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Débats - Page 529

  • Marie-Anne Frison-Roche démonte avec brio la sophistique qui tente de légitimer la GPA

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    De Marie-Anne Frison-Roche sur son blog :

    SOPHISTIQUE ET GPA

    Ce working paper sert de base à un article paru au Recueil Dalloz le 14 janvier 2016.

    Celui qui est sincère pose une question pour avoir une réponse qu’il ne connait pas par avance. Le rhétoricien cherche à influencer son interlocuteur pour accroître la probabilité que la réponse qui lui sera apportée lui soit favorable. Mais le sophiste glisse dans la question la réponse qu’il a pour but d’obtenir, celle-là précisément et surtout pas une autre. La question n’est donc pas une question puisqu'elle n’ouvre aucun débat, c’est une manœuvre d’adhésion obligée et pourtant consentie. La question n'est posée que pour obtenir un consentement unanime de l'auditoire dont le sophiste pourra se prévaloir par la suite pour mieux terrasser tout contradicteur qui voudrait le contrer, car il sera désormais armé des réponses qu'il a lui-même écrites.

    Le Droit n’est pas la simple force d’intendance efficace à des projets concrets, il est une puissance symbolique qui se déploie à partir des mots auxquels le groupe social adhère 1 . Si des sophistes se servent des outils juridiques à seul fin d'atteindre leur but, c’est le Droit lui-même qui peut être vaincu, ayant été plié en autant de sens qu'il aura été nécessaire pour atteindre la fin sans aucune considération de la finalité du Droit lui-même.

    Or, sous nos yeux le plus terrible exemple de sophistique juridique est en train de se déployer : celle mise en place depuis quelques années par les entreprises pour établir le marché du matériel humain, afin que le corps des femmes soit cessible, matière première pour fabriquer à volonté des enfants sur commande, cédés à la naissance pour satisfaire un désir d'enfant. L'établissement de ce marché est appelé par certains GPA.

    En effet, lorsqu’alerté par le Juge par l’arrêt d’Assemblée plénière du 31 mai 1991, le Législateur a pris la parole par les Lois de bioéthique de 1994 à propos des conventions par lesquelles des personnes demandent à des femmes de porter un enfant pour le leur remettre à sa naissance afin qu’ils se parent en Droit du titre de parents (convention de gestation pour autrui), cela fût pour prohibé, quand bien même cela sera opéré à titre gratuit, par l’article 16-7 du Code civil ces arrangements étant contraires à la dignité de la personne humaine. Les êtres humains ne peuvent être cédés comme des marchandises, ni la mère, ni l’enfant.

    Face à la parole du Droit, il restait la force persuasive du discours sophistique juridique. Elle est en train de se déployer. Voilà comment :

    Puisque le Législation avait opposé sa plus puissante parole, celle du « Non » 2 , les entreprises positionnées sur le marché de l’humain à vendre, ici le corps des femmes et leur enfant à naître, ont choisi le discours juridique de séduction. Il leur fallait tout d’abord changer d’interlocuteur. Prendre un interlocuteur moins radical que le Législateur, moins général, moins abstrait : cela sera les juridictions, multiples et saisies de cas toujours divers. Prendre un auditoire plus émotif, moins soucieux des principes, lesquels paraissent rigides et lointains : l’opinion publique et les médias.

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  • Avortement : Mgr Aillet fait des émules parmi ses pairs

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    Décidément les catholiques français sont moins « alignés » que d’autres.  En réaction à la promulgation de la loi du gouvernement de la république sur la  Santé, qui a supprimé le délai de réflexion avant l’IVG, plusieurs évêques dénoncent une fuite en avant et refusent que soient opposés dans ce débat le droit des femmes et le droit des enfants. Lu aujourd’hui sur le site de « Famille chrétienne :

    « Peut-on encore parler de l’avortement aujourd’hui ? Il est suffisamment rare que ce sujet revienne dans le débat public pour ne pas saisir l’occasion de parler de ce « drame existentiel et moral » (pape François). La promulgation de la loi Santé le 27 janvier dernier nous permet de le faire. Il ne s’agit évidemment pas de porter des jugements sur les personnes, encore moins de culpabiliser. Refusant les caricatures, les amalgames et les invectives, nous souhaitons prendre le temps d’expliquer.

    Depuis 1975, la loi Veil a consacré la possibilité d’avorter. En 2016, le bilan est dramatique. Alors que le nombre d’avortements reste élevé et constant, trois phénomènes nous permettent de lire en creux un profond malaise social : de moins en moins de médecins acceptent de commettre des avortements ; des plannings familiaux ferment par manque de militants ; des sites Internet proposant des solutions alternatives à l’avortement connaissent un fort succès.

    La dernière loi Santé n’est qu’une fuite en avant. La suppression de la notion de « détresse », en 2014, et à présent du délai de réflexion avant de procéder à l’avortement revient à exercer une pression de plus sur les femmes.

    Nous regrettons que dans ce débat les premiers acteurs de l’acte d’avortement, les femmes, soient trop peu écoutées, au profit d’un « combat pour les droits des femmes ». On occulte la violence létale vécue par les enfants à naître et la violence physique et psychologique vécue par leur mère lors d’un acte d’avortement.

    Pour la loi, l’avortement est un « droit ». Dans les faits, c’est surtout un drame.

    Pour la loi, l’avortement est un “droit”. Dans les faits, c’est surtout un drame.

    C’est le drame des femmes qui vivent un traumatisme : avant d’avorter, elles portaient un bébé, elles portent à présent en elles un fardeau. Beaucoup ont eu le sentiment de ne pas avoir reçu l’aide et le soutien qui leur aurait permis d’accueillir leur enfant, de le bercer, de le caresser.

    L’avortement, c’est le drame des enfants éliminés avant de naître. Les nouveau-nés sont des êtres fragiles. Lorsqu’ils viennent à la vie, ils deviennent le trésor d’une famille, le cadeau de Dieu. Leur innocence nous bouleverse.

    L’avortement, c’est le drame de la déresponsabilisation des pères. Combien de pères se sont-ils délestés de leur rôle, par indifférence ou sous le poids de la pression de leur entourage ? Il faut aussi souligner le désarroi de certains d’entre eux, autant en « quête » qu’en « perte » d’une identité qu’ils peinent à assumer.

    L’avortement, c’est un drame social. Dans notre pays, il est à présent si banalisé qu’il est difficile d’exprimer une opinion divergente. Une mentalité abortive s’est développée, articulée autour du refus de l’autre, de la vie et de la précarité humaine. Cette mentalité introduit le soupçon dans les liens familiaux : mes parents auraient-ils pu m’empêcher de naître ?

    La miséricorde portée par le pape François n’est pas sélective, parce qu’elle ne se conçoit pas sans la vérité. « La plaie qu’est l’avortement constitue un attentat contre la vie. Laisser mourir nos frères sur les bateaux dans le canal de Sicile constitue un attentat contre la vie. […] Le terrorisme, la guerre, la violence, mais aussi l’euthanasie, constituent des attentats contre la vie » (pape François, extrait du discours du 30 mai 2015 adressé à l’association Scienza e Vita).

    Nous ne voulons pas juger les femmes. Devant le poids de leurs souffrances et la complexité de leurs déchirements intérieurs, nous répondons comme le pape François : « Qui suis-je pour juger ? » Ce sont les drames existentiels que nous accueillons au quotidien.

    Nous ne voulons pas juger les femmes. Devant le poids de leurs souffrances et la complexité de leurs déchirements intérieurs, nous répondons comme le pape François : “Qui suis-je pour juger ?”

    Nous disons notre refus d’opposer dans ce débat le droit des femmes et le droit des enfants. Comme le pape François nous y invitait encore le 28 janvier dernier, nous devons relever « le défi de contrecarrer la culture du déchet, qui a de nombreuses expressions, parmi lesquelles celle de traiter les embryons humains comme un matériau jetable, de même que les personnes malades et âgées qui se rapprochent de la mort ».

    Nous appelons au droit à la vie pour tous. Et au droit à l’avis.

    Nous appelons au droit à la vie pour tous. Et au droit à l’avis.

    « Ouvrons nos yeux pour voir les misères du monde, les blessures de tant de frères et sœurs privés de dignité, et sentons-nous appelés à entendre leur cri qui appelle à l'aide. [...] Que leur cri devienne le nôtre et qu'ensemble, nous puissions briser la barrière d'indifférence qui règne souvent en souveraine pour cacher l’hypocrisie et l'égoïsme » (pape François, extrait de la Bulle d’indiction de l’Année Sainte de la Miséricorde).

     

    Mgr David Macaire, archevêque de Saint-Pierre et Fort de France

    Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon

    Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron

    Mgr Nicolas Brouwet, évêque de Tarbes et Lourdes

    Mgr Olivier de Germay, évêque d’Ajaccio

    Mgr Jean-Pierre Cattenoz, archevêque d’Avignon

    et Mgr Bernard Ginoux, évêque de Montauban

     Ref. Avortement: le droit à l'avis.

    JPSC

  • A l'égard de François : préférer la confiance à l'agacement

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    Lu sur aleteia.org (Jules Germain):

    Un grand bol de confiance plutôt que de l’agacement

    Plaidoyer pour faire grandir l’amour envers le successeur de Pierre.

    Pope Francis during his weekly general audience on January 27, 2016 in St. Peter's square at the Vatican.

    Le pape François pendant l'audience générale du 27 janvier 2016 © Antoine Mekary / ALETEIA

    Le Seigneur a appelé à lui un homme simple et faible, qui se contentait de pêcher des poissons, pour faire de lui le rocher de son Église. Si l’on prend au sérieux cet appel, il s’agit pour tout observateur lointain de l’Histoire l’Église d’un fait presque insoutenable : combien de fois, semble-t-il, l’Église n’a-t-elle pas failli à cette mission ?

    Accepter notre Pape et notre Église malgré leurs imperfections

    Notre Église peut se réjouir du fait que le Seigneur, avant de retourner auprès du Père, a donné au monde entier, en la personne de Pierre, une tête visible de sa personne jusqu’à la fin des temps. C’est un homme faible et simple que le Seigneur a choisi. Comme le rappelle Markus Brüning, juriste et théologien catholique, sur le site de nos confrères de kath.net, cet appel se déploie dans toute l’Histoire et jusqu’à l’actuel évêque de Rome, lui aussi héritier de Pierre. Pourtant, il est souvent reproché aux Papes de ne pas toujours avoir été à la hauteur de cet appel.

    La charge perpétuelle de Pierre est une grâce infinie donnée par Dieu à son Église, témoin de la confiance immense qu’il place en elle. Dieu sait la nécessité de cette charge qui seule peut garantir l’unité de son Eglise. Et il ne peut mettre au sommet de cette Eglise qu’un pécheur, que seule la grâce de Dieu peut rendre capable d’exercer ce service. Ici encore, Dieu poursuit son œuvre d’incarnation : c’est à travers un homme précisément désigné qu’il souhaite conduire son troupeau de manière sensible et visible.

    En tant que catholiques, nous ne pouvons qu’être touchés par cette confiance que Dieu nous fait en nous offrant la personne du Pape. Il nous incombe de faire preuve d’une même confiance en Dieu en acceptant notre pape et notre Eglise malgré toutes ses imperfections.

    Makus Brüning poursuit. Je dois maintenant faire une confession personnelle concernant ma propre imperfection : depuis que le Pape François a reçu la charge de saint Pierre, je me suis rendu compte de nombreuses fois qu’il me manquait cette confiance. J’avais sans doute donné trop de poids à des détails superficiels et je n’étais pas prêt à prendre au sérieux la demande spécifique de notre Pape François.

    Arrêtons de nous préoccuper de nous-mêmes

    Très vite, fort d’une assurance déplacée, j’ai ressenti un sentiment de supériorité à me croire « plus papiste que le pape ». De nombreuses déclarations du Pape me semblaient assez irritantes et je voyais en elles la preuve d’un manque d’amour envers son Eglise. Mais j’ai fini par me dire : « Allez, faisons confiance en Dieu et en celui qu’il a choisi à la tête de son Eglise ! Nous verrons bien comment Dieu se débrouille pour que l’héritier de Pierre continue à le servir encore d’une nouvelle manière ».

    Le Pape François veut en effet nous montrer que la vocation de l’Eglise n’est pas d’abord de se préoccuper de son pré-carré mais d’entrer en contact avec les périphéries de la société. Ces dernières décennies, il faut bien reconnaître que nous nous sommes accoutumés à beaucoup nous occuper de nous-mêmes : crise de la liturgie, crise de la confession, crise de l’instruction et de la transmission de la foi, etc. Et la mission de l’Eglise dans le monde ? Pourquoi le Christ a-t-il voulu qu’une telle Église existe ?

    Le rôle des évêques n’est pas de concevoir des plans de pastorale, il ne s’agit pas de se tourner vers l’extérieur comme le ferait une entreprise ou un parti politique. Ce que souhaite le pape François, qui rejoint sur ce point son prédécesseur Benoît XVI, c’est que l’Église apprenne à se distinguer du monde et soit capable de retrouver ses racines évangéliques en allant vers les égarés. Il éprouve plus de joie en voyant le pécheur se convertir qu’en voyant les 99 justes, qui n’ont pas besoin de se convertir.

    C’est pour cette raison que le pape François a raison quand il dit qu’il « préfère une Église blessée, une Église pleine de boue parce qu’elle est allée dans la rue, à une Église qui, à cause de sa fermeture, de son confort, de sa sécurité, est devenue malade ». C’est de cette idée que découle sa vision de l’Église comme un hôpital de campagne.

    Pourquoi ne pas lui faire confiance ?

    Le Pape perçoit avec force à quel point des personnes, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Eglise, sont aujourd’hui puissamment blessées. L’Église est là pour soigner les plaies et non pour les aggraver. Le Pape renouvelle l’image même du Christ qui est venu pour soigner par priorité ceux qui sont malades. Il souhaite que les hommes qui sont tombés, qui souffrent de leurs péchés, puissent trouver une porte ouverte qu’ils avaient crue fermée. Et cela n’est pas possible en les montrant du doigt : seul l’amour du père peut faire ce travail, l’amour du père qui le pousse à embrasser son fils égaré et à le prendre dans ses bras sans y mettre de condition.

    Pourquoi avoir peur que le pape édulcore l’enseignement moral de l’Église ? Il n’a cessé de dire qu’il était un fils de l’Église. Pourquoi ne pas lui faire confiance ? Le cœur de la morale n’est-il pas justement d’avoir le cœur tout prêt à exercer sa miséricorde ? C’est pour cette raison que François a mis la miséricorde au cœur de son enseignement. La lecture de son livre Le Nom de Dieu est miséricorde montre qu’il parle en tant que grand connaisseur de la vie concrète et qu’il ne reste pas simplement dans le domaine de la théorie et de la pure morale. Ce livre laisse paraître le modèle d’un évêque qui ose aller à la rencontre de tout le monde, notamment des prostituées, tel le Christ qui allait, pour le plus grand scandale de beaucoup, manger avec les pécheurs.

    « Celui qui ne prie pas le Seigneur prie le Diable »

    Il faut revenir aux premières paroles prononcées par le Pape après son entrée en fonction pour comprendre ses actes et leur sens : « Nous pouvons aller aussi loin que nous voulons, bâtir tout ce que nous pouvons, mais si nous ne confessons pas Jésus Christ, cela ne sert à rien. Nous serons une belle ONG très efficace, mais pas l’Eglise, l’Épouse du Christ ». Si l’on ne bâtit pas sur la pierre, que se passe-t-il ? Il se passe la même chose que lorsque les enfants construisent des châteaux dans le sable. Cela n’a aucune solidité. Tout finit par s’écrouler. Si l’on ne confesse pas le Christ, alors viennent les mots de Léon Bloy : « Celui qui ne prie pas le Seigneur prie le Diable».

    Celui qui ne prie pas le Seigneur Jésus Christ prie le Diable ! Quelle phrase décapante ! François a l’art de dire la vérité sans fard. Avec cette phrase d’introduction de son pontificat, on ne peut pas lui reprocher de faire du syncrétisme ou de l’humanisme sans Dieu : le pape sait parfaitement sur quel fondement il repose. Et il sait aussi qui est le véritable adversaire de l’Église : Satan. Mais il n’oublie jamais que toutes les femmes et tous les hommes sont des créatures de Dieu, des créatures que Dieu aime infiniment.

    Voir en François l’homme de prière

    Enfin un dernier mot, écrit Markus Brüning : « Je comprends les débats autour des chaussures noires du pape, de sa manière de se vêtir quand il donne la bénédiction Urbi et Orbi, mais ils ne mènent nulle part. Ne voyez-vous pas la si profonde piété de notre Pape ? Que celui qui a encore des doutes sur sa personne le regarde attentivement : c’est un homme de prière. Il passe chaque jour du temps devant le tabernacle. Il vénère la Mère du Seigneur avec un amour très profond, presque comme un enfant. Ses homélies sont comme des prières à haute voix qui laissent entrevoir une vie spirituelle extrêmement riche. Sur ce point, nous avons tous à apprendre du Pape. Quand je le vois, je me dis toujours que je ne prie pas assez, que c’est la prière qui me donnera la joie et la sérénité et me disposera à aimer mon prochain comme le Seigneur me le demande. »

    « Jésus, j’ai confiance en toi ! » : voilà ce qu’on peut lire sur chaque image du Christ miséricordieux que sainte Faustine nous a offerte. Je te remercie Seigneur de nous avoir donné notre très Saint-Père le pape François, qui, par son exemple et son enseignement, nous montre que le Nom de Dieu est Miséricorde. Fais en sorte que nous tâchions de ne pas nous énerver lorsque l’on ne comprend pas notre Pape. Donne-nous plutôt une grande sérénité et un amour sincère envers ton représentant visible sur Terre.

  • La question de la religion dans l’espace public : le Père Xavier Dijon propose un point de vue inédit et passionnant

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    9782204105897-56a8a8a29d001.jpgLa religion et la raison

    Normes démocratiques et traditions religieuses

    La question de la religion dans l’espace public :   un point de vue inédit et passionnant

    de Xavier Dijon

    336 pages - févr. 2016 -

    24,00€

    Est‐ce un hasard si Jean‐Marc Ferry, d’un côté du Rhin, Jürgen Habermas, de l’autre, entrouvrent aujourd’hui la porte de la République au discours religieux ? Si la raison publique faite de liberté et d’égalité semblait suffire pour régir le champ économique et social de notre Modernité première, elle s’avère trop courte lorsqu’il s’agit de formuler la norme commune applicable aux fondamentaux de l’existence tels que la vie, le corps, l’amour, la mort… D’où l’appel de nos deux auteurs aux ressources de sens qu’ont accumulées les religions et, singulièrement, le christianisme. Pour prendre cette requête au sérieux, il fallait revisiter les grands axes de la tradition chrétienne (création, faute, incarnation, salut, trinité, eucharistie) pour en dégager les enseignements qui enrichiraient la raison publique d’aujourd’hui. Mais la foi se laissera‐t‐elle ainsi arraisonner ? Et la raison s’ouvrira‐t‐elle à ce discours qui vient de plus loin qu’elle ? La partie est loin d’être gagnée. Xavier Dijon la mène avec grand talent.
     
    Jésuite, Xavier Dijon a suivi un parcours universitaire de philosophie, de théologie et de droit. Professeur émérite de l’université de Namur et ancien membre du Comité consultatif de bioéthique de Belgique, il a publié aux Éditions du Cerf Les Droits tournés vers l’homme (2009).
  • Des nouvelles de l'Université de la Vie

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    « L’action politique pour le droit et la justice » : retour sur la soirée n°3 de l’Université de la vie !

     

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    Près de 6000 participants - dont ceux de Bruxelles et de Liège - ont suivi la 3e soirée de l’Université de la vie consacrée à « l’action politique pour le droit et la justice ».

    Tugdual Derville a introduit la soirée en partageant son regard lucide et impliqué sur la politique, invitant à prendre conscience que « nous sommes ‘’tous politiques’’ et appelés à nous engager au service de la justice ». Le délégué général d’Alliance VITA nous a proposé une boussole pour déployer un humanisme intégral : respecter tout l’homme et tous les hommes, toute la vie et la vie de tous. Puis il a exposé ses conseils pour agir pour « la vie dans la vérité » : assumer la complexité, adopter un langage au service de la vérité, travailler à conquérir sa propre liberté, agir avec prudence et avoir l’audace de se relier.

    De son côté, Thibaud Collin, philosophe, auteur et conférencier, a expliqué aux participants les fondements, les ressorts, les rôles et la pertinence de la « loi naturelle ». Cet expert des questions de philosophie morale et politique a démontré que la loi naturelle offre des points de repères indispensables pour une démocratie, pour qu’elle œuvre pleinement au respect des droits humains fondamentaux.

    Caroline Roux, déléguée générale adjointe d’Alliance VITA et directrice de VITA International, en duplex depuis Washington, a introduit une séquence sur des regards croisés des enjeux bioéthiques à l’étranger.

    Par vidéo, 3 personnalités sont intervenues. Pour la Suisse, François-Xavier Putallaz, professeur de philosophie à l’Université de Fribourg. Pour le Canada : la journaliste Michèle Boulva. Et pour la Belgique ce fut Carine Brochier, coordinatrice de projets à l’Institut européen de bioéthique de Bruxelles qui organise localement une Université de la vie.

    Le « grand fondateur » de cette 3e soirée était Christian de Cacqueray, directeur du Service catholique des funérailles. Invité à expliquer comment en tant qu’« homme de terrain » au service des personnes endeuillées, il a réagi, mobilisé, alerté suite à une injustice se profilant dans le projet de loi Santé.

    L’article du Gouvernement visant à interdire les soins de thanatopraxie à domicile, rendant plus complexe les démarches et plus difficile la veille des défunts, lui était apparu comme injuste, inutile et néfaste. Il s’est alors mobilisé, par des rencontres avec des élus et la presse, pour défendre le bien commun en faisant barrage à cette réforme. Fort de son expérience, l’auteur de Parcours d’adieux, chemins de vie souhaite rappeler à tous que la mort a une parole à dire à tous les vivants sur le sens de l’existence, raison pour laquelle «la mort ne doit pas nous être confisquée ».

    Puis les participants ont été invités à visionner une vidéo intitulée « Je suis un OGM ». Ce court métrage, qui présente avec humour un sujet grave, met en lumière l’ère qui se profile sous nos yeux : celle du « bébé à la carte ». L’avènement de techniques permettant de modifier le génome humain soulève de graves enjeux éthiques.

    Puis Henri de Soos, Secrétaire général d’Alliance VITA et responsable des relations politiques, a invité à réfléchir aux moyens ajustés pour une action politique juste, une action politique au sens noble du terme, c’est-à-dire au sens de s’occuper des affaires de la Cité, en se mettant au service du peuple. En s’appuyant sur quelques exemples d’actions, il nous a offert des enseignements, méthodes et repères qui peuvent être utiles à chacun d’entre nous.

    La soirée s’est conclue par une table ronde avec les 4 invités, un temps de réponse aux questions des quelques 120 villes interconnectées qui a permis d’approfondir la question du relativisme, de la liberté de conscience, de l’importance de voter en conscience (…).

    >> Inédit pour la prochaine et dernière soirée :

    Consacrée à « l’Action globale pour une culture de vie », cette 4e soirée se conclura par l’intervention de Tugdual Derville qui sera disponible en direct par Internet et visible par tous ceux qui le souhaiteront sur le site d’Alliance VITA. L’objectif, inviter chacun à réfléchir à une question cruciale qui se pose à tous : devant une humanité aujourd’hui capable de s’autodétruire, comment « choisir l’homme » ?

    Avec ses 6000 participants, ses 120 villes en France et 11 à l’étranger, ce cycle de formation bioéthique inédit rencontre un vrai succès, y compris sur les réseaux sociaux puisque la soirée a rencontré un fort rayonnement : pour la deuxième fois le hashtag #UDVie était dans les 5 tendances de tête de Twitter.

  • Manifestation du 30 janvier contre le projet de loi italien d’union civile : le pape François et les évêques restent au balcon

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    L’Italie se déchire sur le projet de loi sur la création d’une union civile, discuté au Sénat à partir du 2 février. La manifestation du 30 janvier, contre l’union civile et l’adoption pour les couples homosexuels, n’a pas le soutien officiel de l’épiscopat italien. Le pape François reste distant, tout en rappelant le caractère irremplaçable du mariage chrétien. C'est la méthode Bergoglio. Commentaire de Sébastien Maillard dans « La Croix »:

    À la proposition de loi permettant à des personnes homosexuelles de s’unir civilement et d’adopter des enfants, les évêques italiens disent « non », en particulier à l’adoption. Ils ne sont pas pour autant convaincus de descendre dans la rue le 30 janvier à Rome. Ni de cautionner officiellement cette mobilisation.

    Le 25 janvier, le président de la Conférence des évêques d’Italie (CEI), le cardinal Angelo Bagnasco, n’a fait aucune référence publique au Family Day. Sur le fond, il a réaffirmé que la famille fondée entre un homme et une femme n’avait pas d’autre équivalent, argumentant en particulier contre le volet adoption de la loi : « Les enfants ne sont jamais un droit, parce qu’ils ne sont pas des choses à produire. » À chaque catholique d’en tirer les conséquences politiques.

    Une distance de l’épiscopat et du Vatican

    L’épiscopat italien avait déjà marqué sa distance lors d’un rassemblement du 20 juin 2015 contre le même projet. De grands mouvements catholiques n’avaient pas appelé à s’y joindre, à l’exemple de la communauté de Sant’Egidio ou de Communion et libération dont le dirigeant, le prêtre espagnol Julian Carron, avait expliqué que son expérience en Espagne l’avait laissé sceptique.

    > Lire aussi: L’Italie va devoir reconnaître l’union civile des couples homosexuels

    « Chaque fois que, pour défendre une valeur, on descend dans la rue, il en ressort pour résultat… un mur. Cela n’arrête ni ne ralentit le processus, mais l’accélère », avait-il averti, préférant « montrer un peu plus d’humanité dans le témoignage de la vie quotidienne ».

    À l’inverse, le Chemin néo-catéchuménal ou le Renouveau charismatique apparaissent, parmi d’autres, en première ligne. Mais sans mandat de l’épiscopat italien. Moins encore du Vatican qui, en retrait, envoie des signaux.

    Le 22 janvier, veille d’une mobilisation en faveur de la loi, le pape François avait réaffirmé qu’« il ne pouvait y avoir de confusion entre la famille voulue par Dieu et tout autre type d’unions ». De même, avant la manifestation du 20 juin, il avait dénoncé, sans nommer le mariage gay, « ces colonisations idéologiques, (qui) font beaucoup de mal et détruisent une société, un pays, une famille ». Avant un référendum sur cette question en Slovénie, le mois dernier, il s’était montré plus explicite, encourageant lors d’une audience publique, le 16 décembre, « tous (les Slovènes), spécialement ceux qui ont des responsabilités publiques, à soutenir la famille, structure de référence de la vie en société ».

    Un changement de façon de faire par rapport aux précédents pontificats

    L’implication vaticane s’arrête là. Jorge Bergoglio incite les jeunes à ne pas craindre d’aller à contre-courant et de s’investir en politique, mais en termes généraux. Il a aussi déclaré ne pas reprendre à son compte l’expression de « valeurs non négociables » chère au précédent pontificat.

    « C’est un changement par rapport au temps où le Vatican, sous Jean-Paul II et Benoît XVI, et la Conférence épiscopale italienne, sous le cardinal Ruini, bloquaient des projets de loi », relève Marco Politi, auteur de François parmi les loups. Le projet de loi sur les droits et devoirs des personnes vivant ensemble (Dico) du gouvernement Prodi avait été vivement combattu en 2007, tout comme le référendum sur la procréation assistée de 2005.

    > En 2007: Les catholiques italiens manifestent pour défendre la famille

    « Les évêques italiens misent à présent sur l’efficacité des laïcs, observe l’historien Giovanni Marie Vian, directeur de l’Osservatore Romano, le quotidien du Vatican. L’époque où ils intervenaient directement dans le champ politique est révolue. »

    « C’est un signe de maturité des laïcs italiens », ajoute Marco Tossati, du quotidien La Stampa, qui ignore si certains évêques seront au rassemblement : « Sans attendre des évêques jugés ambigus sur ces sujets, ils prennent leurs responsabilités à la lumière de ce qu’enseigne l’Église et à l’égard de la société ».

    Ref. Les évêques italiens laissent agir les laïcs 

    Le peuple au charbon, les épiscopes au balcon ?

    JPSC

  • Conscience, liberté et sainteté

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    Lu sur le site « Benoît et moi », cette réflexion du Cardinal Raymond Burke :

    « S'il nous faut rechercher la sainteté de vie, vivre le plus totalement et fidèlement pour le Christ, c'est-à-dire donner nos vies au Christ, sans aucune réserve, nos cœurs doivent rechercher leur sagesse et leur force dans le glorieux Cœur transpercé de Jésus; notre conscience doit être formée à écouter la seule voix de Dieu et à rejeter ce qui affaiblirait ou compromettrait, de quelque manière, notre témoignage de la vérité en laquelle Lui seul nous instruit à travers l'Église. Par notre prière et notre dévotion quotidienne, et par notre étude de l'enseignement officiel de l'Église, notre conscience est formée en accord avec la volonté de Dieu, en accord avec Sa loi, qui est vie pour nous. 
    C'est la conscience, la voix de Dieu, qui parle à nos âmes, qui, selon les paroles du Bienheureux Cardinal John Henry Newman, est «le premier de tous les vicaires du Christ» (Cardinal John Henry Newman, "Lettre au Duc de Norfolk". Cité dans le Catéchisme de l'Église Catholique, n. 1778).

    En tant que telle, la conscience est toujours en accord avec le Christ Lui-même, qui l'instruit et l'informe par Son Vicaire, le Pontife Romain, et les Évêques en communion avec celui-ci. Le Cardinal Newman a souligné que la conscience «est un messager de celui qui, en nature et en grâce, nous parle derrière un voile, et nous instruit et gouverne par ses représentants» (Ibid).

    Il nous faut aujourd'hui être attentif à une fausse notion de conscience, qui utiliserait en réalité la conscience pour justifier des actes peccamineux, la trahison de notre appel à la sainteté. 
    Dans son discours de Noël 2010, le Pape Benoît a réfléchi en profondeur à la notion de conscience dans les écrits du Cardinal Newman, qui contraste avec la fausse idée de conscience répandue dans notre culture. 
    Le Saint-Père a décrit la différence de la conception de la conscience selon l'Église, ainsi qu'elle est fidèlement et brillamment enseignée par le Cardinal Newman, avec ces mots:

    Dans la pensée moderne, la parole « conscience » signifie qu’en matière de morale et de religion, la dimension subjective, l’individu, constitue l’ultime instance de la décision. Le monde est divisé dans les domaines de l’objectif et du subjectif. A l’objectif appartiennent les choses qui peuvent se calculer et se vérifier par l’expérience. La religion et la morale sont soustraites à ces méthodes et par conséquent sont considérées comme appartenant au domaine du subjectif. Ici, n’existeraient pas, en dernière analyse, des critères objectifs. L’ultime instance qui ici peut décider serait par conséquent seulement le sujet, et avec le mot « conscience » on exprime justement ceci : dans ce domaine peut seulement décider un chacun, l’individu avec ses intuitions et ses expériences. La conception que Newman a de la conscience est diamétralement opposée. Pour lui « conscience » signifie la capacité de vérité de l’homme : la capacité de reconnaître justement dans les domaines décisifs de son existence – religion et morale – une vérité, la vérité. La conscience, la capacité de l’homme de reconnaître la vérité lui impose avec cela, en même temps, le devoir de se mettre en route vers la vérité, de la chercher et de se soumettre à elle là où il la rencontre. La conscience est capacité de vérité et obéissance à l’égard de la vérité, qui se montre à l’homme qui cherche avec le cœur ouvert.
    (Discours à la Cuie Romaine, 22 décembre 2010w2.vatican.va)


    La conscience n'établit donc pas chacun de nous comme arbitre de ce qui et juste et bon, mais nous unit dans la recherche de l'unique vérité, celle finalement de Notre Seigneur Jésus-Christ qui est l'unique arbitre du juste et bon, afin que nos pensées, nos paroles et nos actes mettent en pratique cette vérité. 

    Dans le même discours de Noël, le Pape Benoît XVI clarifie un passage souvent mal compris du Bienheureux Cardinal Newman qui est en effet utilisé afin de promouvoir la fausse idée subjective de conscience. 
    Notre Saint Père observe:

    Pour pouvoir affirmer l’identité entre le concept que Newman avait de la conscience et la compréhension moderne subjective de la conscience, on aime faire référence à la parole selon laquelle lui-même – dans le cas où il aurait dû porter un toast –, l’aurait d’abord porté à la conscience, puis au Pape. 
    Mais dans cette affirmation, « conscience » ne signifie pas le caractère obligatoire ultime de l’intuition subjective. C’est l’expression de l’accessibilité et de la force contraignante de la vérité : en cela se fonde son primat. Au Pape, peut être dédié le second toast, parce que c’est son devoir d’exiger l’obéissance à l’égard de la vérité (ibid).

    Autrement dit, il ne peut jamais y avoir d'opposition entre ce que la conscience nous demande et ce que nous demande la vérité de la foi, comme l'énonce le Saint Père. La conscience en effet nous attire dans une compréhension de plus en plus profonde de la vérité et une adhésion à elle dans nos pensées, nos paroles et nos actions.

    Dans son discours au Parlement allemand en Septembre 2011, se référant au texte de la lettre de Saint Paul aux Romains (Romains 2, 14-16), au sujet de la loi morale naturelle et de son témoin primordial la conscience, le Pape Benoît XVI déclare: i
    ci apparaissent les deux concepts fondamentaux de nature et de conscience, où «conscience» n’est autre que le «cœur docile» de Salomon, la raison ouverte au langage de l’être.

    Un peu plus loin, illustrant les sources de la loi dans la nature et la raison en faisant référence à l'intérêt populaire pour l'écologie comme moyen de respecter la nature, il observe:

    Je voudrais cependant aborder avec force un point qui aujourd’hui comme hier est – me semble-t-il - largement négligé: il existe aussi une écologie de l’homme. L’homme aussi possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté. L’homme n’est pas seulement une liberté qui se crée de soi. L’homme ne se crée pas lui-même. Il est esprit et volonté, mais il est aussi nature, et sa volonté est juste quand il respecte la nature, l’écoute et quand il s’accepte lui-même pour ce qu’il est, et qu’il accepte qu’il ne s’est pas créé de soi. C’est justement ainsi et seulement ainsi que se réalise la véritable liberté humaine.


    Réfléchissant à la culture européenne qui s'est développée "de la rencontre entre Jérusalem, Athènes et Rome - de la foi d'Israel en Dieu, de la raison philosophique des Grecs, et de la pensée légale Romaine, il conclut: 

    Dans la conscience de la responsabilité de l’homme devant Dieu et dans la reconnaissance de la dignité inviolable de l’homme, de tout homme, la culture européenne a fixé des critères du droit, et les défendre est notre tâche en ce moment historique. (Discours devant le Bundestag, 22 septembre 2011, w2.vatican.va)


    Alors que la réflexion du Pape Benoît XVI est inspirée d'un souci pour l'état du droit dans la culture européenne, ses conclusions concernant les fondements du droit et, par conséquent, de l'ordre dans la société sont clairement d'application universelle.

    Ref. La conscience, guide infaillible vers une vie sainte 

    Plutôt que de liberté de conscience, il faudrait parler de liberté des consciences. C’est la vérité qui les rend libres. « Veritas liberabit vos » (Jn 8, 32)

    JPSC

  • Cologne est-il le signe qu’il faut fermer les portes ou fermer les yeux ?

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    De Kamel Daoud sur le site de "L'Hebdo" :

    Viol et fantasmes sur «Europe»

    KAMEL DAOUD Né en 1970 en Algérie, dans la région de Mostaganem, il est journaliste et écrivain d’expression française: Il écrit en français car, dit-il, «l’arabe est piégé par le sacré, les idéologies dominantes. On a fétichisé, politisé, idéologisé cette langue.» Kamel Daoud est l’auteur, notamment, des romans Le Minotaure 504 et Meursault, contre-enquête. Il a été finaliste du Prix Goncourt 2014 et a obtenu le Goncourt du premier roman 2015.

    L’écrivain algérien Kamel Daoud réagit aux agressions sexuelles qui ont bouleversé l’Allemagne à Nouvel An. Des réfugiés, explique-t-il, nous ne voyons que le statut, pas la culture. C’est ainsi que leur accueil est placé sous le signe de la bureaucratie et de la charité, sans tenir compte des préjugés culturels et des pièges religieux.

    Que s’est-il passé à Cologne? On peine à le savoir avec exactitude en lisant les comptes rendus, mais on sait au moins ce qui s’est passé dans les têtes. Celle des agresseurs, peut-être; celle des Occidentaux, sûrement.

    Fascinant résumé des jeux de fantasmes. Le «fait» en lui-même correspond on ne peut mieux au jeu d’images que l’Occidental se fait de l’Autre, le réfugié-immigré: angélisme, terreur, réactivation des peurs d’invasions barbares anciennes et base du binôme barbare-civilisé. Des immigrés accueillis s’attaquent à «nos» femmes, les agressent et les violent. Cela correspond à l’idée que la droite et l’extrême droite ont toujours construite dans les discours contre l’accueil des réfugiés. Ces derniers sont assimilés aux agresseurs, même si l’on ne le sait pas encore avec certitude. Les coupables sont-ils des immigrés installés depuis longtemps? Des réfugiés récents? Des organisations criminelles ou de simples hooligans? On n’attendra pas la réponse pour, déjà, délirer avec cohérence. Le «fait» a déjà réactivé le discours sur «doit-on accueillir ou s’enfermer?» face à la misère du monde. Le fantasme n’a pas attendu les faits.

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  • Terrorisme : l'amalgame entre islam et christianisme est extrêmement dommageable pour l'Eglise

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    D'Henri de Begard sur "Le Rouge et le Noir" :

    Terrorisme : l’amalgame entre religions est profondément dangereux pour le christianisme

    Nombreux sont les intervenants médiatiques et politiques qui insistent régulièrement sur la nécessité de ne pas faire d’amalgame entre l’islam et l’islamisme. Mais bien souvent cette distinction est entachée de deux erreurs majeures.

    La première, déjà évoquée dans de précédents articles [1], consiste à déclarer que l’islamisme n’a rien à voir avec l’islam. Le refus de cette filiation est non seulement insultante intellectuellement, mais elle est aussi un frein véritable à la résolution du problème djihadiste.

    La deuxième erreur consiste à commettre un amalgame plus grand encore que celui entre islam, islamisme et violence, en élargissant la dénonciation de la violence, en affirmant qu’elle est intrinsèque aux religions, que chaque religion possède son extrémisme, et que ces extrémismes sont comparables.

    Il s’agit, par exemple, de cette opération [2] relayée par les médias dans laquelle des individus sont allés lire dans la rue des passages de la bible, les faisant passer pour des extraits du Coran, pour observer les réactions des passants et démontrer ainsi que la violence du christianisme est comparable à celle de l’islam (oubliant au passage que le catholicisme a pourtant plusieurs choses que le Coran n’a pas : un nouveau testament, une tradition, et une autorité, le pape).

    Les religions, sources des violences terroristes ?

    En refusant de voir la spécificité du terrorisme islamique, cette deuxième erreur empêche, comme la première, de poser une analyse correcte de la situation et de se donner les véritables moyens de le combattre. Mais cet amalgame “par le haut” est aussi profondément néfaste pour le christianisme.

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  • Année de la Miséricorde : lever les sanctions canoniques frappant les (in)fidèles adhérant à la franc-maçonnerie ?

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    C’est le nouveau « ballon d’essai » lancé dans le journal « La Croix » sous la signature de « Jean Rigal, théologien » :

    "Les catholiques ne sont pas toujours bien informés d’une querelle séculaire qui existe entre leur Église et les francs-maçons.

    Selon les époques, la rivalité a été plus ou moins dure, l’Église romaine critiquant la maçonnerie et réciproquement. L’ancienne excommunication a disparu, en 1983, dans l’édition actuelle du droit canon ; mais une autre condamnation a été formulée, la même année, par le cardinal Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Elle affirme que les fidèles qui s’inscrivent à la franc-maçonnerie « sont en état de péché grave et ne peuvent accéder à la sainte communion ». On remarquera que cette désignation touche exclusivement les maçons et atteint seulement et douloureusement ceux qui, parmi eux, affirment avoir une foi catholique.

    Cette condamnation était compréhensible lorsque les maçons, dans les allées du pouvoir, poursuivaient des attitudes d’hostilité, voie de persécution, dans les États latins. Qu’on songe à la France de la IIIe République ou aux Italiens, quand Rome, jusque-là ville du pape, fut annexée au nouveau royaume d’Italie. Mais n’oublions pas qu’à la même époque l’Église catholique n’était pas sans reproche, s’employant à promouvoir une restauration monarchique du pouvoir.

    Depuis lors, la franc-maçonnerie a évolué. Elle s’est divisée, dans chaque État, en de nombreuses obédiences, plus diverses qu’on ne croit. Leur spiritualité spécifique se situe généralement de manière apaisée, à l’égard des différentes religions.

    Quant à l’Église catholique, depuis Vatican II et le pape François, elle s’est ouverte au dialogue avec les autres familles de pensée, y compris avec des groupes d’incroyants.

    En 2016, la famille de pensée maçonnique, en dépit de ses divisions, est bien représentée en France avec 150 000 adultes des deux sexes, en toutes régions. Ce sont des personnes qui vivent souvent des valeurs morales et citoyennes affirmées. Pourquoi ne pas multiplier les occasions de dialogue ?

    On sait que beaucoup de maçons se veulent a-dogmatiques (opposés aux dogmes). Peut-être est-il utile de rappeler que la foi chrétienne ne porte pas d’abord sur des formules mais sur la découverte de « Quelqu’un ». Qu’en pensent les catholiques maçons ?

    Dans le contexte actuel, le débat ne serait-il pas plus bénéfique qu’une condamnation ? Comment ne pas situer cet appel dans l’interpellation lancée par l’Année jubilaire sur la miséricorde ? « Qu’à tous, croyants ou loin de la foi, écrit le pape François, puisse parvenir le baume de la miséricorde comme signe du Règne de Dieu déjà présent au milieu de nous. “La miséricorde est le propre de Dieu dont la toute-puissance consiste justement à faire miséricorde.” Ces paroles de saint Thomas d’Aquin montrent que la miséricorde n’est pas un signe de faiblesse, mais bien l’expression de la toute puissance de Dieu » 

    À l’occasion de l’Année de la miséricorde, pourquoi ne pas écarter définitivement cette accusation de « péché grave », imputée uniquement, du moins de cette façon, aux « initiés » des obédiences maçonniques ?"

    Ref. Les relations entre les francs-maçons et l’Église évoluent

    Dans l’état actuel des choses, l’Eglise juge qu’il n’y a pas de compatibilité entre l’adhésion à la Maçonnerie et le fait d’être catholique fidèle au pape et à Dieu. La question fut encore étudiée entre 1974 et 1980, surtout en Allemagne où le théologien Joseph Ratzinger s’y intéressa avant de devenir préfet (1981-2005) de la Congrégation de la doctrine de la Foi, puis pape (2005). L’appartenance à la franc-maçonnerie ne figure plus parmi les cas d’excommunication « latae sententiae » (ipso facto) édictés par le nouveau code de droit canon, en 1983. Mais le jugement négatif demeure : l’année même de la publication du nouveau code, une déclaration de la Congrégation de la doctrine de la Foi signée par son préfet avec l’approbation du pape alors régnant a précisé que :

    -les principes des associations maçonniques demeurent inconciliables avec la doctrine de l’Église ;

    -il est interdit aux catholiques de s’inscrire dans ces associations sous peine de péché grave les privant de l’accès à la sainte communion. 

    Parmi les motifs de ce jugement qu’explicite une autre note disponible sur le site web du Saint-Siège figurent notamment le danger de relativisme et le secret.

    C’est le principal problème: les loges maçonniques cultivent des secrets « inaccessibles » dans le cadre d’une structure pyramidale initiatique et cloisonnée par niveaux, de l’inférieur au supérieur.

    Il ne s’agit pas ici de secrets professionnels (comme celui du médecin ou du confesseur) mais d’un vrai secret doctrinal, une sorte d’immunité magistérielle, que même l’Église n’a pas. Celle-ci peut être critiquée car son enseignement est ouvert ; elle n’est d’ailleurs que la servante d’un message qui n’est pas le sien propre mais celui du Christ : Lui seul, parce qu’il est Dieu, peut affirmer « je suis la Vérité » et dire à ses disciples : allez pour toutes les nations, baptisez-les et enseignez-leur ce que je vous ai enseigné. 

    C’est pourquoi l’Église se sent responsable de la sainteté et de la fidélité des siens au Christ et revendique un contrôle à cet égard. Le contrôle n’a rien d’offusquant, il n’est pas l’apanage des dictatures. Des contrôles démocratiques existent : ceux des associations de consommateurs sur la qualité des produits alimentaires par exemple. Ou, pour prendre un autre exemple, celui du respect de la liberté des consciences par les écoles coraniques.

    Semblablement, l’Église a le droit de contrôler la qualité des produits présentés à ses fils dans le cadre de certaines démarches spirituelles : un contrôle pas (ou plus) coercitif mais une mise en garde. En l’occurrence, elle considère qu’il est inadéquat pour un catholique de s’inscrire dans un système ésotérique comme la maçonnerie, pour y suivre des cours incontrôlables sur l’évangile de saint Jean, sur l’exégèse biblique, sur l’interprétation du

    message symbolique de la Bible et sans pouvoir être justement averti de la compatibilité du contenu initiatique de cet enseignement avec le dépôt de la Foi.

    Tel est le sens de la Déclaration précitée de la Congrégation pour la doctrine de la Foi.

    L'impossibilité de conciliation est actuelle, mais n'empêche pas de faire évoluer les discussions. Simplement, l'ésotérisme et l'initiation est difficilement compatible avec l'enseignement de l'Église, qui a entre autre choses, lutté contre la Gnose chrétienne à cet effet. De plus, Jésus Christ, dans un élan opposé au secret et à l'ésotérisme, s'est aussi réjouit en ces termes : » Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d'avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l'avoir révélé aux tout-petits.  Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir. Tout m'a été remis par mon Père, et nul ne connaît le Fils si ce n'est le Père, et nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler. (Mt 11, 25-27)

    D'après Ph. Dalleur, ref. ici Compte-rendu et débat  sur le site web http://www.ethiquesociale.org/ 

    JPSC 

  • Les habituelles platitudes progressistes reproduites en "opinion" dans la Libre

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    Un ami nous écrit :

    La Libre ouvre donc une nouvelle fois ses colonnes à un détracteur du Magistère catholique (ancien professeur de religion !), lequel se fait l'écho d'une "association ("Hors les Murs") qui regroupe des prêtres qui se sont mariés et ont donc quitté l’Eglise". On ne sait pas au juste combien d'affiliés compte ce groupe de pression, présentés comme des "rebelles fidèles à l'Evangile". A contrario, il ne s'agit pas d'anciens prêtres qui obéissent aux règles de l'Eglise, qu'ils connaissaient pourtant au moment de leur engagement dans le sacerdoce.
     
    Nihil novi sub sole puisqu'une fois de plus, nous avons droit aux platitudes habituelles :
     
    - "l’Eglise s’est "repliée frileusement sur ses convictions"
    - " La plupart de ces "Hors-les-Murs" n’ont pas versé dans l’anticléricalisme, mais ont gardé la foi"... comme si foi et norme disciplinaire étaient en opposition l'une à l'autre. Soyons oourtant rassurés: seule une infime minorité a versé dans l'anticléricalisme.
    - "le modèle dominant et répandu du christianisme est obsolète... il "est souvent un obstacle pour vivre les valeurs évangéliques"
    - "il s’impose d’urgence d’intégrer aussi davantage les femmes et de donner plus de pouvoir à des personnes qu’elles considèrent comme préparées et jugées aptes à cela, sans distinction de sexe ou de statut". Que voilà des paroles rafraîchissantes !
    - on apprend aussi que la sexualité est le "cauchemar" de l’Eglise hiérarchique.
     
    Exactement comme si des grands formats de l'Eglise (Jean-Paul II, Benoît XVI, et plus proche de nous géographiquement: Monseigneur Léonard, n'avaient jamais rien écrit sur ces sujets, abordés dans la confusion, au hasard laborieux d'une construction idéologique coupée du sens et de la tradition de l'Eglise.
     
    Cette "requête" est finalement très mondaine, dans le sens: conforme à l'esprit du monde, à l'esprit de la modernité, en opposition à une vue clairement présentée comme traditionaliste, incapable de se conformer à la mentalité de l'Occident d'aujourd'hui:
     
    "La requête présentée par l’association "Hors-les-Murs", "évoluer vers un pluralisme des modèles en fonction des communautés concrètes", serait une excellente façon pour le Pape actuel de rencontrer le désir des chrétiens de nos pays d’avoir des pasteurs locaux, en prise avec la mentalité des Occidentaux qui ont mis leurs espérances dans l’aggiornamento que leur a fait miroiter le concile Vatican II".
     
    Les prêtres importés de Pologne et d'Afrique ne trouvent aucune grâce à leurs yeux: "ils ont tendance à faire leur "métier" comme des fonctionnaires, bénéficiant du statut pécuniaire privilégié que leur offre le ministère de la Justice en Belgique". Pour peu, si le venin coulait dans notre plume, on finirait par croire que c'est l'argent qui a motivé l'arrivée dans nos chapelles de ces horribles rétrogrades, fermés aux surprises de la modernité et des espoirs de la mentalité du moment.
     
    Lamentable à force d'être caricatural.
     
    Il est remarquable que la Libre offre généreusement une tribune à cette prose fleurant bon le progressisme désuet des années d'après-concile alors qu'en même temps elle s'obstine à entretenir un silence assourdissant sur l'affaire Dumouch dont nous avons informé nos visiteurs et qui n'a pas l'heur d'émouvoir toutes les belles âmes qui pilotent nos medias (y compris catholiques). 
  • Islam et christianisme : les impasses du dialogue interreligieux

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    couverture_livre_jourdan.jpgLe père François Jourdan est islamologue et théologien eudiste. Il est l'auteur de Islam et Christianisme, comprendre les différences de fond , paru en novembre 2015 aux éditions du Toucan. Il est interrogé ici par Eléonore de Vulpillières pour le site Figarovox. Extraits :

    « LE FIGARO. - Votre livre Islam et christianisme - comprendre les différences de fond se penche sur une étude approfondie des conditions dans lesquelles pourraient s'amorcer un dialogue islamo-chrétien reposant sur des fondations solides. Quels en sont les principaux dysfonctionnements à l'heure actuelle?

    François JOURDAN. - Nous ne sommes pas prêts au vrai dialogue, ni l'islam très figé depuis de nombreux siècles et manquant fondamentalement de liberté, ni le christianisme dans son retard de compréhension doctrinale de l'islam par rapport au christianisme et dans son complexe d'ancien colonisateur. L'ignorance mutuelle est grande, même si on croit savoir: tous les mots ont un autre sens dans leur cohérence religieuse spécifique. L'islamologie est en déclin dans l'Université et dans les Eglises chrétiennes. Le laïcisme français (excès de laïcité) est handicapé pour comprendre les religions. Alors on se contente d'expédients géopolitiques (histoire et sociologie de l'islam), et affectifs (empathie sympathique, diplomatie, langage politiquement correct). Il y a une sorte de maladie psychologique dans laquelle nous sommes installés depuis environ 1980, après les indépendances et le Concile de Vatican II qui avaient ouvert une attitude vraiment nouvelle sur une géopolitique défavorable depuis les débuts de l'islam avec les conquêtes arabe et turque, la course barbaresque séculaire en mer méditerranée, les croisades et la colonisation […] 

    Estimez-vous, à l'instar de Rémi Brague, que souvent, les chrétiens, par paresse intellectuelle, appliquent à l'islam des schémas de pensée chrétiens, ce qui les mène à le comprendre comme une sorte de christianisme, l'exotisme en plus?

    L'ignorance dont je parlais, masquée, fait qu'on se laisse berner par les apparences constamment trompeuses avec l'islam qui est un syncrétisme d'éléments païens (les djinns, la Ka‘ba), manichéens (prophétisme gnostique refaçonné hors de l'histoire réelle, avec Manî le ‘sceau des prophètes'), juifs (Noé, Abraham, Moïse, David, Jésus… mais devenus musulmans avant la lettre et ne fonctionnant pas du tout pareil: Salomon est prophète et parle avec les fourmis…), et chrétiens (Jésus a un autre nom ‘Îsâ, n'est ni mort ni ressuscité, mais parle au berceau et donne vie aux oiseaux d'argile…). La phonétique des noms fait croire qu'il s'agit de la même chose. Sans parler des axes profonds de la vision coranique de Dieu et du monde: Dieu pesant qui surplombe et gère tout, sans laisser de place réelle et autonome à ce qui n'est pas Lui (problème fondamental de manque d'altérité dû à l'hyper-transcendance divine sans l'Alliance biblique). Alors si nous avons ‘le même Dieu' chacun le voit à sa façon et, pour se rassurer, croit que l'autre le voit pareil… C'est l'incompréhension totale et la récupération permanente dans les relations mutuelles (sans le dire bien sûr: il faudrait oser décoder).

    Si l'on reconnaît parfois quelques différences pour paraître lucide, on est la plupart du temps (et sans le dire) sur une tout autre planète mais on se rassure mutuellement qu'on fait du ‘dialogue' et qu'on peut donc dormir tranquilles.

    Une fois que le concile Vatican II a «ouvert les portes de l'altérité et du dialogue», écrivez-vous «on s'est installé dans le dialogue superficiel, le dialogue de salon, faussement consensuel.» Comment se manifeste ce consensualisme sur l'islam?

    Par l'ignorance, ou par les connaissances vues de loin et à bon compte: c'est la facilité. Alors on fait accréditer que l'islam est ‘abrahamique', que ‘nous avons la même foi', que nous sommes les religions ‘du Livre', et que nous avons le ‘même' Dieu, que l'on peut prier avec les ‘mêmes' mots, que le chrétien lui aussi doit reconnaître que Muhammad est «prophète» et au sens fort ‘comme les prophètes bibliques' et que le Coran est ‘révélé' pour lui au sens fort «comme la Bible» alors qu'il fait pourtant tomber 4/5e de la doctrine chrétienne… Et nous nous découvrons, par ce forcing déshonnête, que «nous avons beaucoup de points communs»! C'est indéfendable.

    Pour maintenir le «vivre-ensemble» et sauvegarder un calme relationnel entre islam et christianisme ou entre islam et République, se contente-t-on d'approximations?

    Ces approximations sont des erreurs importantes. On entretient la confusion qui arrange tout le monde: les musulmans et les non-musulmans. C'est du pacifisme: on masque les réalités de nos différences qui sont bien plus conséquentes que ce qu'on n'ose en dire, et tout cela par peur de nos différences. On croit à bon compte que nous sommes proches et que donc on peut vivre en paix, alors qu'en fait on n'a pas besoin d'avoir des choses en commun pour être en dialogue. Ce forcing est l'expression inavouée d'une peur de l'inconnu de l'autre (et du retard inavoué de connaissance que nous avons de lui et de son chemin). Par exemple, la liberté religieuse, droit de l'homme fondamental, devra remettre en cause la charia (organisation islamique de la vie, notamment en société) . Il va bien falloir en parler un jour entre nous. On en a peur: ce n'est pas «politiquement correct». Donc ça risque de se résoudre par le rapport de force démographique… et la violence future dans la société française. Bien sûr on n'est plus dans cette période ancienne, mais la charia est coranique, et l'islam doit supplanter toutes les autres religions (Coran 48,28; 3,19.85; et 2,286 récité dans les jardins du Vatican devant le Pape François et Shimon Pérès en juin 2014). D'ailleurs Boumédienne, Kadhafi, et Erdogan l'ont déclaré sans ambages.

    Vous citez des propos de Tariq Ramadan, qui déclarait: «L'islam n'est pas une religion comme le judaïsme ou le christianisme. L'islam investit le champ social. Il ajoute à ce qui est proprement religieux les éléments du mode de vie, de la civilisation et de la culture. Ce caractère englobant est caractéristique de l'islam.» L'islam est-il compatible avec la laïcité?

    Cette définition est celle de la charia, c'est-à-dire que l'islam, comme Dieu, doit être victorieux et gérer le monde dans toutes ses dimensions. L'islam est globalisant. Les musulmans de Chine ou du sud des Philippines veulent faire leur Etat islamique… Ce n'est pas une dérive, mais c'est la cohérence profonde du Coran. C'est incompatible avec la liberté religieuse réelle. On le voit bien avec les musulmans qui voudraient quitter l'islam pour une autre religion ou être sans religion: dans leur propre pays islamique, c'est redoutable. De même, trois versets du Coran (60,10; 2,221; 5,5) obligent l'homme non musulman à se convertir à l'islam pour épouser une femme musulmane, y compris en France, pour que ses enfants soient musulmans. Bien sûr tout le monde n'est pas forcément pratiquant, et donc c'est une question de négociation avec pressions, y compris en France où personne ne dit rien. On a peur. Or aujourd'hui, il faut dire clairement qu'on ne peut plus bâtir une société d'une seule religion, chrétienne, juive, islamique, bouddhiste… ou athée. Cette phase de l'histoire humaine est désormais dépassée par la liberté religieuse et les droits de l'Homme. La laïcité exige non pas l'interdiction mais la discrétion de toutes les religions dans l'espace public car les autres citoyens ont le droit d'avoir un autre chemin de vie. Ce n'est pas la tendance coranique où l'islam ne se considère pas comme les autres religions et doit dominer (2,193; 3,10.110.116; 9,29.33).

    La couverture du numéro spécial de Charlie Hebdo commémorant les attentats du 7 janvier, tiré à un million d'exemplaires représente un Dieu en sandales, la tête ornée de l'œil de la Providence, et armé d'une kalachnikov. Il est désigné comme «l'assassin [qui] court toujours»… Que révèle cette une qui semble viser, par les symboles employés, davantage la religion chrétienne que l'islam?

    Il y a là un tour de passe-passe inavoué. Ne pouvant plus braver la violence islamique, Charlie s'en prend à la référence chrétienne pour parler de Dieu en islam. Représenter Dieu serait, pour l'islam, un horrible blasphème qui enflammerait à nouveau le monde musulman. Ils ont donc choisi de montrer un Dieu chrétien complètement déformé (car en fait pour les chrétiens, le Père a envoyé le Fils en risquant historiquement le rejet et la mort blasphématoire en croix: le Dieu chrétien n'est pas assassin, bien au contraire). Mais il faudrait que les biblistes chrétiens et juifs montrent, plus qu'ils ne le font, que la violence de Dieu dans l'Ancien Testament n'est que celle des hommes mise sur le dos de Dieu pour exprimer, par anthropomorphismes et images, que Dieu est fort contre le mal. Les chrétiens savent que Dieu est amour (1Jn 4,8.16), qu'amour et tout amour. La manipulation est toujours facile, même au nom de la liberté »

    Toutes les religions ont-elles le même rapport à la violence quand le sacré est profané?

    Toutes les civilisations ont légitimé la violence, de manières diverses. Donc personne n'a à faire le malin sur ce sujet ni à donner de leçon. Il demeure cependant que les cohérences doctrinales des religions sont variées. Chacune voit ‘l'Ultime' (comme dans le bouddhisme sans Dieu), le divin, le sacré, Dieu, donnant sens à tout le reste: vision du monde, des autres et de soi-même, et le traitement de la violence en fait partie. C'est leur chemin de référence. Muhammad, objectivement fondateur historique de l'islam, a été chef religieux, politique et militaire: le prophète armé, reconnu comme le «beau modèle» par Dieu (33,21) ; et Dieu «prescrit» la violence dans le Coran (2,216.246) et y incite (8,17; 9,5.14.29.73.111.123; 33,61; 47,35; 48,29; 61,4; 66,9…), le Coran fait par Dieu et descendu du ciel par dictée céleste, étant considéré par les musulmans comme la référence achevée de la révélation; les biographies islamiques du fondateur de l'islam témoignent de son usage de la violence, y compris de la décapitation de plus de 700 juifs en mars 627 à Médine. Et nos amis de l'islam le justifient.

    Et selon la règle ultra classique de l'abrogation (2,106), ce sont les versets les derniers qui abrogent ceux qui seraient contraires ; or les derniers sont les intolérants quand Muhammad est chef politique et militaire. Ce n'est pas une dérive. Quand, avec St Augustin, le christianisme a suivi le juriste et penseur romain païen Cicéron (mort en 43 avant Jésus-Christ) sur l'élaboration de la guerre juste («faire justement une guerre juste» disait-il), il n'a pas suivi l'esprit du Christ. Gandhi, lisant le Sermon sur la Montagne de Jésus (Mt 5-7), a très bien vu et compris, mieux que bien des chrétiens, que Dieu est non-violent et qu'il faut développer, désormais dans l'histoire, d'autres manières dignes de l'homme pour résoudre nos conflits. Car il s'agit bien de se défendre, mais la fin ne justifie pas les moyens, surtout ceux de demain qui seront toujours plus terriblement destructeurs. Mais les chrétiens qui ont l'Evangile dans les mains ne l'ont pas encore vraiment vu. Ces dérives viennent bien des hommes mais non de Dieu qui au contraire les pousse bien plus loin pour leur propre bonheur sur la terre. Pour en juger, il faut distinguer entre les dérives (il y en a partout), et les chemins de référence de chaque religion: leur vision de Dieu ou de l'Ultime. Au lieu de faire lâchement l'autruche, les non-musulmans devraient donc par la force de la vérité («satyagraha» de Gandhi), aider les musulmans, gravement bridés dans leur liberté (sans les juger car ils sont nés dans ce système contraignant), à voir ces choses qui sont cachées aujourd'hui par la majorité ‘pensante' cherchant la facilité et à garder sa place. Le déni de réalité ambiant dominant est du pacifisme qui masque les problèmes à résoudre, lesquels vont durcir, grossir et exploseront plus fort dans l'avenir devant nous. Il est là le vrai dialogue de paix et de salut contre la violence, l'aide que l'on se doit entre frères vivant ensemble sur la même terre."

    Tout l’article ici : Islam et christianisme : les impasses du dialogue interreligieux

    JPSC