Lu sur le site web « Benoit et moi », cet article d’Andrea Gagliarducci (Vatican Reporting 11 février 2022) ouvert sur un monde intérieur auquel le nôtre a perdu tout accès:
« Neuf ans après sa démission, Benoît XVI se comporte encore en Pape. Et il le fait précisément en ne voulant pas être Pape, en n’ayant jamais fait un pas en avant par rapport au rôle de Pape émérite qu’il s’est taillé, un rôle très original et unique dans l’histoire de l’Église, celui d’un Pierre qui reste sub umbra Petri, à l’ombre de Pierre, comme un sanctuaire qui a un lien particulier justement avec le Siège apostolique. Benoît XVI se comporte encore en Pape, car rien en lui n’est personnalisme, rien n’est désir de vengeance. Il y a l’Église, il y a le Pape, et il n’y a pas de vie ou de réputation personnelle qui tienne.
Il l’avait démontré il y a neuf ans, quand à l’improviste il avait déclaré la renunciatio à un groupe de cardinaux abasourdis réunis en consistoire dans un jour de célébration au Vatican (le 11 février est l’anniversaire des Accords du Latran) pour fixer des dates de canonisation. Et il l’a démontré dans les jours précédant l’anniversaire de sa démission, dans une lettre qui accompagnait la réponse des avocats qui l’avaient aidé à analyser les documents du rapport sur les abus commandés par l’archidiocèse de Munich et Freising, et à réfuter les accusations selon lesquelles il avait mal géré, voire délibérément ignoré, certaines situations.
Documents en main, déclarations des avocats examinées, il est clair que les accusations étaient fausses, que Ratzinger n’a rien sous-estimé ni négligé. Il ignorait simplement certaines choses et en déléguait d’autres. Et pourtant, il a suffi d’une erreur (pas du pape émérite) dans la rédaction de sa réponse pour le traiter de menteur, selon une campagne médiatique qui a toujours trouvé en lui une cible facile.
Il serait facile pour Benoît XVI de répondre uniquement sur la base du droit et des documents. Mais ce n’est pas ce que fait un homme d’Église. Et le pape émérite est un homme amoureux de Dieu et de l’Église. Tellement amoureux que tout dans sa vie est lu à travers les yeux de Dieu, à travers les mots d’un Évangile et d’une Bible qu’il a médités d’innombrables fois, jusqu’à en saisir la profondeur, comme un joaillier qui connaît chaque coin, chaque reflet, chaque lumière produite par le diamant qu’il a devant lui.
Benoît XVI n’a jamais séparé ses décisions de la réflexion sur l’Église, sur l’Évangile, sur Dieu. Il ne l’a pas fait, même maintenant, alors que les accusations se sont à nouveau élevées contre lui, entre autres sur des questions déjà éclaircies, sur des situations déjà exposées.
Ce n’est pas la première fois que Benoît XVI doit répondre à des accusations gratuites. Il a toujours choisi dans ses réponses une approche personnelle. Comme quand il a écrit une lettre pour expliquer sa décision de révoquer l’excommunication de quatre évêques lefevristes, au milieu de la controverse provoquée par l’un d’entre eux. C’était une lettre pastorale, une lettre qui stigmatisait le phénomène de « mordre et se dévorer » qui s’était créé parmi les frères eux-mêmes, et le comparait à une attitude que les apôtres avaient déjà. En pratique, Benoît XVI soulignait qu’il n’y avait rien de nouveau, que l’Eglise était imprégnée de ces attaques fratricides et immotivées, et que c’était la conversion nécessaire, pour se détacher de ce « mordre et se dévorer » .
Benoît XVI s’était également exprimé de manière pastorale lorsqu’il avait écrit aux catholiques d’Irlande après le scandale des abus. Le pape avait rencontré les évêques pour comprendre la situation, il avait décidé d’envoyer une visite apostolique en Irlande, mais il avait aussi décidé d’écrire, pour essayer de comprendre les causes du drame qui s’était produit dans ce pays qui avait toujours été catholique.