De Louis Daufresne sur La Sélection du Jour :
« Les Éblouis » : glissement progressif du délire
Depuis Grâce à Dieu de François Ozon, sorti en février, on sait que le clergé peut être complice des abus sexuels de ses prêtres. Avec Les Éblouis de Sarah Suco, c’est au tour des communautés charismatiques de « dérouiller ». Les voilà accusées de « dérive sectaire ». Il y a comme un décalage : des faits dont on ne peut mesurer l'ampleur et remontant aux années 80 sont présentés comme généralisables à une situation présente. La réalisatrice a beau souligner que « Ce n’est pas un film à charge contre l’Église catholique », l'institution prend quand même cher, par son absence de contrôle. Ici, la dérive sectaire advient sans que nulle autorité n'intervienne, un laxisme semblant relever d'une autre époque. Dans Les Éblouis, la communauté catholique ne ressemble pas au Temple solaire ou à une cellule djihadiste du Sahel. Sarah Suco le précise : la communauté agit « dans la paroisse du coin d’une ville de province », en l’espèce Angoulême. C’est sous cet aspect un peu subliminal que la responsabilité de l’institution catholique est engagée, à double titre :
1. avoir confié une paroisse et ses fidèles à un loup « déguisé » en berger. Manque de discernement.
2. Ne jamais s’être assuré qu’il s’agissait bien d’un berger et pas d’un loup. Manque d'autorité.
Sarah Suco sait de quoi elle parle. Toute sa jeunesse (de 8 à 18 ans !), elle la vécut dans une communauté dont le nom n'est pas cité, ce qui permet de taper large. Camille met en scène sa propre histoire. Tout est filmé à la hauteur de son ressenti. Pour un premier rôle au cinéma, la prestation de Céleste Brunnquell est magistrale. Qu’il s’agisse de ses parents (Camille Cottin et Éric Caravaca) ou du berger/gourou (Jean-Pierre Darroussin), les autres rôles sonnent parfaitement juste.