De Dorian Malovic sur le site du journal La Croix (extraits) :
En Chine, les catholiques chinois plus que jamais sur le qui-vive
La journée mondiale de prière pour l’Église en Chine se tient ce vendredi 24 mai. Dans ce pays, les 12 millions de catholiques chinois restent une cible privilégiée du Parti communiste. Six ans après l’accord entre le Vatican et Pékin, et alors que le Saint-Siège a tendu la main à la Chine lors d’un colloque mardi 21 mai, les catholiques, officiels comme clandestins, ont un sentiment d’abandon, car la situation s’est profondément « dégradée » avec Xi Jinping.
22/05/2024
« Nous continuons à soigner nos personnes âgées et prions ensemble chaque jour dans la plus grande discrétion… Plus que jamais nous devons être extrêmement prudents car les autorités nous surveillent de très près. » Ces quelques mots soufflés sur messagerie cryptée à un journaliste occidental qui la connaît depuis longtemps pourraient coûter très cher à sœur Claire, pseudonyme qu’elle s’est choisi pour ne pas être repérée par les services très sophistiqués de cybersurveillance chinois. « Les yeux et les oreilles du Parti communiste chinois ne dorment jamais. »
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Depuis son monastère clandestin camouflé en maison de retraite aux confins de la province minière du Shanxi au nord de la Chine, sœur Claire mène une vie monastique depuis plus de vingt ans avec trois autres religieuses. « Dieu me regarde aussi, mais lui me protège. » À ses yeux, l’accord signé en octobre 2018 et toujours en vigueur, permettant au Vatican et à la Chine de nommer, d’un commun accord, des évêques dans tout l’empire du Milieu, « n’a pas changé grand-chose ; pire, car les cadres de l’Association patriotique des catholiques chinois (APCC) (1) sentent leur légitimité renforcée et nous contraignent à suivre les directives centrales du parti. » Quitte à utiliser la contrainte physique. Sœur Claire reconnaît toutefois que pour les 12 millions de catholiques chinois, « officiels » comme « clandestins », la situation s’est profondément « dégradée » depuis l’arrivée au pouvoir du leader Xi Jinping en 2012.
Avec Xi Jinping, un basculement dramatique
À plus d’un millier de kilomètres de là, encore en sécurité dans son diocèse de Hong Kong, Annie, catholique militante de 60 ans, ressent ce « basculement dramatique depuis plusieurs années ». Pour cette fidèle très engagée en Chine où elle a souvent enseigné pendant trente ans, « nous sommes presque revenus à la fin des années 1970 quand nous ne savions rien de ce qui se passait au-delà du rideau de bambou ». Très rares aussi aujourd’hui sont les prêtres, religieuses ou fidèles chinois qui osent s’exprimer par téléphone, mail ou messagerie, même cryptée. « C’est trop dangereux. »
Les informations circulent très mal, ou pas du tout. Se rendre sur place est tout aussi risqué. « Je n’ose plus aller sur le continent pour visiter une paroisse, confie Chan, journaliste catholique hongkongais. Je mettrais en danger les prêtres et les fidèles rencontrés, la surveillance s’est renforcée, des caméras sont installées devant les églises… »« Lorsqu’on arrive à joindre une connaissance de longue date, raconte Annie, elle ne parle pas, et encore moins sur l’accord de 2018. » Comme si le sujet était radioactif.