De Sandro Magister (Settimo Cielo) en traduction française sur Diakonos.be :
François, le Pape qui fait de la politique en direct. L’analyse d’un historien de l’Église
Ces dernières fêtes de Pâques du Pape François ont été très connotées politiquement, notamment par trois faits et gestes :
- le 12 avril, dimanche de la résurrection de Jésus, par son discours « urbi et orbi », il a appelé l’Europe à « donner une nouvelle preuve de solidarité, même en recourant à des solutions innovatrices » ;
- ce même dimanche de Pâques, par l’envoi d’une lettre enthousiaste à ces « mouvements populaires » qui sont pour lui l’avant-garde de l’humanité en révolte contre la toute-puissance des États et des marchés ;
- et deux jours plus tôt, le 10 avril, Vendredi Saint, par l’envoi d’une note manuscrite à Luca Casarini, l’activiste altermondialiste érigé par le Pape en héros du secours aux migrants en Méditerranée.
La lettre aux « mouvements populaires » a été intégralement publiée dans un précédent article de Settimo Cielo tandis que le billet envoyé à Casarini est celui que nous reproduisons ci-dessus, avec la traduction textuelle suivante :
« Luca, cher frère
merci beaucoup pour ta lettre que Michel m’a apportée. Merci pour la piété humaine que tu as face à tant de douleurs. Merci pour ton témoignage, qui me fait tant de bien. Je suis proche de toi et de tes compagnons. Merci pour tout ce que vous faites. Je voudrais vous dire que je suis toujours à votre disposition pour vous donner un coup de main. Comptez sur moi.
Je vous souhaite une sainte fête de Pâques. Je prie pour vous, s’il vous plaît, faites-le pour moi.
Que le Seigneur vous bénisse et que la Sainte Vierge vous garde.
Fraternellement,
François »
Le « Michel » dont parle le pape, c’est le cardinal Michael Czerny, jésuite et sous-secrétaire de la section migrants et réfugiés de du dicastère du Vatican pour le développement intégral, et la lettre de Casarini a quant à elle été publiée par « Avvenire » [le journal des évêques italiens] accompagnée de la réponse du Pape.
Mais comment analyser cet accès de militance politique explicite, publique et presque effrontée du pape François ?
Le texte qui suit, reçu sous forme de lettre, est une réponse cultivée à cette question. L’auteur est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bergame et spécialiste des rapports entre l’État et l’Église.
Un article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso.
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Primat du spirituel ou primat de la politique ?
de Roberto Pertici
Cher M. Magister,
La lettre du pape François aux « mouvements populaires » et avant cela, son message à Luca Casarini ont semblé pour beaucoup la confirmation du rôle anormal que la politique – et une politique de gauche radicale – revêt dans son ministère.
Vous avez vous aussi parlé d’un « étrange message pascal de la part d’un Pape, pour une résurrection qui n’est que politique ». Sous de nombreux aspects, il est difficile de vous donner tort : et pourtant on a l’impression que la véritable innovative de François soit en définitive différente. C’est-à-dire qu’il ferait de la politique de manière explicite et directe, hors de l’appareil théologique ou spirituel de circonstance qu’il considère de toute évidence comme superflu ; et qu’il le fasse avec une culture politique « périphérique » par rapport aux grands courants de la culture contemporaine.