De Gédéon Pastoureau sur le site "MauvaiseNouvelle.fr" :
Makine au-delà des frontières
A Bruno Lafourcade, écrivain vivant.
Difficile de brûler d’enthousiasme pour la production littéraire française actuelle. On a tôt fait de se tourner vers des auteurs plus morts que courant les salons. Et lorsqu’en cette matière, on ne partage pas les dilections de l’époque, tenter de causer littérature avec ses contemporains expose à d’inconfortables moments durant lesquels le fossé qui nous sépare de notre prochain nous apparaît plus large et profond que la fosse des Mariannes.
Il existe tout de même quelques romanciers non décédés qui méritent que vous vous intéressiez à leurs écrits, éternellement vivants : des écrivains qui n’ont pas abdiqué, des auteurs qui sont encore des hommes et non de falots homoncules juchés sur leurs certitudes post-modernes.
L’écrivain et ses doubles
Je n’avais réellement lu de Makine que son petit livre Cette France qu’on oublie d’aimer. Sans doute le plus court de sa bibliographie et à la marge de son œuvre romanesque, ce pamphlet en forme d’hommage délicat, érudit et clairvoyant témoignait en 2006 de la lucidité de l’auteur quant à la situation de notre pays : à la fois déclaration d’amour et cri brisé de Cassandre, les pages de cet ouvrage laissent un goût amer et quelques acouphènes, malgré l’optimisme final affiché[1]. Les réactions très contrastées qu’il suscita lors de sa sortie – notamment celles, outrées ou silencieuses, des clercs germanopratins et de leurs suiveurs thanatopraxiés – ne manquèrent pas de confirmer que l’auteur avait visé juste.
Cette première lecture ayant suffisamment aiguisé l’envie, je me tournai alors vers son roman Le Testament français, publié en 1995, qui trônait dans une bibliothèque amie. Toutefois, lui ne me porta pas plus loin qu’une cinquantaine de pages, mais je me promets aujourd’hui d’y replonger bientôt.
Même si Mauvaise Nouvelle a déjà accueilli Andreï Makine, à travers les lectures de Maximilien Friche (Le pays du lieutenant Schreiber) et de Murielle Lucie Clément (L’archipel d’une autre vie), les romans en question ont demeuré sur ma liste de livres à lire, sans que je les en déloge.