De Thibaud Collin sur le site de l'Homme Nouveau :
Amoris Laetitia : des interrogations en attente de réponse
L’exhortation apostolique post-synodale Amoris Lætitia est un long document de plus de 250 pages divisées en neuf chapitres. Je vais me concentrer ici sur le seul chapitre 8 intitulé « Accompagner, discerner et intégrer la fragilité » puisque c’est le passage qui a d’emblée attiré le plus de remarques et qui traite du sujet pour lequel le Pape François a manifestement voulu ces deux synodes de 2014 et 2015 sur la famille.
Ce texte est ambitieux car sans vouloir remettre en cause la doctrine antérieure, il veut insuffler une nouvelle manière de considérer ce qu’il nomme les« situations irrégulières » relativement au sacrement de mariage et à ses exigences morales et spirituelles. Une partie des discussions depuis la publication de ce texte cherche à répondre à la question suivante : cette nouvelle approche pastorale n’implique-t-elle pas des modifications doctrinales ? Et si oui, lesquelles ? Pour le dire autrement, peut-on lire ce chapitre comme on doit le lire, c’est-à-dire selon une herméneutique de la continuité ? Je n’entre pas ici dans la discussion sur le statut de ce texte et sur son autorité doctrinale. Je me situe comme un lecteur soucieux de recevoir ce que le Saint-Père dit aux fidèles d’aujourd’hui afin de vivre pleinement l’appel à la sainteté et à l’évangélisation de mes contemporains.
Chaque personne est en chemin…
Le Pape François est sensible au devenir de l’existence chrétienne. Chaque personne est en chemin vers le but, dénommé « idéal » : « Le mariage chrétien, reflet de l’union entre le Christ et son Église, se réalise pleinement dans l’union entre un homme et une femme, qui se donnent l’un à l’autre dans un amour exclusif et dans une fidélité libre, s’appartiennent jusqu’à la mort et s’ouvrent à la transmission de la vie, consacrés par le sacrement qui leur confère la grâce pour constituer une Église domestique et le ferment d’une vie nouvelle pour la société. » (n. 292) Le fait que nous soyons en chemin vers cet idéal implique que nous pouvons nous trouver à des étapes différentes. Il y a donc des degrés : « D’autres formes d’union réalisent au moins en partie et par analogie » cet idéal. Il s’agit alors pour les pasteurs non pas de souligner la discontinuité mais de « valoriser les éléments constructifs dans ces situations qui ne correspondent pas encore ou qui ne correspondent plus à son enseignement sur le mariage » (idem). Le but pastoral est de valoriser la continuité pour conduire les couples en situation irrégulière à « une plus grande ouverture à l’Évangile du mariage dans sa plénitude » (n. 293). Le Pape François reprend le thème de la gradualité en citant Familiaris consortio (n. 34) : l’être humain « connaît, aime et accomplit le bien moral en suivant les étapes d’une croissance ». Le Saint-Père explicite qu’il s’agit donc de la« gradualité dans l’accomplissement prudent des actes libres de la part de sujets qui ne sont dans des conditions ni de comprendre, ni de valoriser ni d’observer pleinement les exigences objectives de la loi. » (n. 295)
