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Politique - Page 103

  • RDC : Le message du pape a rendu courage au peuple congolais

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    Jean-Claude Mputu images.jpgSelon la Libre Afrique le pouvoir qui espérait capitaliser sur ce voyage en vue des prochaines élections a été secoué par les discours de François. C’est du moins le point de vue du politologue Jean-Claude Mputu (issu de l’Université de Liège, nde Belgicatho) :

    « Ce jeudi, à l’occasion de la rencontre avec la jeunesse congolaise au stade des Martyrs de Kinshasa, à portée de voix du parlement, des milliers de jeunes ont scandé “Fatshi oyebela Mandat esili” (“Fatshi, sache-le, ton mandat est fini”).

    Le pouvoir de Félix Tshisekedi, qui espérait transformer cet accueil du pape François en terres congolaises en une démonstration de force de sa “diplomatie galopante”, en est pour ses frais. Le message du pape a revigoré une Église catholique qui semblait à bout de souffle ces derniers mois. “Nous espérons des mots justes pour nous redonner confiance”, nous expliquait dimanche soir, à la veille de l’arrivée du Saint-père à Kinshasa, un évêque congolais, qui avouait : “on est un peu fatigué. On a lutté au côté du peuple pour la démocratie en prenant des risques sous Kabila. On a lutté pour la vérité des urnes et on se retrouve avec un régime qui est entre les mains d’un ancien opposant devenu peut-être pire que son prédécesseur. C’est terriblement usant”.

    Quelques heures plus tard, après le premier discours “percutant” du pape face aux autorités et au peuple de Kinshasa, le ton a changé : “François a tout dit… dans les formules de la diplomatie vaticane”. “Il y aura bien un avant et un après voyage du pape au Congo”, explique un prélat.

    ”Le message du pape démontre que la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) a fait un bon travail en amont, explique Jean-Claude Mputu, politologue et chercheur congolais. François a bien été briefé. Son discours transpire de cette connaissance. Ses mots sont justes et il n’épargne personne. La communauté internationale en prend pour son grade sur l’exploitation des richesses du pays. Le pouvoir, corrompu, affairiste et tribaliste, n’est vraiment pas épargné. Le seul gagnant, c’est le peuple”, poursuit-il, jugeant : “il est réconforté, il retrouve de l’énergie pour se battre. La machine est relancée”.

    La société civile au centre du combat

    Cela signifie-t-il que la Cenco se retrouvera au centre du combat comme en 2016 face au président Joseph Kabila ? “Pas forcément, poursuit Jean-Claude Mputu pour qui ce rôle moteur pourrait revenir “aux laïcs catholiques et protestants associés aux mouvements citoyens.”

    Mais les témoins de ces derniers jours à Kinshasa témoignent tous du changement de ton “à différents niveaux de la société”. L’Église catholique, jugée moribonde, a prouvé qu’elle était toujours une des forces essentielles de ce pays. “C’est une institution millénaire, continue M. Mputu. L’Église a son temps. Personne n’a oublié les injures qu’elle a reçues suite à sa position face à la désignation par le pouvoir du président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) Denis Kadima. Personne ne peut oublier que la résidence du cardinal a été caillassée par les supporters du pouvoir, c’est unique, c’est gravissime. Aujourd’hui, elle a remis les choses au point”.

    Le cardinal sort renforcé

    ambongo téléchargement.jpgCe voyage papal permet aussi au cardinal Ambongo, le successeur de Laurent Monsengwo, de reprendre sa position centrale sur l’échiquier national. L’homme, originaire de l’Équateur, s’est souvent montré très critique face au pouvoir tout en étant moqué par celui-ci et pointé du doigt par les diplomates en poste à Kinshasa pour qui il était mal venu de critiquer le patron de la Ceni. “Pour nombre de diplomates, l’essentiel est d’organiser les élections dans le respect du calendrier. La qualité importe peu”, explique un expert électoral qui avoue “son plaisir d’entendre les mots du pape. Il va obliger tout le monde à se remettre sur de bons rails. On ne peut pas faire n’importe quoi au nom d’un statu quo qui arrangerait tout le monde sur le dos du peuple. C’est insupportable. Oui, il faut avoir un regard critique sur l’organisation de ce scrutin. Oui, il faut oser dire qu’on va droit dans le mur.”

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  • Les funérailles du cardinal Pell ont fait cathédrale comble à Sydney

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    De Kevin J. Jones sur Catholic News Agency :

    Des milliers de personnes pleurent le cardinal Pell aux funérailles de Sydney : "N'ayez pas peur" était sa devise. 

    2 février 2023

    La messe d'enterrement du défunt cardinal George Pell a attiré des milliers de personnes en deuil, remplissant à ras bord la cathédrale Sainte-Marie de Sydney. 

    Des dirigeants de la société civile, des amis et des membres de la famille de Pell se sont souvenus du dévouement du cardinal australien à l'Église et à l'Évangile et de son courage face à de nombreux obstacles, notamment plus d'un an de prison avant sa disculpation.

    "George Pell était mon frère. C'était un prince de l'Église. Un homme bon et saint, et un fier Australien", a déclaré David Pell lors de la messe de funérailles du cardinal jeudi, selon le journal The Catholic Weekly.

    "'N'ayez pas peur' était la devise de George. Ces mots sont mentionnés 365 fois dans la Bible", a poursuivi le frère de Mgr Pell. "Ce sont des mots puissants et nous devons nous en souvenir alors que nous poursuivons la lutte quotidienne".

    S'adressant au cardinal, il a ajouté : "Tu as combattu le bon combat. Aide-nous à accepter la bataille. Repose en paix." 

    Le cardinal est décédé le 10 janvier à Rome à l'âge de 81 ans d'un arrêt cardiaque suite à des complications lors d'une opération de la hanche.

    L'archevêque de Sydney, Mgr Anthony Fisher, a célébré la messe pontificale des funérailles chrétiennes à la cathédrale Sainte-Marie de Sydney. La liturgie de quatre heures comprenait un motet d'offertoire spécialement composé par Sir James MacMillan, basé sur la devise du cardinal "N'ayez pas peur" et le texte de la Sagesse 3:1-4.

    Trente évêques, 220 prêtres et des dizaines de séminaristes ont assisté aux funérailles. L'assemblée comprenait des religieuses, des théologiens, des enseignants d'écoles catholiques et des familles. Des représentants d'agences catholiques et de communautés ethniques étaient présents à la messe, ainsi que les résidents de David's Place, une communauté pour les sans-abri et les marginaux de Sydney.

    Dans son homélie, Mgr Fisher a décrit son prédécesseur Pell comme un "lion de l'Église" qui a proclamé l'Évangile "sans honte, avec véhémence et courage jusqu'à la fin".

    "Il avait aussi un grand cœur, assez fort pour se battre pour la foi et endurer la persécution, mais assez doux pour prendre soin des prêtres, des jeunes, des sans-abri, des prisonniers et des chrétiens imparfaits", a déclaré l'archevêque.

    David Pell a décrit son frère comme un joueur "passionné" de football australien. 

    "Il croyait en l'État de droit, en l'équité pour tous et, dans le jargon des règles australiennes, il jouait la balle, et non l'homme", a-t-il déclaré. "Il pouvait ne pas être d'accord avec votre opinion, mais il n'était pas en désaccord avec vous en tant que personne".

    Pell a été nommé cardinal par le pape Jean-Paul II en octobre 2003, alors qu'il était archevêque de Sydney. Dix ans plus tard, le pape François a nommé Pell membre de son Conseil des cardinaux et, l'année suivante, il l'a chargé des finances du Vatican. Son travail là-bas lui a valu des éloges et de l'admiration, en particulier sa découverte apparente de 1,5 milliard de dollars d'actifs dans des comptes du Vatican non déclarés auparavant.

    En 2017, Pell a quitté Rome pour l'Australie afin de défendre son innocence face aux accusations selon lesquelles il aurait abusé sexuellement de deux garçons de 13 ans après la messe dominicale à Melbourne en 1996 et 1997.

    Il a été condamné en 2018. Après 404 jours de prison, le cardinal a été acquitté en 2020, lorsque la Haute Cour australienne a annulé à l'unanimité la condamnation de Pell. 

    La même année, un rapport de la Commission royale sur les abus sexuels a rendu publiques ses conclusions sur Pell, y compris des allégations selon lesquelles il était au courant des abus sexuels commis par des clercs dans les années 1970 et 1980, et n'aurait pas agi. Pell a rejeté ces allégations, les jugeant "non étayées par des preuves".

    Il est retourné vivre à Rome plus tard en 2020.

    Fisher a déclaré que le cardinal a marqué "404 jours passés en prison pour un crime qu'il n'a pas commis" malgré "la campagne médiatique, policière et politique pour le punir, qu'il soit coupable ou non."

    Le frère de Pell, David, a déclaré que la famille "savait que ce n'était pas vrai".

    "Nous avons dû rester stoïques face à la campagne incessante visant à salir la vie de George, en particulier avec les plus jeunes membres de notre famille", a-t-il déclaré. 

    Dans le même temps, le frère de George Pell a souligné les "magnifiques" journaux de prison du cardinal qui ont résulté de son incarcération. Il a remercié les partisans catholiques et non catholiques de Pell, notamment ceux qui ont envoyé plus de 4 000 lettres de soutien. Certaines lettres provenaient d'anciens codétenus de Pell.

    "Nous compatissons avec les victimes légitimes et avons une horreur totale des criminels. Notre propre famille n'a pas été immunisée contre ce mal", a déclaré David Pell. Il est "tout simplement faux" de dire qu'il a manqué de sympathie pour les victimes, a déclaré le frère de Pell, affirmant que le cardinal a été "injustement condamné pour les manquements de ses prédécesseurs".

    Le frère de Pell a également rappelé le bonheur de son frère à servir comme archevêque de Sydney.

    "Il était chez lui ici. Il aimait Sydney, et à en juger par l'effusion d'amour lors de sa mise en bière et aujourd'hui, Sydney l'aimait."

    Environ 2 000 personnes sont arrivées sur le parvis de la cathédrale pour obtenir une place à l'intérieur. Beaucoup sont restées et ont participé à la messe même si elles ne pouvaient pas entrer dans la cathédrale.

    Parmi les principaux dignitaires présents figuraient les anciens premiers ministres John Howard et Tony Abbot, ainsi que Peter Dutton, chef du parti libéral d'opposition. L'actuel Premier ministre Anthony Albanese et le Premier ministre de Nouvelle-Galles du Sud Dominic Perrottet ont tous deux envoyé des représentants.

    Lors des funérailles, Tony Abbot a parlé de la place de Pell en Australie, le qualifiant de "l'un de nos plus grands fils". Il a laissé entendre que le défunt cardinal avait été "transformé en bouc émissaire de l'Église elle-même", a rapporté le journal britannique The Guardian. Le 14 janvier. Le pape François a présidé le rite de l'éloge final et de l'adieu.

    Environ 150 manifestants critiquant le cardinal Pell et le catholicisme se sont rassemblés à l'extérieur. Certains portaient des banderoles disant que le cardinal devrait "brûler en enfer". Quatre ou cinq personnes en deuil se sont vivement opposées à certains manifestants et la police est intervenue et a arrêté un homme portant un parapluie arc-en-ciel, rapporte The Catholic Weekly. 

    David Pell a déclaré que le cardinal était un ami du pape François et qu'il avait été accueilli par le pape au Palais apostolique après son retour de prison à Rome. "À son arrivée, il a été stupéfait, car il a bénéficié de l'appoint d'une cohorte de gardes suisses, ce qui n'est réservé qu'aux chefs d'État en visite."

    Le pape François, dans un message de condoléances du 11 janvier, a loué le "dévouement de Pell à l'Évangile et à l'Église" et a noté son travail sur la réforme économique du Saint-Siège.

    Le cardinal Giovanni Battista Re, doyen du Collège des cardinaux, a célébré une messe de requiem à Rome, dans la basilique Saint-Pierre.

    Kevin J. Jones est un rédacteur principal de la Catholic News Agency. Il a bénéficié en 2014 d'une bourse de journalisme Egan de Catholic Relief Services.

  • Un pape a-t-il jamais entendu le récit de telles atrocités ?

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    De Jean-Marie Guénois sur le site du Figaro via Il Sismografo :

    En Afrique, le Pape François «sous le choc» des violences subies et racontées par de jeunes rescapés

    1er février 2023

    Mercredi, le chef de l'Église catholique, en visite en République démocratique du Congo, a rencontré des jeunes victimes des conflits qui ravagent l'est du pays depuis trois décennies. -- Mercredi, le chef de l'Église catholique, en visite en République démocratique du Congo, a rencontré des jeunes victimes des conflits qui ravagent l'est du pays depuis trois décennies. 

    Un pape a-t-il jamais entendu le récit de telles atrocités ? Mercredi, à la nonciature de Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo, François a reçu une délégation de victimes. Il devait initialement les rencontrer à Goma, ville du Nord-Kivu, à l'est du pays mais l'insécurité qui y règne l'a empêché de célébrer la messe prévue dans un camp de réfugiés. De fait, les témoignages de victimes entendus en direct par François ont donné une idée aussi précise que terrible de l'insoutenable terreur qu'ils ont vécue. 

    Ladislas Kambale Kombi, 17 ans, raconte comment son «grand frère a été tué» puis, ajoute : «mon père a été tué en ma présence (…) par des hommes en pantalon training et chemise militaire». Le jeune homme se souvient : «depuis ma cachette, j'ai suivi comment ils l'ont découpé en morceaux, puis sa tête tranchée a été placée dans un panier». Il dit ne plus dormir et «ne pas comprendre une telle méchanceté, cette brutalité quasi animale». La voix nouée, il assure avoir « pardonné à (nos) bourreaux». Léonie Matumaini, encore à l'école primaire, ajoute : «Tous les membres de ma famille ont été tués en ma présence». 

    Le témoignage de Bijoux Makumbi Kamala, est ensuite lu par son amie. Elle raconte comment elle a été « violée comme un animal» pendant 19 mois par le chef de la bande de «rebelles» qui l'avait kidnappée. Elle relate que «les enfants» dont les parents ont été tués «sont exploités dans les mines», les filles subissant «le calvaire des violences sexuelles». 

    L'abbé Guy-Robert Mandro Deholo, dont les mains ont été «mutilées», lit le témoignage de Désiré Dhetsina, disparu aujourd'hui : «j'ai vu la sauvagerie, des gens découpés comme on découpe la viande à la boucherie», des «femmes mutilées sans aucune raison». Deux d'entre elles lèvent leur bras… Sans main. Silence de mort dans l'assistance. 

    Enfin, Aimée, lit un dernier témoignage, celui d'Emelda M'karhungulu, «retenue comme esclave sexuelle», qui raconte : «on nous faisait manger la viande des hommes tués.» Celui qui refusait, «on le découpait et on nous le faisait manger». Mais elle termine contre toute attente : «nous pardonnons à nos bourreaux tout ce qu'ils nous ont fait». 

    Le reflet glaçant des lames 

    Ces récits atroces se terminent par le dépôt, devant une croix du Christ placée à la droite du pape, d'instruments identiques à ceux qui ont blessé ou tué : machette, couteaux, marteau, lance, hachoir… Le reflet des lames posées à même le carrelage est glaçant. En quarante voyages pontificaux, peu de scènes n'auront été aussi poignantes. 

    Toutes ces victimes ont moins de trente ans. L'âge de ces violences et guerres multiples dans l'Est de la RDC, zone ravagée par la convoitise de l'extrême richesse des sous-sols et de ses minerais rares. Selon les estimations, il y a eu entre cinq et dix millions de morts, à la 2e place du classement de l'horreur de ce continent après le génocide du Rwanda. 

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  • L'avortement libre et sans limite entre en vigueur au Minnesota

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    De gènéthique.org :

    Minnesota : l’avortement sans limite entre en vigueur

    2 février 2023

    Mardi, le gouverneur du Minnesota, Tim Walz, a signé une loi visant à « protéger » l’avortement et la contraception.

    Ce texte, baptisé « PRO Act » pour « Protect Reproductive Actions », dispose que « chaque individu a le droit fondamental de prendre des décisions autonomes concernant sa propre santé reproductive ». Un terme qui englobe l’avortement et la contraception.

    L’avortement est désormais possible « pour n’importe quelle raison pendant les neuf mois de la grossesse », indique la sénatrice Julia Coleman qui s’est opposée au projet. S’il s’agit de mineures, aucun consentement parental n’est requis. Les parents n’ont pas même l’obligation d’être informés, que leur fille subisse un avortement ou une stérilisation.

    La Maison blanche a salué la signature de cette nouvelle loi.

    Aucune concession

    Dans le Minnesota, les démocrates détiennent le contrôle des deux chambres. Les représentants ont adopté le texte par 69 voix contre 65 il y a environ deux semaines, le Sénat samedi dernier, avec 34 votes favorables. 33 sénateurs s’y sont opposés au terme de 15 heures de débat.

    Les républicains ont tenté d’amender le projet à 35 reprises. En vain à chaque fois. Ils ont proposé d’interdire l’avortement au cours du troisième trimestre sauf en cas de danger pour la vie de la femme enceinte, d’interdire l’avortement uniquement en raison du sexe ou du handicap du fœtus, ou de rétablir l’information des parents de mineures.

    « Nous avions même des amendements disant que si l’on veut avorter à un stade avancé, il faut le faire dans un hôpital pour la sécurité de la femme », indique Julia Coleman. Tous ont été rejetés.

    Des restrictions jugées inconstitutionnelles

    En 1995, une décision de la Cour suprême du Minnesota connue sous le nom de Doe v. Gomez, avait établi que « la Constitution de l’Etat protège le droit à l’avortement ».

    En outre, l’été dernier, un juge du tribunal de district a déclaré inconstitutionnelles « plusieurs restrictions mises en place par les législatures précédentes ». Parmi elles, le délai de réflexion de 24 heures avant de subir un avortement, ou encore l’obligation d’informer les parents de mineures.

  • La rencontre du pape avec des victimes de l'est du Congo

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    De Delphine Allaire sur Vatican News :

    RDC, le Pape aux victimes de l'Est: la paix naît des cœurs libérés de la rancœur

    Le point culminant du 40e voyage apostolique en RDC a eu lieu ce mercredi après-midi 1er février à la nonciature apostolique de Kinshasa. Le Pape François a écouté quatre récits crus et déchirants de victimes d’exactions physiques et mentales dans la guerre qui ravage l’Est de la RDC. Dans un discours dense, l’évêque de Rome s’est uni aux douleurs du peuple éprouvé, s’adressant fermement aux «entités» à l’œuvre dans cette guerre. «Cela suffit», a tancé François.

    Le Souverain pontife a pris la parole après l’écoute des quatre victimes venues de différentes provinces de l’Est. Ces quatre représentants ont chacun apposé un geste fort de réconciliation, déposant au pied de la Croix les objets de leurs tortionnaires. Et c’est le sentiment du choc qu’a éprouvé en premier le Saint-Père. «Il n’y a pas de mots; il faut seulement pleurer en silence», a-t-il relevé, énumérant les noms des localités d’origines des victimes. «Bunia, Beni-Butembo, Goma, Masisi, Rutshuru, Bukavu, Uvira, des lieux que les médias internationaux ne mentionnent presque jamais.» Le Pape l’assène très clairement: «Il n’y aura pas de paix en RDC tant qu’elle ne sera pas obtenue dans la partie orientale du pays». À ces Congolais de l’Est, le Pape a souhaité insister: «Je suis proche de vous. Vos larmes sont mes larmes, votre souffrance est ma souffrance».

    “Il n’y aura pas de paix en RDC tant qu’elle ne sera pas obtenue dans la partie orientale du pays.”

    Pardon pour la violence de l’homme sur l’homme

    «À chaque famille en deuil ou déplacée en raison des villages brûlés et d’autres crimes de guerre, aux survivants des violences sexuelles, à chaque enfant et adulte blessé, je dis: je suis avec vous, je veux vous apporter la caresse de Dieu. Son regard tendre et compatissant se pose sur vous», a-t-il poursuivi, leur assurant ces paroles d’Isaïe «Tu as du prix à mes yeux, tu as de la valeur et je t’aime». (Is 43, 4).

    LIRE AUSSI : Les victimes des violences à l’Est de la RDC portent leurs souffrances au Pape

    Le Pape François a condamné les violences armées, les massacres, les viols, la destruction et l’occupation des villages, le pillage des champs et du bétail qui continuent d’être perpétrés, tout comme «l’exploitation, sanglante et illégale, de la richesse du pays», ainsi que les tentatives de partition dans le but de pouvoir le gérer. Inclinant la tête, la douleur dans le cœur, le Saint-Père a demandé pardon pour la violence de l’homme sur l’homme.

    «Père, aie pitié de nous. Console les victimes et ceux qui souffrent. Convertis les cœurs de ceux qui commettent de cruelles atrocités qui jettent la honte sur l’humanité tout entière! Ouvre les yeux de ceux qui les ferment ou qui se détournent devant ces abominations», a-t-il supplié. Le Pape a qualifié cette guerre de «déchainée par une insatiable avidité de matières premières et d’argent», alimentant «une économie armée laquelle exige instabilité et corruption». «Quel scandale et quelle hypocrisie: les personnes sont violées et tuées alors que les affaires qui provoquent violences et morts continuent à prospérer!», s’est-il indigné.

    «Cela suffit de s’enrichir avec de l’argent entaché de sang!»

    L’évêque de Rome a alors adressé un vibrant appel à toutes les personnes, entités internes et externes qui tirent les ficelles de la guerre en RDC, «en la pillant, en la flagellant et en la déstabilisant».«Vous vous enrichissez par l’exploitation illégale des biens de ce pays et le sacrifice cruel de victimes innocentes. Entendez le cri de leur sang: faites taire les armes, mettez fin à la guerre. Cela suffit! Cela suffit de s’enrichir sur le dos des plus faibles, cela suffit de s’enrichir avec des ressources et de l’argent entachés de sang!»

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  • Être chrétien dans le monde : le refuge et le risque

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    Article de Pierre Manent lu  dans la revue mensuelle « La Nef » :

    Wurzburg-Baviere-Eglise-et-mairie-©Pixabay-620x330.jpg

    La situation actuelle rend le pari bénédictin désirable et plausible, mais il n’est pas sans risque de glissement vers le communautarisme. Et un chrétien ne peut fuir ses responsabilités d’ordre temporel, et notamment politiques.

    La situation présente de l’Église catholique dans notre pays me semble déterminée par les trois paramètres suivants : d’abord la diminution rapide de la présence sociale du catholicisme depuis les années 60, diminution quantitative qui approche d’un seuil où la disparition du fait catholique devient envisageable ; ensuite, l’irruption d’un facteur historiquement inédit, l’islam, qui occupe une place croissante, visiblement croissante, dans la société française ; enfin, l’intronisation de l’idéologie des droits de l’homme comme principe exclusif de la légitimité politique, sociale et morale, installant chaque « moi » dans une immanence sûre de son droit.

    De quelque côté que se tourne le catholique français, il voit gonfler une menace qui peut lui sembler insurmontable, venant simultanément de l’intérieur, de l’extérieur et de lui-même ! La tentation est grande de répondre à cette triple offensive par le recours à la stratégie éternelle du parti le plus faible : la défensive, le refuge dans une place forte. De fait, nous avons encore des ressources suffisantes pour construire une forteresse catholique de bonne apparence : à l’abri derrière ses remparts, nous ne serions plus démoralisés par l’indifférence ou l’hostilité de la société globale, les musulmans nous redeviendraient extérieurs et étrangers comme ils l’étaient encore il y a quarante ans, et en « serrant les boulons » d’une vie chrétienne délivrée des équivoques et des timidités, en formant entre nous cette « société chrétienne » que la France n’est plus, nous serions en mesure de réorienter nos vies en direction du Transcendant.

    Nécessité des appuis sociaux

    Ce dernier argument est à prendre au sérieux. En effet, aussi surnaturelle qu’elle soit dans sa source et ses ressorts intimes, la vie chrétienne dépend inévitablement d’appuis sociaux mis à notre disposition par l’organisation collective dont nous sommes membres : des lieux de culte, des moyens financiers, des administrateurs compétents, des pasteurs respectés, et en général tout ce qui contribue à l’autorité sociale de l’institution religieuse. C’est seulement lorsqu’ils sont soumis à une persécution systématique – une situation, on le sait, qui n’exclut pas une grande fécondité spirituelle – que les chrétiens sont entièrement privés de tels appuis. C’est d’ailleurs la nécessité de trouver de tels appuis qui jadis a conduit l’Église à réclamer l’aide du pouvoir politique, aide qu’elle a obtenue au prix souvent d’un obscurcissement de sa vocation propre qui a fait à son crédit une blessure incurable. Personne aujourd’hui ne réclame ni ne propose un tel appui politique. Il est inenvisageable. C’est pourquoi le dépérissement de la vitalité sociale de l’Église, cette vitalité sociale qui lui avait permis durant la première partie du siècle dernier de s’adapter avec quelque succès à son exclusion de la sphère politique, est un tel motif d’inquiétude ou d’angoisse pour les catholiques aujourd’hui, une inquiétude ou une angoisse qui rend l’« option bénédictine » désirable et plausible.

    Pourtant, si celle-ci aurait pour effet – c’est son propos – de concentrer les forces des catholiques et de leur redonner un sentiment de force, ce regain serait, je crois, de courte durée. Cette option me paraît présenter trois inconvénients.

    1.Tout regroupement défensif comporte un risque de fermeture sectaire, avec l’affaiblissement inévitable de l’exigence intellectuelle et même morale puisque nous serions désormais « entre nous ». Dès lors que nous renonçons à convaincre, persuader ou seulement intéresser ceux qui sont « dehors », un grand ressort de perfectionnement est perdu. En outre, nous prétendrions moissonner avant que ne soit parvenu à maturité ce renouveau de la vie intellectuelle catholique qui constitue l’aspect le plus encourageant de la situation présente du catholicisme.

    2.Étant entendu que nous avons besoin d’appuis collectifs ou sociaux, il ne faut pas exagérer leur contribution à la vie chrétienne. Quelle que soit la situation politique et sociale, mener une vie vraiment chrétienne reste la chose du monde la plus difficile et la plus improbable, elle reste ce fragile miracle qui éclaire et renouvelle incessamment la vie du monde. Si les catholiques ou en général les chrétiens sont sincères, ils admettent que de notre peu de foi, d’espérance et de charité, il n’y a pas d’autre responsable que notre peu de foi, d’espérance et de charité. Le seuil de la vie chrétienne n’est donc pas l’accusation du « monde » ou de la « société » mais la pénitence, « la conversion qui mène à la vie » (Actes, 11, 18).

    3. Il n’y a pas de remède, et il n’en faut point chercher, à la situation exposée du chrétien. Elle entraîne une double obligation, de fidélité à l’Église et de mission à l’égard du prochain, mission aussi urgente et périlleuse aujourd’hui qu’au temps des apôtres. Ne convoitons pas, craignons plutôt l’impression de force recouvrée que susciterait aisément un « rassemblement » catholique. L’autorité de Paul nous l’assure, nous sommes toujours assez nombreux pour que la force de Dieu se donne à voir dans notre faiblesse.

    Du reste, notre responsabilité de chrétiens n’est pas moins politique ou civique que proprement religieuse. Cette Europe qui nous tourne le dos, ne lui tournons pas le dos à notre tour. Si nous voulons donner un sens généreux à ce qui autrement risque de rester un slogan, les « racines chrétiennes de l’Europe », nous devons nous tenir pour responsables de ce qui se passe en Europe, co-responsables avec les autres citoyens préoccupés du sort commun, mais aussi spécialement responsables en tant que chrétiens qui revendiquent la part à nulle autre pareille – bien et mal mêlés – que leur religion a prise dans l’approfondissement de l’âme européenne.

    L’obligation civique des chrétiens

    C’est ici que surgit le nœud où se nouent le rapport de l’Église à elle-même, à sa vie propre, et son rapport à l’Europe. Les chrétiens ne sauraient se consacrer exclusivement à l’approfondissement de leur vie sacramentelle, aussi primordiale soit-elle. En tant que citoyens et en tant que chrétiens ils ne peuvent abandonner l’Europe à son sort. Ils ont une obligation inséparablement civique et chrétienne de préserver ce que, faute d’une meilleure expression, j’appelle la « marque chrétienne » de l’Europe. Or, l’infléchissement imposé par le présent pontificat a redoublé la difficulté de cette tâche. D’une part, ad intra, on obscurcit ou on « floute » la règle sacramentelle, on efface ces seuils qui donnent son sens et son relief à la vie intérieure de l’Église ; d’autre part, ad extra, on égalise les religions, on manifeste son indifférence à leur contenu dogmatique et moral, on se montre supérieurement indifférent à la composition religieuse de la population européenne. Ainsi les articulations politiques et religieuses du monde présent sont-elles ignorées ou brutalisées. Cette humanité politiquement et religieusement informe est le sujet et le véhicule d’une religion sans autre contenu qu’affectif ou sentimental. Dans une telle involution, l’affadissement de l’exigence religieuse ne fait qu’un avec l’obscurcissement du regard politique. On le voit, l’urgence pour les citoyens chrétiens de l’Europe n’est pas moins civique que religieuse. Il s’agit pour eux de préserver ou ranimer la marque chrétienne des nations européennes, et inséparablement de préserver ou ranimer la légitimité politique de celles-ci. Au lieu de chercher refuge dans une « petite société chrétienne », accepter d’être citoyen et chrétien dans la grande société, inhospitalière comme elle l’a toujours été.

    Pierre Manent

    © LA NEF n°303 Mai 2018, mis en ligne le 31 janvier 2023

  • Pourquoi le pape a dû renoncer à se rendre dans l'est du Congo

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    Une dépêche de l'Agence Fides :

    AFRIQUE/R.D. CONGO - "Dans l'est du Congo, la situation est insupportable", déclare le père Luis Arcos, expliquant pourquoi le Pape a renoncé à s'y rendre

    31 janvier 2023

    Goma (Agence Fides) - " Pourquoi le Pape ne va-t-il pas dans l'est du pays? Parce que c'est une situation insupportable. Il y a un risque qu'on lance une bombe et qu'on tue des innocents", explique le père Luis Arcos, un père blanc de nationalité espagnole, missionnaire dans l'est de la République démocratique du Congo depuis 52 ans. Dans le programme du voyage que le Pape François aurait dû effectuer en RDC et au Soudan du Sud en juillet 2022 et qui a été reporté par la suite, une visite à Goma était prévue contrairement au voyage en cours qui débute aujourd'hui, 31 janvier et ou l'étape dans la capitale du Nord-Kivu n'est pas au rendez-vous.

    "En fait, explique le père Luis, lorsque les préparatifs de sa visite ont commencé, il y avait déjà de nombreux problèmes et plusieurs victimes causés par les plus de 100 groupes armés différents dans la province. Et l'insécurité engendre la pauvreté pour beaucoup", souligne le Père Luis, qui résume la situation par cette image: "On ne pouvait pas quitter sa propre maison après six heures du soir ; mes frères congolais ne peuvent pas aller rendre visite à leurs parents qui se trouvent à 50 kilomètres de Goma."

    Il faut garder à l'esprit que Goma est une ville surpeuplée en raison des personnes qui y ont déménagé des villages du Nord-Kivu à la recherche d'un minimum de sécurité. "Goma a vu sa population passer de 300 000 à 1,5 million d'habitants en 30 ans", rapporte le missionnaire. "Ils viennent de l'intérieur du Nord-Kivu à Goma parce que c'est plus sécurisé, mais il y a aussi des meurtres dans les environs. L'ambassadeur italien Luca Attanasio a été tué à 20 km de là où je me trouvais", dit le père Luis. "Et à Goma, les déplacés trouvent aussi le volcan Nyiragongo, qui reste actif, et qui a balayé 3 000 maisons, il y a deux ans."

    Comme tous les missionnaires qui travaillent dans l'est de la RDC, le père Luis souligne qu'au cœur du drame de ces terres se trouve la lutte pour le contrôle et l'exploitation des immenses richesses minérales de ces régions. En se référant aux ADF (Allied Democratic Forces), le groupe armé d'origine ougandaise également connu sous le nom d'État islamique - Province d'Afrique centrale (ISCAP, voir Fides 16/1/2023)). "On parle de l'islamisme depuis quelques années, mais on n'en parlait pas avant. Le problème est plus politique et économique que religieux, car la République démocratique du Congo possède du coltan, un minerai très important pour le développement des pays les plus avancés. Il s'agit d'une énorme richesse minérale, mais qui en profite ?"

    Le père Luis a été dans quatre diocèses congolais différents au cours de ses 52 années de mission en RDC, et a été témoin de la profonde transformation de l'Église congolaise. "Tous les évêques sont maintenant congolais, il n'y a pas de blancs. Il y a également de moins en moins de missionnaires en Afrique d'origine européenne. Il y a de plus en plus de missionnaires africains pour continuer la vie missionnaire." De la visite du Pape François, le missionnaire attend "une parole d'espoir, et de courage, car venir au Congo dans cette situation a été un geste de courage." (LM) (Agence Fides 31/1/2023)

     
  • Le pape à Kinshasa : "Retirez vos mains de la République Démocratique du Congo, retirez vos mains de l'Afrique ! Cessez d’étouffer l’Afrique"

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    De Vatican News :

    Une chaleur de 33°c, des sons de tambours, des applaudissements et des cris de joie des religieuses ont entouré l'arrivée du Pape François en République démocratique du Congo. L'Airbus A350 d'Ita Airways, qui a décollé ce matin de Rome-Fiumicino, a atterri à l'aéroport de N'djili-Kinshasa peu avant l'heure prévue de 15 heures. François est descendu de l'avion dans un ascenseur et a été accompagné sur le tarmac de cérémonie dans un fauteuil roulant. Ici, alors qu'un vent sec offre un minimum de rafraîchissement dans la chaleur torride, la Garde d'honneur et deux enfants en tenue traditionnelle viennent avec des bouquets de fleurs à la main. Le Pape a ensuite salué le Premier ministre congolais Jean-Michel Sama et s’est dirigé vers le salon d'honneur de l’aéroport, où a eu lieu la présentation des délégations pour un bref entretien.

    «Bienvenue Saint-Père»

    Pendant ce temps, des groupes folkloriques, comme le G. Folk Muyene Aile Kin Basakatar, saluent l'arrivée du Souverain Pontife en exécutant une danse tribale, au rythme des tambours, avec des jupes en paille et des colliers en bois. Ils ont répété la danse des heures auparavant derrière quelques structures à l'entrée du grand aéroport.

    De l'autre côté du trottoir, un groupe d'enfants en uniformes scolaires noirs et blancs se pressait, qui avait déjà déployé une heure plus tôt une banderole sur laquelle était inscrit en grosses lettres "Bienvenue" au Souverain pontife. D'autres groupes ont également rejoint la rue principale pour saluer le Pape François, brandissant des drapeaux blancs et jaunes du Vatican ou bleus et rouges du Congo. Pendant ce temps, des bénévoles distribuent des bouteilles d'eau dans des sacs.

    Kinshasa telle qu'elle est 

    Au centre de la grande banlieue qu'est Kinshasa, la vie s'écoule entre-temps normalement; à l'exception des zones bouclées, le trafic caractéristique des motos et des minibus n'est pas arrêté, ni les scènes d'extrême pauvreté dans les maisons et les magasins, ni le va-et-vient continu des personnes, surtout des jeunes, à la recherche de quoi passer la journée. Kinshasa se présente telle qu'elle est au Pape, sans maquillage ni retouche, avec ses bâtiments en ruine et ses rues non pavées, avec les tôles qui tentent de contenir des clôtures effondrées par la boue, avec son odeur douceâtre dégagée par la fumée des étals qui grillent le maïs et les bananes, et dans la pollution atmosphérique. Elle se présente aussi dans sa beauté, donnée par un peuple qui ne renonce pas à un avenir d'espérance et de développement, un avenir surtout de paix qui puisse guérir les blessures qui se creusent depuis des décennies.

    S’adressant aux journalistes durant le vol en direction de la République démocratique du Congo, François a adressé une pensée aux nombreuses personnes qui ont perdu la vie et à ...

    Si tout Kinshasa, plus grande agglomération francophone au monde, et la République démocratique du Congo, attendent le Saint-Père, c'est aussi le cas plus largement des fidèles d'Afrique centrale.

    VOYAGE APOSTOLIQUE DU PAPE FRANÇOIS en RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO et au SOUDAN DU SUD

    (Pèlerinage Œcuménique de Paix au Soudan du Sud) [31 janvier - 5 février 2023]

    RENCONTRE AVEC LES AUTORITÉS, LES REPRÉSENTANTS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE ET LE CORPS DIPLOMATIQUE

    DISCOURS DU SAINT-PÈRE

    Jardin du Palais de la Nation (Kinshasa) - Mardi 31 janvier 2023

    Monsieur le Président de la République,

    Membres illustres du Gouvernement et du Corps diplomatique,
    distinguées Autorités, religieuses et civiles,
    éminents Représentants de la société civile et du monde de la culture,
    Mesdames et Messieurs !

    Je vous salue cordialement et je remercie Monsieur le Président pour les paroles qu’il m’a adressées. Je suis heureux d’être ici, sur cette terre si belle, si vaste, si luxuriante, qui embrasse, au nord, la forêt équatoriale ; au centre et vers le sud, les hauts plateaux et les savanes arborées ; à l’est, les collines, les montagnes, les volcans et les lacs ; à l’ouest les grandes étendues d’eaux, avec le fleuve Congo qui rejoint l’océan. Dans votre pays, qui est comme un continent dans le grand continent africain, on a l’impression que la terre entière respire. Mais, si la géographie de ce poumon vert est riche et variée, l’histoire n’a pas été aussi généreuse. Tourmentée par la guerre, la République Démocratique du Congo continue de subir à l’intérieur de ses frontières des conflits et des migrations forcées, et à souffrir de terribles formes d’exploitation, indignes de l’homme et de la création. Ce pays immense et plein de vie, ce diaphragme de l’Afrique, frappé par la violence comme par un coup de poing dans l’estomac, semble depuis longtemps avoir perdu son souffle. Monsieur le Président, vous avez mentionné ce génocide oublié dont souffre la République du Congo.

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  • Les quatre défis du voyage du pape François en Afrique

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    (Jean-Marie Guénois, Le Figaro) ANALYSE :

     Le déplacement du Saint-Père sur le continent africain revêt une importance particulière. -- Le pape François entame ce mardi un périple africain qui doit d’abord le conduire en République démocratique du Congo, jusqu’à vendredi, puis au Soudan du Sud. Il doit rentrer à Rome dimanche soir. Ce voyage aurait dû avoir lieu en juillet 2022, mais il avait été annulé à la dernière minute suite, officiellement, aux problèmes de genou de François, mais les questions de sécurité avaient pesé. À 86 ans, toujours handicapé, François n’a donc pas voulu trahir sa promesse de venir au Soudan du Sud, notamment, pays pour lequel il s’est personnellement impliqué pour la paix. Un accord fut signé à Rome en 2020, mais peu respecté depuis. Ce dossier lui tient à cœur - et à celui de la communauté Sant Egidio qui agit en coulisses - au point que François, lors d’une réunion préparatoire à Rome, le 19 avril 2019, s’était prosterné devant le président Salva Kiir et le chef des rebelles, Riek Machar, du Soudan du Sud pour leur… embrasser les pieds. Un geste totalement inédit pour un pape, hors liturgie. François aime les actes marquants. Il en faudra pour répondre aux quatre défis de son quarantième voyage international.

    Premier défi: honorer le continent africain. François le visite pour la cinquième fois depuis son élection, il y a presque dix ans, le 13 mars 2013, mais l’Afrique n’a pas vraiment été sa priorité. Ses nominations romaines le démontrent: il n’a plus aucun cardinal africain à la tête des dicastères. Il en a remercié deux, les cardinaux Robert Sarah et Peter Turkson, sans les remplacer de ce point de vue. Ce que les Africains n’apprécient pas compte tenu de ce qu’ils représentent dans l’Église. Quant à ses voyages, l’Afrique est le continent que François aura le moins visité, alors qu’il est allé six fois, par exemple, en Asie centrale et Asie, sa priorité géo-ecclésiale, avec la Chine en ligne de mire.

    Deuxième défi: l’affermissement des catholiques pour contenir la montée des évangéliques. Si la République démocratique du Congo est encore le premier pays catholique francophone du monde, en termes de fidèles, la situation s’altère. Avec 52 millions de catholiques sur plus de 105 millions d’habitants, cette religion vient de passer sous la barre des 50 % de la population parce que la montée des protestants évangéliques est plus rapide que la progression des catholiques. 22 % des Congolais sont protestants, un sur cinq est évangélique. Comme partout, ces derniers font preuve d’un grand dynamisme. L’Église est puissante mais elle ne peut se reposer sur ses lauriers. Elle peut compter sur 77.000 «catéchistes», qui sont très importants en Afrique, ce sont eux les véritables vecteurs des communautés, et 6 162 prêtres, deux fois moins qu’en France pour des besoins bien supérieurs. Elle gère aussi 40 % des établissements de santé et 30 % des écoles publiques.(*)

    Un pontificat très bousculé ces derniers temps

    Troisième défi: le soutien de l’Église dans son rôle de stabilisateur politique. La réalité de la République démocratique du Congo (RDC) et celle du Soudan du Sud, où les catholiques sont majoritaires à 52,4 %, ne sont pas comparables, mais l’implication de l’Église dans la vie sociale et politique a des similitudes, applicables à d’autres pays du continent. En RDC l’Église jouit d’une autorité hors norme, parce qu’elle a toujours été l’une des figures de résistance aux régimes autoritaires depuis les années 1960. Seulement indépendant depuis 2011, le Soudan du Sud semble n’avoir connu que la guerre, l’instabilité, les morts par millions, agité qu’il est à présent par plusieurs ethnies rivales, les Dinka, les Nuer et aujourd’hui les Murle. Avec un sous-sol… d’une richesse extrême! Les accords de paix (Addis Abeba en 2018, Rome en 2020) soutenus par l’Église semblent caducs. Les élections, prévues en 2023, ont été reportées à 2025. Mais l’Église veut concourir au dialogue entre ennemis, envers et contre tout.

    Quatrième défi: la confirmation du leadership du pape François. La mort de Benoît XVI, la grogne de certains cardinaux, le scandale du jésuite Rupnik (où François nie toute responsabilité), la santé du pape, nourrissent un climat romain délétère. Sur la défensive, François vient de se justifier point par point dans une longue interview accordée à l’agence Associated Press, le 24 janvier. La chaleur des catholiques africains ne sera pas de trop pour redonner de l’élan à un pontificat très bousculé ces derniers temps.

    (Le Figaro) »

    (*) S’agissant des confessions religieuses, traitées au "deuxième défi": à défaut de recensions  rigoureuses postérieures au régime colonial (1960) la fiabilité des chiffres avancés de l’une à l’autre source varie considérablement: la remarque vaut tout spécialement pour les sectes protestantes volatiles du type « églises du réveil » et autres (NdBelgicatho).

  • Le voyage du pape François en Afrique peut-il faire la différence ?

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    De Filipe d'Avillez sur The Pillar :

    Le voyage du pape François en Afrique peut-il faire la différence ?

    Les catholiques locaux attendent beaucoup de la visite du pape François en RDC et au Sud-Soudan. Mais une visite papale en Afrique peut-elle vraiment apporter la paix ?

    30 janvier 2023

    Le logo du voyage du pape François en République démocratique du Congo. Crédit : Vatican.va

    Le pape François entame ce mardi un voyage en République démocratique du Congo et au Soudan du Sud.

    La visite devait avoir lieu en juillet 2022, mais a été reportée en raison des problèmes de santé du pape de 86 ans.

    Les catholiques locaux fondent de grands espoirs sur ce voyage. Mais dans quelle mesure les attentes concernant ce voyage sont-elles raisonnables ? Les catholiques locaux peuvent-ils espérer plus que quelques mots de consolation et des appels à la paix, ou les plaidoyers du pape seront-ils ignorés par les dirigeants politiques et militaires ?

    De l'allié de l'État à la critique

    Les arguments en faveur du pessimisme sont faciles à faire valoir. La République démocratique du Congo (RDC) est en proie à la corruption, à la mauvaise gestion et à des conflits apparemment sans fin depuis des décennies. Deux visites du Pape Jean-Paul II n'ont rien fait ou presque pour enrayer cette spirale infernale.

    Mais le père Godefroid Mombula, un missionnaire et universitaire congolais basé à Kinshasa, a noté qu'il y avait des différences importantes cette fois-ci.

    "À l'époque, le pays était une dictature totalitaire, dirigée par le président Mobutu", a-t-il déclaré au Pillar, en référence au dirigeant autoritaire qui a dirigé la nation de 1965 à 1997.

    "La situation a changé depuis, nous avons un système multipartite. Aujourd'hui, le principal risque est la balkanisation et la guerre à l'est. Je comprends le pessimisme ; le développement n'a pas encore décollé. Néanmoins, les petits changements sont perceptibles."

    L'existence d'un système multipartite témoigne de l'influence considérable de l'Église dans le pays - la transition gouvernementale après une dictature a été supervisée par feu le cardinal Laurent Monsegwo. Et dans le chaos des années qui ont suivi, l'Église catholique, qui revendique l'allégeance d'un peu plus de la moitié des 70 millions d'habitants du pays, a été la seule institution à voir sa crédibilité rester intacte, voire s'accroître.

    "L'Église catholique a toujours été un acteur clé, dès l'époque coloniale, lorsque le Congo était la propriété du roi Léopold II", explique le père Mombula. "Le roi ne pouvait pas compter sur l'administration belge pour gérer le pays, il a donc confié l'administration quotidienne à différentes congrégations catholiques. Cela a donné à l'Église un poids politique qu'elle n'a pas dans beaucoup d'autres pays."

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  • Tolérance zéro pour l'homosexualité : le Soudan du Sud a déjà exprimé son refus au pape

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    Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso (traduction de Diakonos.be) :

    Tolérance zéro pour l’homosexualité. Le Soudan du Sud a déjà dit son non au Pape

    L’interview qu’il a accordée le 24 janvier à Associated Press va causer bien des soucis au Pape François quand il atterrira ce 3 février à Djouba, au Soudan du Sud, la seconde étape, après le Congo, de son prochain voyage en Afrique.

    Dans cette interview, le Pape a purement et simplement déclaré que « l’homosexualité n’est pas un crime » et qu’il est donc « injuste » que « plus de 50 pays » la condamnent et la punissent, parmi lesquels « dix ou douze, plus ou moins », carrément par la peine de mort.

    Et donc, a-t-il ajouté, les évêques de ces pays doivent réagir contre ces lois et la culture qui les produit.

    Ces paroles du Pape ont fait le tour du monde et sont parvenues jusqu’au Soudan du Sud où l’homosexualité constitue un délit punissable de jusqu’à 14 ans de prison. Et vendredi 27 janvier, lors d’une conférence de presse à l’issue d’une réunion de cabinet présidée par le président Salva Kiir, le ministre de l’information Michael Makuei Lueth a déclaré : « Si lui, le Pape, vient ici nous dire que le mariage entre personnes de même sexe, l’homosexualité est légale, nous dirons non ».

    « Dieu ne s’est pas trompé », a poursuivi le ministre. « Il a créé l’homme et la femme et leur a dit de se marier l’un à l’autre et de peupler la terre. Deux partenaires du même sexe peuvent-il faire naître quoi que ce soit ? Notre constitution est très claire et dit que le mariage est pour les personnes de sexes différents et que chaque mariage homosexuel est un crime, c’est un crime constitutionnel ».

    M. Makuei a cependant ajouté que « ce n’est pas pour cela que le Pape viendra au Soudan du Sud », parce que son objectif principal est de prêcher la paix. Et il le fera avec le primat de l’Église anglicane Justin Welby et le modérateur de l’Église presbytérienne d’Écosse Iain Greeshields : « un événement historique », parce que « ces trois personnes étaient à Rome quand nos chefs s’y sont rendus et à présent ils viennent de nouveau ici ensemble, et cela signifie que c’est quelque chose de spécial pour le Soudan du Sud ».

    Il faisait ainsi référence à la visite du président Salva Kiir et du vice-président Riek Lachar au Vatican en avril 2019, pour participer à une retraite spirituelle que le Pape avait conclue en s’inclinant pour leur baiser les pieds à tous deux (voir photo).

    Ces deux représentants, appartenant à des tribus rivales, étaient en guerre et la guerre s’était poursuivi les années suivantes, faisant 400.000 morts et deux millions de déplacés.

    Mais pour en revenir à la question de l’homosexualité, il faut préciser que l’Église anglicane elle-même est fortement divisée sur la question.

    Au Royaume-Uni et en Amérique du Nord, ceux qui veulent faire tomber tous les tabous et bénir à l’église les mariages entre personnes de même sexe dominent. Cependant, en Afrique, où vivent trois quart des anglicans du monde entier, l’opposition est très forte et empêche qu’une décision partagée soit prise.

    Le 18 janvier à Londres, un compromis a été proposé : une simple prière facultative pour les unions civiles entre personnes de même sexe.
    Comme on peut le constater aisément, la division actuelle dans l’Église anglicane est très semblable à celle de l’Église catholique sur la même question. Le Dicastère pour la doctrine de la foi a interdit les bénédictions des unions homosexuelles, mais en Allemagne, en Belgique et dans d’autres pays elle est justifiée et pratiquée de la même manière, et le Pape François laisse faire, et même, quand il a rencontré les évêques Belges fin novembre, il leur a fait comprendre qu’il leur donnait son approbation.

    Le 5 février, lors de la conférence de presse prévue dans l’avion de retour à Rome, le Pape François aura à ses côtés Welby et Greenshields. Et il y a fort à parier que les questions sur l’homosexualité ne manqueront pas.

  • RD Congo : jusqu'où va l'influence de l'Église catholique dans le jeu politique ?

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    TV5 monde Afrique :

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    « En République démocratique du Congo, l'Église catholique est un médiateur. Elle n'hésite pas à troquer ce rôle contre celui d'acteur politique voir d'"activiste", lorsque la démocratie n'est pas respectée par la classe dirigeante. Cette implication politique fait de l'épiscopat une figure puissante dans le Congo d'aujourd'hui, où vivent 45 millions de catholiques.

    Si pendant la période coloniale, l’Église catholique était un partenaire du gouvernement colonial, elle est, depuis la fin des années 1950 jusqu’à aujourd’hui, un acteur clef de la vie publique en RDC. Cet « activisme », est un fait rarement vu dans d’autres pays, explique Trésor Kibangula, analyste politique à Ebuteli, Institut de recherche congolais sur la politique, la gouvernance et la violence.

    « L’Église catholique du Congo a toujours eu un rôle un peu central dans le jeu politique en République démocratique du Congo. Cela ne date pas d’aujourd’hui, elle avait déjà joué un rôle fondamental dans le système politique du Congo, avant la colonisation. Il y a une influence toujours maintenue depuis des décennies. »

    Un acteur politique ?

    L’année 2017 illustre bien l’implication et l’influence de l’Église catholique auprès de la population congolaise. Le 31 décembre 2016, l’Église parvient à faire signer à l’opposition et au gouvernement un accord politique. Il permet à Joseph Kabila (2001-2019), président de l’époque, de rester en fonction, à condition que des élections soient organisées avant la fin de l’année 2017.

    Cet accord dit de la Saint-Sylvestre n’est pas respecté par le gouvernement. Du rôle de médiateur, l’Église devient alors acteur politique. La CENCO, la Conférence épiscopale nationale du Congo, rassemblant tous les religieux occupant une fonction dans l'Église, appelle les Congolais à la contestation en publiant un communiqué le 23 juin 2017 : « Nous vous le demandons instamment : il ne faut céder ni à la peur ni au fatalisme. Une minorité de concitoyens a décidé de prendre en otage la vie de millions de Congolais. C'est inacceptable ! Nous devons prendre en main notre destin commun », rappelle un rapport paru fin 2022 du Groupe Étude sur le Gongo (le GEC), Ebuteli, intitulé « L’Église catholique en RDC, au milieu du village ou au coeur de la contestation ? ».

    Le 31 décembre 2017 puis le 21 janvier et le 25 février 2018, à l'initiative de l'Église, trois grandes marches sont organisées pour appeler à de nouvelles élections et demander la fin du mandat de Joseph Kabila.

    « Lors de chaque manifestation, des dizaines de milliers - peut-être des centaines de milliers lors de la deuxième marche - de personnes descendent dans les rues. On peut voir des images émouvantes de prêtres pieds nus marchant devant des milliers d'hommes et de femmes en habits du dimanche », raconte le rapport.

    « Ces manifestations, ainsi que d'autres organisées par des mouvements sociaux comme LUCHA, mettent la pression sur le gouvernement et contribuent très probablement à empêcher de nouveaux retards dans la tenue des élections.»

    En décembre 2018, des élections ont finalement lieu. Leur résultat est contesté par l’Église, qui finit tout de même par reconnaître Félix Tsishekedi vainqueur…

    Jusqu'à aujourd'hui, le rayonnement de l'Église sur la classe politique et sur les Congolais reste inchangé. 

    « La population comprend les soucis de l’Église, elle est consciente que quand l’Église prend position, c’est pour son bien-être, cela justifie son influence », explique Donatien N’shole, évêque, secrétaire général de la conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO).

    « Le souci de l’Église est le bien-être de la population. À partir du jour où l’on aura des gouvernants qui s’occuperont bien de la population, l’Église se manifestera de moins en moins sur les questions socio-politiques », souligne-t-il.

    Récemment, le 4 décembre 2022, l’épiscopat congolais invitait les fidèles à participer à une marche pacifique pour protester contre l’insécurité à l’est du pays, avec la résurgence du M23 et contre le morcellement de la RDC. L’appel aux fidèles, intitulé « L’heure est grave. Notre pays est en danger », rassemblera aussi bien des catholiques que des croyants d’autres confessions religieuses, ainsi que des autorités politiques et administratives.

    Une puissance économique et foncière

    L’influence de l’Église catholique s’est consolidée lorsque le roi Léopold II, propriétaire du Congo lorsqu’il n’était pas indépendant, cède en 1909 le territoire au royaume de Belgique. « La Belgique a accordé beaucoup de subventions à l’Église catholique pour faire des écoles et aménager le système de santé», continue Trésor Kibangula de l'institut de recherche congolais sur la politique, la gouvernance et la violence. 

    Aujourd’hui, l’Église catholique est l’un des plus grands propriétaires fonciers du pays. À elle seule, elle dispose de 45% des établissements de santé du pays et 30% des écoles.

    « Il y a des endroits en RDC où les services de santé ne sont proposés que par l’Église, confirme Donatien N’shole. Elle est vue comme une structure sanitaire pour la population. La qualité de l’enseignement y est généralement reconnue. Tout cela justifie une certaine ascendance morale de l’Église », continue Donatien N’shole.

    L’Église bénéficie d’importantes exonérations fiscales sur ses établissements et d’autres entreprises qu’elle possède à travers le pays, selon le rapport du Groupe d'étude sur le Congo et d'Ebuteli. Selon le témoignage d’un prêtre interrogé, ces possessions foncières et ces avantages fiscaux invitent l’Église à une certaine mesure ou prudence dans ses prises de positions. « Le fait que l'Église a des choses à protéger - des terres, des écoles - signifie qu'elle a une aversion au risque ».

    Un « activisme » réservé aux droits politiques et à la démocratie ?

    Trésor Kibangula observe que l’implication et la vigilance de l’Église en RDC n’est pas la même selon les dossiers. Là où l’Église semble être un garde fou sur les questions des droits politiques et de la démocratie, il n’en serait pas de même pour les questions de droits sociaux, de l’accès à l’eau, de la bonne gouvernance et de la corruption à la tête de l’État.

    « C’est dommage, car avec l’ancrage national et l’influence politique qu’elle a aujourd’hui,  l’Église peut faire bouger les lignes et mettre une pression suffisante aux pouvoirs publics pour qu’ils modifient leur gouvernance. Bien sûr, les évêques publient des communiqués pour demander la bonne gouvernance et la fin de la guerre à l’Est. Mais les communiqués ne suffisent pas. »

    Pour Donation N’shole, la mission de l’Église n’est pas « politique ».  Il affirme en outre qu'elle s'est investie. 

    « Les évêques apprécient chaque fois la teneur de la crise. Ils ont invité les gens dans la rue par rapport à la situation de l’Est qui est dramatique. Mais il ne faudra pas que les évêques invitent à chaque fois les Congolais à manifester, sinon ils ne seront plus écoutés », explique le secrétaire général de la CENCO. Il affirme que l’Église s’est investie dans de nombreux diocèses pour amener l’eau à la population et pour « compenser le travail que l’État devrait faire ».

    « L’Église ne s’est jamais empêchée d’interpeller l’État de façon générale. Des interpellations globales impliquent tous ces sujets (accès à l’eau, à l’électricité et aux soins de santé ndlr) », conclut-il.

    Une autre critique émane du rapport du GEC et Ebuteli, notamment un manque de transparence, concernant les affaires financières de l'Église.

    « (…) Le président Tshisekedi a agi comme son prédécesseur, offrant des 4x4 à de nombreux évêques - au moins dix évêques, dont le cardinal Ambongo, ont reçu ces véhicules directement de la présidence, parfois accompagnés de cadeaux en espèces. Ce type de patronage, bien que coutumier depuis l'époque de Mobutu au moins, soulève des doutes quant à l'indépendance politique des évêques et renforce les soupçons de corruption au sein de l’Église. »

    Le pape en visite en RDC

    Le 31 janvier, le pape arrivera en RDC pour une visite qui avait été reportée une première fois pour raisons de santé. Sa prise de parole est attendue par les Congolais, dans un contexte électoral tendu et avec le conflit rongeant l’est du pays, qui souffre de la résurgence du mouvement armé des rebelles du M23.

    Le pape prendra-t-il position sur le contentieux opposant la RDC au Rwanda, alors qu’en décembre 2022, l’ONU confirmait l’implication de Kigali aux cotés du M23 ?

    « L’Église catholique en RDC a déjà dénoncé quelques fois le soutien de Kigali aux rebelles. Peut-être le pape suivra-t-il ce point de vue, ou alors il restera plus diplomatique, pour ne pas froisser les esprits à Kigali… Nous verrons », commente Trésor Kibangula. 

    « Je ne sais pas jusqu’où il va aller au sujet de ce conflit-là, mais ça ne me surprendrait pas qu’il dise un mot pour interpeller les uns et les autres », note de son côté le secrétaire général de la conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), Donatien N’shole.

    Reste que la visite papale fait l’objet d’une instrumentalisation par la classe politique en RDC.

    « On a senti tout de suite une politisation de cette visite. Beaucoup de cadres de la majorité présidentielle de Félix Tsishekedi, notamment le vice-président de l’Assemblée nationale, se sont avancés pour dire que cette venue confirmera le soutien de tous les catholiques au président de la République qui se présente en 2023 », observe le chercheur Trésor Kibangula.

    Preuve, s'il en est, que pour la classe dirigeante congolaise d’aujourd’hui, l’Église fait toujours autorité.

    Ref. D Congo : jusqu'où va l'influence de l'Église catholique dans le jeu politique ?