Lu dans le N° 294 du mensuel « La Nef » :
"Quel avenir pour la mouvance Ecclesia Dei ? L’un des facteurs qui invite à la réflexion est la possible réintégration de la Fraternité Saint-Pie X dans la pleine communion ecclesiale.
On parle de « mouvance Ecclesia Dei » car il s’agit d’une réalité polymorphique : communautés religieuses, sociétés de vie apostolique de droit pontifical, prêtres diocésains isolés ou constitués en associations cléricales. Certaines de ces communautés sont des dissidences de la Fraternité Saint-Pie X (Fraternité Saint-Pierre, Institut du Bon Pasteur), d’autres étaient liées à la Fraternité Saint-Pie X jusqu’en 1988 (le Barroux), d’autres ont toujours été indépendantes de cette Fraternité (Fontgombault, Dominicaines du Saint-Esprit, Chanoines réguliers de la Mère de Dieu) tandis que d’autres encore viennent d’un horizon différent (Fraternité Saint-Vincent Ferrier) ou, fondées après 1988, développent une spiritualité propre (Institut du Christ Roi). L’insertion diocésaine peut être mise en valeur (Missionnaires de la Miséricorde divine, Association Totus tuus). N’oublions pas les laïcs présents dans ce créneau par leurs publications, éditions, écoles, etc.
Ces réalités ecclésiales se réfèrent toutes au Motu proprio Ecclesia Dei du 2 juillet 1988, qui demandait aux évêques d’appliquer de façon large et généreuse les concessions des traditions liturgiques antérieures accordées en 1984, concessions qui sont d’ailleurs devenues un véritable droit reconnu à partir du Motu proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007. Au plan canonique, certaines de ces communautés relèvent du Saint-Siège, via la Commission pontificale Ecclesia Dei ou via la Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique ; d’autres sont de droit diocésain. Le ministère proprement dit s’exerce d’ailleurs toujours sous l’autorité de l’Ordinaire du lieu.
Ces communautés, pour nous focaliser sur elles, ont maintenant leur histoire propre, valorisent leur charisme spécifique. Certains parmi leurs membres ont voulu accueillir positivement les enseignements conciliaires selon la fameuse « herméneutique de la réforme dans la continuité de l’unique sujet-Église » ; d’autres donnent un assentiment minimal à Vatican II et préfèrent se référer à un moment donné de la théologie de l’Église. Certains excluent de célébrer la forme ordinaire du rite romain tandis que d’autres l’acceptent en pratique. La mosaïque – plus que la nébuleuse – Ecclesia Dei dans son ensemble manifeste une vitalité certaine au plan vocationnel, en comparaison notamment du nombre de séminaristes dans les diocèses. S’il est difficile de donner des chiffres, on peut estimer qu’en France, la couverture du terrain (prêtres, fidèles, églises, écoles) par la mouvance Ecclesia Dei est au moins aussi importante que celle de la Fraternité Saint-Pie X qui bénéficiait pourtant d’une avance de vingt ans. Ce qui signifie concrètement que la Fraternité Saint-Pie X, près de trente ans après les sacres de 1988, n’a plus le monopole pastoral dans ce créneau.
Voici donc deux courants qui convergent apparemment dans la manière de célébrer le sacrifice eucharistique mais qui sont assez fondamentalement dissemblables dans leur rapport aux évêques et au Magistère actuel, dans la conception qu’ils se font de la mission de l’Église dans le monde de ce temps.