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Synode

  • "Sensus fidei", infaillibilité et synodalité

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    De l'abbé Claude Barthe sur Res Novae :

    Infaillibilité et synodalité

    Dans sa catéchèse du 27 septembre, le pape Léon XIV a tenu ces propos : « Les petits ont de l’intuition. Ils ont un sensus fidei, qui est comme un “sixième sens” des personnes simples pour les choses de Dieu. Dieu est simple et se révèle aux simples. Voilà pourquoi il y a une infaillibilité de la foi du Peuple de Dieu, dont l’infaillibilité du Pape est l’expression [c’est nous qui soulignons] et le service. » Quelle portée donner à ces paroles ?

    Il convient de jeter un regard dans le rétroviseur théologique sur ce qui était classiquement enseigné à propos des différentes instances de l’infaillibilité et aussi de considérer le contexte actuel de synodalité.

    L’infaillibilité de l’Église enseignante et de l’Église enseignée

    Les théologiens distinguaient traditionnellement l’Église enseignante (pape et évêques), Ecclesia docens, qui bénéficie d’une infaillibilité active, et l’Église enseignée (l’ensemble du peuple chrétien), Ecclesia discens, préservée de l’erreur par une infaillibilité dite passive : l’ensemble du peuple chrétien adhère à la doctrine que lui délivrent les successeurs des Apôtres sous la motion du même Esprit-Saint qui anime leur enseignement. Cette infaillibilité est dite in credendo, l’Église ne pouvant tomber dans l’erreur en croyant1.

    Cette infaillibilité de réception est souvent explicitée par le concept de sensus fidelium, instinct de foi des fidèles, ou bien, si on considère chaque croyant, de sensus fidei, instinct, flair quant à la foi de chaque fidèle, qui accompagne la vertu de foi. Toutes les vertus en effet procurent à l’âme une espèce d’instinct connaturel (par exemple un instinct de réserve et de pudeur, qui accompagne la chasteté) ; celui produit par la foi incline le croyant à poser des actes d’adhésion à la vérité révélée2.

    On peut dire aussi que l’usage du sensus fidei relève de la croissance de la foi dans celui qui l’a reçue : il porte le fidèle à croire, par développement de ce qui lui a été enseigné, au-delà même de ce qu’il est tenu de croire, par exemple l’Immaculée Conception a été crue bien avant que le dogme n’en soit proclamé. Mais justement c’est le dogme qui tranche : l’infaillibilité du peuple de Dieu est soumise au magistère du pape et des évêques.

    Sensus fidei et synodalité

    Le pape François a fondé sa doctrine de la synodalité sur le sensus fidei, sur lequel sa première encyclique, Evangelii Gaudium, du 24 novembre 2013, s’étendait largement. Il insistait sur le fait que le troupeau possède un « odorat » qui aide l’Église à trouver de « nouveaux chemins ».

    Puis, dans un discours du 17 octobre 2015, il allait plus loin : « Le sensus fidei empêche une séparation rigide entre Ecclesia docens [Église enseignante] et Ecclesia discens [Église apprenante], puisque le troupeau possède aussi son propre “flair” pour discerner les nouvelles routes que le Seigneur ouvre à l’Église. »3

    La séparation classique entre Église enseignante et Église enseignée est ainsi relativisée à partir de la vocation « pastorale » de l’ensemble du peuple de Dieu. Par le fait, implicitement, cela relativise la distinction entre pasteurs et troupeau, l’ensemble des fidèles, pasteurs compris, étant placé sous le sensus fidelium/fidei. Et le pape François expliquait à sa manière imagée, que l’évêque pouvait parfaitement se trouver en avant de son troupeau, ou bien au milieu, et même encore derrière, à le suivre.

    Le document de la Commission théologique internationale (CTI) de 2014, « Le sensus fidei dans la vie de l’Église »4, lui avait préparé le terrain, notamment en citant les papes Pie IX et Pie XII déclarant qu’avant de proclamer respectivement les dogmes de l’Immaculée Conception et de l’Assomption, ils s’étaient enquis de la piété des fidèles sur ces points et avaient conclu à un « accord remarquable des évêques catholiques et des fidèles ». À noter qu’ils parlaient d’un accord des évêques et des fidèles. D’ailleurs la CTI prenait soin de préciser que la constitution Pastor Aeternus du premier concile du Vatican affirme que les définitions doctrinales ex cathedra du pape en matière de foi et de mœurs sont irréformables « par elles-mêmes et non en vertu du consentement de l’Église », ce qui ne rend pas le consensus Ecclesiæ superflu, mais ce qui exclut, disait la CTI, « la théorie selon laquelle une telle définition réclamerait ce consentement, antécédent ou conséquent, comme condition pour faire autorité ».

    Un apport du pape Léon ?

    Peut-on considérer la petite phrase de Léon XIV – « l’infaillibilité du Pape est l’expression et le service [de l’infaillibilité du peuple de Dieu] » – comme un pas supplémentaire ? Il pourrait ne s’agir que d’une expression malheureuse à imputer au rédacteur de la catéchèse, et en tout cas il serait exagéré de l’assimiler à la proposition condamnée par le décret du Saint-Office, Lamentabili, du 3 juillet 1907 : « Dans la définition des vérités, l’Église enseignée et l’Église enseignante collaborent de telle façon qu’il ne reste à l’Église enseignante qu’à sanctionner les conceptions communes de l’Église enseignée » (Dz 3406).

    La phrase de Léon XIV évoque l’infaillibilité du pape : mais n’est-elle pas aujourd’hui en pause, le « magistère authentique » ou « pastoral » non infaillible (Lumen Gentium, n. 25 §1) ayant concrètement remplacé le magistère ordinaire et universel infaillible ? Qui peut penser par exemple que le chapitre 8 d’Amoris Laetitia, qui répugne au sensus fidei/fidelium, relève du magistère infaillible ? Et il est vrai que ce sensus presse, pour ainsi dire, le magistère infaillible du pape d’intervenir.

    _____________

    1. Jean-Marie Hervé, Manuale theologiæ dogmaticæ, Berche, Paris, 1957, vol. 1, n. 465.

    2. Saint Thomas, Somme théologique, IIa IIæ, q. 2, a. 3, ad. 2.

    3. Discours pour la Commémoration du 50e anniversaire de l’institution du Synode des Évêques.

    4. Sensus fidei nella vita della Chiesa (2014).

  • "Une pneumatologie inversée qui « discerne » les actions de l'Esprit partout sauf dans l'Église"

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    De John M. Grondelski sur le New Oxford Review :

    Pneumatologie inversée ?

    De nombreux clercs d’Europe occidentale semblent penser que l’Esprit se déplace principalement en dehors de l’Église.

    21 octobre 2025

    La pneumatologie est la branche de la théologie qui traite du Saint-Esprit. On considère que le Saint-Esprit habite l'Église et la préserve de l'erreur.

    L'infaillibilité de l'Église n'est ni politique ni historique ; elle peut commettre des erreurs dans ces domaines, et elle en a commis. Son infaillibilité est liée à sa mission. L'Église existe pour une seule et unique raison : sauver les âmes en proclamant le Royaume de Dieu en Christ. Salus animarum suprema lex. Pour remplir sa raison d'être, l'Église doit être capable d'enseigner avec autorité et justesse en matière de foi et de morale. C'est pourquoi le Saint-Esprit habite en elle.

    Un article récent d'une source italienne a suscité cette question : sommes-nous aujourd'hui confrontés à une pneumatologie inversée ? À en croire certains membres de l'Église contemporaine, il semble que le Saint-Esprit travaille presque à rebours de la façon dont les catholiques ont généralement compris son action.

    La Nuova Bussola Quotidiana, qui rend compte de la conclusion du « processus synodal » de la Conférence épiscopale italienne, critique vivement ce qu'elle perçoit dans le document de la conférence comme une tentative d'approbation morale des activités homosexuelles (voir ici ). Cet article soulève des questions sur la manière dont certains semblent aujourd'hui comprendre le rôle du Saint-Esprit dans l'Église.

    Traditionnellement, le Saint-Esprit était perçu comme guidant l'Église – comme le Christ l'avait promis (Jn 16, 13) – « vers la Vérité tout entière ». Aujourd'hui, cependant, il semble presque que le Saint-Esprit se soit envolé par une de ces fameuses fenêtres ouvertes par Jean XXIII pour enseigner l'Église de l'extérieur. Si l'on écoute beaucoup de discours ecclésiaux aujourd'hui, on a l'impression que le Saint-Esprit s'est réfugié dans la laïcité, avec toutes ses œuvres et ses fastes, les utilisant comme instruments d'enseignement pour son Église « rétrograde » afin de se conformer au nouveau programme spirituel.

    Il est évident qu'un nombre important de clercs, notamment d'Europe occidentale, semblent penser que l'Esprit, qui se meut où il veut ( Spiritus spirat qui vult ; voir Jn 3,8), préfère se déplacer principalement hors de l'Église. Si l'on écoute cette « lecture renouvelée des signes des temps », l'aggiornamento actuel semble surtout prendre la forme du rôle de l'esprit du temps dans la mise à niveau spirituelle de l'Église. On est stupéfait par la rigidité et la résistance apparentes de l'Église, qui ont contraint l'Esprit, désormais délocalisé, à enseigner dans des bars gays, des foyers de divorcés remariés et toutes les autres religions, à l'exception de la religion catholique.

    Un appel renouvelé à l'« expérience vécue » est souvent lancé pour défendre cette approche. Mais cela soulève des problèmes théologiques cruciaux. L'expérience vécue est importante, mais elle n'est pas auto-interprétative. Elle n'est pas non plus coextensive à la fides. Le sensus fidelium présuppose un sensus fidei préalable, que les ecclésiastiques d'aujourd'hui ignorent souvent. Comme je l'ai déjà soutenu ( ici ), l'« expérience » n'est ni bonne ni mauvaise en soi ; c'est simplement un fait. L'expérience doit être mise à l'épreuve, et non canonisée. Sa signification, et surtout sa valeur, dépendent de sa compatibilité avec la foi reçue et défendue par l'Église, dans laquelle l'Esprit habite déjà.

    Cette pneumatologie inversée a également été sélective. En abordant la modernité, les lecteurs « spirituels » des signes des temps semblent avoir ignoré la seconde partie de 1 Thessaloniciens 5:21 : « Examinez tout, retenez ce qui est bon. » Cette « épreuve » ne se produit pas ex nihilo. Elle s'inscrit dans la tradition vivante et continue de l'Église, soi-disant inspirée par le Saint-Esprit et discernée selon une herméneutique de la continuité, puisque nous supposons que le Saint-Esprit n'est pas nominaliste et donc peu enclin à l'auto-contradiction.

    Je sais que certains pourraient juger ces réflexions exagérées, mais demandons-nous s'il est nécessaire d'aborder honnêtement la pneumatologie qui inspire certains développements actuels dans l'Église. Je suis assez vieux pour me rappeler comment, peu après la clôture du Concile Vatican II, il est devenu courant d'ignorer le contenu réel des textes conciliaires, préférant lire l'« esprit » du Concile. Je me souviens aussi d'un théologien français (dont le nom m'échappe maintenant) demandant que nous identifiions cet « esprit », au cas où certaines de ses manifestations nécessiteraient un exorcisme.

    Dans cette optique, il semble pertinent de se demander si certains, dans l'Église d'aujourd'hui, agissent selon une pneumatologie inversée qui « discerne » les actions de l'Esprit partout sauf dans l'Église, et quelles sont les conséquences ecclésiales d'une telle réflexion. Cette question paraît particulièrement pressante face à ce qui semble être un « processus synodal » flottant, où des questions doctrinales et morales établies semblent remises en question au nom d'un « discernement » indéfini. Avec tout le respect que je leur dois, je doute que certains semblent considérer l'« Esprit » comme parlant après 30 secondes de silence suivies d'un « partage ». Il semble que nous ayons besoin d'une pneumatologie plus riche.

    John M. Grondelski (Ph.D., Fordham) est l'ancien doyen associé de la Faculté de théologie de l'Université Seton Hall, à South Orange, dans le New Jersey.

  • Le cardinal Müller condamne le Synode sur la synodalité qu'il qualifie de « prise de pouvoir laïque »

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    Du Catholic Herald :

    12 octobre 2025

    Le cardinal Müller condamne le Synode sur la synodalité qu'il qualifie de « prise de pouvoir laïque »

    Le cardinal Gerhard Müller, ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, a formulé l'une de ses critiques les plus virulentes à l'encontre du Synode sur la synodalité.

    Dans la préface d'un nouvel ouvrage intitulé The Trojan Horse in the Catholic Church (Le cheval de Troie dans l'Église catholique), écrit sous le pseudonyme « Père Enoch », le prélat allemand met en garde contre le fait que le processus synodal représente une tentative de remodeler l'Église catholique selon des idéaux laïques et démocratiques.

    Le cardinal Müller, qui a participé aux sessions 2023 et 2024 du Synode sur la synodalité à Rome, écrit qu'il a été témoin direct de la manière dont ce processus a été « utilisé comme un moyen de saper la structure hiérarchique et sacramentelle de l'Église et de la remplacer par une pyramide inversée de gouvernance ».

    Il décrit le format des assemblées comme une rupture fondamentale avec les synodes précédents, les évêques étant relégués au même niveau que les participants laïcs. Selon le cardinal, cela représente un éloignement décisif du modèle défini dans Lumen Gentium, la constitution du Concile Vatican II sur l'Église, qui définissait sa nature comme hiérarchique et sacramentelle.

    Il met en garde contre le fait que ce changement marque le passage d'un rassemblement épiscopal offrant des conseils au pape à quelque chose qui ressemble davantage à la Voie synodale allemande ou même à une assemblée de style anglican.

    Le cardinal soutient que l'Église risque de se transformer en « une institution séculière et mondaine guidée non pas par l'enseignement de Notre Seigneur tel qu'il est révélé dans les Saintes Écritures et la Tradition apostolique, mais par des principes démocratiques ». Une telle institution, écrit-il, cesserait d'être le Corps mystique du Christ pour devenir « une ONG avec un programme religieux, émotionnel et moraliste ».

    La critique du cardinal Müller va au-delà de la structure du synode pour s'étendre à son contenu. Il affirme que le processus était « extrêmement contrôlé », seuls certains intervenants sélectionnés étant autorisés à s'adresser à l'assemblée, et que ses résultats étaient prédéterminés par ceux qui le dirigeaient. Parmi ses principaux objectifs, affirme-t-il, figurait la normalisation accrue de l'homosexualité au sein de l'Église.

    Il cite des discussions et des interventions qui, selon lui, visaient à réinterpréter l'enseignement moral de l'Église en invoquant de « nouvelles révélations » du Saint-Esprit qui permettraient de bénir les unions entre personnes du même sexe.

    Le cardinal insiste sur le fait que de telles tentatives constituent un « blasphème contre le Saint-Esprit » et une déformation délibérée de la doctrine catholique. Il qualifie l'idéologie LGBT promue par certains dans le cadre du processus synodal d'« antichrétienne », avertissant que « le Christ et l'Antéchrist ne peuvent être réconciliés ».

    Son avant-propos se termine par un appel aux évêques, aux prêtres et aux laïcs à lire Le cheval de Troie dans l'Église catholique afin de comprendre ce qu'il considère comme les graves dangers spirituels et ecclésiaux que représente l'expérience synodale.

    Le cardinal Gerhard Ludwig Müller a été ordonné prêtre en 1978 pour le diocèse de Mayence. Il a poursuivi des études supérieures en théologie sous la direction de Karl Lehmann et Joseph Ratzinger (futur pape Benoît XVI). Il est devenu professeur de théologie dogmatique à l'université Ludwig Maximilian de Munich en 1986 et a été nommé évêque de Ratisbonne en 2002.

    En 2012, le pape Benoît XVI a nommé Müller préfet de la CDF, faisant de lui l'une des figures les plus influentes de la supervision théologique et doctrinale du Vatican. Il a été élevé au rang de cardinal par le pape François en 2014. Après avoir quitté la CDF en 2017, il est devenu un critique virulent du libéralisme théologique et de nombreux aspects du pontificat du pape François.

  • Synodalité : du jargon jusqu'à la nausée

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    De FSSPX Actualités :

    Synodalité : du jargon “ad nauseam”

    Le 7 juillet 2025, le Secrétariat général du synode a publié un document de 24 pages, intitulé « Pistes pour la phase de mise en œuvre du synode, 2025-2028 ». Le pape Léon XIV a approuvé la publication du texte, il a ainsi confirmé le processus triennal de cette mise en œuvre du synode sur la synodalité.

    De juin 2025 à décembre 2026, les Eglises locales et les groupements internationaux auxquels elles appartiennent se concentreront sur les « voies de mise en œuvre ». Au premier semestre 2027, les diocèses tiendront des « assemblées d’évaluation ». Au premier trimestre 2028, des assemblées se tiendront à l’échelle continentale.

    En juin 2028, un document de travail sera publié pour l’assemblée ecclésiale du Vatican, qui se tiendra en octobre de la même année. A la fin, le document romain se réjouit du Jubilé des équipes synodales et des organismes participatifs qui se tiendra à Rome en octobre prochain.

    Du jargon…

    Sur The Catholic Thing du 18 juillet, le père Gerald Murray se montre beaucoup plus critique, avec un titre particulièrement explicite : « Une trajectoire synodale emplie de jargon. » Le prêtre américain écrit : « Lorsque le pape Léon XIV s’est exprimé depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre le jour de son élection, il a déclaré : “Nous voulons être une Eglise synodale”. L’importance de cette déclaration dépend, bien sûr, de la façon dont le pape Léon comprend la synodalité.

    « La notion d’Eglise une, sainte, catholique, apostolique – et désormais synodale – est peu claire pour la plupart, car la synodalité est un concept largement méconnu. » Sauf pour Sœur Nathalie Becquart, sous-secrétaire du Secrétariat du synode, qui déclarait sans détour, le 7 juillet sur Vatican News : « Je cite souvent un théologien australien présent à notre synode, Ormond Rush, affirmant : “La synodalité, c’est le concile Vatican II en résumé”.

    « Tous nos documents, et encore dans le Document final, soulignent que notre démarche se réfère véritablement à la vision du concile Vatican II. On peut dire que la synodalité est la voie à suivre pour comprendre l’ecclésiologie du concile Vatican II à ce stade de sa réception. Il ne s’agit donc que de poursuivre la réception du concile Vatican II. Car, d’une certaine manière, le Concile n’est pas encore mis en œuvre partout. »

    Le P. Murray relève aux pages 18 et 19 du document romain une volonté de promouvoir une « diversité pacifiée » en surmontant certaines « polarités et tensions » dont il énumère quelques-unes :

    « L’Eglise entière et l’Eglise locale ; l’Eglise comme peuple de Dieu, comme Corps du Christ et comme Temple de l’Esprit ; la participation de tous et l’autorité de certains ; la synodalité, la collégialité et la primauté ; le sacerdoce commun et le sacerdoce ministériel ; le ministère (ministères ordonnés et institués) et la participation à la mission en vertu de la vocation baptismale sans forme ministérielle ».

    Et le document de proposer un mode d’emploi « synodal » des tensions dans l’Eglise : « La mise en œuvre de la Déclaration finale [du synode] exige d’aborder et de discerner ces tensions au fur et à mesure qu’elles apparaissent dans les circonstances de chaque Eglise locale.

    « La voie à suivre ne consiste pas à rechercher un arrangement impossible qui éliminerait les tensions au profit de l’une des parties. Il sera plutôt nécessaire, dans l’ici et maintenant de chaque Eglise locale, de discerner lequel des équilibres possibles permet un service plus dynamique de la mission. Il est probable que des décisions différentes seront prises à différents endroits. »

    Face à cette dilution de la vérité dans un relativisme « synodal », le P. Murray n’hésite pas à écrire : « Le concile de Nicée ne passerait pas le test de la synodalité car il a de fait accompli “l’arrangement impossible” d’“éliminer les tensions” en décidant “en faveur de l’un des camps”, c’est-à-dire que l’orthodoxie a été affirmée et l’hérésie a été anathématisée.

    « Quand l’Eglise a-t-elle enseigné que les doctrines catholiques sont des “polarités” révélant des “tensions” devant être surmontées pour parvenir à un “équilibre” ? C’est du pur hégélianisme. Première étape : la thèse rencontre l’antithèse, aboutissant à une synthèse ; deuxième étape : répéter la première étape à l’infini.

    « Dans ce schéma, l’Eglise n’enseigne pas la vérité dogmatique, mais réfléchit plutôt à différentes approches qui doivent être mises en balance. Dans une situation de polarité, les deux camps doivent se satisfaire d’une certaine forme de “diversité réconciliée”. La permanence de la vérité a disparu, le “dynamisme” remodelant les “catégories ecclésiologiques” est à la mode. »

    Et de conclure : « L’Eglise n’a pas besoin d’être reconfigurée en un groupe de discussion synodal perpétuel dirigé par des responsables du Vatican, impliquant des évêques et des non-évêques désignés, dans lequel les tensions (naturellement produites lorsque des idées hérétiques sont présentées comme des versions nouvelles et améliorées de la foi catholique) doivent être apaisées, parce que la synodalité exige la notion fausse de “diversité réconciliée”. »

    … ad nauseam

    Tout aussi sévère, Mgr Marian Eleganti, le collaborateur de Mgr Vitus Huonder à Coire, réagit sur son blogue le 11 juillet. Il interpelle les responsables du synode : « Le peuple de Dieu dans son ensemble ignore vos documents. D’après mon expérience, rares sont les croyants qui en ont connaissance ou qui les lisent.

    « Cessez de tourner en rond dans un processus qui n’a éveillé l’amour de Jésus-Christ dans aucune âme, mais qui occupe surtout jusqu’à présent les “catholiques réformateurs” (occupant une fonction officielle) germanophones. Cessez de vous multiplier et de vous démultiplier dans des groupes de travail et des commissions ! Le peuple de Dieu ne s’y intéresse pas.

    « Les résultats sont un brouillard, des bénédictions qu’il vaudrait mieux s’abstenir de donner, des modèles de gestion qui contredisent le Droit canonique en vigueur, de nouveaux comités ou conseils, comme si nous n’en avions pas assez depuis 60 ans. Vous vivez dans une bulle et vous employez les mauvaises personnes. […] Vous invoquez trop facilement le Saint-Esprit. »

    Voici ce qu’il faudrait plutôt faire, selon le prélat suisse : « Proclamez l’Evangile, pour l’amour du Christ ! Proclamez le Christ à une Europe qui s’est détournée de lui ! Proclamez le Christ à un monde qui présente des traits apocalyptiques et qui mène sans cesse de nouvelles guerres ! Parlez de Jésus-Christ plutôt que de synodalité !

    « Ce que vous entendez par ce dernier terme, d’autres l’ont déjà utilisé (par exemple les anglicans), avec pour résultat de nouvelles divisions. Cessez de maintenir l’Eglise dans une frénésie synodale sans fin, soi-disant pour échanger des bienfaits. » Et de mettre en garde : « Les problèmes réels qui existent dans l’Eglise ne sont pas abordés :

    « l’abandon massif par les baptisés et les confirmés des contenus essentiels de la foi (la divinité de Jésus, sa résurrection physique) ; l’informalité liturgique et les abus dans le Novus Ordo ; l’absence de vocations sacerdotales dans de nombreuses Eglises particulières ; la prédication hétérodoxe largement répandue (catéchèse, théologie universitaire) et une pratique pastorale qui contredit la doctrine catholique et le Droit canonique, soi-disant parce que “la réalité est plus grande que l’idée” [François dixit, NDT].

    « La liste est incomplète… Je ne peux plus écouter votre propagande. Je suppose que je ne suis pas le seul. Cela fait longtemps que l’Eglise n’avait pas été dirigée de manière aussi autoritaire et manipulatrice que sous la nouvelle synodalité du pape François, en une tentative sans fin pour obtenir les résultats souhaités. »

    Mgr Eleganti s’interroge sur l’honnêteté intellectuelle et l’objectivité avec lesquelles le processus synodal a été mené : « Où sont les partisans de la tradition – principalement des jeunes et des familles – dans ce processus ? Où est leur vote dans ce processus synodal sui generis tant vanté ? Jusqu’à présent, ils ont été laissés de côté.

    « Dans certains pays (France, Angleterre), de nombreux jeunes adultes souhaitent être baptisés. Les jeunes qui s’intéressent à la foi, étudient le catéchisme, souhaitent une liturgie célébrée avec recueillement, réclament plus de mystère dans la célébration de la messe, où l’on parle trop. […]

    « Dans le processus synodal, qui se soucie du défi de l’islam ? Ne faites pas de l’Eglise une bourse d’idées pour des initiatives et des inventions hétérodoxes ! Faites quelque chose pour le renouveau de la liturgie et de la catéchèse en ces temps antichrétiens ! Plus de missionnaires, moins de conseillers en communication [spin doctors]. »

    Et de conclure par ce constat malheureusement exact sur le fonctionnement de l’Eglise « synodale » : « Le berger suit les brebis. L’enseignant apprend de l’élève. L’action détermine le devoir. La majorité fait la vérité. Le prêtre obéit au laïc. L’évêque est assis à côté. Et au-dessus de tous plane l’Esprit. Mais quel Esprit ? »

  • Pourquoi Léon XIV a évité une tempête médiatique à la François lors de sa première interview

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    De Jonathan Liedl sur le NCR :

    Pourquoi Léon XIV a évité une tempête médiatique à la François lors de sa première interview

    ANALYSE : Comment la perception papale façonne ce qui est considéré comme une controverse

    Le pape Léon s'exprime lors de la messe du 21 septembre 2025, à l'église Sainte-Anne au Vatican.
    Le pape Léon XIV prononce un discours lors de la messe du 21 septembre 2025 en l'église Sainte-Anne au Vatican. (Photo : Francesco Sforza / Vatican Media)

    La première interview du pape Léon XIV a été accueillie sans trop de remous. Des médias grand public aux conservateurs catholiques (et même à certains traditionalistes), le principal message est que le pape se préoccupe avant tout de l'unité de l'Église et qu'aucun bouleversement majeur n'est à prévoir.

    Il convient de noter que cette réaction est très répandue.

    Ce n’est pas seulement parce que l’époque des bombes papales lâchées lors d’interviews ou de conférences de presse en vol, une caractéristique du pape François, semble révolue.

    Mais parce que lors de sa conversation avec Elise Allen de Crux , le pape Léon XIV a dit certaines choses qui, si elles avaient été prononcées par le pape François, auraient probablement généré une controverse généralisée.

    Et pourtant, quand Léon les a prononcés, ils ne l'ont pas fait. Et il convient de se demander pourquoi.

    Par exemple, considérez ce que le pape d'origine américaine a déclaré à propos de l'enseignement de l'Église sur la sexualité et le mariage : « Je pense que nous devons changer d'attitude avant même d'envisager de modifier la position de l'Église sur une question donnée. Je trouve très improbable, surtout dans un avenir proche, que la doctrine de l'Église concernant la sexualité et le mariage change. » 

    Si le pape François avait déclaré que des changements doctrinaux dans ces domaines étaient peu probables en raison de la nécessité de suivre un ordre ecclésial – et non en raison de l'immuabilité fondamentale de ces enseignements –, cela aurait provoqué une tempête médiatique. Les gros titres se seraient emparés de cette citation, soulignant que François était potentiellement ouvert au prétendu « mariage homosexuel », même si ce n'était pas « dans un avenir proche ».

    Mais à part les suspects habituels, comme le militant LGBTQ et père jésuite James Martin d'un côté et certains traditionalistes de l'autre, peu de gens semblaient intéressés à pousser la rhétorique du pape Léon dans cette direction.

    Pourquoi pas?

    Oui, Léon a dit beaucoup plus sur le sujet au cours de l’interview, affirmant l’idée que l’Occident est « fixé » sur l’identité sexuelle, que les personnes s’identifiant comme LGBTQ devraient être accueillies comme fils et filles de Dieu et non parce qu’elles s’identifient comme gays ou lesbiennes, et que l’Église doit continuer à se concentrer sur la « famille traditionnelle » et le mariage. 

    Mais un contexte similaire n'a pas empêché les médias de présenter la célèbre phrase du pape François de 2013, « Qui suis-je pour juger ? », comme une bombe laissant entrevoir des changements radicaux dans l'approche de l'Église en matière de moralité sexuelle — malgré le fait que François ait cité le Catéchisme approuvé par saint Jean-Paul II et son interdiction de discrimination injuste comme base de son commentaire et ait réaffirmé le caractère pécheur des actes sexuels entre personnes de même sexe.

    La différence de traitement de la rhétorique des deux papes est encore plus claire lorsque nous examinons la manière dont le pape Léon XIV a évoqué l’hypothétique « ordination des femmes » au diaconat dans sa récente interview. 

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  • Léon XIV, un pas à la fois

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    D'Andrea Gaglarducci sur Monday Vatican :

    Léon XIV, un pas à la fois

    L’image qui se dessine de Léon XIV n’est pas celle d’un pape qui fait des choix impétueux ou de grands gestes, mais celle d’un pape réfléchi qui pèse calmement chaque décision .

    Avec la nomination de Monseigneur Miroslaw Wachowski comme nonce en Irak, par exemple, Léon XIV a peut-être posé la première pierre de ce qui promet d’être un changement important, qui ne se produira pas soudainement mais au fil des années.

    Après douze ans de pape François, nous nous sommes habitués à l'impétuosité et aux gestes grandioses – souvent spectaculaires – et nous en sommes venus à attendre, voire à désirer, ce genre de choses . Pour les journalistes, elles font un excellent article. Pour l'Église, elles constituent l'exception plutôt que la règle de la gouvernance papale.

    Pourquoi la nomination des Wachowski est-elle si importante alors ?

    Wachowski était sous-secrétaire aux Relations avec les États du Vatican depuis 2019. Vice-ministre des Affaires étrangères très respecté, il a dirigé la délégation du Vatican lors des négociations avec la Chine et le Vietnam ces dernières années. Sa promotion au poste de nonce, surtout dans un pays clé comme l'Irak, n'est pas inattendue. Si François avait encore été pape, cette promotion aurait été attendue et n'aurait suscité aucun intérêt.

    Nous sommes cependant à l'époque de Léon XIV. Wachowski est le premier nom important de la Secrétairerie d'État à être réaffecté. Ainsi, une nomination, jusque-là passée sous silence, devient médiatisée, ne serait-ce que parce que le choix de Léon XIV pourrait aussi envoyer un signal clair à la Secrétairerie d'État, indiquer une direction et établir une ligne directrice.

    En termes simples, cette nomination est significative autant pour le poste qu’elle laisse vacant à la Secrétairerie d’État que pour le poste qu’elle occupe à la nonciature en Irak.

    Il faudra cependant au moins un mois au pape pour nommer un nouveau vice-ministre des Affaires étrangères. Tant que Wachowski sera en poste, cette nomination n'aura pas lieu. Et il en sera de même pour de nombreuses autres nominations auxquelles Léon XIV devra réfléchir.

    Michael Czerny, Arthur Roche, Kurt Koch, Marcello Semeraro et Kevin Farrell prendront leur retraite à l'âge de la retraite (ils ont tous entre 76 et 79 ans). Le pape devra également nommer un successeur au poste de préfet du Dicastère des évêques. En résumé, six postes clés de la Curie sont à pourvoir.
    Léon XIV prendra son temps pour décider . Cela ne signifie pas que tous les organes directeurs seront modifiés en même temps. Nombreux sont ceux qui parlent avec insistance de la destitution du secrétaire d'État, le cardinal Pietro Parolin. Une telle destitution, cependant, ne semble pas logique, compte tenu de la réputation diplomatique bien connue et respectée de Parolin .

    Nombreux sont ceux qui souhaiteraient voir les têtes des cardinaux défenseurs de la synodalité, à commencer par Mario Grech et Victor Manuel Fernandez . Mais pourquoi Léon XIV couperait-il des têtes sans discernement ? En définitive, aucun cardinal ne peut prendre de décisions importantes sans le consentement du pape.
    Tout porte à croire que le pontificat de Léon XIV absorbera la plupart des situations survenues sous le pontificat du pape François.

    C'est ce qui ressort également de la seule interview longue durée accordée jusqu'à présent par le Pape, pour le livre Léon XIV : Citoyen du monde, missionnaire du XXIe siècle.

    Dans l'interview, la prudence de Léon XIV sur de nombreux sujets est évidente. Il ne nie pas l'accueil des personnes homosexuelles, mais affirme en même temps que la doctrine de l'Église ne changera pas . Il ne nie pas que des femmes occuperont des postes de direction au Vatican, mais il écarte de fait toute promotion des femmes diacres, soulignant que le diaconat doit encore être véritablement compris. Il ne nie pas la politique du pape François à l'égard de la Chine, mais il affirme clairement qu'il pourrait la modifier et souligne qu'il est également en contact avec les communautés chinoises « clandestines ».

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  • « Je regarde Léon XIV avec confiance » (cardinal Sarah)

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    De Giacomo Gambassi sur Avvenire :

    Entretien. Le cardinal Sarah à 80 ans : « Je regarde Léon XIV avec confiance. »

    12 septembre 2025

    Synodalité, la messe dans le rite antique, la bénédiction des couples homosexuels, la mozzetta du pape, l'Afrique : une conversation avec le préfet émérite du culte divin

    Il dit avoir eu « le privilège de connaître et de collaborer avec certains saints : je pense à Mère Teresa de Calcutta et à Jean-Paul II. Puis aux papes les plus récents : Benoît XVI et François. Et aujourd'hui, je regarde avec une grande confiance Léon XIV . » Le cardinal Robert Sarah porte le même prénom que le nouveau pontife. Dix ans les séparent : le premier pape d'origine américaine fête ses 70 ans dimanche ; le préfet émérite du Dicastère pour le culte divin et la discipline des sacrements a fêté ses 80 ans à la mi-juin. Juste à temps pour entrer au conclave qui a élu le prévôt au trône de Pierre. « Léon XIV », a expliqué le cardinal guinéen à Avvenire , commentant les quatre premiers mois de son pontificat, « met en évidence la centralité indispensable du Christ, la conscience évangélique que “sans Lui nous ne pouvons rien faire” : ni construire la paix, ni construire l’Église, ni sauver nos âmes. De plus, il me semble porter une attention intelligente au monde, dans un esprit d’écoute et de dialogue, toujours avec une considération attentive de la Tradition. » Et il ajoute immédiatement : « La Tradition est comme un moteur de l’histoire : de l’histoire en général et de celle de l’Église. Sans une Tradition vivante qui permette la transmission de la Révélation divine, l’Église elle-même ne pourrait exister. » Tout cela s'inscrit parfaitement dans la continuité des enseignements du Concile Vatican II. Il faut donc se garder d'interpréter la démarche du pape Léon XIV en partant, par exemple, de la mozzetta que le nouveau pontife portait dès ses débuts et qui a suscité de nombreux commentaires au sein et au-delà des frontières ecclésiastiques. « Je ne comprends pas le tollé suscité par ce choix », tranche le cardinal. « La mozzetta est un signe qui indique la juridiction du pape, mais aussi celle des évêques. Ce tollé a peut-être été provoqué par le fait que le pape François ne l'avait pas portée le jour de son élection. Mais cela ne me semble pas être une raison valable pour une telle surprise. »

    La barrette de Sarah unit le Nord et le Sud du monde. Le cardinal est originaire d'Afrique, où il est devenu prêtre et nommé archevêque ; il a ensuite rejoint la Curie romaine : Jean-Paul II l'a nommé secrétaire de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples ; Benoît XVI l'a nommé président du Conseil pontifical « Cor Unum » et l'a créé cardinal ; François l'a nommé préfet de la Congrégation pour le Culte divin, poste qu'il a occupé jusqu'en 2021. Après l'élection de Léon XIV, la décision du pape de le nommer envoyé au sanctuaire de Sainte-Anne-d'Auray, en France, pour les célébrations du 400e anniversaire des apparitions de sainte Anne, fin juillet, a suscité un large écho. « Je crois que les nouvelles qu'il est nécessaire et juste de souligner ne manquent pas chaque jour. Et parmi elles, celle qui me concerne ne manque certainement pas », souligne Sarah.

    Éminence, Léon XIV fait souvent référence à l'unité de l'Église. Est-ce urgent ?

    Nous devons dépasser une approche idéologique qui a favorisé deux visions concurrentes de l'Église. D'un côté, certains voudraient effacer et nier la Tradition au nom d'une ouverture inconditionnelle et d'une assimilation au monde et à ses critères de jugement. De l'autre, d'autres considèrent la Tradition comme quelque chose de cristallisé et de momifié, éloigné de tout processus historique fécond. La mission de l'Église est unique et, à ce titre, elle doit s'accomplir dans un esprit de pleine communion. Les charismes sont divers, mais la mission est une et présuppose la communion.

    Le pape nous demande d'annoncer « le Christ avec clarté et une immense charité ». Existe-t-il aujourd'hui une annonce « faible » ?

    Le message est toujours le même et ne peut être différent. L'homme abandonne l'Église, ou la foi, lorsqu'il s'oublie lui-même, lorsqu'il censure ses propres questions fondamentales. L'Église n'a jamais abandonné et n'abandonnera jamais l'homme. Certains chrétiens, à tous les niveaux de la hiérarchie, ont pu abandonner des hommes chaque fois qu'ils n'étaient pas eux-mêmes, c'est-à-dire lorsqu'ils avaient honte du Christ, dissimulant la raison de leur existence chrétienne et réduisant le travail pastoral à une simple promotion sociale.

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  • Il est temps de passer du synode à l’application des fruits des trois dernières années à la mission et à l’évangélisation

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    De George Weigel sur le NCR :

    Il est temps d’aller au-delà du « synodage » ?

    COMMENTAIRE : Il est peut-être temps de passer du synode à l’application des fruits des trois dernières années à la mission et à l’évangélisation.

    Les délégués au Synode 2024 sur la synodalité participent à des tables rondes le 10 octobre 2024, dans la salle Paul VI au Vatican.
    Les délégués au Synode de 2024 sur la synodalité participent à une table ronde le 10 octobre 2024, dans la salle Paul VI du Vatican. (Photo : Daniel Ibañez/CNA / EWTN)

    Dans le premier volume de sa trilogie, Jésus de Nazareth, le pape Benoît XVI a salué les importantes contributions que l’analyse historico-critique des formes littéraires et des « couches » éditoriales des textes anciens a apportées à la compréhension de la Bible.

    Le pape a également suggéré que les fruits essentiels de cette méthode avaient été récoltés et que le temps était venu d'une approche moins disséquante de l'interprétation biblique : une approche qui « lit les textes [bibliques] individuels dans la totalité de l'unique Écriture, qui éclaire ensuite les textes individuels » ; une approche qui prend en compte « la tradition vivante de toute l'Église » ; et une approche qui lit la Bible dans le contexte de la foi de l'Église et des vérités interdépendantes au sein de cette foi.

    Pourrait-on dire quelque chose d’analogue à propos des récentes explorations de l’Église sur la « synodalité » – que ses fruits essentiels ont été récoltés et qu’il est temps de mettre ces fruits au service de la mission de l’Église, qui (comme le pape Léon nous l’a rappelé depuis son élection) est la proclamation de Jésus-Christ comme la lumière des nations et la réponse à la question de toute vie humaine ?

    Quels sont les fruits des dernières années de « synodage » ?

    Premièrement, les jeunes Églises d'Afrique et d'Asie, où se trouvent de nombreux pans vivants du catholicisme mondial, ont été entendues. Leurs voix se sont renforcées au fil du processus synodal pluriannuel. Et lors des discussions entre cardinaux avant l'élection du pape Léon XIII, il semblait que c'était ce que signifiait la « synodalité » pour de nombreux cardinaux des « périphéries » : nous sommes pris au sérieux. C'est une très bonne chose.

    Deuxièmement, le mandat missionnaire universel qui appelle chaque catholique baptisé à être évangéliste a été souligné. Il en va de même pour l'appel universel à la sainteté qui rend possible la mise en pratique de ce mandat missionnaire. Ce sont là aussi de très bonnes choses.

    Troisièmement, l'obstacle que représente un système de castes cléricales pour l'évangélisation a été identifié. Le processus synodal a montré que les responsables ordonnés qui écoutent, prennent conseil et collaborent avec ceux qu'ils sont appelés à diriger sont les pasteurs les plus efficaces de l'Église. De plus, nous devrions maintenant savoir que des structures collaboratives et consultatives existent déjà dans la majeure partie de l'Église mondiale – et qu'être une Église en mission permanente dépend moins de la répartition des postes à la Curie romaine (ou à la chancellerie diocésaine) que de la capacité des membres des ordres sacrés à donner aux laïcs les moyens d'agir pour l'évangélisation.

    Quatrièmement, les composantes vivantes de l'Église mondiale ont démontré avec force qu'une évangélisation réussie implique d'offrir et de vivre pleinement le catholicisme, et non de stagner dans l'Église du « peut-être ». Certes, la vie de foi est un cheminement continu. Ce cheminement doit cependant avoir une destination, et la clarté de la doctrine et une vie juste nous permettent de rester concentrés sur cette destination : le Royaume de Dieu manifesté en la personne de Jésus-Christ. Un témoignage audacieux de cette vérité a été un autre fruit du Synode sur la synodalité.

    En supposant que le processus synodal ne soit pas une fin en soi et en reconnaissant que le processus synodal de 2021-2024 a produit de bons fruits, on peut peut-être suggérer qu’il est maintenant temps de passer du synodisme à l’application des fruits des trois dernières années à la mission et à l’évangélisation.

    Il n'est pas évident de savoir comment cette transition sera facilitée par la récente publication du Secrétariat général du Synode, intitulée « Pistes pour la phase de mise en œuvre du Synode 2025-2028 ». Ce document envisage un processus de trois ans, long et très coûteux, de réunions nationales et continentales, suivi d'une « Assemblée ecclésiale » mondiale à Rome, longue et encore plus coûteuse, dont la nature reste indéfinie. De plus, ce nouveau processus, tel que décrit par Sœur Nathalie Becquart, responsable du Secrétariat du Synode, ne cherche pas à résoudre les « tensions » entre les « parties » par un « arrangement impossible », mais à gérer ces tensions dans un « dynamisme » qui sera vécu différemment selon les secteurs de l'Église mondiale.

    En ce 1700e anniversaire du Concile de Nicée, il convient de souligner, avec le Père Gerald Murray , que si une telle approche avait été adoptée à l'époque, il n'y aurait pas de Credo universellement confessé dans l'Église aujourd'hui. À Nicée, les « tensions » au sein de l'Église n'ont pas été résolues de manière dynamique, mais définitive : la négation arienne de la divinité du Christ a été rejetée avec autorité et l'orthodoxie chrétienne a été affirmée avec autorité.

    Ce n’est pas dénigrer les réalisations du processus synodal 2021-2024 que de suggérer que ses fruits essentiels ont été récoltés et qu’il est temps de passer à autre chose : non pas avec davantage de réunions, ni avec des débats circulaires sur des questions réglées de la foi et de la pratique catholiques, mais avec la proclamation de Jésus-Christ qui, comme l’a enseigné Vatican II, révèle la vérité sur Dieu et la vérité sur nous.

  • La voie synodale en Allemagne est-elle en train de se terminer ou ne fait-elle que commencer ?

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    De Luke Coppen sur le Pillar :

    La voie synodale en Allemagne est-elle en train de se terminer ou ne fait-elle que commencer ?

    Bien qu’officiellement terminé il y a deux ans, le projet est sur le point d’entrer dans une période cruciale.

    Le projet de chemin synodal allemand est sur le point d’entrer dans une phase décisive.

    Les lecteurs qui n'ont pas suivi les moindres rebondissements de l'initiative pourraient être surpris. Ils se souviendront peut-être que la voie synodale a officiellement pris fin en 2023.

    Alors comment peut-on se rapprocher d’un moment critique maintenant ?

    Bien qu’il ait été officiellement conclu il y a deux ans, le projet est sur le point d’entrer dans une période cruciale au cours de laquelle le sort de ses nombreuses résolutions – en particulier son appel à la création d’un organe synodal permanent – ​​sera probablement décidé.

    Examinons de plus près ce qui attend l’Église en Allemagne dans les mois à venir.

    C'est quoi la voie synodale, encore ?

    Avant d’examiner les développements à venir, un rapide aperçu de l’initiative de la voie synodale pourrait être utile.

    Au milieu d'une crise dévastatrice d'abus, la conférence des évêques allemands et le Comité central laïc des catholiques allemands (connu sous ses initiales allemandes, ZdK) ont annoncé en 2019 le lancement d'un « Synodale Weg » (chemin ou voie synodale).

    La voie synodale n'était pas un synode au sens du droit de l'Église, mais un projet unique au statut ambigu. Alors que ses partisans déclaraient que ses résolutions seraient contraignantes pour les diocèses allemands, le Vatican insistait sur le fait qu'il n'avait aucune autorité de ce type.

    La voie synodale a réuni les évêques allemands et des laïcs sélectionnés lors de cinq assemblées entre 2020 et 2023. Les participants ont approuvé 150 pages de résolutions qui comprenaient des appels aux femmes diacres, un réexamen du célibat des prêtres, la prédication laïque aux messes, un rôle plus important des laïcs dans la sélection des évêques et une révision du Catéchisme de l'Église catholique sur l'homosexualité.

    La résolution la plus importante appelait peut-être à la création d'un organe temporaire composé d'évêques et de laïcs, appelé « comité synodal ». Ce comité surveillerait la mise en œuvre des résolutions synodales dans les diocèses et ouvrirait la voie à la création d'un « conseil synodal » permanent d'ici mars 2026.

    Cet organe permanent, composé également d'évêques et de laïcs, remplacerait l'organe existant connu sous le nom de Conférence conjointe , qui réunit périodiquement depuis 1976 des représentants de la conférence épiscopale et du ZdK.

    Selon la résolution approuvée en 2022, le conseil synodal « prendrait des décisions fondamentales d’importance supra-césaine sur la planification pastorale, les perspectives d’avenir de l’Église et les questions financières et budgétaires de l’Église qui ne sont pas décidées au niveau diocésain ».

    La démarche synodale dans son ensemble – et la proposition de concile synodal en particulier – a suscité une série d' interventions du Vatican . Elles ont abouti en 2024 à l'engagement des évêques allemands de développer l'initiative « conformément à l'ecclésiologie du Concile Vatican II, aux exigences du droit canonique et aux résultats du synode mondial, et de la soumettre ensuite à l'approbation du Saint-Siège ».

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  • Le Christ au centre. Nouveautés et embûches de ce début de pontificat

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    De Sandro Magister sur Settimo Cielo (en français sur diakonos.be) :

    Le Christ au centre. Nouveautés et embûches de ce début de pontificat

    (s.m.) « Disparaître pour que le Christ demeure, se faire petit pour qu’Il soit connu et glorifié ». Dès son inauguration comme successeur de Pierre, le pape Léon n’a pas fait mystère de la place centrale qu’il donne au Christ – et à Lui seul – au centre de sa mission, de son service et de sa vie.

    Et il tient à ce que l’unité de l’Église se recompose également autour du Christ, comme il m’a mis en exergue dans sa devise épiscopale tirée de saint Augustin : « in Illo Uno Unum », c’est-à-dire « dans l’Unique Christ, nous sommes un ».

    Ce qui va suivre est l’évaluation des 100 premiers jours du pontificat de Léon XIV que Robert P. Imbelli, prêtre de l’archidiocèse de New York et théologien réputé, a publié le 17 juillet en langue anglaise dans « Public Discourse – The Journal of the Witherspoon Institute ».

    Le Père Imbelli a effectué ses études à Rome, à l’Université pontificale grégorienne et aux États-Unis, à l’Université de Yale. Il a enseigné la théologie au Boston College et une sélection de ses écrits a été récemment publiée sous le titre « Christ Brings All Newness : Essays, Reviews and Reflections ». Il a collaboré à « L’Osservatore Romano » dans les années où il était dirigé par Giovanni Maria Vian.

    À lui la parole avec les remerciements de Settimo Cielo, qui reprendra ses publications après quelques jours de congés estivaux.

    (sur la photo du 3 juillet, le pape Léon avec les enfants du Centré d’été du Vatican, dont 300 ukrainiens).

    *

    Centrés sur le Christ : réflexions sur les 100 premiers jours du pape Léon

    de Robert P. Imbelli

    Les premières impressions des premiers mois du pontificat de Léon XIV ont souvent porté sur des questions de style, d’ornements et de gestuelle. C’est ainsi que sa première apparition sur le balcon de la basilique Saint-Pierre, vêtu de la mozette et de l’étole papale a été considérée à juste titre comme un contraste avec son prédécesseur, le pape François, qui a dédaigné l’une et l’autre. Bien vite, sa décision de résider au palais apostolique et de passer ses vacances dans la villa papale de Castel Gandolfo ont marqué une nette différence de style avec son prédécesseur qui s’était non seulement tenu à distance de cette résidence mais qui négligeait soigneusement les vacances.

    Quoique ces divergences de style ne soient pas décisives, elles n’en demeurent pas moins révélatrices. Elles suggèrent que, contrairement à la tendance de François de modeler la fonction sur sa personne, Léon semble plutôt enclin à accommoder sa personne à la fonction qu’il a acceptée. À bien des égards, cette disposition « kénotique » reflète la promesse qu’il a faite à la messe pro ecclesia avec les cardinaux électeurs, de « disparaître pour que le Christ demeure, se faire petit pour qu’Il soit connu et glorifié. »

    Le nom qu’il a choisi manifeste selon moi ce désir de faire passer sa fonction avant sa personne. Il n’y a aucun doute que le choix de « Léon » révèle un engagement envers la sensibilité sociale et intellectuelle du pape Léon XIII. Mais ce choix constitue également un contraste par rapport à l’impulsion idiosyncratique de son prédécesseur qui avait choisi le nom de « François » qui n’avait encore jamais été employé auparavant.

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  • Evangelium Vitae : plus nécessaire aujourd'hui que jamais

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    De Stefano Fontana sur la NBQ :

    Aujourd'hui plus que jamais, Evangelium vitae est nécessaire

    Trente ans après l'encyclique de saint Jean-Paul II, même de nombreux catholiques ont relâché leur emprise sur la défense de la vie humaine, de la conception à la mort naturelle. En 1995, l'EV était considérée comme faisant partie de la SDC. L'Église synodale d'aujourd'hui ne comprend plus correctement ni l'une ni l'autre.

    31 juillet 2025

    L'encyclique Evangelium Vitae (EV) de saint Jean-Paul II sur la défense de la vie humaine a fêté ses trente ans (1995-2025). Durant ces trente années, elle a été négligée, voire presque oubliée. Heureusement, le Comité Vérité et Vie a pris l'initiative de la commémorer en organisant la semaine dernière à Bergame le 12e Séminaire Mario Palmaro, précisément à cette occasion. Toutes les présentations étaient axées sur Evangelium Vitae.

    L'encyclique parlait d'un « peuple de la vie » luttant pour une « culture de la vie ». Mais on n'a presque plus de nouvelles de ce peuple, et cette culture est en déclin dramatique. Si l'on se concentre uniquement sur ces derniers mois, on est frappé par la croissance exponentielle des attaques systématiques contre la vie. Le gouvernement australien a étendu les allocations de maternité aux femmes qui interrompent leur grossesse après la vingtième semaine : d'une incitation à la naissance, elle est devenue une incitation à la mort [voir ICI ]. En juin dernier, en Angleterre et au Pays de Galles, la Chambre des communes a voté la dépénalisation de l'avortement jusqu'au neuvième mois de grossesse [voir ICI ] et approuvé la loi sur le suicide assisté. La lecture de rapports spécifiques révèle qu'en 2024, 73 millions d'avortements provoqués ont été pratiqués dans le monde, et que l'avortement reste la principale cause de décès [voir ICI ]. En mai dernier, l'Assemblée nationale française a approuvé un projet de loi sur le suicide assisté ; en France, le droit à l'avortement a été inscrit dans la Constitution. Dans presque tous les pays occidentaux, la mort est monnaie courante, et du Canada aux Pays-Bas [voir ICI ], l’euthanasie tue désormais même sans consentement.

    Il ne fait donc aucun doute qu'Evangelium Vitae est nécessaire . Pourtant, même au sein de l'Église et parmi les catholiques, la question est mal comprise, tandis que les divisions et les hésitations perturbent la doctrine et ralentissent l'action.

    Dans les années 1990, lors de la publication de l'encyclique, le thème de la vie était envisagé dans le cadre de la Doctrine sociale de l'Église (DSE). Evangelium Vitae n'était pas seulement une encyclique de bioéthique, mais de théologie morale sociale. Elle abordait le sujet non pas sous l'angle de la moralité personnelle, mais plutôt de la moralité sociale et publique. Cette approche était évidente dès les premières lignes, où les pauvres de l'ère Rerum Novarum, les travailleurs, étaient comparés aux nouveaux pauvres, les enfants conçus et tués par avortement provoqué et financé par l'État. Cette comparaison indiquait qu'Evangelium Vitae était, à sa manière, une encyclique sociale. À l'époque, on tentait – avec ou sans succès, laissons cela de côté – de relancer organiquement et systématiquement la DSE, mais aujourd'hui, nous vivons dans un contexte radicalement différent. Aujourd'hui, la DSE est comprise comme une intervention humaniste aux côtés de tous les autres hommes sans distinction, selon les principes d'une fraternité universelle fondée sur le fait que nous sommes tous dans le même bateau de l'existence. On ne l'entend plus comme un contenu, mais comme une attitude, non comme une manière d'être essentielle pour l'Église, mais comme une posture existentielle. A l'époque, le mot « monde » désignait l'ordre naturel et finaliste de la société humaine, en quête de salut, même à son niveau. Aujourd'hui, « monde » désigne plutôt l'histoire de l'humanité, avec l'Église en son sein, ensemble et sur un pied d'égalité avec tous les autres acteurs. Evangelium Vitae et la DSE résistent ou s'effondrent ensemble ; lorsque l'une s'affaiblit, l'autre aussi.

    Par exemple, Evangelium Vitae constitue une critique théorique très forte de la démocratie, établissant un lien non occasionnel entre elle et le totalitarisme, renouant ainsi avec les invectives bien connues du magistère du XIXe siècle. Dans E.V., Jean-Paul II a posé les bases de cette vaste révision de la démocratie et du lien non occasionnel entre démocratie et totalitarisme. (...)

    L'abandon combiné de la lutte pour la vie — nous avons aujourd'hui des présidents de conférences épiscopales comme celles d'Italie et d'Allemagne qui qualifient de « bonnes » les lois autorisant l'avortement dans leurs pays respectifs — et de la DSE peut être observé dans deux autres aspects.

    La Convention sur la diversité biologique (CDB) fournit le cadre général de l'engagement pour la vie. Ce cadre inclut la référence à un ordre naturel et finaliste et la doctrine des principes non négociables. Ces deux concepts sont aujourd'hui considérés comme « dépassés », à tel point qu'aucune distinction n'est faite entre les politiques d'avortement et celles relatives à l'immigration, à la pauvreté ou à l'environnement.

    Cette confusion sur le contenu s'accompagne d'une confusion sur les rôles au sein de l'Église . Le chapitre IV d'E.V. était comme un directoire pastoral pour la vie, spécifiant qui devait faire quoi : des mères aux évêques, des grands-parents aux intellectuels, des bénévoles aux politiciens, des prêtres aux professionnels de la santé : chacun avait un rôle à jouer dans un but unique. Dans l'Église synodale d'aujourd'hui, ce n'est plus le cas : les tâches spécifiques ne sont pas clarifiées, mais mélangées, comme si l'Église n'avait pas d'ordre interne et comme si chacun était appelé à tout faire.

    E.V. et DSE sont interconnectés et leur relation est fondamentale pour tous deux. L'engagement et le combat pour une culture de la vie s'affaibliront s'ils ne s'ancrent pas dans l'engagement plus large de construire une société chrétienne, qui demeure l'objectif ultime de la DSE.

  • Une trajectoire synodale remplie de jargon

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    Du sur The Catholic Thing :

    La trajectoire synodale remplie de jargon

    Vendredi 18 juillet 2025

    Lorsque le pape Léon XIV s'est exprimé depuis le balcon de la basilique Saint-Pierre le jour de son élection, il a déclaré : « Nous voulons être une Église synodale. » L'importance de cette déclaration dépend, bien sûr, de la façon dont le pape Léon comprend la synodalité. La notion d'Église Une, Sainte, Catholique, Apostolique – et désormais synodale – est peu claire pour la plupart, car la synodalité est un concept largement méconnu. Sa signification émergera à mesure que le pape Léon guidera le « chemin synodal » avec l'aide du Secrétariat général du Synode. La dernière contribution de ce secrétariat à la saga définitionnelle en cours n'est guère encourageante.

    Si vous vous interrogez sur le but du Synode sur la synodalité, le Secrétariat général, dans les Chemins pour la phase de mise en œuvre du Synode 2025-2028 , a fourni cette réponse : « construire une Église synodale ».

    Si vous vous demandez également ce qu’est la synodalité , Sœur Nathalie Becquart, XMCJ, Sous-secrétaire du Secrétariat du Synode, a répondu dans une récente interview :

    Je cite souvent un théologien australien présent à notre synode, Ormond Rush, qui affirme : « La synodalité, c'est le Concile Vatican II en résumé. » Tous nos documents, et encore dans le Document final, soulignent que notre démarche se réfère véritablement à la vision du Concile Vatican II. On peut dire que la synodalité est la voie à suivre pour comprendre l'ecclésiologie du Concile Vatican II à ce stade de sa réception. Il ne s'agit donc que de poursuivre la réception du Concile Vatican II. Car, d'une certaine manière, le Concile n'est pas encore mis en œuvre partout.

    Nulle part dans les documents du Conseil, cependant, une telle idée n’est avancée.

    Sr Becquart poursuit :

    C'est donc une façon d'être Église. C'était une façon, née dans l'Église primitive, que nous retrouvons comme fruit du Concile Vatican II, soulignant que, avant tout, nous sommes tous baptisés ; et baptisés ensemble en tant que peuple de Dieu, nous sommes appelés à poursuivre la mission ensemble. Ainsi, chaque baptisé est appelé à être acteur de la mission, pour nous aider à comprendre que nous sommes appelés à travailler ensemble, en exerçant une coresponsabilité pour la mission – une coresponsabilité différenciée, bien sûr, car nous n'avons pas tous les mêmes vocations. Il existe une diversité de vocations, de charismes, de ministères. Mais nous sommes peuple de Dieu, en chemin avec les autres.

    Comment cette « manière d'être Église » verra-t-elle le jour ? Le Secrétariat du Synode, se référant au Document final [DF] de l'Assemblée synodale de 2024, propose cette justification fastidieuse et pleine de jargon d'un programme révolutionnaire [jargon souligné] :

    Le dynamisme qui anime la DF, et que la phase de mise en œuvre est appelée à assumer, découle de l'articulation continue de certaines polarités et tensions qui structurent la vie de l'Église et la manière dont les catégories ecclésiologiques l'expriment. Voici quelques-unes de ces polarités : l'Église entière et l'Église locale ; l'Église comme peuple de Dieu, comme Corps du Christ et comme Temple de l'Esprit ; la participation de tous et l'autorité de certains ; la synodalité, la collégialité et la primauté ; le sacerdoce commun et le sacerdoce ministériel ; le ministère (ministères ordonnés et institués) et la participation à la mission en vertu de la vocation baptismale sans forme ministérielle. La mise en œuvre de la DF exige d'aborder et de discerner ces tensions au fur et à mesure qu'elles apparaissent dans les circonstances de chaque Église locale. La voie à suivre ne consiste pas à rechercher un arrangement impossible qui éliminerait les tensions au profit de l'une des parties. Il sera plutôt nécessaire , dans l'ici et maintenant de chaque Église locale, de discerner lequel des équilibres possibles permet un service plus dynamique de la mission. Il est probable que des décisions différentes seront prises à différents endroits.

    Georg Wilhelm Friedrich Hegel par Jakob Schlesinger, 1825 [Galerie nationale de Berlin, Allemagne]

    Le concile de Nicée ne passerait pas le test de la synodalité car il a en fait accompli « l’arrangement impossible » d’« éliminer les tensions » en décidant « en faveur de l’un des camps », c’est-à-dire que l’orthodoxie a été affirmée et l’hérésie a été anathématisée.

    Quand l'Église a-t-elle enseigné que les doctrines catholiques sont des « polarités » révélant des « tensions » devant être surmontées pour parvenir à un « équilibre » ? C'est du pur hégélianisme. Première étape : la thèse rencontre l'antithèse, aboutissant à une synthèse ; deuxième étape : répéter la première étape, à l'infini . Dans ce schéma, l'Église n'enseigne pas la vérité dogmatique, mais réfléchit plutôt à différentes approches qui doivent être mises en balance.

    Dans une situation de polarité, les deux camps doivent se satisfaire d'une certaine forme de « diversité réconciliée ». La permanence de la vérité a disparu, le « dynamisme » remodelant les « catégories ecclésiologiques » est à la mode. À propos, la doctrine catholique est-elle désormais une simple « catégorie ecclésiologique » modifiable à volonté ? Il semble bien que oui.

    L'enseignement de Vatican II est autonome. L'essence même de la synodalité, qui constitue l'essence du message du Concile, ne figure nulle part dans les documents du Concile. Le Synode des évêques, créé par le Concile, est un organe consultatif d'évêques convoqués par le pape pour donner des conseils lors de réunions périodiques sur des sujets particulièrement pertinents pour la vie de l'Église. Il ne constitue pas la base de départ pour la construction d'une nouvelle Église synodale dans laquelle tous les baptisés participent à son gouvernement.

    L’Église n’a pas besoin d’être reconfigurée en un groupe de discussion synodal perpétuel dirigé par des responsables du Vatican, impliquant des évêques et des non-évêques sélectionnés, dans lequel les tensions (naturellement produites lorsque des idées hérétiques sont présentées comme des versions nouvelles et améliorées de la foi catholique) doivent être apaisées parce que la synodalité exige la fausse notion de « diversité réconciliée ».

    L’argument selon lequel le concept de synodalité tel qu’énoncé par le Secrétariat du Synode n’est que la réalisation finale de la promesse non tenue de Vatican II peut être convaincant pour ses partisans, mais il ne correspond pas à ce qui s’est réellement passé à Vatican II.

    Si l’on cherche des précédents historiques, l’étude de l’anglicanisme donnera un aperçu des marécages et des bancs de sable dans lesquels les choses se dirigent dans la trajectoire actuelle.