusqu’à fabriquer un animal chimérique qui aurait comporté à la fois des caractéristiques humaines et des caractéristiques simiesque pour plusieurs raisons psychologiques, éthiques, politiques.
Si on obtenait un animal intermédiaire entre les capacités intellectuelles de l’homme et celles du singe, qu’en ferait-on ? Quelle serait sa place future ? Dans une prison ? Dans une maison ? Dans un laboratoire ? Dans un zoo ?
Que ferait-on d’hommes ayant une intelligence intermédiaire entre le singe et l’homme ? Que ferait-on de cet animal qui serait l’équivalent d’un handicapé grave sur le plan intellectuel, qui, probablement, n’aurait pas le langage, ou aurait du mal à l’acquérir, à la fois pour des raisons intellectuelles mais aussi à cause de la forme de son larynx ? Toutes ces raisons font qu’on a limité à vingt jours la durée de vie de ces embryons chimériques. Juridiquement, à supposer que les embryons aient été réimplantés chez une femelle singe et auraient pu donner des bébés, s’ils avaient été viables, les problèmes éthiques n’auraient pas été réglés. La place d’une telle chimère dans la société n’est pas du tout claire à ce stade.
Il est hautement probable que de telles chimères permettraient d’être des réservoirs d’organes qui ne seraient pas rejetés par les êtres humains, c’est à dire qui ne nécessiteraient pas de traitements immunosuppresseurs. Est-il licite de faire des fermes industrielles de singes humanisés avec des caractéristiques humaines pour leur prendre leurs organes à l’âge adulte ? Prendre des organes chez les animaux, ce n’est déjà pas très simple sur le plan politique et idéologique, alors le faire sur des singes qui auraient peut être des caractéristiques intellectuelles se rapprochant des êtres humains, ça pose des questions encore plus difficiles.
En effet, ce processus chimérique ne peut pas ne pas avoir de conséquences sur le cerveau de l’animal s’il arrive à terme. Il y aurait probablement une augmentation des capacités intellectuelles par rapport aux singes ou une diminution des capacités intellectuelles par rapport à l’humain qui a donné ses cellules souches.