De Louis Daufresne sur La Sélection du Jour :
Séparatisme : le grand méchant flou
Covid oblige, lundi sur France Inter, Gérald Darmanin usait de la métaphore médicale pour vanter la loi « confortant le respect des principes républicains » : « Notre pays, dit le ministre de l’Intérieur, est malade d'un séparatisme dont le premier d'entre eux, l'islamisme, gangrène notre unité nationale. » La laïcité qui garantit « la pluralité religieuse, la neutralité de l'État et de ses agents, et la liberté de culte », est le « remède contre une partie de ce qui nous ronge ». En gage de bonne volonté, Gérald Darmanin annonça la réouverture anticipée de la mosquée de Pantin (Seine-Saint-Denis), accusée d'avoir relayé l’appel au meurtre de Samuel Paty. Cette annonce a de quoi décontenancer : la mosquée était fermée pour six mois, ce qui paraît dérisoire au regard de la gravité du crime. Ensuite, la rouvrir prématurément envoie aux islamistes un double message, soit de soumission, soit de collusion. Entre les deux, il y a ce qu’on appelle l’électoralisme.
C’est, semble-t-il, la seule ligne qui vaille à 18 mois de la présidentielle : ne pas s’aliéner le vote musulman (si tant est qu’il existe) et surfer sur du « laïquement correct » pour rassurer le reste de l'opinion. Le groupe LR voulait faire interdire le port du voile à l'université et pour les accompagnatrices scolaires. Il échoua. La réponse de Gérald Darmanin fut habile : « Humilier l'identité musulmane, c'est prendre le risque de la radicaliser (...) La laïcité c'est aussi dire à tout le monde qu'on a le droit de croire. » Et d’ajouter, un rien tartuffe : « Je ne dis pas que le voile n'est pas un moment de prosélytisme. Je dis qu'il ne l'est pas à 100 % » Poussée à la surenchère, l’opposition vogue sur le radeau idéologique du RN, à l’image de Guillaume Peltier, numéro 2 de LR, exigeant la dissolution des trois fédérations ayant refusé de signer la « charte des principes pour l'islam de France ». Sur France Inter, Gérald Darmanin débouta « ceux qui souhaitent absolument prendre des mesures encore plus dures, (…) simplement pour se refaire la cerise politique. [Ce] sont les idiots utiles de ces islamistes ».
Piégée et extrémisée, la droite essaie de nuancer. Pour Damien Abad, chef des députés LR, il ne faut pas que « la lutte contre l'islamisme radical aboutisse à un affaiblissement de la liberté pour les Français sans entraver celle des islamistes ».
C’est tout le problème.
Ce projet de loi vise-t-il vraiment l’islamisme, lequel n’est même pas nommé ? Comment soigner une maladie sans mettre des mots dessus ? Le gouvernement s’aligne en fait sur sa gauche. Pour ne pas discriminer les musulmans, on verse dans « l’islamalgame » : « Ce qu’on reproche à l’islam est partagé par les trois religions monothéistes », ose Éric Coquerel. « En réalité, derrière la question du voile, il y a surtout une discrimination anti-musulman », ajoute le député LFI, auteur d’une tirade mémorable : « Savez-vous que le voile d’une mariée chrétienne signifie le fait qu’il y a une soumission de la femme à son époux ? Est-ce que vous allez demander dorénavant, au nom de ce que vous pensez, à ce que les mariages religieux ne se fassent plus de la même manière ? »