FigaroVox a interrogé Jean-Sébastien Philippart, conférencier à l’’Ecole Supérieur des Arts de Bruxelles (extraits) :
" FigaroVox: Le Pape François a récemment suggéré que l'intervention militaire en Irak pouvait être la solution pour aider les chrétiens persécutés. Le recours à la violence s'oppose-t-il à la doctrine de l'Eglise?
Jean-Sébastien PHILIPPART: En réalité, les propos du Pape François sont plus ambivalents (…):, il s'agirait de faire violence à l'agresseur en le stoppant mais sans user de la violence. On voit donc bien ici que François se réfère de manière embarrassée à la doctrine de la «guerre juste» mais en refusant d'en assumer la dimension guerrière (…).
La doctrine de la guerre juste, plus précisément, n'est pas une création de l'Eglise, mais Augustin en reprenant les réflexions d'Aristote et Cicéron — pour lesquels la guerre elle-même doit être soumise au droit et avoir la paix pour finalité —, y ajoute l'élément d'une disposition intérieure à laquelle fait référence selon moi François. D'après Augustin en effet, dont les principes seront canonisés par saint Thomas d'Aquin (l'autre pilier de la doctrine ecclésiale), pour se conformer à la justice, il ne suffit pas que le soldat se conforme aux ordres, il doit agir sans haine à l'égard de l'ennemi. Autrement dit, la manière de stopper l'ennemi est aussi importante que le résultat. D'où l'importance d'évaluer les moyens par une conscience éclairée.
François agit donc conformément au principe de réalité en affirmant qu'une intervention réfléchie et sans passion s'avère nécessaire mais son surmoi l'empêche de prononcer le mot «guerre».
Dans quels cas, la légitime défense est-elle tolérée par l'Eglise?
Il faudrait encore distinguer entre «légitime défense» et «guerre juste». Augustin en tout cas le fait. Celui-ci n'admet pas le droit de tuer autrui pour se défendre. Par contre, celui qui ne stoppe pas l'injustice qui frappe autrui est aussi coupable que l'agresseur. C'est en ce sens qu'aux yeux d'Augustin (et d'autres Pères de l'Eglise) le soldat peut être au service de la justice. Toutefois, Thomas d'Aquin admettra comme licite la légitime défense pourvu que la riposte soit mesurée.
De manière canonique, la doctrine de la guerre juste comporte alors trois conditions. 1) L'autorité juste: la décision de la guerre doit relever d'une authentique autorité, c'est-à-dire au service du bien commun. 2) La cause juste, c'est-à-dire la défense du prochain agressé par un adversaire dont on suppose qu'il a commis une faute (et dont la punition peut conduire à la repentance). 3) L'intention droite: la guerre ne doit pas dissimuler des intérêts personnels.
Quant à lui, François tente de s'en sortir en substituant au vocabulaire de la guerre connotant la mort, celui de la «légitime» défense de la «vie». Mais la rhétorique papale est par conséquent confuse: ce droit se rapporte à ma vie et non à celle de l'autre qui n'est envisagé dans ce cas que comme un adversaire. Par ailleurs, comment à nouveau éviter de repousser de manière proportionnée un djihadiste armé jusqu'aux dents et courant après la mort, sinon en le tuant?
Lu sur le site de « La Croix » (extraits) :
Et pout être tout à fait clair, "Alors que le Vatican se caractérise d’ordinaire pour un refus de tout recours à la force armée dans la résolution de conflits, Mgr Silvano Tomasi (photo), observateur permanent du Saint-Siège auprès des Nations unies, a estimé le 9 août 2014 qu’une intervention militaire pouvait être “nécessaire“ pour arrêter l’avancée des djihadistes en Irak. Alors que les miliciens de l’Etat islamique ont conquis plusieurs villes du pays, forçant des centaines de milliers de personnes à l’exil, dont de très nombreux chrétiens, le diplomate vatican a dénoncé “l’indifférence occidentale“".
Des états généraux ecclésiastiques se sont tenus hier au siège patriarcal maronite de Dimane, en présence des patriarches orientaux catholiques et orthodoxes et du nonce apostolique, Gabriele Caccia, œil averti du Vatican. La réunion s'est tenue aussi sur la triste nouvelle d'une nouvelle avancée des jihadistes de l'État islamique dans la plaine de Ninive, en Irak, comme si les frontières du nouveau Moyen-Orient devaient être tracées avec le sang des chrétiens. Retenu en Irak, le patriarche des chaldéens, Louis Raphaël Sako, s'est fait représenter à cette réunion. Également absents, les assyriens et les coptes.