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Débats - Page 91

  • Rod Dreher, l'Américain qui veut soulever l'Europe conservatrice depuis la Hongrie

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    rod_dreher.jpg"L'écrivain à l'origine du concept de «pari bénédictin» s'est établi à Budapest à l'automne 2022, séduit par le pays de Viktor Orbán. Avec son «pari bénédictin», Rod Dreher apporte une stratégie à une partie des chrétiens déroutés par les mutations sociétales en Occident. | Elekes Andor via Wikimedia Commons :

    En Europe ou aux États-Unis, le terreau est fertile pour une mobilisation des conservateurs, mais dans ce monde vibrionnant, il manque souvent des pensées et des stratégies de référence. D'un côté comme de l'autre de l'Atlantique, l'écrivain américain Rod Dreher parvient à aimanter lecteurs et adeptes de sa pensée stratégique.

    On croit trop souvent que la pensée conservatrice américaine est à l'image des punchlines des conventions de l'association de défense du port d'armes, la National Rifle Association of America (la NRA), ou de la réunion annuelle organisée par les conservateurs, la Conservative Political Action Conference (la CPAC). En vérité, il existe nombre de penseurs conservateurs américains à l'œuvre substantielle et structurée. C'est le cas de Rod Dreher, qui s'est fait connaître voici quelques années en France avec la parution de son ouvrage Comment être chrétien dans un monde qui ne l'est plus – Le pari bénédictin, édité dans l'Hexagone en 2017.

    Communautés pour chrétiens déboussolés par la modernité

    Initialement protestant, puis catholique, et enfin orthodoxe de confession, Rod Dreher postulait dans cet ouvrage très original que, face à la déchristianisation du monde, les chrétiens devaient se regrouper en communautés à l'écart du monde, enlever leurs enfants du système éducatif et faire vivre ces phares spirituels dans un monde à la dérive. Ce «pari bénédictin», comme il le nomme, avait vocation à répondre au légitime questionnement des chrétiens, parfois déboussolés par l'évolution du monde et la modernité, et soumis à des attaques nourries de la part des progressistes ou des woke.

    La pensée de Rod Dreher est, de par sa sophistication, aux antipodes des meetings de l'ex-président Donald Trump, lequel doit être déjà bien en peine d'expliquer succinctement qui est saint Benoît. Son livre a été accueilli avec intérêt en France et son sujet débattu aussi librement qu'honnêtement. Il a participé de la réflexion du monde catholique français post-Manif pour tous. Accords ou désaccords, parfois profonds, avec ce «pari bénédictin» ont permis de discerner quels possibles s'offraient aux chrétiens d'Europe et, d'abord, de France.

    Il existe un large éventail de conservatismes aux États-Unis et tous ne se ressemblent pas, loin s'en faut:

    Des paléoconservateurs aux néoconservateurs, des plus pratiquants à ceux qui sont relativement distants par rapport à la religion, les courants sont nombreux dans le pays.

    Agir face au «totalitarisme mou»

    Avec son «pari bénédictin», Rod Dreher apporte une stratégie à une partie des chrétiens déroutés par les mutations sociétales en Occident. Il pointe d'abord le déclin des valeurs traditionnelles et chrétiennes dans nos sociétés et les menaces qui planent, selon lui, sur la famille ou l'éducation.

    D'après le conservateur, les valeurs adverses sont une attaque massive sur celles portées par les croyants. Il conviendrait donc d'entrer en résistance face à une forme de «totalitarisme mou» qui s'en prendrait aux chrétiens, aux hétérosexuels et, s'il reconnaît qu'il ne s'agit pas d'un totalitarisme comme celui de l'URSS des grandes persécutions, il note que la parole évangélique se confrontait alors directement au KGB tandis que désormais, elle se perd dans le brouillard. D'où l'idée de créer des communautés solidaires chrétiennes à l'écart du monde moderne pour résister. Il cite volontiers Hannah ArendtRené GirardLéon Bloy et sait séduire, au-delà des États-Unis, jusqu'à nombre de catholiques français et ailleurs.

    Face à ce «totalitarisme mou», Rod Dreher encourage en somme à devenir chrétien dissident. C'est l'objet de son second ouvrage, paru en 2021: Résister au mensonge – Vivre en chrétiens dissidents. La réécriture de romans après la mort de leurs auteurs, la chasse sourcilleuse à l'emploi de certains mots, la mise à l'index d'autres, la dénonciation d'enseignants nourrissent considérablement les rangs de ses lecteurs.

    Coup de foudre à Budapest

    Le fait marquant dans l'évolution de Rod Dreher est que ce conservateur américain, qui devrait être comblé par la flambée conservatrice dans son pays, est séduit par la Hongrie de Viktor Orbán et son illibéralisme. Force est de constater que le voyage à Budapest est au conservateur des années 2020 ce que l'excursion à Caracas était au progressiste des années 2000, avec sans doute l'inévitable part d'illusions, la volonté d'ignorer certaines données géographiques et historiques. Toujours est-il que la Hongrie attire différentes familles de la pensée conservatrice, y compris dans sa variante identitaire.

    Comme beaucoup de conservateurs américains (hors néoconservateurs), Rod Dreher est en phase avec le pouvoir hongrois à la fois sur le plan sociétal et sur le plan géopolitique. Dans le magazine d'opinion The American Conservative, il dénonçait ainsi, le 8 mars, les «mensonges» des « liberals » américains à propos de la Hongrie, mais aussi de la guerre en Ukraine. Rod Dreher reproche à ses compatriotes de vouloir ignorer la société hongroise comme ils ont ignoré les Afghans –bien que lui-même tende à projeter sur Charles Maurras, par exemple, sa propre vision des choses, qui en est relativement éloignée.

    S'il a une vision radicale, au sens étymologique du terme, de la mutation que doivent accomplir chrétiens et conservateurs –qu'il tend à confondre, selon une logique propre à ce camp aux États-Unis–, Rod Dreher réussit parfaitement à stimuler le débat dans son pays et en Europe. Incitant à la création de communautés en quasi autarcie pour faire vivre le christianisme à l'abri des excès de la modernité, il a invité à la «dissidence» notamment en matière éducative, puis s'est installé en Hongrie en 2022.

    Puisque l'écrivain n'est pas adepte d'un conservatisme dans un seul pays, on peut comparer sa théorie comme sa pratique à une sorte de foquisme conservateur. Mois après mois, il a, sur les jeunes générations, une influence que certains intellectuels trotskistes (entre autres) eurent sur la jeunesse de leur époque. En matière idéologique, les réflexions stratégiques se comportent parfois comme un balancier."

    En savoir plus: 

    Monde Hongrie Etats-Unis conservatisme chrétiens religion

    Ref. Rod Dreher, l'Américain qui veut soulever l'Europe conservatrice depuis la Hongrie

  • L'héritage de chaos et de misère de la révolution sexuelle

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    De Sue Ellen Browder sur le National Catholic Register :

    L'héritage de chaos et de misère de la révolution sexuelle

    ‘Adam and Eve After the Pill, Revisited’
    Adam et Eve après la pilule, revisité (photo : Ignatius Press / Ignatius Press)

    22 avril 2023

    Rien n'a causé plus de confusion et de chaos à l'époque contemporaine que la révolution sexuelle. Dans sa série d'essais Adam and Eve After the Pill, Revisited, Mary Eberstadt cherche à nous orienter au milieu du chaos qui nous entoure.  

    Considérant la révolution sexuelle non seulement comme un ennemi des valeurs chrétiennes, mais aussi comme une religion rivale du christianisme, elle défend avec force son argument selon lequel la révolution sexuelle n'a pas conduit à la libération et à la liberté, mais à la catastrophe - et elle a même infiltré l'Église catholique.

    Pourtant, elle écrit : "Jeter les mains en l'air devant le monde est une esquive - surtout pour les catholiques, surtout aujourd'hui, à un moment où beaucoup sont tentés, pour plus d'une raison, de faire exactement la même chose. Les croyants sont appelés à lire les signes des temps, pas à s'en plaindre".

    Citant de nombreuses études de sciences sociales à l'appui de ses affirmations, Eberstadt documente la réalité selon laquelle la révolution sexuelle est allée de pair avec : la rupture des relations entre les hommes et les femmes, l'effondrement de la famille, la rage violente des orphelins de père, le mouvement transgenre, la "nouvelle intolérance" (ou ce que l'on a appelé la "cancel culture"), une perte de fréquentation des églises et de nombreuses batailles divisant sur la sexualité, même au sein de l'Église elle-même.  

    Décrivant la révolution sexuelle comme un mouvement socio-politico-religieux intégré qui a abandonné Dieu, Eberstadt suggère que si les chrétiens se laissent intimider et réduire au silence par cette vision athée du monde en essayant d'être "gentils", la fausse idéologie de la révolution continuera à se répandre, causant des ravages dans la vie des plus vulnérables d'entre nous, y compris les bébés à naître.   

    Comparant les perceptions d'Eberstadt à celles de George Weigel, du père Raymond de Souza, de Ross Douthat et de Rod Dreher, feu le cardinal George Pell (qui a rédigé l'avant-propos du livre) déclare : "Outre le chaos familial, le chaos psychique, le chaos anthropologique et le chaos intellectuel, elle trouve son dernier exemple de chaos contemporain dans l'Église catholique du monde occidental, parmi ceux qui veulent transformer l'enseignement catholique et sont souvent hostiles à l'égard de ceux qui détiennent et enseignent la tradition".

    Soulignant la souffrance et les blessures trop souvent mal diagnostiquées que la révolution sexuelle a infligées, Eberstadt écrit : "Il y a un dénominateur commun sous les rituels bizarres qui se produisent sur les campus et ailleurs, sous les médias sociaux de plus en plus punitifs, sous la rage de performance de BLM [Black Lives Matter] - en fait, sous la cancel culture elle-même. C'est l'angoisse". 

    Mettant en lumière les prémisses cachées de la foi séculière de la révolution sexuelle (l'une de ces prémisses étant la nécessité de détruire la famille pour que les hommes et les femmes soient "libres"), Eberstadt écrit que "lorsque les gens disent qu'ils espèrent que l'Église changera sa position sur le mariage ou le contrôle des naissances, ils ne parlent pas d'une seule foi religieuse - c'est-à-dire la foi chrétienne. Ce qu'ils veulent vraiment dire, c'est qu'ils espèrent que l'Église suborne ou remplace sa propre théologie par la nouvelle Église du sécularisme". 

    En raison de la douleur et de la souffrance que l'expression sexuelle débridée a causées, Eberstadt observe que, "sans aucun doute, la société est plus proche d'accorder un second regard au libéralisme qu'elle ne l'a jamais été depuis les années 1960". C'est pourquoi les penseurs, à l'intérieur et à l'extérieur des cercles catholiques, qui souhaitent adoucir le christianisme en supprimant certains enseignements [sexuels] n'auraient pas pu choisir un plus mauvais moment que maintenant pour défendre leur cause. Pourquoi soutenir l'infiltration de la révolution dans l'Église au moment même où un nombre croissant de voix commencent à remettre en question ses fruits toxiques et à chercher des alternatives en dehors du désordre actuel ?

    "Ce qui sème le trouble chez les chrétiens aujourd'hui, observe Eberstadt, ce n'est pas la science. Ce n'est pas le désir des traditionalistes d'adorer en latin. Ce n'est même pas les blessures auto-infligées par les scandales sexuels des clercs, aussi graves soient-ils. Non. La fracture religieuse de notre époque se situe entre ceux qui pensent pouvoir faire des compromis avec la révolution sexuelle sans compromettre leur foi et ceux qui s'éveillent au fait que cette expérience a été tentée et qu'elle a échoué. 

    La révolution sexuelle est-elle donc un processus inévitable et irréversible de l'histoire ? 

    À cette question, Eberstadt répond par un "non" catégorique. Notant que depuis les années 1960, les partisans de la libération ont ancré leurs succès dans la supposée "inévitabilité de l'histoire", elle suggère que les changements sociopolitiques engendrés par la révolution sexuelle "pourraient faire l'objet, comme tout autre phénomène social, d'un examen minutieux et d'une révision".  

    En fait, écrit Eberstadt, "l'héritage toxique de la révolution elle-même équivaut à une justification tacite de l'enseignement de longue date [de l'Église] concernant le sexe et le mariage - que cette justification soit ou non largement comprise".

    Dans son épilogue intitulé "Que doivent faire les croyants ? La croix au milieu du chaos", Eberstadt cite Evelyn Waugh qui, dans une interview accordée à un journal en 1930, a révélé pourquoi il s'était converti au catholicisme. Il a déclaré : "Dans la phase actuelle de l'histoire européenne, la question essentielle n'est plus entre le catholicisme, d'une part, et le protestantisme, d'autre part, mais entre le christianisme et le chaos". 

    Eberstadt considère que le même choix s'offre à nous dans l'Amérique d'aujourd'hui. 

    Sue Ellen Browder, convertie au catholicisme, est l'auteur de Subverted : Comment j'ai aidé la révolution sexuelle à détourner le mouvement des femmes. Sue Ellen Browder est l'auteur de Sex and the Catholic Feminist : New Choices for a New Generation (Ignatius).

  • L'archevêque de Strasbourg présente sa démission mais défend son mandat

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    De Luke Coppen sur The Pillar :

    L'archevêque de Strasbourg présente sa démission mais défend son mandat

    20 avril 2023

    Le chef d'un important archidiocèse français a déclaré jeudi qu'il avait présenté sa démission au pape François, mais a fermement défendu son mandat turbulent de six ans. 

    À 65 ans, Mgr Luc Ravel est à une décennie de l'âge habituel de la retraite pour les évêques diocésains.

    Dans une déclaration faite le 20 avril, il n'a pas donné la raison pour laquelle il proposait de démissionner, mais il a semblé répondre aux allégations selon lesquelles il aurait gouverné de manière distante et autoritaire.

    Il a déclaré : "La paix étant le bien suprême, alors que nous sommes entrés dans cette magnifique période de Pâques, j'ai présenté ma démission au Saint-Père, pour lequel je prie chaque jour.

    "J'ai toujours agi au plus près de la loi et de ma conscience, ayant largement consulté pour chaque décision, afin de prendre des mesures difficiles, mais que l'on m'aurait reproché de ne pas avoir prises plus tard, au vu des éléments en ma possession. Les implications pénales d'un certain nombre de cas relèvent de la compétence du pouvoir judiciaire."

    "Pour le reste, le secret pontifical, que nous devons respecter, est du ressort du nonce apostolique.

    Mgr Ravel a ajouté : "Ce souci de paix se conjugue dans mon cœur avec le souci de vérité et de justice que j'ai toujours recherché à l'égard des prêtres, des fidèles, et en particulier des victimes, que je n'oublierai jamais."

    "Je crois avoir agi pour résoudre les problèmes dans un esprit de transparence et de respect de la confidentialité.

    Le Vatican n'a pas mentionné la démission de Mgr Ravel dans son bulletin quotidien du 20 avril, mais elle pourrait être officiellement acceptée par le pape François dans les prochains jours.

    L'hebdomadaire catholique français Famille chrétienne a déclaré que la démission de Mgr Ravel, "réclamée depuis plusieurs mois par Rome, devrait être ratifiée très rapidement".

    Mgr Ravel, qui dirigeait auparavant le diocèse des forces armées françaises, a été nommé archevêque de Strasbourg en 2017. 

    L'archevêché, dont les origines remontent au IVe siècle et qui est exempté du Saint-Siège, est situé en Alsace, une région historiquement disputée de l'est de la France, limitrophe de l'Allemagne. 

    Il bénéficie d'un statut particulier, grâce au Concordat de 1801, en vertu duquel son archevêque est nommé conjointement par le président français et le Vatican, et les prêtres sont rémunérés par l'État.

    Selon le quotidien catholique français La Croix, qui a annoncé la démission imminente de Mgr Ravel le 19 avril, l'archevêché est considéré comme "difficile à gérer, avec ses 500 prêtres et ses 250 employés laïcs". 

    En juin 2022, la nonciature apostolique en France a annoncé une visite apostolique de l'archevêché. Elle n'a pas donné de raison, mais des rapports locaux ont suggéré qu'elle avait été déclenchée par des plaintes concernant le style de gouvernement de Ravel.

    Les résultats de la visite n'ont pas été publiés, mais la tension s'est considérablement accrue dans l'archevêché au cours des dernières semaines. 

    Le journal régional Dernières Nouvelles d'Alsace rapporte que le 23 mars, l'évêque auxiliaire de Strasbourg Christian Kratz a été informé qu'il avait été démis de ses fonctions de vicaire général. Le 30 mars, il aurait été informé qu'il était également exclu du conseil épiscopal.

    Mgr Kratz a déclaré à La Croix qu'il avait appris la nouvelle par une lettre glissée sous la porte de son bureau. Il a ajouté que Mgr Ravel avait indiqué que cette mesure faisait suite à la mauvaise gestion par Mgr Kratz d'allégations d'abus qui ont conduit au suicide d'un ancien prêtre.

    Mgr Kratz a défendu sa réaction à l'affaire en déclarant : "Je suis stupéfait : "Je suis stupéfait, je ne comprends pas ce dont l'archevêque m'accuse. C'est incroyable".

    Les Dernières Nouvelles d'Alsace ont rapporté le 18 avril que Ravel avait révoqué un deuxième membre du conseil épiscopal, le père Hubert Schmitt.

    Mgr Ravel n'a pas assisté à l'assemblée plénière des évêques français qui s'est tenue à Lourdes du 28 au 31 mars, apparemment pour des raisons de santé. 

    La Conférence des évêques de France (CEF) a publié le 20 avril une brève déclaration dans laquelle elle reconnaît que Mgr Ravel a présenté sa démission.

    "En ces temps difficiles pour tous les catholiques d'Alsace, la CEF tient à assurer Mgr Ravel, les prêtres et tous les fidèles de l'archidiocèse de Strasbourg de sa prière et de son soutien fraternel.

    Des manifestants se sont rassemblés pour demander la démission de Mgr Ravel avant la messe chrismale du 4 avril à la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg.

    Sur le site Internet de l'archidiocèse de Strasbourg, un message placé sous la déclaration de démission de Mgr Ravel indiquait : "Notre diocèse traverse une période difficile : "Notre diocèse traverse une crise grave qui affecte chacun de ses membres". 

    "Gardons les yeux fixés sur le Christ, en priant avec insistance pour surmonter les divisions, pour travailler à la paix et à l'unité qu'il a voulues".

  • Avortement en Belgique : beaucoup de questions demeurent après l’audition du comité interuniversitaire chargé de son évaluation

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    D'Odile Maisonneuve sur le site de l'Institut Européen de Bioéthique :

    Avortement en Belgique : beaucoup de questions demeurent après l’audition du comité interuniversitaire chargé de son évaluation

    Ce mardi 18 avril, le “Comité interuniversitaire multidisciplinaire” qui avait été chargé par le gouvernement d'évaluer la législation en matière d'avortement a présenté les conclusions de son rapport aux parlementaires. Ces derniers ont eu l’occasion de commenter les recommandations émises par le Comité, en particulier l’élargissement du délai légal pour avorter de 12 semaines à 18 semaines de grossesse. Alors que le Comité préconise d’inscrire l’avortement dans la loi sur les soins de santé, la difficulté à s’accorder sur un nouveau délai légal pour l’avortement, de même que la pénurie de gynécologues pour le pratiquer semblent confirmer que cet acte est loin d’être anodin. L’équilibre entre la protection du fœtus et le droit de la femme à disposer de son corps peine à émerger face aux des dilemmes éthiques que cette pratique continue de poser.   

    Prévention des grossesses non désirées : quid de la prévention de l’avortement ?

    Etendre le délai pour mieux prendre en charge les femmes qui souhaitent avorter, telle est la proposition qui fait toujours débat au sein des parlementaires. Parmi les arguments avancés par le Comité pour justifier l’extension du délai légal à 18 semaines figure notamment l’existence d’un consensus politique sur cette question. Plusieurs députés n’ont pas manqué de relever le paradoxe consistant à fonder une recommandation scientifique sur la base d’un consensus politique.  Plus largement, l’on observe encore un manque de données concernant les raisons qui poussent encore des femmes à aller avorter aux Pays-Bas. De plus, certains centres ne communiquent plus les raisons qui poussent les femmes à avorter dans les rapports transmis à la Commission d’évaluation depuis que la loi du 15 octobre 2018 rend facultative la mention de la condition de détresse. Dans ce contexte, le Comité souligne l’importance pour la Commission d’améliorer ses travaux en insistant auprès des centres pour qu’ils recueillent cette information. Malgré ce manque d’information, le Comité considère qu’allonger le délai à 18 voire 20 semaines après la conception (soit 20 à 22 semaines “d’aménorrhée”) permettrait de réduire le nombre de femmes qui vont avorter aux Pays-Bas et la fréquence des grossesses non désirées. Cependant, le délai pour avorter semble voué à une extension perpétuelle s’il continue à être présenté comme une solution contre les grossesses non désirées. Comment mettre en place une prévention de l’avortement s’il est lui-même est considéré comme une mesure de prévention des grossesses non désirées ? Le Comité ne résout pas non plus ce paradoxe et continue de promouvoir un plus large accès à la contraception et des délais plus étendus pour avorter (les échecs de la contraception représentent environ la moitié des cas d’avortement.  

    Le Comité propose ainsi deux options : soit étendre simplement le délai pour avorter, soit inscrire des dispositions spécifiques dans la loi pour inclure des raisons psycho-sociales permettant de recourir à l’avortement. Conscient de la difficulté à circonscrire et à définir les raisons psycho-sociales pour avorter, le Comité privilégie une extension simple des délais

    L’information sur l’avortement, un point-clé encore mal développé

    Permettre aux femmes de faire un choix libre et éclairé passe nécessairement par une meilleure information, notamment sur les différentes méthodes d’avortement et leurs effets secondaires. Or, comme le soulignent plusieurs députées, ces méthodes sont encore mal connues des femmes. L’avortement médicamenteux, possible théoriquement jusqu’à 9 semaines d’aménorrhée, nécessite une dilatation du col de l’utérus pour provoquer une fausse couche. Si l’embryon n’est pas correctement expulsé, il faut passer par un curetage. La méthode chirurgicale par aspiration est souvent faite entre 8 et 12 semaines. Elle consiste à aspirer l’embryon ou le fœtus avec une canule. Au-delà de cette période, soit le fœtus est démembré et morcelé in utero, soit l’on procède à un mini accouchement. Comme l’ont relevé certains députés, l’âge gestationnel à partir duquel il est nécessaire de recourir à ces deux dernières méthodes d’avortement n’est pas explicite dans le rapport du Comité, alors que beaucoup d’entre eux s’accordent à dire que l’impact psychologique et physique est sensiblement plus lourd dans de tels cas. Si le Comité propose de donner le choix de la méthode aux femmes, il conviendrait qu’elles connaissent les implications de ces techniques pour elles et leur bébé.

    Surpression du délai de réflexion obligatoire jugé inutile et stigmatisant

    Les membres du Comité préconisent de supprimer l’obligation de délai de réflexion de 6 jours prévu par la loi avant de procéder à un avortement. À l’instar de l’information sur les alternatives à l’avortement, ce délai est considéré par le Comité comme une forme d’infantilisation des femmes et de remise en question de leur décision d’avorter, ce qui irait à l’encontre de leur autonomie. Par ailleurs, en ce qu’il conduit à retarder le moment de l’avortement, le caractère obligatoire de ce délai de réflexion compliquerait l’acte d’avortement. Le Comité propose donc de rendre ce délai facultatif, et de le personnaliser selon les situations et le stade de réflexion de chaque femme. Si, d’un côté, le Comité admet que l’avortement n’est pas le même selon l’âge gestationnel et qu’il se complique à mesure que le fœtus grandit, il propose dans le même temps d’étendre le délai pour y recourir jusqu’à 18 voire 20 semaines.

    La douleur du fœtus n’est pas décisive aux yeux du Comité

    Alors que le Comité scientifique dit s’être penché sur les implications de l’avortement à ses différents stades, plusieurs parlementaires ont relevé le peu de prise en compte des études scientifiques qui parlent de la douleur du fœtus. Cette question divise toujours les experts. Certains considèrent que le stade de la nociception à 15 semaines - stade qui correspond au réflexe du nerf périphérique - ne permet pas de percevoir la douleur. D’autres s’accordent à dire que ce stade permet une perception non consciente de la douleur et que, par prudence, il faudrait endormir le fœtus avant toute intervention sur lui-même ou sur sa mère. Face aux questions des parlementaires, le Comité a choisi de se rallier à une position qui décrit l’acquisition de la perception de la douleur à partir de de 22 semaines. Cette question, comme celle de la viabilité sans cesse plus précoce du fœtus, n’a pas conduit le Comité à adopter une attitude de prudence dans ses recommandations. Il considère ces arguments comme non pertinents, sur le plan éthique, pour trouver un équilibre entre l’autonomie des femmes et la protection du fœtus : aux yeux des experts, l’évaluation des conséquences pour le fœtus diffère selon que la grossesse et désirée ou non désirée.

    L’avortement, un acte médical comme un autre ?

    La loi actuelle de 2018 sur l’avortement prévoit des sanctions générales en cas de non-respect des conditions pour avorter. Les membres du Comité proposent des sanctions pénales spécifiques et différenciées en fonction de la nature de la violation, et plaident également pour que ces sanctions ne concernent plus les femmes, mais seulement les médecins. Si certains parlementaires souhaitent soustraire totalement l’avortement du Code pénal (à l’exception de l’avortement forcé), le Comité considère préférable de maintenir certaines sanctions. Pourtant, dans le même temps, il propose que les interruptions médicales de grossesse (IMG), possibles jusqu’à la naissance, soient ouvertes aux femmes qui présentent des affections mentales graves. Or, on sait que 45% des femmes qui recourent à ces avortements tardifs vivent un stress post-traumatique. Par ailleurs, le Comité préconise de ne pas dresser de liste des pathologies du fœtus qui peuvent ouvrir la voie à une IMG. Une telle liste conduirait à “stigmatiser” les personnes porteuses de ces pathologies, et constituerait une “dérive eugénique d’État”.

  • Eglise d'Allemagne : et maintenant ? Le modèle du "petit troupeau" de demain...

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    Des propos du cardinal Walter Brandmüller relayés par Armin Schwibach sur kath.net/news (traduction automatique) :

    "Francfort" - et maintenant ? Une perspective ecclésiale. Le modèle du "petit troupeau" de demain

    20 avril 2023

    En cas de défaillance persistante des institutions face à la mission réelle de l'Église, il appartient aux fidèles de mettre fin à la hantise sans faire de bruit. Par le cardinal Walter Brandmüller

    Rome (kath.net/wb/as) "Un regard sur la situation de l'Eglise en Allemagne montre une perte d'intérêt sans précédent de l'opinion publique, des médias pour l'Eglise". Le regard romain est acéré, aiguisé par l'expérience et une phénoménologie des événements parfois absurdes qui se sont produits dans l'Eglise en Allemagne (et pas seulement), en particulier au cours des cinq dernières années. Des événements qui ont mis en jeu le mot "schisme", blessant et exprimant un "crimen", le tout avant et avec un terme non défini : "synodal". Cela vaut d'autant plus la peine d'écouter attentivement et de tirer ses conclusions. Ce qui est apparu clairement au cours de ces années, c'est que la "discussion synodale" ne concerne pas "l'Église", "Ecclesia Una Sancta et Apostolica, "Mater Sancta" et" "Mysticum Corpus Christi". Il s'agit de "l'Église", d'une manifestation sociale quelconque, c'est-à-dire précisément de ce contre quoi le pape Benoît XVI avait toujours mis en garde dans son magistère universel. Par Armin Schwibach

    ***

    I

    Un coup d'œil sur la situation de l'Eglise en Allemagne révèle une diminution sans précédent de l'intérêt du public, des médias pour l'Eglise. Seuls les scandales qui éclatent en ses murs attirent une attention hagarde. Cela vaut même pour les "synodaux de Francfort" et leur parcours. Ce sont les symptômes d'une perte croissante d'importance que l'Eglise subit de plus en plus ces dernières années.

    Qui s'intéresse encore à ce qu'une "élite" de fonctionnaires laïcs, détachée de tout et surtout intéressée par elle-même et ses salaires financés par l'impôt ecclésiastique, s'imagine être "l'Église" ?

    Leur prétention à disposer de l'Eglise, à parler au nom de l'Eglise, est d'autant plus absurde. Ne sont-ils pas conscients de la distance qui les sépare des 5 à 10 % de catholiques fidèles pour qui la messe dominicale est encore une évidence ? On entend dire dans tout le pays que l'entreprise de Francfort des fonctionnaires, loin de la population catholique, se perd dans un no man's land.

    La prétention de la majorité de "Francfort" à représenter les catholiques allemands, à s'emparer des institutions ecclésiastiques, voire à se présenter comme "l'Eglise allemande", contraste fortement avec cette situation.

    Il est évident que l'on veut enfin prendre les rênes de l'Eglise et donner la marche à suivre aux évêques. Comment en est-on arrivé là ?

    L'impulsion antiautoritaire et émancipatrice, qui a agi dans la société depuis les années 1968, a gagné du terrain, surtout depuis le congrès des catholiques d'Essen de cette année, parmi les catholiques qui, en tant que laïcs au service de l'Église, supportaient difficilement la soumission aux prêtres. En particulier, un nombre croissant de laïcs nommés à des chaires de théologie ont ressenti le lien avec le magistère de l'Église comme une restriction de leur liberté académique. Il n'est pas étonnant que les théologiens aient cru pouvoir prouver leur indépendance et leur originalité de pensée par des spéculations audacieuses et, bien sûr, faire sensation. Les conséquences sont évidentes.

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  • Pie XII : l'homme qui a fait plus que tout autre dirigeant pour aider les juifs et les autres victimes du nazisme

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    De José María Ballester Esquivias sur El Debate :

    Entretien avec l'auteur de "Pie XII, le pape défenseur et sauveur des Juifs".

    Vicente Cárcel Ortí : "Aucun autre pape n'a été aussi intensément apprécié par les Juifs que Pie XII".

    Dans son nouveau livre, Monseigneur Cárcel Ortí analyse les principales révélations sur l'attitude de Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale, suite à l'ouverture progressive, au cours des trois dernières années, de toutes les archives du Vatican sur son activité en faveur du salut et de la défense des Juifs.

    Portada del libro Pío XII: el Papa defensor y salvador de los judíos

    19/04/2023

    "Le plus frappant actuellement est son intense activité pour le salut et la défense des Juifs, la bibliographie la plus récente confirmant ce que l'on savait déjà. C'est pourquoi j'ai donné ce sous-titre à mon livre". C'est ainsi que s'exprime Monseigneur Vicente Cárcel Ortí (Manises, 4 juillet 1940), historien chevronné de l'Église catholique, à propos des principales révélations sur l'attitude de Pie XII pendant la Seconde Guerre mondiale, suite à l'ouverture progressive, au cours des trois dernières années, de toutes les archives du Vatican sur le sujet. Il vient de publier Pie XII, le pape défenseur et sauveur des Juifs, fruit de ses recherches dans les nouveaux fonds documentaires disponibles. Les principaux, précise-t-il, sont les archives vaticanes de la Secrétairerie d'État et les archives historiques de la Congrégation pour les affaires ecclésiastiques extraordinaires, aujourd'hui appelée Congrégation pour les relations avec les États. Il existe également d'autres documents sur des questions personnelles et familiales, non encore consultables, conservés dans une collection appelée Papeles de Pío XII, dont le catalogage est en cours par le Dr Giovanni Coco, qui connaît le mieux le pape.

    Ces nouveaux développements auront-ils un caractère définitif pour réhabiliter, une fois pour toutes, la bonne réputation du Pape Pacelli ?

    Cette question est très importante et m'oblige à dire, tout d'abord, que le cœur de l'accusation contre Pie XII est qu'il n'a pas dénoncé clairement et publiquement le national-socialisme, ni lancé un appel sans équivoque aux chrétiens pour qu'ils protègent les juifs. Par définition, rien dans les archives sur ses opinions personnelles ou ses actions en coulisses ne peut influer sur le cœur du problème. Les critiques sont généralement prêts à reconnaître tout ce que le pape a fait en privé pour aider les gens, mais ils maintiennent que cela ne le rachète pas pour son incapacité à s'exprimer plus clairement en public.

    Deuxièmement.

    ...un autre fondement de l'accusation portée contre Pie XII concerne la spéculation sur ce qui se serait passé s'il avait agi différemment. Les critiques affirment que la machine nazie aurait pu être stoppée, tandis que les défenseurs prétendent qu'une plus grande persécution des juifs et des catholiques aurait été déclenchée. Personne ne peut en être sûr et rien dans les archives ne peut résoudre cette question hypothétique.

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  • Le danger de la dénatalité n'est pas le remplacement ethnique, mais le suicide d'une civilisation

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    Un discours du ministre de l'agriculture italien dénonçant notamment le "remplacement ethnique" consécutif à la chute de la natalité fait polémique dans la Péninsule. Eugenio Capozzi, sur la Nuova Bussola Quotidiana voit dans l'effondrement de la natalité le suicide d'une civilisation. Ce qui vaut bien sûr aussi pour notre petite terre d'héroïsme...

    Le danger n'est pas le remplacement ethnique, mais le suicide d'une civilisation

    20-04-2023

    L'expression du ministre italien de l'agriculture Lollobrigida sur le "remplacement ethnique" a maladroitement éclipsé son argument contre le discours de la gauche selon lequel les écarts démographiques ne sont pas un problème parce qu'ils seront comblés par les immigrés. Pour l'idéologie progressiste dominante, le simple fait de parler de taux de natalité équivaut à du "fascisme". Mais il est clair que le déséquilibre croissant - non pas ethnique, mais culturel - entre la population autochtone et les immigrés qui n'ont pas absorbé la culture et les principes de leur pays d'accueil est destiné à déboucher sur un violent "choc des civilisations".

    Le croquemitaine de la "substitution ethnique" est un non-sens colossal. Un non-sens qui plonge ses racines dans l'idéologie de la Révolution française, dans son idée de la nation comme unité de "sang", et qui, à travers les dégénérescences racistes du nationalisme, a été récemment conjuré par la conspiration paranoïaque née des peurs liées à la mondialisation. Toutes les sociétés sont toujours multiethniques et ce n'est certainement pas la composition chromosomique de ses membres qui constitue un problème politique en soi.

    Le ministre de l'agriculture Francesco Lollobrigida a donc commis une grave erreur en utilisant cette expression, dans son discours au congrès de la Cisal, pour exprimer sa crainte des conséquences que la tendance persistante à la baisse des taux de natalité et à l'"hiver démographique" pourrait avoir pour l'avenir de notre pays. La référence maladroite à la "substitution ethnique" a eu pour conséquence désastreuse d'occulter totalement le sujet même du discours, donnant aux oppositions et aux médias hostiles à l'exécutif un prétexte pour alimenter, sur un ton scandalisé, un éternel préjugé idéologique : celui selon lequel toute proposition venant de la droite pour réguler l'immigration et lutter contre la baisse de la population est inspirée par une vision raciste et "suprématiste".

    Comme on peut facilement le constater en écoutant l'intégralité du discours de Lollobrigida, son argumentation n'a rien de raciste. Il a en effet affirmé que l'immigration peut être une ressource pour le pays si elle est bien gérée, mais il a contesté la thèse - constamment évoquée par la gauche lorsque l'on évoque les risques de dépopulation - selon laquelle les écarts démographiques ne sont pas un problème parce qu'ils seront comblés par les immigrés.

    Il s'agit là - affirme à juste titre le ministre - d'une illusion, d'une mauvaise foi, car même si la population en diminution est quantitativement remplacée par des arrivées croissantes d'étrangers, cette compensation serait aléatoire, instable, et créerait plus de problèmes sociaux qu'elle n'en résoudrait. Au contraire, une société solide soutient la natalité en offrant aux familles des incitations fiscales et sociales, tout en favorisant l'intégration authentique des immigrés qui peuvent et veulent s'intégrer, devenant ainsi des Italiens à part entière. Un raisonnement, on le voit, modéré et de bon sens. Mais cette expression malheureuse a suffi pour qu'un brouillard épais, habilement jeté, obscurcisse une fois de plus le cœur de la question.

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  • "Pacem in terris" 60 ans après : une vision noble et inspirante, une analyse inadéquate des obstacles à la réalisation de cette vision

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    De George Weigel sur First Things :

    PACEM IN TERRIS APRÈS 60 ANS

    19 avril 2023

    Le 11 avril 1963, Jean XXIII publiait l'encyclique Pacem in Terris, un puissant appel à un monde où il n'y aurait ni victimes ni bourreaux, qui a cimenté la réputation du pontife en tant que "bon pape Jean". Alors que le monde avait frôlé la guerre nucléaire lors de la crise des missiles de Cuba en octobre 1962, l'appel du pape à la "paix sur terre" a été bien accueilli partout, y compris en Union soviétique - même si l'idée selon laquelle les maîtres du Kremlin ont pris le message de l'encyclique à cœur était plutôt naïve dans certains milieux du Vatican.

    Qu'enseignait donc Pacem in Terris ? Et comment se présente son analyse des affaires mondiales, six décennies plus tard ?

    Jean XXIII enseignait que le monde était entré dans un nouveau moment historique, caractérisé par la conviction généralisée que "tous les hommes sont égaux en raison de leur dignité naturelle". Cette conviction impliquait que le principe classique de la doctrine sociale catholique du bien commun avait une dimension mondiale, et pas seulement nationale, ce qui signifiait que la "paix sur terre" devait être recherchée par l'établissement d'une "autorité publique mondiale". Cette autorité mondiale devrait faire de la protection et de la promotion des droits de l'homme - que le pape Jean a définis de manière très large - son objectif fondamental.

    Quant aux États communistes, ils devraient eux aussi être intégrés à la communauté politique mondiale, car les mouvements communistes, quels que soient leurs "faux enseignements philosophiques", pourraient néanmoins "contenir des éléments positifs et dignes d'approbation". Enfin, Pacem in Terris enseigne que la course aux armements est un piège et une illusion ; le désarmement universel est un impératif moral exigé par la droite raison, car "à une époque comme la nôtre, qui s'enorgueillit de son énergie atomique, il est contraire à la raison de penser que la guerre est désormais un moyen approprié pour rétablir les droits qui ont été violés".

    Bien que la vision grandiose de Jean XXIII ait inspiré l'espoir que le monde puisse trouver sa voie au-delà de l'impasse de la guerre froide, les lacunes de l'encyclique que des critiques amicaux ont signalées après sa publication - son manque d'attention aux réalités du pouvoir dans la politique mondiale, sa lecture erronée du lien intrinsèque entre les idées marxistes et les politiques totalitaires, son apparente indifférence aux effets durables du péché originel dans la sphère politique - étaient, avec le recul de soixante ans, de véritables déficiences.

    La guerre froide a pris fin, non pas parce que la "confiance" (autre thème clé de l'encyclique) avait été établie entre des démocraties imparfaites et des tyrannies parfaites ; elle a pris fin grâce à ce que William Inboden (dans The Peacemaker : Ronald Reagan, The Cold War, and the World on the Brink) décrit comme la stratégie de "reddition négociée" conçue par les États-Unis et soutenue par ses alliés occidentaux. Et si la course aux armements a, dans les années 1980, intensifié les dangers de guerre nucléaire à plusieurs moments, elle a également brisé la capacité (et la volonté) de l'Union soviétique de poursuivre la compétition.

    En ce qui concerne la proposition de l'encyclique pour le développement d'une "autorité publique universelle" capable de traiter les questions d'importance mondiale, les incapacités et les corruptions dont les Nations Unies ont fait preuve depuis la publication de Pacem in Terris, notamment dans la défense des droits de l'homme fondamentaux, ont soulevé de sérieuses questions quant à la faisabilité (et même à l'opportunité) d'une telle entreprise.

    L'importance accordée par Jean XXIII aux droits de l'homme dans la vie publique internationale a été validée par la révolution des consciences - la révolution des droits de l'homme - que son troisième successeur, Jean-Paul II, a déclenchée en Europe centrale et orientale en 1979 : une révolution qui a été un autre facteur clé dans l'effondrement non violent du communisme européen. Mais ni l'Église ni la politique mondiale n'ont été bien servies par la tendance de Pacem in Terris à qualifier de "droit de l'homme" pratiquement tous les souhaits politiques, sociaux et économiques : une tendance qui est devenue par la suite une tentation irrésistible pour le Saint-Siège dans son discours sur la politique mondiale.

    Dans son commentaire de l'encyclique, le grand théologien jésuite John Courtney Murray a affirmé que la notion de communauté politique idéale de Jean XXIII - que Murray a décrite comme "l'homme libre sous un gouvernement limité" - était tirée de Thomas d'Aquin. Pourtant, si Pacem in Terris tire une partie de son inspiration du Docteur Angélique, où trouve-t-on dans l'encyclique des échos d'Augustin, cet autre grand maître de la théorie politique catholique classique ? Certains ont demandé si le pape était suffisamment conscient de l'étendue de la folie politique humaine et des dangers de tyrannie inhérents aux visions utopiques de la perfectibilité humaine, comme l'était certainement Augustin.

    Une vision noble et inspirante, une analyse inadéquate des obstacles à la réalisation de cette vision : tel semble être le jugement raisonnable porté sur Pacem in Terris à l'occasion de son soixantième anniversaire.

    La chronique de George Weigel intitulée "La différence catholique" est publiée par le Denver Catholic, la publication officielle de l'archidiocèse de Denver.

    George Weigel est Distinguished Senior Fellow du Ethics and Public Policy Center de Washington, D.C., où il est titulaire de la William E. Simon Chair in Catholic Studies.

  • Les conflits d'intérêts entre juges et ONG persistent à la Cour européenne des droits de l'homme

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    Conflits d'intérêts à la CEDH

    Madame, Monsieur,

    Les conflits d’intérêts persistent à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). À cela s’ajoutent d’autres dysfonctionnements.

    C’est ce que révèle le rapport que l’ECLJ publie aujourd’hui : « L’impartialité de la CEDH, problèmes et recommandations ». Ce nouveau rapport poursuit et approfondit l’analyse entreprise en 2020 sur les conflits d’intérêts à la CEDH.

    L’ECLJ révélait alors l’existence d’un problème structurel de conflits d’intérêts au sein de cette Cour. Il démontrait que, entre 2009 et 2019, 18 juges ont jugé à 88 reprises des affaires introduites ou soutenues par sept ONG dont ils ont précédemment été dirigeants ou collaborateurs. Parmi ces ONG, l’Open Society se distingue par le fait que la majorité des juges en cause lui est liée, et qu’elle finance les six autres ONG.

    En réponse à ce rapport de 2020, dont la véracité et le bien fondé ont été reconnus, la CEDH et le Conseil de l’Europe ont entrepris de corriger certains aspects du système et de proposer des mesures pour améliorer la sélection, l’indépendance et l’impartialité des juges de la Cour, ainsi que la transparence de l’action des ONG. L’ECLJ se félicite de ces premiers résultats.

    Cependant, notre nouveau rapport constate que les cas de conflits d’intérêts entre juges et ONG persistent, et ont même augmenté. Rien que sur les trois dernières années, de 2020 à 2022, l’ECLJ a constaté 54 situations de conflits d’intérêts, dont 18 pour des jugements de Grande Chambre, les décisions les plus importantes rendues par la CEDH.

    Ces conflits concernent 12 juges de la CEDH sur les 46 qui la composent. Ils ont siégé à 54 reprises dans des affaires introduites ou soutenues par la fondation ou l’ONG qu’ils ont fondée, dirigée, ou avec laquelle il ont précédemment collaboré. Il s’agit de : Amnesty InternationalHuman Rights WatchOpen Society FoundationInterights, un Comité ou une Fondation Helsinki, A.I.R.E. Centre et la Commission Internationale des Juristes.

    Ce sont des situations de conflits d’intérêts manifestes contraires aux règles élémentaires de la déontologie judiciaire et mettant en cause l’impartialité de la Cour. Ces juges auraient dû se récuser. Plus encore, la Cour a plusieurs fois refusé de donner suite à des demandes de récusation formulées par un gouvernement concernant des requêtes introduites par l’ONG fondée par l’un des juges.

    Lire « L’impartialité de la CEDH - Problèmes et recommandations »

    Outre ces cas de conflits d’intérêts, le présent rapport expose une série de problèmes structurels affectant la Cour en matière d’impartialité et démontrant que celle-ci n’est pas au niveau des exigences des autres grandes juridictions internationales et nationales. Ainsi, entre autres, les problèmes d’impartialité s’observent également au sein du greffe de la Cour ; la CEDH ne prévoit pas de procédure de récusation, les juges ne publient pas de déclarations d’intérêts, et le traitement des affaires est marqué par l’opacité, ce qui porte atteinte au droit à un procès équitable. Il apparaît aussi que certains juges ont un peu trop embelli leur curriculum vitae et n’ont pas toujours la qualification attendue pour la juridiction la plus élevée d’Europe.

    Lire « L’impartialité de la CEDH - Problèmes et recommandations »

    À la suite de ces constats objectifs et fondés sur les données publiques du Conseil de l’Europe, ce rapport présente une série de recommandations précises permettant de répondre aux problèmes identifiés. Elles ont été analysées et approuvées par plusieurs juges et juristes de la Cour. L’ECLJ les remercie pour leur collaboration, et espère que ce nouveau rapport contribuera à davantage de justice, car la Cour européenne devrait être exemplaire et respecter les normes qu’elle-même impose aux juridictions nationales en matière d’impartialité.

    Le présent rapport démontre que tel n’est pas le cas à ce jour. Cela est dû, notamment, au fait que la CEDH n’est soumise au contrôle d’aucune instance judiciaire susceptible de constater ses dysfonctionnements. Les gouvernements n’ont pas voulu effectuer ce contrôle jusqu’à présent, par respect pour l’indépendance de la Cour. Il échoit donc à la société civile d’assumer ce travail de contrôle extérieur et de lanceur d’alerte et c’est ce qu’a entrepris l’ECLJ.

    Il est donc essentiel que vous partagiez ces informations à vos proches et à vos élus afin que la notoriété de ces faits oblige la Cour à se réformer. Merci pour votre aide !

    Voici le lien à partager : https://eclj.org/echr-impartiality-concerns-and-recommendations?lng=fr

  • Un nouveau "non" décisif du Vatican aux réformateurs allemands

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    Lu sur The Tablet (Christa Pongratz-Lippitt) :

    Un nouveau "non" décisif du Vatican pour les réformateurs allemand

    Le Vatican a souligné que les laïcs catholiques ne peuvent pas participer à l'élection d'un évêque et a ainsi rejeté une autre proposition de réforme de l'initiative synodale allemande.

    En septembre dernier, l'archidiocèse allemand de Paderborn a repris la proposition de réforme de l'initiative synodale intitulée "Participation des fidèles à la nomination de l'évêque diocésain". Par tirage au sort, il a désigné 14 laïcs catholiques qui se joindront aux 14 membres du chapitre cathédral pour sélectionner une liste de candidats que le chapitre soumettra au Pape.

    Le mode de nomination des évêques dans les diocèses allemands diffère selon les règles fixées dans les concordats entre les différents États allemands et le Saint-Siège.

    À Paderborn, les 14 membres du chapitre cathédral établissent une liste de candidats possibles et la soumettent au Vatican, qui choisit trois noms dans la liste et les renvoie à Paderborn. Le chapitre choisit alors l'un des trois candidats comme archevêque.

    Le 12 avril, les 14 membres laïcs de Paderborn ont reçu une lettre du prévôt de la cathédrale, le père Joachim Göbel, les informant qu'afin de garantir la légalité de l'élection épiscopale, le Vatican ne pouvait les autoriser à y participer.  Le nonce apostolique en Allemagne, l'archevêque Nikola Eterovic, avait transmis le message du Vatican, qui avait été "absolument clair" à ce sujet, a souligné Joachim Göbel dans sa lettre.

    Joachim Göbel a regretté la décision du Vatican. Une majorité des membres du chapitre de Paderborn s'était prononcée en faveur de l'élargissement du droit de vote aux fidèles laïcs. L'archevêché est vacant depuis le 1er octobre (2022), date à laquelle l'archevêque Hans-Josef Becker a pris sa retraite à l'âge de 75 ans. Mgr Becker est un fervent partisan de l'initiative synodale allemande pour la réforme de l'Église et approuve pleinement la participation des laïcs à la nomination épiscopale.

    Paderborn a joué un rôle de pionnier et a été suivi de près par tous les diocèses allemands, car il a été le premier diocèse à devenir vacant après la décision du chemin synodal de réformer les nominations épiscopales.

    Le fait que le Vatican ait désormais expressément interdit la participation des laïcs aux nominations épiscopales aura un effet de signal sur les autres diocèses allemands. Fin mars, le diocèse d'Osnabrück est devenu vacant lorsque le pape a accepté la démission de l'évêque Franz-Josef Bode. Mgr Bode était également très favorable à la participation des fidèles laïcs à la nomination d'un nouvel évêque.

  • Les conservateurs anglicans mobilisés contre la bénédiction des unions homosexuelles

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    Lu sur abc NEWS :

    Les conservateurs anglicans se réunissent au Rwanda au sujet des LGBTQ

    18 avril 2023

    KIGALI, Rwanda - Des centaines de dirigeants conservateurs anglicans de 52 pays se réunissent au Rwanda au milieu d'un désaccord sur le soutien de l'Église aux unions entre personnes du même sexe.

    La conférence de Kigali, la capitale rwandaise, a été convoquée sous les auspices du Global Fellowship of Confessing Anglicans (GAFCON), un groupe formé en 2008 qui prône l'orthodoxie au sein de la communion anglicane mondiale.

    Cette réunion intervient deux mois après la décision de l'Église d'Angleterre de bénir les mariages civils de couples de même sexe. Les ecclésiastiques d'Afrique font partie de ceux qui continuent d'exprimer leur inquiétude.

    "Nous sommes ici pour que la Bible soit au centre de tout", a déclaré mardi à l'AP l'archevêque rwandais Laurent Mbanda.

    La décision de l'Église d'Angleterre de bénir les unions homosexuelles a créé une "énorme confusion" et pourrait être le "dernier clou du cercueil dans l'héritage déjà divisé de l'Église anglicane", a déclaré M. Mbanda.

    Les divisions se sont aggravées ces dernières années lorsque les évêques conservateurs, notamment d'Afrique et d'Asie, ont affirmé leur opposition à l'inclusion des LGBTQ et exigé la "repentance" des provinces plus libérales qui ont adopté des politiques d'inclusion.

    Le secrétaire général du GAFCON, l'archevêque Ben Kwashi du Nigeria, a déclaré dans un communiqué que la nouvelle position de l'Église d'Angleterre sur les mariages civils était "troublante pour de nombreux anglicans".

    "Nous ne cherchons pas la division, mais nous voulons plutôt faire avancer la mission de Dieu dans le monde", précise le communiqué.

    La conférence du GAFCON, qui comprend des études bibliques et d'autres séminaires, se terminera le 21 avril.

    Le président de la GAFCON, le primat américain Foley Beach, a déclaré lors de l'ouverture lundi que son groupe "ne peut plus reconnaître" Justin Welby, l'archevêque de Canterbury, comme le chef spirituel de la Communion anglicane.

    "Il a ajouté : "Vous joindrez-vous à nous pour prier pour Justin Welby et les évêques qu'il dirige ? "Vous et moi devons nous repentir, redevenir chrétiens et suivre Jésus-Christ.

    M. Welby a déjà reconnu l'existence de "profonds désaccords" entre les provinces, tout en les exhortant à essayer de "marcher ensemble".

  • Le foetus à 18 semaines de grossesse

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    Au moment où nos représentants (?) envisagent de légaliser l'avortement jusqu'à 18 semaines, il est utile de se remémorer ce qu'est un petit d'homme en gestation dans le sein maternel à ce moment :

    Vu sur le site "Doctissimo" :

    Le fœtus à 18 semaines de grossesse

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    Et, sur le site "Naître et grandir :

    Semaine 18 : Un garçon ou une fille?

    À ce point de la grossesse, on remarque que la proportion entre la tête et le corps du foetus a changé : la tête est à présent plus petite que le reste du corps.

    La circulation sanguine atteint maintenant les extrémités, ce qui fait en sorte que le foetus bouge beaucoup plus! Il se déplace dans l’utérus, se retourne, remue les bras et les jambes, touche ses orteils, son visage, etc. Il se peut que vous perceviez de très légers mouvements ressemblant à une petite vague.

    De plus, une gaine graisseuse (la myéline) s’installe autour des nerfs et protège les fibres nerveuses, un peu comme une gaine de plastique autour d’un fil électrique. Elle sert à conduire les influx nerveux, c’est-à-dire l’information échangée entre le système nerveux central (cerveau et moelle épinière) et le système nerveux périphérique.

    Bientôt, ce sera au tour des cellules du système nerveux central, notamment celles du cerveau, d’être enveloppées de myéline. Ce sera le signe que des liens se créent et que les réseaux de neurones se consolident.

    La rétine des yeux est maintenant sensible à la lumière. Si on projette une lumière assez forte sur le ventre de la mère, le foetus s’en détournera et couvrira ses yeux.

    L’échographie a lieu vers la 18e à la 20e semaine. La principale fonction de cet examen est de s’assurer que les organes du foetus se développent bien (coeur, reins, système nerveux central, etc.). On peut également voir le sexe du bébé, car s’il s’agit d’un garçon le pénis est maintenant visible. Chez les bébés filles, la vulve ainsi que l’utérus sont visibles.

    À la fin de la 18e semaine (ou de la 16e semaine de fécondation), le foetus mesure environ 14 cm de la tête au coccyx et pèse autour de 200 g.

    ... et beaucoup d'autres informations en faisant la recherche sur google