Des propos recueillis par Christophe Henning (à Malines) sur le site du journal La Croix :
Cardinal Joseph De Kesel : « L’Église de demain sera plus modeste et humble »
Entretien
Dans son nouveau livre (1), qui paraît mercredi 26 mai, le cardinal Joseph De Kesel, archevêque de Malines-Bruxelles, engage l’Église dans un dialogue avec la société moderne.
Cardinal Joseph De Kesel : J’ai été opéré trois fois, en août et décembre 2020 et il y a quelques semaines encore. Je suis en voie de guérison aujourd’hui. J’ai toujours gardé confiance, mais c’est éprouvant, et encore aujourd’hui la chimiothérapie provoque une fatigue durable… Coïncidence, on a découvert mon cancer au moment même où survenait l’épidémie de Covid-19.
Jamais je n’avais pensé au cancer, et notre société moderne n’imaginait pas non plus une pareille pandémie : c’était bon pour l’Afrique ou l’Asie, mais pas chez nous ! Et nous sommes tous confrontés à notre fragilité… Je resterai marqué par cela.
La foi d’un cardinal a-t-elle été mise à l’épreuve ?
Card. J. D. K. : Chaque jour, je récite la liturgie des heures. Petit à petit, je découvrais que les paroles des psaumes étaient mes propres paroles. Mon cri, mon angoisse, ma gratitude… Je ne l’ai pas décidé, je n’ai pas dit : « Je vais m’investir dans la prière. » Cela m’a été donné. Avec la maladie, le Seigneur m’a invité à un détour. On ne sort pas d’une épreuve pareille comme on y est entré. C’est l’histoire du peuple de Dieu : sorti d’Égypte, il y avait un chemin plus court pour la Terre sainte, mais le Seigneur fait faire un détour pour découvrir certaines choses très importantes pour l’avenir.
La pandémie a-t-elle aussi des conséquences pour l’Église ?
Card. J. D. K. : Il nous faut peut-être aussi faire un détour… Par exemple, les chrétiens ont bataillé pour pouvoir se réunir et célébrer pendant l’épidémie, je le comprends, et l’eucharistie est évidemment très importante. Mais n’y a-t-il pas d’autres voies ? Se mettre à l’écoute de la parole de Dieu qui est nourriture, par exemple.
Le catholicisme occidental traverse une crise profonde. L’Église est-elle menacée, en voie de disparition ?
Card. J. D. K. : Je suis absolument convaincu que ce n’est pas le cas. Nous traversons une crise, mais l’épreuve peut être aussi un moment de kairos. Dans l’Église comme dans la société, il reste dans notre inconscient collectif l’idée que le christianisme ne peut être lui-même que lorsque la société est chrétienne. Cela n’est pas vrai. Certains pensent que la sécularisation est l’ennemi numéro un, à l’origine de toutes nos difficultés ; ce n’est pas vrai.
Ce n’est pas l’Église qui est sur le déclin, c’est la société qui a changé. Je dirais même que la modernité est une autre culture. Ce n’est pas sans risque : tout comme les religions, la sécularisation peut dévier, se radicaliser. La laïcité, quand elle devient laïcisme, est une espèce de substitution à la religion, qui impose la pensée unique.