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L'abbé Grosjean, curé de la paroisse de Montigny-Voisin, fondateur du Padre blog et des universités d'été, responsable des questions d'éthique et de politique pour son diocèse de Versailles, viendra le dimanche 12 février 2023 à 20 h., nous parler de son 3e livre : "Être prêt, repères spirituels".
Être prêt et pour cela vivre pleinement et sans attendre sa vie, c'est la thématique que l'Abbé Grosjean se propose d'explorer pour nous.
L'Abbé Grosjean nous fournira 10 repères pour éclairer et accompagner cette aventure rude et magnifique qu'est notre vocation d'homme, de femme, de chrétien. Dix méditations qui nous donneront lumière, force, consolation et confiance.
Par ce livre spirituel concret, simple et incarné, l'Abbé Grosjean nous encourage ; il partage avec nous les fruits de son ministère, de ses rencontres, de son expérience.
Il s'adresse à toutes les générations à partir de 15 ans et à tous les états de vie et nous enthousiasme par son franc-parler et son enthousiasme. Oui, nous sommes faits pour la Joie, la Joie vraie !
Nous vous attendons donc nombreux le dimanche 12 février 2023 à 20h à l'église Notre-Dame-de-Stockel. La participation aux frais est libre. Les 3 livres de l'Abbé Grosjean vous seront proposés à la vente avant et après la conférence.
D'Emizet François Kisangani, économiste et politologue, Professeur à l'Université de Kansas (USA), auteur de "The Belgian Congo as a developmental state : revisiting colonialism", sur la Libre du 7 février 2023, pp. 32-33.
Pourquoi le Congo belge était une "colonie modèle"
Stabilité politique, infrastructures (routes, voies ferrées, eau potable…), industrie manufacturière, santé publique, éducation : le Congo belge (1908-1959) était tellement développé qu’on l’appelait "Poto Moyindo" ou "l’Europe noire". Des kleptocrates postcoloniaux ont transformé ce pays en "enfer sur terre".
Dans l’une de ses fameuses chansons, le père de la musique congolaise Antoine Wendo avait décrit le Congo belge de l’après-guerre comme Poto Moyindo ou "l’Europe noire". En effet, la croissance économique annuelle oscillait autour de 5,2 % dans les années 1950. L’inflation était d’environ 1,08 % par an dans la même décennie. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant était en moyenne de 2.850 dollars américains aux prix de 2015. Dans les années 1950, les Congolais étaient approvisionnés en eau potable un peu partout et la malnutrition était inconnue au Congo belge.
Pays le plus développé en Afrique
En 1955, le Congo belge avait plus de 2 500 industries manufacturières éparpillées dans tous les secteurs de l’économie. Résultat, la colonie avait plus de deux millions de salariés industriels. Il s’avère que ce nombre était le plus élevé en Afrique. Conséquence, la contribution de l’industrie manufacturière dans le PIB se montait à environ 18 % en 1955. Cette performance économique était aussi la plus élevée en Afrique subsaharienne. Plus précisément, les industries manufacturières produisaient 45 % des biens de consommation, c’était là le résultat d’une industrialisation basée sur la substitution des importations qui débuta au début des années 1920. À titre de comparaison, il faut savoir que, dans les années 1930, toutes les colonies européennes en Afrique demeuraient d’une manière prédominante agraires. Plus impressionnant fut le fait que le Congo belge avait plus de routes en excellent état, plus de voies ferrées (à l’exception de l’Afrique du Sud) et plus de voies navigables que toutes les autres colonies en Afrique. Le Congo belge possédait aussi la meilleure infrastructure sanitaire en Afrique subsaharienne. Bien que l’éducation secondaire et tertiaire ne fit pas partie de la politique sociale coloniale, plus de 90 % des enfants congolais en âge de scolarisation étaient inscrits gratuitement à l’école primaire. Ce nombre impressionnant était aussi le plus élevé en Afrique.
Une "colonie modèle"
Contrairement à l’État indépendant du Congo (EIC) sous Léopold II (1885-1908) et l’État postcolonial depuis juillet 1960, le Congo belge (1908-1959) était connu comme une "colonie modèle" et un "paradis" pour les investissements directs étrangers grâce à sa stabilité politique et ses ressources naturelles fabuleuses. En bref, le Congo belge était un État providence semblable au même système qui se développait en Belgique. Le Congo belge était réellement un Poto dans les années 1950.
"Pape Benoît, qu'est-ce qui vous console ?" - "Que Dieu garde tout entre ses mains".
2 février 2023
Interview kath.net de Peter Seewald à propos de la parution aujourd'hui du nouveau livre "L'héritage de Benoît" -
Monsieur Seewald, votre nouveau livre est en quelque sorte un compendium de votre biographie de Joseph Ratzinger/ Pape Benoît XVI. Avec votre ouvrage de base sur la vie de ce pape et notamment grâce à vos recueils d'entretiens avec lui, vous avez ouvert une fenêtre sur un regard intense sur le devenir et l'action de ce pape.
Peter Seewald : "L'héritage de Benoît" est en effet un compendium ; un livre pour les lecteurs qui veulent s'informer de manière compacte sur le parcours, la personne et l'importance du pape allemand. En fait, je ne voulais rien faire de plus. Mais Tim Jung, l'éditeur de Hoffmamn und Campe, m'a convaincu de l'idée d'atteindre d'autres cercles de lecteurs avec un livre moins volumineux, sous forme de dialogue narratif, après ma grosse biographie du pape. C'est important. Dans le débat sur l'interprétation de Benoît XVI, il faut de la compétence matérielle.
Avec votre travail de journaliste, vous vous placez sur un pied d'égalité avec des historiens de l'Eglise comme Ludwig von Pastor et Hubert Jedin, malgré certaines différences. Est-ce que ce sont des spécialistes comme vous qui ouvrent aujourd'hui aux gens ce que les théologiens faisaient autrefois ?
Peter Seewald : Oh là là, c'est beaucoup trop ambitieux. Je ne suis qu'un journaliste à qui l'on a confié une tâche précise. Le défi est de transmettre les choses de la foi à partir de la compréhension de la foi, et de le faire sous une forme que l'on comprend, qui soit lisible et passionnante.
Les théologiens sont indispensables s'ils font vraiment de la théologie. Une théologie à l'écoute, qui transmet la parole de Dieu dans le langage et avec les connaissances de l'époque, mais aussi fidèlement à la doctrine. Aujourd'hui, la plupart des théologiens qui se pressent sur la scène publique ne voient le mystère chrétien que comme un projet académique, comme l'a fait remarquer un jour Benoît XVI, qui n'a rien à voir avec leur vie. Ratzinger a passionné ses étudiants pour les mystères et la vérité de la foi. Je doute qu'on puisse en dire autant de son successeur actuel à son ancienne chaire de Münster. Cela devient particulièrement gênant lorsque de telles personnes reprochent à quiconque s'exprime ne serait-ce qu'une seule fois en faveur du pape allemand de vouloir construire des légendes et un mythe, alors qu'elles n'ont elles-mêmes rien fait d'autre que de peindre au public une image hideuse de l'ennemi en ce qui concerne Benoît.
Un rapport d'experts révèle l'ampleur d'un scandale sexuel impliquant Jean Vanier
L'Arche, structure mondialement connue qui vient en aide aux personnes handicapées, publie 900 pages accablantes sur les pratiques déviantes de son fondateur et de son père spirituel, Thomas Philippe.
« Aucune personne handicapée » n'aurait été victime de Jean Vanier ni du père Thomas Philippe, veut rassurer L'Arche, œuvre fondée par ces deux personnalités en 1964 pour accueillir des personnes en situation de handicap. Un argument qui ne saurait éclipser le scandale : cette célèbre association a publié lundi un rapport d'experts de 900 pages (disponible sur arche-france.org) accablant quant aux comportements sexuels de ces deux hommes.
L'un, Jean Vanier (1928- 2019), était un laïque célibataire canadien, jugé comme un « saint vivant » à la fin de sa vie. L'autre, le père Thomas Philippe (1905-1993), était un religieux dominicain français, très connu et controversé.
Jean Vanier ? « Vingt-cinq femmes majeures, célibataires, mariées ou consacrées, non handicapées, ont ainsi été identifiées pour avoir vécu, à un moment de leur relation avec Jean Vanier, une situation impliquant un acte sexuel ou un geste intime entre 1952 et 2019 », écrit le rapport. Avec cette « hypothèse » : « Ce nombre de vingt-cinq est inférieur au nombre réel de femmes concernées. » Quant au mentor de Jean Vanier, le père dominicain Thomas Philippe, « l'exploration du matériau d'enquête a permis d'identifier vingt-trois personnes, hommes et femmes, abusées sexuellement (par le religieux, NDLR), dont un petit nombre recoupe le chiffre de 33 victimes déjà identifiées à Rome par le Saint- Office dans les années 1950 (il avait subi alors une sanction canonique, NDLR). Les nombres ici cités sont nettement en deçà du nombre de personnes abusées sexuellement par Thomas Philippe. »
En réalité, cette affaire avait explosé en février 2020, avec la publication de plusieurs témoignages accusateurs mais qui émanaient seulement de victimes. L'Arche internationale avait alors commissionné six spécialistes, dont l'historien Florian Michel, et ouvert ses archives ainsi que celles de l'ordre dominicain, pour établir la vérité.
Quelle vérité ? Le rapport écrit : « Les situations, les gestes et les actes sont hétérogènes. Certains actes d'agression ou d'abus sexuels ont eu lieu dans le cadre d'une relation d'emprise, d'autres non, mais ils s'inscrivent dans un continuum de violences sexuelles marqué par l'expérience de l'emprise, de l'abus d'autorité et, plus généralement, par la confusion des sphères spirituelles, affectives et sexuelles. »
Et le document détaille les actes : « La posture régulièrement décrite est celle de Jean Vanier - c'est le cas aussi avec Thomas Philippe et Marie-Dominique Philippe (son frère, également prêtre) -, à genoux, tête posée sur la poitrine nue de la personne » qu'il suit en entretien spirituel. « Les gestes tactiles s'intensifient pendant la prière et l'accompagnement (ils se tiennent les mains, têtes rapprochées, les fronts se touchent, ils se prennent dans les bras l'un l'autre). Les différents récits évoquent une gamme similaire d'attouchements, recouvrant en particulier des “baisers sur la bouche chaque fois plus appuyés, passionnels”, “voluptueux, passionnés”, et des caresses sur les zones érogènes de chacun, particulièrement la poitrine féminine. Dans plusieurs cas, les attouchements ont progressé vers des actes d'agression sexuelle. La nudité partielle, l'absence de coït ainsi que la justification spirituelle de l'abus sexuel conduisent Jean Vanier à considérer qu'il s'agit là d'une pratique non sexuelle. »
Les signataires du rapport expliquent encore : « Parce qu'il considère ces expériences comme de la “sexualité chaste”, Jean Vanier y a invité indifféremment des femmes célibataires, en couple, mariées ou ayant prononcé des vœux religieux de chasteté, des femmes ayant déjà une sexualité active ou des femmes n'ayant jamais eu d'expérience sexuelle avec un partenaire. »
«Folie érotique»
Mais comment Jean Vanier, un laïque canadien très connu et respecté dans le monde catholique pour son œuvre auprès des personnes handicapées, a-t-il pu se livrer à de telles pratiques ? Sur la base de courriers « intimes » entre Jean Vanier et Thomas Philippe, l'analyse des six experts met en lumière la dérive de leurs liens : ils sont passés d'une « filiation spirituelle » à une « initiation de Jean Vanier aux pratiques mystico-sexuelles de son père spirituel ». Ce dernier, rapporte la commission d'experts, « dit avoir vécu en 1938 à Rome une union mystico-sexuelle avec la Vierge Marie qui lui aurait révélé un “secret” : Jésus et Marie auraient eu des relations mystico-sexuelles dans le but de réhabiliter la chair et d'inaugurer les relations mystico-amoureuses qui se vivront dans le Royaume ».
Le document ajoute : « Une religieuse abusée au début des années 1950 témoigne qu'il arguait que les caresses ont pour fonction de transsubstantier son corps de femme en celui de Marie, assimilant ainsi ces échanges sexuels à un sacrement. La même continue en indiquant qu'il cherchait à justifier ce modèle incestueux en affirmant qu'il n'y avait aucune ligne de démarcation entre amour maternel et amour conjugal, qu'il y avait l'amour tout court, qui exigeait une totale liberté ».
Les experts pointent son « délire » et sa « folie érotique ». Jusqu'au sordide. Un commissaire du Saint-Office, l'ancêtre de la congrégation romaine de la Doctrine de la foi, note, en 1955, qu'il est « informé d'un avortement intervenu en 1947, auquel est donné un sens “mystique” avec une vénération du fœtus mort comme quelque chose de sacré, lié au “secret de la T. S. Vierge”. L'enfant avorté est le fruit des relations sexuelles entre Thomas Philippe et Anne de R. L'ancienne prieure du carmel de Nogent-sur-Marne, Mère Thérèse, confirme les faits et reconnaît son implication ».
Le poids des paroles de Müller sur la succession du Pape François
Rien ne présage l'ouverture d'une sede vacante dans l'Eglise de Rome, mais l'entretien de Franca Giansoldati avec le cardinal Gerhard Müller (In buona fede, Solferino) sera gardé en mémoire par ses collègues qui devront élire le successeur de François. D'accord ou pas avec les opinions de l'ancien évêque de Ratisbonne, qui a été préfet de l'ancien Saint-Office de 2012 à 2017; le quatrième de la série ininterrompue des gardiens de la doctrine catholique qui ne sont plus italiens depuis plus d'un demi-siècle, alors que la rumeur veut que le brillant dehonien Heiner Wilmer, aux tendances progressistes et qui serait le troisième allemand après Ratzinger et Müller, vienne remplacer le jésuite espagnol Luis Ladaria.
Les deux cents pages de questions et réponses bien menées et fluides ont le mérite d'être inhabituellement franches, parfois rudes et explicites dans leurs critiques du pape François et de ses conseillers. Mais le livre ne doit pas être réduit à une opposition au pontife, comme il l'a semblé dans les avant-premières de presse, car il vise à offrir un aperçu de "la religion au XXIe siècle", comme l'indique le sous-titre.
Même si la vision de Müller souffre d'une approche exclusivement théologique et insensible à l'histoire : par exemple, sur la présence des femmes dans l'Eglise, qu'il voit même dans des rôles importants comme celui de secrétaire d'état, mais à qui il refuse la possibilité du cardinalat qui, dans les siècles passés, n'était pas lié à l'ordination sacerdotale.
Je défends les règles
"Müller est un gardien et sa vision ressemble à une boussole", résume Giansoldati dans la préface qui introduit les différents chapitres. Celles-ci racontent d'abord l'histoire du prélat rhénan de 75 ans qui a édité les écrits de Ratzinger avant son pontificat (seize volumes des Gesammelte Schriften, en cours depuis 2008 et désormais presque achevés).
Le livre traite de sujets incandescents : les abus, tout d'abord ; "le clivage" avec les restrictions liturgiques à l'encontre des traditionalistes ; la situation du catholicisme en Allemagne, qui se dirige vers l'"apostasie" ; la renonciation papale ; l'avenir qui se profile ; la question des femmes ; l'Église en Amérique ; la Chine.
Élève du théologien Karl Lehmann (le disciple de Karl Rahner qui fut le puissant président de la Conférence épiscopale allemande pendant plus de deux décennies), Mgr Müller peut difficilement être contraint de se glisser dans la peau d'un conservateur. La théologie des sacrements chez Dietrich Bonhoeffer, le pasteur luthérien pendu par les nazis, a fait l'objet de sa thèse de doctorat, suivie de publications telles que Dogmatica cattolica (Edizioni San Paolo) et Dalla parte dei poveri (Edizioni Messaggero Padova - Emi), écrites avec son ami Gustavo Gutiérrez, le dominicain péruvien fondateur de la théologie de la libération. Et parmi les contemporains que le cardinal suggère pour comprendre le christianisme, il signale, outre Ratzinger, des auteurs novateurs comme Yves Congar, Hans Urs von Balthasar et Rahner.
En 2012, Benoît XVI l'a nommé comme successeur de l'Américain William Levada à la Congrégation pour la doctrine de la foi, mais à la fin du premier mandat de cinq ans, Müller n'a pas été confirmé par Bergoglio. "Un coup de tonnerre", résume-t-il dans le livre, ajoutant : "Ils me voyaient comme le professeur allemand rigide qui voulait donner des leçons même au pape, mais tout cela était faux, une fabrication. Je ne faisais que défendre les règles. Plus simplement, je suppose que le pape a cultivé au fil du temps une forme de méfiance, d'aversion envers les théologiens, les "universitaires allemands".
"Contre moi une clameur meurtrière", écrit Benoît XVI dans le livre publié à titre posthume. Au cœur de tout cela, la crise de la foi dans son Allemagne natale, épicentre du séisme qui secoue l'Église de Rome.
Le Vatican, à tous les niveaux les plus élevés, dit aux dirigeants de l'Église allemande qu'ils doivent arrêter, que ce que la voie synodale locale établit (qui, de semestrielle qu'elle était à l'origine, devient en fait permanente ou semi-permanente, avec des demandes finales envoyées à Rome dont le ton et la substance gagnent en intensité de mois en mois) n'est pas valide et qu'ils ne peuvent certainement pas établir des "Conseils synodaux" avec la participation de laïcs qui superviseraient même les questions qui sont actuellement entre les mains de la Conférence des évêques.
Le pape, dans l'une de ces interviews qu'il accorde périodiquement, a déclaré que ce qui se passe en Allemagne "n'est pas utile et n'aide pas". Le dialogue, c'est bien, mais ce n'est pas un synode, ce n'est pas un vrai chemin synodal. Il n'en a que le nom, mais est dirigé par une élite tandis que le peuple de Dieu n'y est pas associé". Du Rhin, ils répondent par des remerciements rituels, mais confirment que tout se passera portant comme prévu, malgré la tentative désormais déclarée de Rome de faire converger et de diluer, pourrait-on dire sans risque de se tromper, les instances locales dans le grand Synode qui sera célébré entre la fin de cette année et l'année prochaine à l'ombre de Saint-Pierre.
Après tout, la hiérarchie de l'Église allemande est massive : la résistance, bien que combative, est réduite à cinq évêques, menés par le cardinal affaibli de Cologne, Rainer Maria Woelki. Les autres sont presque tous titulaires de diocèses bavarois, la grande enclave catholique au nord des Alpes, bien que la sécularisation s'y fasse désormais aussi sentir. Avant même d'être une lutte avec Rome, c'est une lutte (...) qui vise en fin de compte à faire de l'Église catholique quelque chose de nouveau, cogéré horizontalement, sans plus de structures pyramidales avec quelques figures au sommet appelées à donner la ligne. Ce sont des projets anciens, qui ne datent certainement pas de ces dernières années, mais qui ont trouvé aujourd'hui un terrain fertile dans la décision du pape régnant de déléguer l'autorité aux Églises locales même dans le domaine doctrinal (et donc, imaginez, dans le domaine pastoral).
François, a peut-être un peu regretté ce paragraphe contenu dans Evangelii gaudium de 2013, tant il est vrai que ces derniers mois il a dit qu'il ne voulait pas d'une autre Église protestante en Allemagne, mais qu'il voulait une Église catholique. Peut-être, qui sait, en aura-t-il parlé avec Benoît XVI, dont on se souvient ces dernières semaines comme d'un juge sage qui pouvait être interrogé sur des questions qui ne sont certainement pas secondaires. Et ce qui se passe dans l'Église allemande, n'est certainement pas secondaire. Après tout, si quelqu'un savait comment interpréter les vents anciens et nouveaux qui soufflent du nord, c'était bien Joseph Ratzinger. Ses derniers écrits, posthumes, en témoignent également. "Pour ma part, de mon vivant, je ne veux plus rien publier. La fureur des milieux contre moi en Allemagne est si forte que l'approbation de la moindre de mes paroles provoque immédiatement un brouhaha meurtrier de leur part. Je veux m'épargner cela, à moi et à la chrétienté", écrit Benoît XVI le 13 janvier 2021 à Elio Guerriero, auteur d'une biographie en italien sur Ratzinger, connu et estimé par ce dernier "pour sa compétence théologique".
Le pape émérite s'est dit prêt à faire le tri dans les écrits qu'il a médités pendant ses années de retraite, immergé parmi ses livres dans les jardins du Vatican. Il a toutefois précisé que rien ne devait aller en librairie avant sa mort. Il l'a mis noir sur blanc de manière péremptoire, en signant la préface de Qu'est-ce que le christianisme (Mondadori, 2023) le 1er mai 2022. "En Allemagne, certaines personnes ont toujours essayé de me détruire", avait-il déjà confié à son biographe, Peter Seewald, dans Dernières Conversations, en 2016.
Le suaire de Turin n’a pas fini de nous interroger…
Le débat sur le saint suaire remue croyants et incroyants, bien au-delà des froids arguments scientifiques.
Le regard du prêtre
L’historien français Jean-Christian Petitfils vient de publier un livre sur le suaire de Turin, ce drap supposé avoir enveloppé le Christ supplicié. Une image du crucifié se serait imprimée sur le linge, image toujours observable deux mille ans plus tard. Le suaire… vraie relique ou faux génial ? L’étude au carbone 14 effectuée en 1988 avait conclu à une datation du tissu quelque part entre les XIII et XIV siècles. Le suaire serait donc un faux. Depuis, de nouvelles recherches invalident ces résultats. Le test au carbone aurait été fait sur un échantillon ayant subi un retissage, d’où son origine plus récente. Ceci expliquerait la datation médiévale. Dans son ouvrage, Petitfils présente sa conviction que - selon toute évidence scientifique - ce suaire serait bien celui de Jésus de Nazareth. Les sceptiques objecteront que Petitfils est chrétien, ce qui influence son jugement. Il est cependant rejoint par le professeur Boxho, qui - lui - se déclare incroyant. Philippe Boxho est professeur de médecine légale à l’Université de Liège et étudie le suaire depuis des années. La conviction de ce scientifique, que consultent les polices du Royaume pour faire parler un cadavre, est qu’il ne peut s’agir d’un faux et que, selon toute vraisemblance, ce suaire aurait bien enveloppé la dépouille de Jésus de Nazareth. Ce libre-penseur ajoute même avec une honnêteté déconcertante : "Et je ne puis expliquer scientifiquement comment la trace du corps s’est imprimée aussi nettement sur le linceul." Pour Petitfils et d’autres, cette impression serait due au flash de la résurrection… Une explication plausible, mais qui sort du champ scientifique à proprement parler.
De par ma faible compétence scientifique, je suis bien incapable de me prononcer sur l’authenticité du suaire. Comme théologien, je rappelle simplement deux vérités : 1. Si le suaire est un faux, la foi chrétienne ne s’écroule pas pour la cause. 2. Si le suaire est authentique, la foi chrétienne n’est pas validée pour autant. En 1997, l’auteur chrétien Vladimir Volkoff publia un essai racontant, non sans humour, que l’arme absolue mise au point par le diable serait… une preuve irréfutable de l’existence de Dieu. En effet, si les hommes sont convaincus de son existence, Dieu deviendrait une simple évidence et non plus le mystère que scrutent librement les quêtes de sens et embrassent amoureusement les adhésions de foi.
Auraient-ils donc peur ?
Le débat sur le suaire remue cependant croyants et incroyants bien au-delà des froids arguments scientifiques. Ainsi, sur les réseaux sociaux, j’ai tenté un dialogue de sourds avec des athées pour qui ce linceul ne pouvait être authentique, quels que soient les arguments rationnels évoqués… Avaient-ils donc peur que ceci les amène à la foi ? Ainsi encore, je constate le désintérêt de nombre d’experts du christianisme par rapport au suaire. Pourquoi ? Parce que, sous l’influence d’une théologie du sentiment plus que de l’histoire, ils peinent à évoquer le réalisme de la résurrection. Illustration : la série documentaire de Gérard Mordillat et Jérôme Prieur diffusée par Arte sur l’origine du christianisme n’évoque à aucun moment le tombeau vide. Ce fait historique n’a pourtant été réfuté ni à l’époque du Christ ni les décennies suivantes. L’Évangile de Matthieu évoque la thèse polémique d’un vol du cadavre par les disciples (chap. 28, 11-15), mais personne n’a jamais affirmé que le corps de Jésus serait resté dans son tombeau. Donc, si le suaire est authentique, il renseigne non seulement sur la véracité de la passion, mais interroge également sur l’historicité de la résurrection. Autrement dit : si le suaire est authentique, ce tissu, qui - pour celui qui ne croit pas - restera une énigme et ne sera jamais une preuve, deviendrait pour le croyant une balise pointant vers l’événement fondateur de sa foi.
Dans un nouveau livre, le défunt Benoît XVI défend le christianisme contre les allégations d'intolérance
19 janvier 2023
Le pape émérite Benoît XVI a défendu à titre posthume le christianisme contre les allégations d'intolérance "au nom de la tolérance".
Dans un nouveau livre publié en Italie, le défunt pontife met en garde contre une "manipulation radicale des êtres humains" et "la déformation des sexes par l'idéologie du genre" au nom de la tolérance.
Rejetant l'argument d'un théologien allemand selon lequel le monothéisme est lié à l'intolérance, Benoît XVI rétorque que "le contrepoids authentique à toute forme d'intolérance" est, en fait, le Christ crucifié.
La contribution du défunt pontife, datée de décembre 2018, est publiée dans un nouveau recueil de textes du pape théologien, présenté par l'éditeur italien comme un "quasi-testament" spirituel."
Le volume de 190 pages est intitulé "Qu'est-ce que le christianisme ?" Il contient 16 contributions, dont quatre inédites.
Selon CNA Deutsch, le partenaire d'information en langue allemande de CNA, tous les textes ont été écrits après la démission de Benoît XVI en 2013.
Outre sa réflexion sur le monothéisme et l'intolérance moderne contre le christianisme, les textes couvrent plusieurs autres sujets théologiques, de l'intercommunion à la réforme de la liturgie et au dialogue de l'Église avec l'islam.
Plusieurs de ces sujets ont déclenché des réactions véhémentes de la part d'évêques et de théologiens allemands et ont mis l'Église en Allemagne en porte-à-faux avec le Vatican - et le défunt pontife.
L'un de ces sujets virulents est la question de l'intercommunion entre protestants et catholiques, que les principaux évêques allemands ont encouragée, malgré les objections du Vatican.
Le défunt pontife réfléchit au sacrement de l'Eucharistie dans son essai sur l'intercommunion. Il explique pourquoi un véritable œcuménisme doit tenir compte des différences entre protestants et catholiques, plutôt que de les masquer.
Les réactions des milieux allemands à l'encontre de ces explications et de sa propre personne dans le passé sont l'une des raisons pour lesquelles - selon l'éditeur - le pape émérite a choisi de publier l'ouvrage à titre posthume, et d'abord en italien.
Le cardinal Müller est impitoyable envers le pape François : "Ses amis sont privilégiés même s'ils sont accusés d'abus : un cercle restreint fait les nominations au Vatican".
20 janvier 2023
Le cardinal allemand lance une série d'accusations cinglantes à l'encontre du souverain pontife, dans son dernier livre intitulé "In buona fede", qui sera bientôt disponible en librairie.
Un cercle restreint graviterait autour du pape François. Les abus dans l'Église seraient traités de manière partiale. Le "non" à la messe en latin aurait chagriné et aliéné les franges traditionalistes. Ce ne sont là que quelques-unes des révélations faites par le cardinal Gerhard Müller dans son livre In buona fede with Franca Giansoldati (Solferino), qui sortira dans quelques jours. L'ancien préfet de la Doctrine de la Foi ne ménage pas ses critiques à l'égard de la ligne adoptée par le Pontife, qui selon lui s'entourerait de personnes "non préparées d'un point de vue théologique". En outre, selon lui, au Vatican, les informations circuleraient désormais "de manière parallèle" : "d'une part, il existe des canaux institutionnels qui sont malheureusement de moins en moins consultés par le pontife, et d'autre part, il existe des canaux personnels utilisés même pour les nominations d'évêques ou de cardinaux".
La question des abus
Des mots forts, qui ne font même pas l'économie d'un commentaire sur les scandales qui ont éclaboussé l'Église ces derniers temps. On cite notamment le cas de Monseigneur Gustavo Zanchetta, l'évêque argentin qui a été condamné en mars dernier à quatre ans et demi de prison pour avoir abusé sexuellement de deux séminaristes. Son cas, écrit Müller, "fait débat parce qu'il jouissait d'un statut privilégié en tant qu'ami du pape". En règle générale, les amitiés ne peuvent influencer le cours de la justice, tout le monde doit être traité de manière égale". Don Mauro Inzoli, un prêtre proche de Communion et Libération, est également mis en cause. "Le tribunal du Vatican, lit-on dans le livre, a ouvert un procès à son encontre à l'issue duquel il a été décidé de le réduire à l'état laïc car il a été reconnu coupable de crimes. Mais malheureusement, il y a eu un cardinal de la curie qui est allé frapper à Santa Marta, demandant la "clémence". Müller raconte que "face à cet interventionnisme", le pape s'est laissé convaincre et a choisi de modifier la sentence, en aménageant la peine d'Inzoli, stipulant qu'il devait rester prêtre. Mais avec l'interdiction de porter l'habit sacerdotal ou de clerc en public, et sans se présenter aux communautés comme consacré : "Il restait consacré mais ne pouvait pas se montrer aux étrangers comme tel. Ce n'est qu'un exemple".
Le "non" à la messe en latin et l'affaire Becciu
Le travail de Mgr Müller fait écho aux propos de Georg Gänswein, secrétaire de Benoît XVI, selon lesquels le "non" du pape François à la messe en latin a "brisé le cœur" de Joseph Ratzinger. La décision, a ajouté Mgr Müller, est "une gifle" pour les traditionalistes, "elle a creusé des fossés et causé de la douleur". Et cela a donné l'impression, selon lui, que le souverain pontife avait choisi "d'écouter un groupe de conseillers, sans tenir compte du fait que la mesure aurait pris les apparences d'une simple démonstration de pouvoir". Le cardinal est un fleuve en crue, et ne ménage même pas les critiques sur la gestion de l'affaire Becciu, le cardinal accusé de s'être enrichi, lui et sa famille, avec des fonds de la Secrétairerie d'État du Vatican. "Vous ne pouvez pas punir quelqu'un sans avoir la preuve de sa culpabilité en main. Cette façon d'agir s'est produite fréquemment au Vatican et ne concerne pas seulement le cas singulier de Becciu, mais s'est même produite au sein de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi lorsque des prêtres ont été renvoyés sans raison, du jour au lendemain", a condamné Müller. Le reproche du cardinal s'adresse en premier lieu aux médias, coupables selon lui d'avoir amplifié une "question macroscopique".
La modernité veut une culture indépendante de la vérité. Un inédit de Benoît XVI
"L'État occidental moderne se voit comme une grande puissance de tolérance qui rompt avec les traditions insensées et prérationelles de toutes les religions. C'est la prétention d'avoir toujours raison". Extrait du volume posthume de réflexions après la démission de B-XV
Auteur : Joseph Ratzinger - Il Foglio Date de publication : 17 janvier 2023
Nous publions un extrait de "Qu'est-ce que le christianisme ? Quasi un testamento spirituale", le livre posthume de Benoît XVI publié par Mondadori (204 p., 20 euros) qui sera en librairie à partir de vendredi. Ce livre rassemble les réflexions de Joseph Ratzinger après sa démission en février 2013.
"(...) l'État moderne du monde occidental, d'une part, se considère comme une grande puissance de tolérance qui rompt avec les traditions insensées et prérogatives de toutes les religions. De plus, avec sa manipulation radicale de l'homme et la déformation des sexes par l'idéologie du genre, il s'oppose particulièrement au christianisme. Cette prétention dictatoriale à avoir toujours raison par une apparente rationalité exige l'abandon de l'anthropologie chrétienne et du style de vie jugé pré-rationnel qui en découle.
L'intolérance de cette apparente modernité à l'égard de la foi chrétienne ne s'est pas encore transformée en persécution ouverte, et pourtant elle se présente de manière de plus en plus autoritaire, visant à obtenir, par une législation correspondante, l'extinction de ce qui est essentiellement chrétien. L'attitude de Mattathias - " Nous n'écouterons pas les ordres du roi " (législation moderne) - est celle des chrétiens. Le " zèle " de Mattathias, par contre, n'est pas la forme dans laquelle s'exprime le zèle chrétien. Le "zèle" authentique tire sa forme essentielle de la croix de Jésus-Christ. Enfin, essayons de tirer une sorte de conclusion de ce rapide examen de quelques-unes des étapes de l'histoire de la foi dans le Dieu unique de l'Ancien Testament. Tout d'abord, nous pouvons certainement affirmer qu'historiquement, le monothéisme se présente sous des formes très différentes.
Elle ne peut donc pas être définie sans ambiguïté selon les mêmes critères modernes comme un phénomène unitaire. On ne parvient au monothéisme, au sens strict du terme selon son usage moderne, que lorsqu'il est lié à la question de la vérité. Cette transition en Israël se fait essentiellement à partir de l'exil, mais pas au sens propre de la réflexion philosophique. L'événement révolutionnaire, du point de vue de l'histoire des religions, a lieu avec l'assomption chrétienne de la foi en un Dieu unique, qui avait été préparée dans tout le bassin méditerranéen par le groupe des "craignant Dieu".
L'affirmation définitive de la revendication universelle du Dieu unique était cependant encore entravée par le fait que ce Dieu unique était lié à Israël et n'était donc pleinement accessible qu'en Israël ; les païens pouvaient l'adorer en même temps qu'Israël, mais ne pouvaient pas lui appartenir pleinement. Seule la foi chrétienne, avec son universalité définitivement conquise par Paul, permettait désormais que le Dieu unique puisse aussi être concrètement adoré dans le Dieu d'Israël qui s'est révélé. La rencontre entre le "Dieu des philosophes" et le Dieu concret de la religion juive est l'événement, provoqué par la mission chrétienne, qui révolutionne l'histoire universelle. En dernière analyse, le succès de cette mission repose précisément sur cette rencontre.
Ainsi, la foi chrétienne pouvait se présenter dans l'histoire comme la religio vera. La prétention du christianisme à l'universalité est fondée sur l'ouverture de la religion à la philosophie. Cela explique pourquoi, dans la mission qui s'est développée dans l'antiquité chrétienne, le christianisme ne se concevait pas comme une religion, mais avant tout comme une continuation de la pensée philosophique, c'est-à-dire de la recherche de la vérité par l'homme. Cela a malheureusement été de plus en plus oublié à l'époque moderne. La religion chrétienne est aujourd'hui considérée comme une continuation des religions du monde et est elle-même considérée comme une religion parmi ou au-dessus des autres. Ainsi, les "semences du Logos", dont Clément d'Alexandrie parle comme de la tension vers le Christ dans l'histoire pré-chrétienne, sont identifiées de manière générique aux religions, alors que Clément d'Alexandrie lui-même les considère comme faisant partie du processus de la pensée philosophique dans lequel la pensée humaine avance à tâtons vers le Christ.
Revenons à la question de la tolérance. Ce qui a été dit, c'est que le christianisme se comprend essentiellement comme une vérité et qu'il fonde sur cela sa prétention à l'universalité. Mais c'est précisément là qu'intervient la critique actuelle du christianisme, qui considère la revendication de la vérité comme intolérante en soi. La vérité et la tolérance semblent être en contradiction. L'intolérance du christianisme serait intimement liée à sa prétention à la vérité. Cette conception est sous-tendue par le soupçon que la vérité serait dangereuse en soi. C'est pourquoi la tendance de fond de la modernité s'oriente de plus en plus clairement vers une forme de culture indépendante de la vérité.
Dans la culture postmoderne - qui fait de l'homme le créateur de lui-même et conteste la donnée originelle de la création - il y a un désir de recréer le monde contre sa vérité. Nous avons déjà vu plus haut comment cette attitude même conduit nécessairement à l'intolérance. Mais en ce qui concerne la relation entre la vérité et la tolérance, la tolérance est ancrée dans la nature même de la vérité. En nous référant à la révolte des Maccabées, nous avons vu comment une société qui s'oppose à la vérité est totalitaire et donc profondément intolérante.
En ce qui concerne la vérité, je me réfère simplement à Origène : "Le Christ ne remporte aucune victoire sur les personnes non volontaires. Il ne gagne que par la persuasion. Ce n'est pas pour rien qu'il est la parole de Dieu". Mais en fin de compte, comme contrepoids authentique à toute forme d'intolérance, se trouve Jésus-Christ crucifié. La victoire de la foi ne peut jamais être obtenue que dans la communion avec Jésus crucifié. La théologie de la croix est la réponse chrétienne à la question de la liberté et de la violence ; et en fait, même historiquement, le christianisme n'a remporté ses victoires que grâce aux persécutés et jamais lorsqu'il s'est rangé du côté des persécuteurs."
LETTRES DE ROME : #5 SUR LA MORT ET LE REQUIEM DU CARDINAL GEORGE PELL
16 janvier 2023
Pour l'amour de Dieu, asseyons-nous par terre Et racontons les tristes histoires de la mort des rois. [Richard II. 3.2]
Le cardinal George Pell, décédé subitement d'un arrêt cardiaque après une opération réussie de remplacement de la hanche le 10 janvier, mépriserait l'idée qu'il était une sorte de roi, ou même un prince - bien qu'il ait été, en fait, un prince de l'Église et, dans le cœur de nombreux catholiques, le chef titulaire de l'orthodoxie catholique dynamique après la mort du pape émérite Benoît XVI. Cependant, George Pell était une figure tout aussi formidable du catholicisme contemporain que les rois dont Richard II a déploré la mort dans la langue incomparable de Shakespeare. Comment cela ? Laissez-moi en compter (quelques-unes).
Pratiquement à lui seul, Pell a stoppé l'hémorragie doctrinale et disciplinaire du catholicisme australien qui aurait probablement conduit cette Église locale à devenir un simulacre moins bien financé du catholicisme apostat que l'on voit maintenant en Allemagne.
Il a été la force motrice derrière la révision (et la grande amélioration) des traductions anglaises des prières du rite romain, qui sont maintenant plus précises, plus élégantes et plus priantes, et plus fidèles aux originaux latins.
Il a joué un rôle important dans l'élection du cardinal Joseph Ratzinger au poste de Benoît XVI, puis a fait venir ce pape (avec lequel il avait travaillé lorsque Ratzinger était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi) à Sydney pour les Journées mondiales de la jeunesse 2008 : un événement qui a eu un effet de percussion en Australie, un peu comme ce qui est arrivé au catholicisme aux États-Unis après les Journées mondiales de la jeunesse 1993 - c'est-à-dire qu'il a transformé la nouvelle évangélisation d'un slogan en une grande stratégie ecclésiale avec des effets pastoraux réels sur le terrain.
Il a été l'adversaire le plus visible de la dictature du relativisme de l'amour dans la vie publique australienne, un opposant vigoureux de ce que Jean-Paul II a surnommé la "culture de la mort" et son adhésion à l'avortement et à l'euthanasie, un critique intelligent des "nouveaux athées" comme Richard Dawkins, et le fléau des prophètes du changement climatique catastrophique et anthropocentrique comme Bill McKibben.
Il a joué un rôle central dans la contestation de la façon dont le personnel du Synode des évêques a essayé de truquer la réunion de 2014 de cet organisme - puis a essayé à nouveau lors du Synode de 2015.
Il a inspiré une génération de jeunes prêtres et évêques australiens à être les bons bergers qu'ils ont été ordonnés à être, en armant leurs troupeaux contre la toxicité de la culture moderne, et en en mettant tous les baptisés au défi d'être des agents de la construction d'une culture de la vie par la puissance de l'évangile.
Il a vécu la vie de bon berger qu'il demandait aux autres de vivre, invitant une fois trente sans-abri à prendre le thé du matin dans sa résidence archiépiscopale et sortant dans la rue pour manger avec les sans-abri une fois par mois - et sans amener une équipe de tournage avec lui.
Il disait la vérité au pouvoir médiatique et méprisait les calomnies brutales dont il faisait l'objet de la part de la plupart de la presse australienne, y compris l'Australian Broadcasting Corporation, financée par le gouvernement. Et les rares fois où il a eu l'occasion de présenter ses propres arguments, il a donné le meilleur de lui-même, avec force mais aussi avec une bonne humeur qui faisait singulièrement défaut à ses adversaires.
À l'heure où la place des laïcs est au cœur des réflexions de l'Église, il n'est pas inutile de revenir sur l'enseignement de saint Jean-Paul II sur ce sujet décisif. Claude Callens le resitue dans la tradition de l'Église et en montre la profonde parenté avec le concile Vatican II. Mais, avec le génie qui le caractérise, Jean-Paul II développe et approfondit cet héritage jusqu'à en faire une véritable théologie du laïcat, qui définit l'action des laïcs à l'intérieur mais surtout à l'extérieur du sanctuaire, et qui s'accompagne d'une réanimation spectaculaire de la doctrine sociale de l'Église. Si les résultats de cette œuvre prophétique sont encore en deçà des espérances qu’elle soulevait, nul doute qu’elle restera pour longtemps une indispensable boussole pour l’Église.
L'auteur (source) : Claude Callens, marié depuis 1966, père de sept enfants, grand-père de dix-neuf petits-enfants. Romaniste de formation, professeur de français dans l’enseignement officiel, il a approfondi les textes des encycliques et la doctrine sociale de l’Église, enseigné au Séminaire de Namur (pendant plus de vingt ans) ainsi qu'à l’Ecole de la Foi à Namur pour enfin terminer sa carrière comme professeur à l'Institut Supérieur de Théologie du diocèse de Tournai.