Auteurs païens du Ier siècle et Nouveau Testament (source)
Indices de la connaissance du Nouveau Testament chez les romanciers de l’Antiquité et autres auteurs païens du Ier siècle après Jésus-Christ
Intervention de Madame Ilaria Ramelli, professeur à l’Université Catholique de Milan, au congrès sur « La Contribution des Sciences Historiques à l’Etude du Nouveau Testament » (Rome, 2-6 octobre 2002) (Actes : Libreria Editrice Vaticana)
Je voudrais présenter ici quelques aspects de différentes recherches historico-littéraires relatives au Ier siècle ap. J.-C. que j’ai récemment faites, qui abordent aussi l’étude du Nouveau Testament et, en particulier, son éventuel accueil en milieu païen.
Tout d’abord, je voudrais rappeler un fait important qui, vers la fin du premier siècle de notre ère, nous arrive d’Egypte, un fait emblématique de la façon dissimulée avec laquelle, à ses débuts, le Christianisme, superstitio illicita, a souvent dû s’exprimer, assimilant et renouvelant parfois des formules déjà présentes dans la culture païenne.
La lettre d’Ammonius à Apollonius
C’est en Egypte, comme on sait, qu’a été retrouvé le célèbre Papyrus Rylands 457, conservé dans la Bibliothèque J. Rylands de Manchester et contenant une partie de l’Evangile de Jean (Jn 18, 31-33, 37-38). Publié en 1935, il a déterminé la datation de cet Evangile, la plaçant quelques décennies avant 125 – date de la rédaction de ce papyrus –, c’est-à-dire au plus tard, à la fin du Ier siècle[1]. Eh bien, comparé au Pap. Rylands 457, nous aurions parmi les papyrus d’Oxyrhynchus [Egypte] un document épistolaire (POxy 3057) de la même époque – ou qui pourrait même être encore plus ancien –, déjà publié il y a quelques dizaines d’années par P.J. Parsons[2] et par lui daté sur base paléographique de la fin du Ier siècle ou des toutes premières années du deuxième. Le caractère chrétien de cette lettre, déjà supposé à plusieurs reprises par différents savants, est aujourd’hui soutenu sur la base de nouveaux arguments par Orsolina Montevecchi et moi-même.[3] La lettre, écrite par un certain Ammonius à un certain Apollonius, est très probablement chrétienne, parce qu’un trait est placée sur le chi [χ] du salut initial χαίρειν, comme il était d’usage – note Orsolina Montevecchi – justement pour les nomina sacra[4] et signifiant Christ. C’est précisément, en effet, à l’époque à laquelle remontent à la fois la lettre d’Oxyrhynchus et l’Evangile de Jean, que les abréviations propres aux nomina sacra commençaient à être utilisées. Le signe du chi, employé dans cette lettre était déjà connu du monde païen dans le domaine philologique comme signe diacritique[5] servant à attirer l’attention du lecteur sur un point du texte, mais aussi dans le domaine commercial pour l’annulation de contrats, ou encore pour le cachetage de lettres. Mais les correspondants semblent l’avoir employé ici comme symbole du Christ, un symbole masqué, étant donné la prudence nécessaire à une époque où les persécutions avaient déjà commencé.
Des soucis propres aux communautés chrétiennes
La έπιστολη κεχιασµένη (c’est-à-dire lettre en forme de χ-chi ou de croix) qu’Ammonius dit avoir reçue d’Apollonius est une lettre sur la signification de laquelle beaucoup de traducteurs et de critiques se sont interrogés, car elle n’est pas ouvertement chrétienne – mais il était dangereux à ce moment-là de se révéler chrétien. Ou alors, il s’agit probablement d’une première lettre marquée elle aussi du « χ-chi », nomen sacrumtrès parlant aux yeux de son destinataire chrétien. La visée chrétienne du texte qu’on possède constitue la seuole explication possible de beaucoup de détails que j’ai remarqués, relatifs aussi bien à la langue – avec des syntagmes[6] qui ne se trouvent exclusivement que dans des lettres chrétiennes – qu’au contenu de la missive.