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Religions - Page 2

  • la tragédie soudanaise ou quand un millénaire chrétien s'effondre

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    De Raphaël Lepilleur sur la Sélection du Jour :

    Quand un millénaire chrétien s'effondre, la tragédie soudanaise

    Synthèse n°2604

    20/11/2025

    Du 6e au 16e siècle, le Soudan fut l'un des plus anciens royaumes chrétiens stables d'Afrique. Puis vinrent l'arabisation, l'islamisation forcée, les sultanats esclavagistes, les conquêtes, les guerres civiles et l'État islamiste d'el-Béchir. Aujourd'hui, des factions musulmanes radicales s'entretuent dans un pays ravagé. Et pourtant, ce sont les Occidentaux qui sont sommés d'aider et de se taire.

    Beaucoup décrivent le Soudan comme une crise humanitaire. Pourtant, il s'agit d'une guerre dont la cause est connue, mais politiquement intouchable. Faire de l'époque coloniale le point de départ de toute analyse relève d'un réflexe idéologique répandu, qui attribue mécaniquement chaque conflit africain à l'Occident. Or, l'histoire soudanaise montre que c'est faux. Depuis des siècles, le pouvoir s'y structure autour de l'arabisation et de l'islamisation progressive, d'abord portées par l'esclavage interne et les rivalités claniques, puis par des courants islamistes radicalisés qui ont transformé un royaume chrétien en zone de conflit permanente. La vallée du Nil soudanaise avait pourtant connu l'une des plus longues périodes de stabilité du continent avec les royaumes chrétiens de Nubie (Nobatie, Makurie, Alodie), du 6ᵉ au 16ᵉ siècle, de la frontière égyptienne actuelle jusqu'aux environs de Khartoum. Ils succédaient aux royaumes de Kouch et de Méroé, puissances africaines polythéistes animistes (croyances traditionnelles centrées sur les ancêtres, les esprits et la nature).

    La christianisation de la Nubie intervient au 6ᵉ siècle sous l'influence de missions byzantines et de l'Église copte d'Égypte, dans un processus pacifique adopté par les élites locales, qui y voient un cadre politique et culturel stabilisateur. Au 7e siècle, les royaumes chrétiens nubiens repoussent à deux reprises les armées arabes du califat rashidun, installées en Égypte après la conquête de 639–642 (qui entraînera, au fil des siècles, un déclin du christianisme égyptien, sous l'effet d'une discrimination officielle, de pressions fiscales ciblées et de périodes de coercition religieuse), première grande phase d'expansion militaire de l'islam (né entre 610 et 632). Cette même dynamique mènera peu après à la conquête de la péninsule Ibérique. Les campagnes de 641/642 puis 651/652, menées par ʿAbd Allāh ibn Saʿd ibn Abī Sarḥ, se soldent par des échecs lourds, faisant de la Nubie l'une des rares régions du Proche-Orient et d'Afrique du Nord à stopper durablement l'avancée arabe. Ces revers conduisent à un traité inédit (dit le « baqt »), qui instaure plusieurs siècles de coexistence entre royaumes nubiens et Égypte musulmane. À l'intérieur, des rivalités claniques existaient déjà, mais elles étaient contenues par ce nouveau cadre stabilisateur.

    À partir du 14e siècle, les royaumes nubiens déclinent. Les crises internes, la fragmentation locale et la pression économique s'ajoutent à l'arrivée progressive de tribus arabes venues d'Égypte et des côtes de la mer Rouge, accélérant l'arabisation et l'islamisation de la vallée du Nil. Nobatie et Makurie se désagrègent progressivement, tandis que l'Alodie est finalement conquise au début du 16e siècle par les Funj, un groupe non arabe islamisé. Cela marque la disparition des derniers États chrétiens de Nubie et l'émergence du sultanat musulman de Sennar fondé par les Funj. À l'ouest, un autre sultanat musulman structuré, le Darfour, contrôle une vaste région et s'insère dans les routes transsahariennes reliant l'Égypte, le Tchad et le Kordofan (grande région centrale occupant le cœur du Soudan actuel). Dans ces deux États, la traite esclavagiste transsaharienne (13 siècles qui s'inscrivent dans la longue tradition esclavagiste arabo-musulmane) occupe une place centrale, car les peuples non arabes du sud et du sud-ouest (Dinka, Nuer, Shilluk, Bari, Azande et beaucoup d'autres) sont régulièrement razziés et vendus vers le nord. Ce système structure durablement la hiérarchie sociale entre élites arabisées du nord et populations africaines noires du sud. Au 18e siècle, le sultanat funj se fragilise en raison de rivalités internes, de crises économiques et de l'autonomisation du Kordofan, qui devient un espace tampon instable. Le Darfour, bien qu'indépendant jusqu'au 19e siècle et majoritairement composé de peuples africains noirs islamisés, deviendra dans les années 2000 la cible des milices Janjaweed (tribaux, instrumentalisés, peu éduqués et convaincus d'une supériorité arabe sur les peuples noirs). Leur ultraviolence relève d'une logique de domination ethnique interne au monde musulman. Il ne s'agit pas de frapper uniquement des « mécréants », mais de cibler des musulmans non arabes jugés inférieurs. En plus des massacres (parfois dans des maternités) et viols de masse documentés par l'ONU, la région a été volontairement affamée par les forces progouvernementales, par le blocus des routes, la destruction des récoltes et l'entrave systématique à l'aide humanitaire. Rappel : les communautés chrétiennes historiques du Soudan (parmi les plus anciennes d'Afrique, avec l'Éthiopie) ont été presque éradiquées, à la suite de persécutions, de conversions imposées et de violences durant les guerres civiles.

    C'est dans ce paysage que s'inscrit la conquête du Soudan par l'Égypte de Méhémet Ali (1820–1821), point de départ retenu dans la vidéo en sélection. S'ensuit la domination anglo-égyptienne (1899-1955) – coopération sur le papier, pouvoir britannique dans les faits –, qui amplifie les clivages en administrant séparément un nord arabisé, musulman et esclavagiste, et un sud africain noir marginalisé et historiquement esclavagisé. Il ne s'agit pas d'une colonisation « classique », mais d'un « condominium », une gestion conjointe entre la Grande-Bretagne et l'Égypte musulmane, dont l'objectif était de piller le pays. À l'indépendance, tout explose. Comprendre cet héritage permet de saisir la crise actuelle dans laquelle, depuis 2023, l'armée régulière affronte les forces de soutien rapide, héritières des Janjaweed citées plus haut. Le conflit vient notamment de l'imposition de la charia généralisée sous Omar el-Béchir, arrivé au pouvoir par un coup d'État militaire en 1989 (puis soutenu dans les années 90 par Oussama ben Laden, par exemple).

    Dans ce chaos, la charge humanitaire repose sur les ONG occidentales et sur les États européens ou nord-américains. À l'inverse, plusieurs puissances du Golfe, en particulier les Émirats arabes unis (Abou Dhabi pour la stratégie, Dubaï pour les réseaux financiers et commerciaux), régulièrement accusés de soutenir la RSF, ainsi que l'Égypte et l'Arabie Saoudite, engagées dans des camps opposés, interviennent directement sur le plan militaire, politique et stratégique. Ceux qui alimentent le conflit n'en assument ni le coût humain ni la reconstruction (alors que ce ne sont pas les plus pauvres). Les pays occidentaux, eux, sont sommés d'en assumer les conséquences sans le moindre alignement avec les forces en présence. Si l'on en parle peu, c'est peut-être parce qu'aucun récit ne permet d'accuser autre chose que le monde musulman. Le conflit oppose des acteurs issus du même environnement politico-militaire musulman, soutenus par des puissances régionales musulmanes, et aucun acteur ne porte de projet politique hors islam radical.

    À retenir

    • Le Soudan fut l'un des plus anciens États chrétiens d'Afrique. Pendant près de 1000 ans, les royaumes nubiens chrétiens ont assuré l'une des plus longues périodes de stabilité du continent. Leur disparition suit l'arrivée progressive de groupes arabes, l'islamisation forcée et l'intégration dans des structures politico-militaires musulmanes. Les communautés chrétiennes seront peu à peu marginalisées, puis quasi éradiquées.
    • Les sultanats islamisés restructurent le pays. Du 16e au 19e siècle, les sultanats de Sennar et du Darfour imposent un pouvoir fondé sur des élites musulmanes armées. Ils réorganisent le territoire autour de centres politiques islamisés. Cette transition met fin à l'ordre nubien et ouvre un cycle durable de rivalités tribales, guerres locales et luttes pour les routes commerciales, sur fond de lutte religieuse.
    • La traite transsaharienne, pilier économique de Sennar et du Darfour, vise surtout les populations noires du sud. Razzias, déportations, domination du nord arabisé, la hiérarchie soudanaise se construit ici. La période coloniale ne crée pas ces ruptures, mais elle les fige et les amplifie, laissant un nord militaro-religieux dominant et un sud durablement marginalisé.
    • Depuis 2023, le Soudan est ravagé par un affrontement entre factions issues d'un même système politico-religieux, soutenues par des puissances régionales comme les Émirats arabes unis et l'Égypte. Pourtant, ce sont surtout les pays occidentaux et les ONG européennes ou nord-américaines qui financent l'aide humanitaire, tandis que les acteurs du Golfe, pourtant impliqués de toutes parts, n'assument rien du coût humain.

    La sélection :

    Cette GUERRE qui n'émeut PERSONNE (Soudan et Darfour)
  • Inde : les attaques antichrétiennes ont augmenté de 500% en dix ans

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    De zenit.org :

    Inde : Hausse de 500 % des attaques antichrétiennes depuis dix ans

    Selon un nouveau rapport publié le 4 novembre à New Delhi par le Forum chrétien uni

    13 novembre 2025

    Première publication le 10 novembre 2025 par AD EXTRA

    Selon les nouveaux chiffres publiés le 4 novembre à New Delhi par le Forum chrétien uni (UCF, une organisation œcuménique fondée en 2014 dans le but de défendre les droits des chrétiens et des autres minorités religieuses), les attaques antichrétiennes ont augmenté de plus de 500 % en dix ans (de 139 cas en 2014 à 834 en 2024, soit un total de 4 595 cas en une décennie). Presque 77 % des cas ont lieu dans cinq États seulement : l’Uttar Pradesh, le Chhattisgarh, le Tamil Nadu, le Karnataka et le Madhya Pradesh.

    Les responsables chrétiens en Inde se disent vivement préoccupés par les nouveaux chiffres publiés par le Forum chrétien uni (UCF), une organisation interconfessionnelle basée à New Delhi. Le groupe œcuménique indique en effet une hausse de plus de 500 % des attaques contre les chrétiens dans le pays au cours des dix dernières années.

    « Entre 2014 et 2024, les attaques violentes contre les chrétiens ont fortement augmenté – de 139 à 834 –, soit une augmentation sans précédent de 500 % », commente A. C. Michael, coordinateur national de l’organisation, qui a documenté 4 595 cas au cours de la dernière décennie. Des attaques qui affectent « des personnes, des familles, des communautés et des institutions à travers le pays », ajoute-t-il. Selon lui, rien qu’entre janvier et septembre 2025, 549 cas ont été signalés à l’échelle nationale, dont seulement 39 qui ont entraîné des enquêtes policières – soit 93 % de cas non poursuivis en justice.

    Les nouveaux chiffres du forum UCF ont été présentés le 4 novembre dernier lors d’une conférence de presse à New Delhi. Pour A. C. Michael, cette augmentation est due aux propagandes antichrétiennes, aux fausses accusations de conversions religieuses, et aux sentiments haineux attisés par des motivations politiques. Les responsables chrétiens indiens expliquent que les violences contre les chrétiens ont dégénéré depuis que le parti BJP (Bharatiya Janata Party) est arrivé au pouvoir sous le Premier ministre Narendra Modi en 2014.

    Douze des 28 États indiens (majoritairement gouvernés par le BJP) ont voté des lois anti-conversion, que les critiques accusent d’être manipulées pour harceler les chrétiens et justifier de fausses plaintes policières.

    Les lois anti-conversion ciblent les chrétiens avant chaque élection.

    Selon A. C. Michael, des groupes chrétiens prévoient d’organiser une manifestation le 29 novembre à New Delhi, afin de protester contre ce qu’ils décrivent comme une persécution incessante. La marche est aussi destinée à attirer l’attention sur l’exclusion des chrétiens dalits (« hors castes »), privés d’accès aux programmes d’aide du gouvernement, et sur les droits des chrétiens indigènes de plus en plus menacés. Les participants sont attendus de toute l’Inde, en particulier des cinq États qui représentent à eux seuls presque 77 % des affaires enregistrées. L’Uttar Pradesh est en tête avec 1 317 cas, suivi du Chhattisgarh (926), du Tamil Nadu (322), du Karnataka (321) et du Madhya Pradesh (319).

    Michael Williams, président du forum UCF, explique que les accusations de conversion religieuse sont « constamment utilisées comme arme politique avant chaque élection menée par le gouvernement actuel ». Les Dalits et chrétiens indigènes, majoritairement en marge de la société indienne sur le plan social et économique, sont selon lui des cibles faciles. Au moins 22 chrétiens Dalits et 15 chrétiens indigènes ont été attaqués depuis le début de l’année, précise-t-il.

    Environ 2,3 % de chrétiens sur 1,4 milliard d’Indiens

    De son côté, Tehmina Arora, membre de l’organisation chrétienne ADF International (Alliance defending freedom), affirme que les chrétiens indigènes indiens subissent « des pressions, des exclusions sociales et des violences » et sont souvent privés de droit de sépulture et d’accès au logement, entre autres droits fondamentaux. « Ils font aussi l’objet de pressions pour qu’ils se convertissent à l’hindouisme – c’est là qu’est la vraie forme de conversion forcée », ajoute-t-elle. Minakshi Singh, une autre militante pour les droits des chrétiens, estime que la hausse des violences est « très inquiétante » et appelle le gouvernement à agir. L’UCF a notamment demandé que les cas soient obligatoirement enregistrés par la police. Le forum a aussi exigé la mise en place de tribunaux à procédure accélérée, et de comités de suivi au niveau régional chargés de veiller sur les droits des minorités. À l’échelle nationale, les chrétiens représentent environ 2,3 % de la population sur environ 1,4 milliard d’habitants, selon le dernier recensement de 2011.

    (Avec Ucanews / Bijay Kumar Minj)

    Inde : Hausse de 500 % des attaques antichrétiennes depuis dix ans | ZENIT - Français

  • Le combat spirituel de l'Europe : le massacre du Bataclan, dix ans après

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    D' sur European Conservative :

    Le combat spirituel de l'Europe : le massacre du Bataclan, dix ans après

    Lorsque nous rejetons Dieu, que nous démembrayons la vérité et que nous déconstruisons notre identité, nous ne devenons pas libres — nous devenons fragiles.

    Dix ans se sont écoulés depuis la nuit du 13 novembre 2015, nuit où le cœur de Paris a été transpercé par une vague d'attentats terroristes coordonnés qui ont coûté la vie à 130 personnes. Parmi les plus sanglants, on compte le massacre du Bataclan, où 90 spectateurs ont été abattus de sang-froid. 

    Une seule photo de cette nuit-là m'est restée en mémoire. Prise quelques minutes avant l'attaque, elle capture la joie et l'abandon. La foule est en extase. Les bras sont levés. Les sourires fusent de toutes parts. L'atmosphère est électrique, empreinte de liberté, de plaisir et d'impatience. Le groupe de rock américain Eagles of Death Metal est sur scène, et le public, emporté par leur performance, semble incarner tout ce que la vie nocturne occidentale moderne prétend être : libérée, exubérante, insouciante. 

    Mais ce concert, en apparence ordinaire, allait bientôt devenir le théâtre de l'un des attentats terroristes les plus horribles de l'histoire européenne moderne. Quelques instants après la prise de cette photographie, trois hommes armés islamistes pénétrèrent dans la salle et ouvrirent le feu. Ce qui avait commencé comme une célébration de la vie se termina en massacre. Cette photographie est bouleversante, non seulement parce que nous connaissons désormais la suite des événements, mais aussi parce que, rétrospectivement, l'instant qu'elle immortalise semble chargé de sens, voire prophétique. 

    Danser sur le fil 

    Ce soir-là, Eagles of Death Metal venait de commencer à jouer l'une de ses chansons les plus populaires : « Kiss the Devil ». Dès les premiers accords, une grande partie du public a répondu par le célèbre geste des « cornes du diable » — l'index et l'auriculaire levés, les autres doigts repliés — un symbole popularisé dans la culture rock, autrefois provocateur, aujourd'hui largement vidé de son sens pour la plupart de ceux qui l'utilisent. 

    Les paroles qu'ils chantaient au moment des premiers coups de feu étaient : 

    Qui aimera le Diable ? 

    Qui chantera sa chanson ? 

    Qui aimera le Diable et sa chanson ? 

    J'aimerai le diable 

    Je chanterai sa chanson 

    J'aimerai le Diable et sa chanson. 

    Quelqu'un dans la foule croyait-il vraiment qu'ils invoquaient Satan au sens propre ? Certainement pas. Tout cela faisait partie du spectacle : ironique, théâtral, sans prétention. Et pourtant, quand le mal véritable a fait irruption dans la salle sous les traits d'hommes armés, prêts à massacrer, le symbolisme est devenu difficile à ignorer. 

    Pour l'esprit moderne, qui perçoit le monde en termes strictement matérialistes, de tels moments sont considérés comme de simples coïncidences. La chanson et le massacre ne sont qu'un sinistre alignement d'événements sans lien apparent. Mais pour ceux qui croient encore au sens, aux signes et aux symboles, à la dimension spirituelle de la vie, la scène invite à une réflexion plus profonde. La question demeure : lorsqu'une culture se vide du sacré et flirte avec l'obscurité, même par plaisanterie, s'expose-t-elle à plus qu'une simple vulnérabilité politique ? Révèle-t-elle un vide spirituel – une maison nettoyée de fond en comble, mais terriblement sans défense ? 

    La parabole de la maison vide 

    L'image de la foule du Bataclan évoque un passage de l'Évangile selon Luc. Jésus parle d'une personne libérée d'un esprit impur. L'esprit s'en va et erre dans des lieux déserts, en quête de repos. N'en trouvant aucun, il retourne auprès de cette personne – à « la maison » – et la trouve « balayée et rangée », mais vide. Alors, il rassemble sept autres esprits plus méchants que lui, et tous reviennent y demeurer. « Et la dernière condition de cette personne », dit Jésus, « est pire que la première. »

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  • Nostra Aetate : un anniversaire opportun

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    De George Weigel sur le CWR :

    Un anniversaire opportun

    L'antisémitisme est une trahison du christianisme, car la haine des Juifs est une haine du Christ.

    Il y a soixante ans, le 28 octobre 1965, le concile Vatican II adoptait, et le pape Paul VI promulguait, la Déclaration sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes, connue sous le nom de  Nostra Aetate  (De notre temps) dans le texte latin officiel. Je retrace le parcours parfois tumultueux de Nostra Aetate au sein de Vatican II dans mon ouvrage Sanctifier le monde : L’héritage essentiel de Vatican II .

    Il suffit de noter ici que le refus obstiné de certains États arabes de reconnaître la réalité et la permanence d'Israël en tant qu'État juif s'est immiscé dans les débats du Concile, engendrant des difficultés. Néanmoins, et en grande partie grâce au travail inlassable de l'ancien confesseur du pape Pie XII, le cardinal Augustin Bea, SJ, bibliste allemand,  la déclaration Nostra Aetate  a finalement été adoptée par le Concile – et Dieu merci, compte tenu de la résurgence actuelle du fléau culturel qu'est l'antisémitisme.

    Lors de la cérémonie commémorative de Charlie Kirk, Tucker Carlson a poursuivi sa descente aux enfers en attribuant la mort de Jésus aux « mangeurs de houmous ». Heureusement, l’Église catholique a solennellement déclaré, dans  Nostra Aetate, que « ni tous les Juifs sans distinction » au temps du Christ, « ni les Juifs d’aujourd’hui, ne peuvent être accusés des crimes commis pendant [la] Passion » – et a affirmé sans équivoque que l’Église « déplore toutes les haines, persécutions et manifestations d’antisémitisme, d’où qu’elles viennent et à quelque époque que ce soit, dirigées contre les Juifs ».

    Tout aussi important, nous avons la reconnaissance par le Concile de la dette religieuse que le catholicisme a envers le judaïsme :

    L’Église du Christ reconnaît que… les fondements de sa foi et de son élection se trouvent déjà parmi les patriarches, Moïse et les prophètes. Elle professe que tous ceux qui croient en Christ — les fils d’Abraham selon la foi (cf. Galates 3, 7) — sont inclus dans l’appel du même patriarche, et que le salut de l’Église est mystérieusement préfiguré par l’exode du peuple élu hors du pays d’esclavage. L’Église ne peut donc oublier qu’elle a reçu la révélation de l’Ancien Testament par le peuple avec lequel Dieu, dans son ineffable miséricorde, a conclu l’Ancienne Alliance. Elle ne peut oublier non plus qu’elle puise sa nourriture à la racine de cet olivier cultivé sur lequel ont été greffés les rejetons sauvages, les païens (cf. Romains 11, 17-24).

    L’Église garde toujours à l’esprit les paroles de l’Apôtre concernant ses frères : « à eux appartiennent l’adoption, la gloire, les alliances, la loi, le culte et les promesses… » (Romains 9, 4-5)… Elle rappelle également que les Apôtres, piliers et fondements de l’Église, ainsi que la plupart des premiers disciples qui ont proclamé l’Évangile du Christ au monde, étaient issus du peuple juif.

    En compagnie des Prophètes et de saint Paul, l’Église attend ce jour, connu de Dieu seul, où tous les peuples s’adresseront au Seigneur d’une seule voix…

    Comme je l'ai dit lors d'une conférence le mois dernier à l'Université du Colorado à Boulder, l'antisémitisme est une trahison du christianisme, car la haine des Juifs est une haine du Christ.

    Pourquoi ? Parce que Jésus de Nazareth n'a aucun sens sans le comprendre comme il se comprenait lui-même : comme un fils de l'alliance de Dieu avec le peuple juif qui, depuis la Croix, a évoqué le Psaume 22 et son affirmation triomphante que « la domination appartient au Seigneur », qui « règne sur les nations » et devant qui « tous les orgueilleux de la terre se prosternent ».

    De plus, le christianisme est incompréhensible sans son fondement juif, tout comme le Nouveau Testament chrétien est incompréhensible sans la Bible hébraïque. Sans son ancrage dans le judaïsme, le christianisme n'aurait été qu'un culte à mystères éphémère de l'Antiquité, avec Jésus de Nazareth comme version galiléenne thaumaturge du néopythagoricien Apollonius de Tyane, lui aussi thaumaturge au premier siècle. Les premiers chrétiens l'avaient compris. Ainsi, dès ses débuts, historiquement parlant, le catholicisme a rejeté avec fermeté l'hérésie du marcionisme, qui méprisait l'Ancien Testament et proposait une caricature répugnante du Dieu de la Bible hébraïque.

    L’antisémitisme est un fléau pour la société. Tout au long de l’histoire politique moderne, sa montée a été un signe indéniable de déclin culturel. Et comme la politique est le reflet de la culture, les conséquences publiques de ce déclin peuvent être draconiennes, comme l’histoire nous l’enseigne : des passions déchaînées lors de l’affaire Dreyfus sous la Troisième République française, à l’effondrement culturel de l’Allemagne de Weimar et ses conséquences politiques génocidaires, jusqu’à la barbarie démente du Hamas le 7 octobre 2023.

    Si nous imaginons le monde occidental du XXIe siècle immunisé contre ces passions politiques, nous nous leurrons et nous ne prêtons pas attention.

    Alors, célébrons le 60e anniversaire de  Nostra Aetate  en faisant taire, puis en clouant, la fenêtre d'Overton qui s'élargit sur l'antisémitisme.

    George Weigel est chercheur émérite au Centre d'éthique et de politique publique de Washington, où il occupe la chaire William E. Simon d'études catholiques. Il est l'auteur de plus de vingt ouvrages, dont * Témoin de l'espérance : Biographie du pape Jean-Paul II* (1999), *La fin et le commencement : Jean-Paul II – La victoire de la liberté, les dernières années, l'héritage* (2010) et *L'ironie de l'histoire catholique moderne : Comment l'Église s'est redécouverte et a interpellé le monde moderne sur la réforme *. Ses publications les plus récentes sont *Le prochain pape : Le ministère de Pierre et une Église en mission* (2020), *Inoubliables : Élégies et souvenirs d'une multitude de personnages, pour la plupart admirables* (Ignatius, 2021) et *Sanctifier le monde : L'héritage essentiel de Vatican II* (Basic Books, 2022).
  • Basilique de Koekelberg, 19 novembre : "mercredi rouge"

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  • Les tourments du monastère de Sainte-Catherine sont le reflet d’un conflit au sein de l’orthodoxie

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    De Sandro Magister sur Settimo Cielo (en français sur diakonos.be) :

    Les tourments du monastère de Sainte-Catherine sont le reflet d’un conflit au sein de l’orthodoxie

    Au sud de Gaza, au cœur de la péninsule du Sinaï, se trouve un monastère chrétien qui fait l’objet lui aussi, ces derniers mois, d’une dispute internationale politique et religieuse sur qui le dirige réellement, une dispute temporairement aplanie à tout le moins le 16 octobre dernier par un « accord commun préliminaire » ratifié par les ministres des Affaires étrangères de Grèce et d’Égypte et, trois jours plus tard, par l’ordination épiscopale d’un nouvel abbé.

    Ce monastère dédié à sainte Catherine d’Alexandrie, dont le corps y est d’ailleurs conservé, se dresse à 1570 mètre de hauteur au beau milieu du désert, à l’endroit du buisson ardent où Dieu s‘est révélé à Moïse et sur le flanc du Mont Sinaï, la montagne sur laquelle le prophète et guide du peuple d’Israël en chemin vers la terre promise a reçu de Dieu les tables de la loi.

    Fondé au VIe siècle par l’empereur byzantin Justinien, il s’agit du plus ancien monastère chrétien à avoir été habité sans interruption jusqu’à nos jours, notamment grâce à la protection que lui a accordée Mahomet en 623, et confirmée ensuite par les sultans ottomans, une protection symbolisée par une petite mosquée construite à l’intérieur à l’époque fatimide.

    Elle abrite la plus riche collection d’icônes byzantines antérieures à la période iconoclaste ainsi qu’une des plus vastes collections au monde de manuscrits antiques, dont le Codex Sinaiticus, datant de la première moitié du IVe siècle, qui se trouve à présent au British Museum, qui contient l’intégralité du texte du Nouveau Testament et une grande partie de la version grecque de l’Ancien.

    Ce qui a mis le feu aux poudres, le 28 mai dernier, c’est un arrêt de la Cour d’appel égyptienne d’Ismaïlia, qui a décrété que la propriété du monastère revient à l’Égypte et sous la supervision des ministères des Antiquités et de l’Environnement, restant sauve la faculté des moines d’y habiter.

    Mais dans le même temps, une autre controverse, plus religieuse celle-là, brisait en deux la communauté monastique. Une douzaine de moines, sur un total de 22, s’était rebellée contre Damien, l’abbé du monastère, en poste depuis 1974. Et la principale raison de ce conflit était le niveau d’autonomie ou de dépendance du monastère envers le patriarcat grec-orthodoxe de Jérusalem, dirigé depuis 2005 par Théophile III.

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  • Les dommages causés à l'oecuménisme par Fiducia Supplicans

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    D'InfoCatolica :

    Koch : Nous voulions parler de Marie, mais les orthodoxes ont seulement demandé à parler de « Fiducia Supplicans »

    Cardinal Koch | © Capture d'écran d'une interview YouTube de mars 2025

    Le cardinal Koch revient dans une interview sur les succès et les échecs de l’œcuménisme.

    Koch : Nous voulions parler de Marie, mais les orthodoxes ont seulement demandé à parler de « Fiducia Supplicans »

    Les orthodoxes « étaient convaincus qu'ils ne pourraient pas poursuivre le dialogue si l'Église catholique enseignait une telle chose ». Le cardinal souligne à nouveau que cela constitue un obstacle majeur au dialogue lui-même.

    Il y a deux semaines, le cardinal Koch, préfet du Dicastère pour la promotion de l'unité des chrétiens, a accordé une interview au journal Katholisch dans laquelle il a parlé des succès et des revers des dernières années dans le domaine œcuménique, de la vision du pape Léon XIV pour l'unité des chrétiens et des raisons pour lesquelles, malgré de nombreux obstacles, il reste convaincu que le désir d'unité reste l'essence de la foi.

    Deux réflexions sur « l’échec » ont suscité beaucoup d’intérêt,

    • L’une est fondamentale, et c’est la conception différente de l’œcuménisme, qui pour un catholique est, même s’il ne le dit pas, la réintégration des autres Églises, tandis que pour les protestants c’est marcher ensemble vers quelque chose qui serait l’Église.
    • Et l'autre, un échec récent avec les orthodoxes, "Fiducia Supplicans" , fondamentalement parce qu'ils l'ont bien compris, comme tous les catholiques de rite non latin, ou ceux d'Afrique ou de nombreuses conférences épiscopales du monde et n'ont pas avalé les interprétations incroyables du cardinal Fernandez.

    La question des Fiducia Supplicans et des orthodoxes, ainsi que les références constantes du préfet à ce sujet, préoccupent les experts du dialogue œcuménique. Le cardinal l'avait déjà exprimé de manière quasi identique dans une interview accordée à Kath.net il y a deux mois, et notamment en mai, lorsque les orthodoxes se sont retirés du dialogue, attendant une explication sur les bénédictions qui ne sont pas des bénédictions pour les couples non mariésIl a ensuite raconté que, lors de l'assemblée plénière du groupe de dialogue avec les chrétiens orthodoxes orientaux, il avait sollicité une réponse du cardinal Victor Fernández concernant les préoccupations de ces derniers et l'avait même invité à une réunion avec la commission. « Cependant, il n'a pas pu y assister, l'assemblée plénière de son propre dicastère se tenant simultanément. Il a alors envoyé une réponse écrite », poursuit Koch, « mais les orthodoxes orientaux l'ont jugée insuffisante. J'ai donc de nouveau demandé au cardinal de répondre aux questions en suspens. »Il a déclaré dans l' interview  accordée à Katholisch :

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  • A propos des vachers musulmans, des martyrs catholiques et du déclin institutionnel

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    De Robert Royal sur The Catholic Thing :

    A propos des vachers musulmans, des martyrs catholiques et du déclin institutionnel

    27 octobre 2025

    Il est courant aujourd'hui de déplorer la perte généralisée de confiance dans les institutions : gouvernements, écoles, collèges et universités, tribunaux, autorités médicales, religions et (notamment) l'Église catholique. Il existe de nombreuses raisons, bonnes ou mauvaises, à cette perte de confiance. Dans la plupart des cas, il s'agit simplement d'une réaction face à l'incapacité de nos institutions à remplir leur mission. Parfois, les défaillances sont si étranges que l'on est tenté de renoncer soi-même à ces organismes.

    L'Église catholique a bien sûr perdu beaucoup de confiance à cause de la crise des abus sexuels. Même si l'Église a été injustement critiquée alors que d'autres institutions – comme les écoles publiques – ont des antécédents comparables, voire pires, sans que leur réputation en soit vraiment affectée, cette humiliation a été un signal d'alarme. Ou aurait dû l'être, si l'Église dans son ensemble avait adopté des mesures efficaces pour remédier à ce problème bien réel. Pourtant, de manière inexplicable, nous avons des prêtres célèbres comme Marko Rupnik S.J., accusés d'abus et de blasphèmes stupéfiants, mais toujours en activité. Comme d'autres.

    Et à un niveau moins scandaleux, considérons la récente controverse suscitée par les propos du cardinal Parolin sur la persécution des chrétiens au Nigeria. Une porte-parole de l'organisation Aid to the Church in Need, qui a publié la semaine dernière un rapport sur la persécution des catholiques dans le monde, a défendu l'affirmation du cardinal selon laquelle les catholiques nigérians étaient souvent victimes de conflits sociaux et non religieux. Elle a qualifié ces propos d'improvisés, visant simplement à reconnaître la complexité de la situation.

    C'est peut-être vrai, mais c'est précisément ce qu'une personne occupant un poste à haute responsabilité – Parolin est le secrétaire d'État du Vatican – dit de manière presque aléatoire qui est révélateur. (Un « lapsus révélateur », si vous croyez à ce genre de choses.) Ce qui nous donne confiance, ou non, dans le jugement d'une personne, c'est en partie sa capacité à évaluer correctement les proportions dans des situations toujours complexes.

    Mgr Parolin avait raison de dire qu'il existe d'autres causes que l'antagonisme religieux pour expliquer le massacre des chrétiens au Nigeria. En particulier, la concurrence pour les terres entre les éleveurs musulmans fulani et les agriculteurs chrétiens. Mais ce n'est qu'une petite partie du problème. (L'affirmation occasionnelle du Vatican selon laquelle le « changement climatique » explique les mauvaises actions entre également dans cette catégorie.) Et il est vrai que même certains musulmans « modérés » sont attaqués par des islamistes radicaux au Nigeria.

    Mais attirer l'attention sur cette question secondaire alors que quelque 8 000 chrétiens ont été tués, principalement par des islamistes radicaux précisément en raison de leur foi, depuis le début de l'année 2025 seulement, suggère une volonté presque délibérée de ne pas énoncer le véritable problème.

    La persécution et le martyre des chrétiens nigérians sont si graves que le Washington Post, journal résolument laïc et progressiste, m'a récemment invité à rédiger un article d'opinion (ici). Ne manquez pas les commentaires si vous avez besoin d'une preuve supplémentaire du nombre d'Américains qui, ces derniers temps, sont devenus complètement fous.

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  • Qu'arrive-t-il à la Communion anglicane ?

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    De Luke Coppen sur The Pillar :

    Qu'arrive-t-il à la Communion anglicane ?

    La réalité déjà complexe de l’anglicanisme mondial devient encore plus complexe.

    23 octobre 2025

    Plus tôt ce mois-ci, un organisme connu sous le nom de GAFCON — la Global Fellowship of Confessing Anglicans — a déclaré qu’il était « désormais la Communion anglicane mondiale ».

    « Comme c’est le cas depuis le tout début, nous n’avons pas quitté la Communion anglicane ; nous sommes la Communion anglicane », a-t-il ajouté.

    Quelles sont les racines de la Communion anglicane ? Quelle est la place de la GAFCON ? Et que signifie sa nouvelle déclaration ?

    Les racines d'une communion

    La Communion anglicane est née de l’activité missionnaire de l’Église d’Angleterre sous l’Empire britannique.

    L'Église d'Angleterre, l'Église d'État établie en Angleterre, se considère comme la continuité de la mission grégorienne, l'expédition commandée par le pape Grégoire Ier en 596 pour convertir les Anglo-Saxons, habitants de l'actuelle Angleterre. Cette mission était dirigée par saint Augustin de Cantorbéry, moine établi à Rome qui devint le premier archevêque de Cantorbéry en 597.

    Cette conviction anglicane de continuité explique pourquoi l’évêque Sarah Mullally a été décrite comme « le 106e archevêque de Canterbury depuis l’arrivée de saint Augustin dans le Kent en provenance de Rome en 597 » dans le communiqué de presse du 3 octobre annonçant sa nomination.

    Mais cette conviction n'est pas acceptée par les catholiques, qui soulignent que saint Augustin de Canterbury a agi sous l'autorité du pape, a utilisé le rite romain et a introduit les pratiques liturgiques romaines en Grande-Bretagne.

    Pour les catholiques, la date la plus pertinente n'est pas 597, mais 1534, lorsque le Parlement anglais proclama le roi Henri VIII chef suprême de l'Église d'Angleterre, rompant ainsi avec Rome. À partir de ce moment, l'Église d'Angleterre devint une entité séparée de Rome et, par conséquent, en rupture avec la mission grégorienne.

    Si l'anglicanisme primitif conserva des éléments du rite romain, le Livre de la prière commune , en langue vernaculaire , publié en 1549, marqua une rupture décisive. Les Ordinaux édouardiens de 1550 et 1552 modifièrent la forme d'ordination, amenant le pape Léon XIII à déclarer, dans sa lettre apostolique Apostolicae curae de 1896 , qu'ils rendaient les ordres anglicans « absolument nuls et sans effet ».

    L'expansion outre-mer de l'Église d'Angleterre commença dans les colonies américaines, avec l'établissement d'églises anglicanes en Virginie à partir de 1607, sous l'autorité de l'évêque de Londres. Le premier diocèse outre-mer fut créé en Nouvelle-Écosse en 1787, suivi de Québec (1793), Calcutta (1814), la Jamaïque (1824), la Barbade (1824) et le Cap (1847).

    Mais la Communion anglicane n'a officiellement vu le jour qu'en 1867, lorsque l'archevêque de Canterbury de l'époque, Charles Longley, a invité 76 évêques du monde entier à se réunir dans sa résidence londonienne, le palais de Lambeth. Ce « synode pananglican » est devenu la première Conférence de Lambeth et a été suivi de réunions similaires environ tous les dix ans, réunissant les dirigeants anglicans du monde entier autour de l'archevêque de Canterbury.

    Les Conférences de Lambeth ont finalement été définies comme l'un des quatre « instruments de communion » qui unissent la Communion anglicane. Les trois autres sont l'archevêque de Canterbury, le Conseil consultatif anglican, un organisme composé d'évêques, de prêtres et de laïcs qui se réunit régulièrement depuis 1971, et la Réunion des primats, qui réunit les dirigeants des provinces nationales de la Communion anglicane depuis 1979.

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  • L'oecuménisme et la création au centre de la prière commune du pape et du roi d'Angleterre

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    De Nico Spuntoni sur la NBQ :

    Le roi Charles en prière avec le pape; au centre : l'œcuménisme et de la création

    Une visite d'État et une visite religieuse pour le monarque britannique, qui participa à une liturgie œcuménique avec Léon XIV dans la chapelle Sixtine. La dernière fois, c'était au IXe siècle, bien avant le schisme anglican. Le souverain fut alors accueilli comme un frère royal dans la basilique d'Ostie.

    24_10_2025

    Photo Vatican Media/LaPresse

    Charles III et Léon XIV parlent la même langue et sont tous deux chrétiens, mais le premier a un accent différent, le second une confession différente. Hier, c'était leur jour de prière commune à la Chapelle Sixtine, la première pour un pape et un chef de l'Église anglicane. Le dernier roi anglais à prier avec un pape fut Æthelwulf de Wessex, qui se rendit à Rome en 855 après J.-C. avec le futur Alfred le Grand. Un autre Léon, Léon IV, siégeait sur le trône de Pierre.

    Le monarque britannique devait se sentir à l'aise en priant avec Prévost, car sa spiritualité et sa curiosité pour le catholicisme sont bien connues de ses sujets. Le mois dernier, Charles s'est « entraîné » en assistant aux funérailles de la duchesse de Kent en la cathédrale catholique de Westminster. En 2019, alors qu'il était encore héritier du trône, Charles est venu à Rome pour la canonisation du cardinal John Henry Newman et a rencontré François avant la cérémonie.

    La première visite royale officielle au Vatican avait été reportée en raison de la convalescence du pape argentin après son hospitalisation à l'hôpital Gemelli. Cependant, Charles et Camilla ont tout de même eu le temps de rencontrer Bergoglio lors d'une audience privée en avril dernier. Cette image a suscité l'espoir pour la santé du pontife après la frayeur subie à l'hôpital Gemelli. Le couple royal a donc été parmi les derniers dignitaires à être reçus par François de son vivant.
    La visite d'hier a été l'occasion de rencontrer Léon XIV. Le souverain a été accueilli avec faste et, dans la chapelle Sixtine, il a également admiré deux tapisseries de la série des  Actes des Apôtres  de Raphaël.

    Prevost a dirigé la prière avec l'archevêque anglican d'York, Stephen Cottrell. La gêne d'une prière œcuménique avec Sarah Mullally, la nouvelle archevêque anglicane de Canterbury, qui n'a pas encore pris ses fonctions, a ainsi été évitée. Par le passé, les rencontres œcuméniques avec les papes ont accueilli le primat de l'Église d'Angleterre, née du schisme de 1534. Cette fois, pour la première fois, il a été décidé d'impliquer directement le chef, qui est aussi le monarque. Une solution plus prestigieuse, mais aussi plus pratique maintenant que Canterbury a une femme évêque.

    Au cœur de la liturgie, en latin et en anglais, se trouvait non seulement l'unité des chrétiens, mais aussi la protection de la création, un thème toujours cher à Charles III. C'est pourquoi les psaumes et les lectures étaient centrés sur Dieu Créateur et l'espérance. Un hommage, donc, au thème du jubilé actuel. Après l'audience avec le pape et le cardinal secrétaire d'État Pietro Parolin, Charles et Camilla ont visité la basilique Saint-Paul-hors-les-Murs, où se conclut la Semaine annuelle de prière pour l'unité des chrétiens.

    Lors des discussions officielles, il y a eu : comme l'a annoncé le Saint-Siège, « un échange de vues a eu lieu sur plusieurs questions d'intérêt commun, telles que la protection de l'environnement et la lutte contre la pauvreté », mais la nécessité de continuer à promouvoir le dialogue œcuménique a également été évoquée. Un geste symbolique dans ce sens a été la nomination de Charles III comme Frère royal de Saint Paul et sa prise de possession d'une chaire portant les armoiries royales et l'inscription latine « Ut unum sint », titre également de l'encyclique de saint Jean-Paul II sur l'œcuménisme, qui célébrait cette année son trentième anniversaire.

  • Les dirigeants de l'Église nigériane saluent les conclusions d'un nouveau rapport confirmant le génocide des chrétiens

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    N'en déplaise au cardinal Parolin qui considère qu'il s'agit d'un problème social et non religieux...

    De sur le CWR :

    Les dirigeants de l'Église nigériane saluent les conclusions confirmant le génocide des chrétiens

    Les conclusions d’un nouveau rapport, couvrant la période de 2010 au 10 octobre 2025, révèlent une campagne de dévastation qui a coûté la vie à 185 000 personnes, dont 125 000 chrétiens et 60 000 musulmans non violents, dans cette nation africaine.

    Les dirigeants de l'Église au Nigeria se disent heureux de la conclusion à laquelle est parvenu un enquêteur américain selon laquelle il existe un plan systématique visant à effacer le christianisme dans ce pays africain.

    Le 14 octobre, Mike Arnold a présenté ses conclusions sur une décennie de campagne de violence visant les chrétiens au Nigeria. L'ancien maire de Blanco City, au Texas, a déclaré qu'il recueillait ces informations depuis 2019.

    Lisant une déclaration préparée intitulée « Déclaration sur la violence généralisée et les déplacements au Nigéria », Arnold a déclaré que « les villages sont systématiquement rasés, les églises rasées et des dizaines de milliers de personnes sont mortes ».

    Il a rejeté l'affirmation selon laquelle la violence serait due à une lutte entre agriculteurs et éleveurs pour les ressources.

    « Il s'agit de terreur systématique, et non de conflits de pâturage », a-t-il déclaré. « … l'expression « affrontements entre agriculteurs et éleveurs », dans bien des cas aujourd'hui, relève d'un double langage cynique. Elle instrumentalise des conflits fonciers historiques pour masquer une conquête djihadiste. Pendant des siècles, éleveurs et agriculteurs ont coexisté dans des conflits rares, rarement mortels. »

    Citant l’article II de la Convention des Nations Unies sur le génocide, Arnold a affirmé que la situation au Nigéria répond au seuil juridique du génocide.

     « La campagne de violence et de déplacement dans le nord et le centre du Nigeria constitue bel et bien un génocide planifié, actuel et durable, contre les communautés chrétiennes et autres minorités religieuses, sans aucun doute raisonnable. Continuer à le nier revient à se rendre complice de ces atrocités », a-t-il affirmé.

    Il a déclaré que nier l’existence d’un génocide contre les chrétiens renforce la détermination des auteurs de ce crime à faire encore pire.

    « Continuer à nier cela, c’est se rendre complice de ces atrocités. Je ne le dis pas avec colère, mais avec vérité et tristesse. »

    « Je crois en l'harmonie entre chrétiens et musulmans. Je crois que les personnes de bien, toutes tribus, confessions et partis confondus, doivent s'opposer à ce fléau, mais il faut d'abord le nommer », a-t-il déclaré.

    C’est un rapport qui n’a probablement pas plu aux autorités nigérianes qui l’ont invité.

    Reno Omokri, ancien porte-parole présidentiel, a tenté de rejeter le rapport d'Arnold.

     « Cette affirmation est fausse. Alors, si vous me demandez s'il y a un génocide au Nigeria, bien sûr que non. Cependant, si vous pensez que des représentants de l'État nigérian facilitent le terrorisme, mentionnez-les, nommez-les. Aidez-nous à les nommer », a déclaré Omokri.

    Un rapport confirme les accusations de génocide

    Les dirigeants de l’Église et diverses entités au Nigéria ont accueilli les conclusions d’Arnold comme une justification de ce qu’ils ont dénoncé pendant si longtemps.

    « Il y a une joie particulière dans nos cœurs », a déclaré Emeka Umeagbalasi, directeur de l'ONG d'inspiration catholique et de la Société internationale pour les libertés civiles et l'État de droit, Intersociety.

     Il insiste sur le fait que le gouvernement nigérian, qui a invité l'enquêteur américain, l'a fait dans l'intention de dissimuler les atrocités commises contre les chrétiens. Mais Arnold et son équipe avaient un autre plan.

    « Ce que le gouvernement nigérian attendait de ces personnes n'a jamais été concrétisé. L'équipe a dit le contraire de ce que le gouvernement souhaitait », a-t-il déclaré à CWR.

    Il a déclaré que lorsque Arnold a présenté ses conclusions lors de la conférence de presse, « toute la salle est tombée dans un silence de mort », car les responsables étaient déçus de voir la vérité documentée.

    Umeagbalasi a déclaré à CWR que le rapport confirmait les conclusions antérieures d'Intersociety sur la persécution des chrétiens au Nigéria.

    Dans son dernier rapport actualisé, l'ONG présente ce qu'Umeagbalasi qualifie de « statistiques profondément inquiétantes » illustrant l'ampleur de la violence au Nigeria. Les conclusions, qui couvrent la période de 2010 au 10 octobre 2025, révèlent une campagne de dévastation qui a fait 185 000 morts, dont 125 000 chrétiens et 60 000 musulmans non violents.

    Le paysage religieux a également été ravagé : 19 100 églises ont été incendiées et 1 100 communautés chrétiennes entières ont été saisies et occupées par des forces djihadistes prétendument soutenues ou protégées par le gouvernement. Selon Umeagbalasi, ces violences ont alimenté une crise humanitaire, forçant environ 15 millions de personnes, principalement des chrétiens, à quitter leur foyer.

    Le rapport met également en évidence un ciblage délibéré des chefs spirituels, avec 600 religieux enlevés et des dizaines d’autres tués ou disparus.

    Umeagbalasi a averti que la terreur était loin d'être terminée, avec 40 millions de chrétiens du Nord menacés et des millions de chrétiens du Sud confrontés à des « menaces génocidaires ». Il a ajouté que le danger était amplifié par une force de sécurité devenue « radicalisée sur le plan ethno-religieux et déséquilibrée sur le plan laïc ».

    Il a déclaré que si cette tendance n’est pas stoppée, « le christianisme pourrait disparaître du Nigeria dans les 50 prochaines années ».

    Il a ajouté que le gouvernement a toujours cherché à occulter la question et, au lieu de présenter des données crédibles et contre-statistiques pour réfuter les allégations, il a choisi de manipuler le récit. Cette stratégie est vouée à l'échec en raison de son manque de fondement factuel, et, par conséquent, les tactiques du gouvernement ont dégénéré en chantage, insultes et dénégations persistantes.

    Stan Chu Ilo, professeur de recherche en études africaines à l’Université DePaul, offre une perspective nuancée sur la situation actuelle au Nigéria.

    Décrivant la scène politique nigériane comme « alambiquée », il affirme que les chrétiens sont également complices de leur propre perte, citant le fait que certains postes clés au sein du gouvernement sont en réalité occupés par des chrétiens.

    « Ce gouvernement au niveau fédéral est composé à la fois de chrétiens et de musulmans, même si pour la première fois dans l'expérience politique démocratique du Nigeria, nous avons un président et un vice-président musulmans », a-t-il déclaré à CWR.

    On pourrait simplifier le problème du Nigeria actuel en le qualifiant de « chrétiens contre musulmans », ou de génocide contre les chrétiens. Je n'aime pas formuler cet argument de cette façon. Les chrétiens sont-ils tués, pris pour cible ? Oui. Le gouvernement nigérian est-il complice de cela ? Oui. Mais quel gouvernement, quels agents des forces de l'ordre ou quelle branche du gouvernement tenez-vous pour responsable ? C'est donc une réalité très complexe.

    Il a déclaré que l’architecture de la violence au Nigéria est liée au « gouvernement corrompu, insensible, irresponsable et destructeur que nous avons ».

    Les chrétiens font également partie de ce gouvernement. Ils sont ministres et législateurs. La responsabilité incombe donc, à mon avis, à la classe politique nigériane. Je pense que les élites politiques et religieuses du Nigeria sont largement responsables de l'effondrement de la nation.

    Le Nigeria est un État en faillite. Aujourd'hui, nous n'avons plus de gouvernement. Nous avons affaire à des individus qui ont en quelque sorte accaparé les ressources de ce pays et hypothéqué notre avenir en tant que peuple. Et dans cette compétition d'élites impitoyable, insensée et inconsciente, ils se moquent de la vie des gens. Et les chrétiens, malheureusement, en paient le prix fort.

    Le rapport de Mike Arnold confirme toutefois les précédents rapports d'Intersociety, qui reliaient la persécution des chrétiens à une tentative bien planifiée de transformer le Nigeria en califat. L'implication du gouvernement est apparue au grand jour avec l'accession au pouvoir (pour la deuxième fois) de l'ancien président Muhamadou Buhari en 2015.

    Selon Umeagbalasi, Buhari a placé ses compatriotes peuls à des postes clés au sein du gouvernement et de l'armée, et depuis, les massacres de chrétiens se sont intensifiés, le gouvernement détournant toujours le regard.

    Ce que le Nigéria doit faire pour endiguer les massacres

    Face aux preuves croissantes de persécution des chrétiens au Nigéria, le groupe de défense des droits de l’homme Intersociety a émis une demande en 21 points demandant au gouvernement de mettre fin à ce qu’il qualifie de « religicide ».

    Les revendications portent sur la restauration des fondements laïcs du Nigéria par l'application de la Constitution de 1999, qui garantit la liberté religieuse et interdit toute religion d'État. Le groupe appelle à la fin de toute forme de djihadisme d'État et au retour à une gouvernance fondée sur des principes laïcs.

    L'un des axes majeurs des propositions est la refonte radicale des forces de sécurité du pays. Intersociety exige la fin de ce qu'elle qualifie de « militarisme grossier, brutal et ethno-religieux », citant le cas de l'État d'Imo, où tous les postes clés de sécurité sont occupés par des officiers supérieurs musulmans du Nord, malgré une population chrétienne à 95 %. Le groupe exige également que les agences de sécurité rendent des comptes sur environ 5 000 habitants de l'Est, principalement des Igbos, qui auraient été secrètement enlevés et emprisonnés dans le Nord.

    En outre, les propositions appellent à une action décisive contre les groupes djihadistes, en désarmant les éléments nationaux et étrangers et en demandant des comptes à leurs dirigeants. Sur le plan politique, Intersociety exige la fin de la « présidence musulmane », un nouveau recensement national crédible et une conférence nationale pour aborder les profondes divisions ethniques et religieuses du pays.

    « Le Nigeria doit revenir à la laïcité », a déclaré Umeagbalasi à CWR. « Le Nigeria doit être gouverné de manière pluraliste, multiculturelle et multireligieuse. Les musulmans doivent être autorisés à pratiquer l'islam de manière pacifique et non violente. Les chrétiens doivent être autorisés à pratiquer le christianisme de manière pacifique et non violente. Il en va de même pour les adeptes de la religion traditionnelle, du judaïsme, etc. », a-t-il expliqué.

    Le père Ilo a ajouté sa voix aux propositions de solution, affirmant que pour que les chrétiens nigérians puissent lutter contre la persécution, ils doivent forger un front unifié et développer ce qu’il appelle une « ecclésiologie de protestation, de résistance, d’interruption ou de perturbation qui soit prophétique, courageuse et audacieuse ».

    Il a critiqué de nombreux prédicateurs pour avoir donné la priorité aux « dons monétaires » obtenus principalement auprès des puissants.

    Il a déclaré que cela crée une « relation client-patron » avec le gouvernement. « Je pense que nos propres responsables religieux nigérians doivent commencer à s'exprimer davantage, plutôt que d'exploiter la situation à leur avantage personnel », a-t-il déclaré à CWR.

    Ngala Killian Chimtom est un journaliste camerounais fort de onze ans d'expérience professionnelle. Il travaille actuellement comme reporter et présentateur de nouvelles pour la Radio Télévision Camerounaise (radio et télévision). Chimtom est également pigiste pour plusieurs organes de presse, dont IPS, Ooskanews, Free Speech Radio News, Christian Science Monitor, CAJNews Africa, CAJNews, CNN.com et Dpa.
  • 80% des anglicans rompent avec Canterbury après l’élection de la première femme à la tête de l’Église anglicane

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    De zenit.org :

    Division au sein de l’anglicanisme

    Huit anglicans sur dix rompent avec Canterbury après l’élection de la première femme à la tête de l’Église anglicane

    21 octobre 2025

    L’anglicanisme se divise : huit anglicans sur dix rompent leurs relations avec Canterbury après l’élection de la première femme à la tête de l’Église. 

    Dans la pratique, cela signifie que le GAFCON agira désormais comme le centre mondial de facto de l’orthodoxie anglicane. Il prévoit de former un nouveau Conseil des primats et d’élire un leader qui présidera le groupe, lequel servira de primus inter pares (premier parmi ses pairs) au sein de cette communion reconstituée. 

    Le monde anglican a pris conscience d’une rupture historique lorsque la Conférence mondiale sur l’avenir anglican (GAFCON) a officiellement rompu ses liens avec Canterbury et l’Église d’Angleterre, déclarant qu’elle ne pouvait plus « rester en communion avec ceux qui ont abandonné la Parole infaillible de Dieu comme leur autorité ultime ». 

    La déclaration, publiée le 16 octobre et signée par l’archevêque Laurent Mbanda du Rwanda, président du GAFCON et primat de l’Église anglicane du Rwanda, marque la fracture la plus décisive de l’anglicanisme depuis sa naissance au XVIᵉ siècle. Avec cette déclaration, les Églises membres du GAFCON, qui représentent environ 80 % des anglicans dans le monde, ont redessiné la carte de l’anglicanisme mondial. 

    Au cœur du conflit se trouve la récente élection de Sarah Mullally par l’Église d’Angleterre comme première archevêque de Canterbury. Cette décision a été saluée à Londres comme une avancée historique vers l’inclusion, mais condamnée par de nombreux anglicans en Afrique, en Asie et en Amérique latine comme une capitulation face aux pressions culturelles séculières. «Ce choix abandonne les anglicans du monde entier, a déclaré Mbanda au début du mois, en nommant une dirigeante qui divisera encore davantage une communion déjà divisée. » 

    Aujourd’hui, le GAFCON a mis sa menace à exécution. Son communiqué rejette non seulement l’archevêque de Canterbury en tant qu’« instrument de communion », mais renonce également à participer à toutes les structures anglicanes mondiales traditionnellement liées à cette fonction: la Conférence de Lambeth, le Conseil consultatif anglican et la Réunion des primats. «Ces organismes, affirme la déclaration, ont cessé de défendre la doctrine et la discipline de notre foi. » 

    À la place, le GAFCON annonce une réorganisation audacieuse de l’identité anglicane : « Nous sommes désormais la Communion anglicane mondiale. » 

    Fondé en 2008 à Jérusalem comme mouvement d’« anglicans confessants », le GAFCON est né en réponse à ce que ses membres percevaient comme une dérive morale et théologique de l’Église d’Angleterre et de l’Église épiscopale des États-Unis, en particulier sur les questions de sexualité, de genre et d’autorité biblique. Depuis ses débuts, le slogan du mouvement était le repentir : un appel aux dirigeants anglicans ayant embrassé la théologie révisionniste à revenir à l’autorité des Écritures. Cet appel, selon le GAFCON, est resté ignoré pendant près de deux décennies. 

    Le manifeste du groupe, intitulé L’avenir est arrivé, réaffirme que le seul fondement authentique de la communion est « l’Écriture sainte : traduite, lue, prêchée, enseignée et à qui l’on obéit dans son sens simple et canonique, fidèle à la lecture historique et consensuelle de l’Église ». 

    Concrètement, cela signifie que le GAFCON agira désormais comme le centre mondial de facto de l’orthodoxie anglicane. Il prévoit de former un nouveau Conseil des primats et d’élire un leader qui présidera le groupe, lequel servira de primus inter pares au sein de cette communion reconstituée. La première réunion organisationnelle est prévue pour mars 2026 à Abuja, au Nigeria.  

    La portée mondiale du GAFCON est impressionnante. Ses provinces membres s’étendent à travers toute l’Afrique, du Nigeria au Kenya et à l’Ouganda, en passant par le Soudan, le Rwanda et la République démocratique du Congo, et comprennent des Églises en pleine expansion en Asie, en Amérique latine et dans le Pacifique. Ensemble, elles représentent près de 49 millions d’anglicans. En Occident, il a également inspiré une constellation de congrégations et de réseaux dissidents, notamment aux États-Unis, en Europe et en Australie, formés par des anglicans qui rejettent les politiques progressistes sur le mariage, la sexualité et l’ordination. 

    La division n’est pas seulement théologique, mais aussi ecclésiologique. Le GAFCON insiste sur le fait qu’il n’abandonne pas l’anglicanisme, mais qu’il le récupère, en restaurant ce qu’il appelle la « structure originale » de la communion : une communauté de provinces autonomes soumises non pas à la bureaucratie institutionnelle, mais aux formulaires de la Réforme — les Trente-neuf Articles, le Livre de prière commune et l’Ordinal. Dans cette vision, Canterbury n’est plus le centre spirituel de l’unité anglicane, mais simplement une province parmi d’autres. 

    Pour l’Église d’Angleterre, cette rupture est un coup dur tant sur le plan symbolique que pratique. L’archevêque de Canterbury, historiquement reconnu comme primus inter pares parmi les primats anglicans, a toujours été une référence morale et spirituelle. Avec le retrait du GAFCON, ce centre moral se déplace vers le Sud — à Lagos, Kampala, Kigali et Nairobi — où l’anglicanisme reste dynamique et en pleine croissance. 

    Les implications dépassent les frontières anglicanes. Cette décision souligne un réalignement plus large au sein du christianisme mondial, où la croissance démographique et l’autorité théologique migrent vers le Sud. Pour de nombreux observateurs, elle reflète des tensions visibles depuis longtemps dans d’autres traditions chrétiennes : la lutte pour trouver un équilibre entre l’adaptation culturelle et la fidélité doctrinale. 

    Pendant ce temps, le Vatican observera attentivement la situation. En 2009, le pape Benoît XVI a créé les ordinariats personnels, des juridictions spéciales pour les anglicans souhaitant entrer en pleine communion avec l’Église catholique tout en conservant leur héritage liturgique. Cependant, ces ordinariats sont restés modestes — à peine 5 000 membres dans trois régions. La déclaration du GAFCON confirme que la majorité des anglicans conservateurs préfèrent réformer l’anglicanisme de l’intérieur plutôt que de traverser le Tibre. Il n’est pas certain que l’affirmation du GAFCON selon laquelle il représente « la véritable Communion anglicane » soit reconnue par d’autres. Mais ses dirigeants sont convaincus que l’histoire — et les Écritures — sont de leur côté.  « La restauration de notre communion bien-aimée est désormais entre nos mains », a déclaré Mgr Mbanda. « Nous existons, nous résistons et nous sommes prêts à diriger. »